Texte intégral
Q - Pensez-vous que les 35 heures pour les cadres vont être remises en question et que préconisez-vous à ce sujet ?
R - La CGT-Force ouvrière considère qu'il ne saurait être question de revenir en arrière sur les 35 heures, que ce soit pour les cadres comme pour les employés. Nous ne pouvons pas oublier que les salariés ont été dans la majorité des cas contraints à accepter le gel des salaires sur 2 années au moins à quoi s'ajoute la flexibilité des horaires, une hausse du stress, etc. Et pour les cadres dans leur grande majorité les 35 heures ne se sont pas traduites par une baisse du volume du travail. Un représentant patronal a pu dire "vous allez travailler moins mais plus vite !". Récemment, un DRH nous confiait qu'il avait été étonné de constater que dans son entreprise, les cadres avaient majoritairement opté pour le forfait de jours de congés supplémentaires plutôt que pour la réduction d'horaire !
Les cadres avaient anticipé, bien entendu, que la flexibilité accrue des horaires leur retomberait finalement sur le dos. Difficile de refuser d'aller voir le patron parce qu'on est sur le point de partir ou d'arriver en retard à une réunion pour cause de RTT. On découvre maintenant que les 35 heures ont changé la relation entre l'encadrement et l'entreprise. Dans ces conditions, il serait inadmissible de revenir en arrière, surtout si l'on considère que dans le même temps, les employeurs n'envisagent pas de renoncer aux aides à l'emploi prévues dans les lois Aubry.
Q - Que pensez-vous de la possibilité de proposer aux cadres une augmentation de leur temps de travail assortie d'une augmentation de salaire ?
R - Dans les faits, cela revient à leur demander d'abandonner des jours de congé contre une compensation Or, ces congés sont prévus par la loi. Nous ne souhaitons pas qu'une négociation puisse les remettre en cause. De fait, il apparaît que peu d'entreprises sont réellement tentées par une remise en cause radicale.
Nous observons également que le coût horaire du travail en France est dans la moyenne des pays développés sauf si l'on tient compte des nouveaux membres de l'Union. D'ailleurs les entreprises du CAC 40 ont réalisé de confortables bénéfices en début d'année, preuve que les entreprises n'ont pas si mal "digéré" que cela les 35 heures.
Nous notons enfin que plusieurs études récentes font état d'un accroissement substantiel des pathologies dues au travail et que dans celles-ci, le stress occupe une part importante. Il est donc dangereux de tirer encore sur la ficelle au risque d'attiser les conflits potentiels au sein des entreprises.
Q - À votre avis, la loi sur les 35 heures appliquées aux cadres pèse-t-elle sur la compétitivité de nos entreprises ?
R - Il n'y a pas d'études qui corroborent cette question. La compétitivité ne se résume pas seulement à des coûts horaires. Depuis une décennie, le taux de rentabilité exigé par les actionnaires des entreprises a explosé. À la longue, cela compromet largement plus l'avenir des entreprises que les quelques jours de congés supplémentaires pris par un encadrement à qui on demande toujours plus.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 8 octobre 2004)
SUD OUEST du 16 septembre 2004
Q - Faut-il réformer les 35 heures, qui, après avoir créé des emplois, seraient aujourd'hui économiquement néfastes ?
Jean-Claude Mailly : Certainement pas. Même si nous avions émis des critiques à l'époque, non pas sur les 35 heures mais sur la manière dont elles avaient été mises en place. Car les salariés se sont payé les 35 heures, par de la modération salariale et par un supplément de flexibilité. Il est donc inacceptable qu'elles soient remises en cause. Nous ne considérons pas qu'elles sont un frein à la compétitivité. D'abord parce qu'elles s'accompagnent d'exonérations de charges patronales, que les entreprises allemandes, elles, n'ont pas obtenues, ensuite parce qu'elles ont permis, grâce à la flexibilité, des gains de productivité.
Les compensations accordées aux patrons français, notamment en matière de salaires, font que nous ne pouvons tolérer de nouveaux assouplissements après ceux octroyés par la loi Fillon. La mutualisation des heures supplémentaires, par exemple, créerait des inégalités inadmissibles entre les salariés d'une même entreprise. Si on rouvre les négociations sur les assouplissements, nous remettrons également en question la flexibilité et l'annualisation. Le gouvernement est prévenu.
Q -Et si certains veulent gagner plus ?
Jean-Claude Mailly : Il est fallacieux de prétendre que les salariés veulent travailler plus pour avoir plus de pouvoir d'achat. Ils souhaitent du pouvoir d'achat, c'est vrai, mais pas en travaillant davantage. C'est une nécessité sociale et économique.
Q - Le gouvernement peut-il légiférer sur le service minimum sans remettre en question le droit de grève ?
Jean-Claude Mailly : Nous avons dit à Gilles de Robien de laisser se dérouler les négociations dans les entreprises concernées. Il faut utiliser la voie du dialogue social. Si le gouvernement prenait des dispositions législatives, il s'attaquerait au droit de grève. Cela reviendrait à n'accepter que des grèves qui ne gênent personne.
En outre, cette question ne concerne pas que la fonction publique, comme on a tendance à le dire. Dans les transports urbains, beaucoup d'entreprises privées sont en concession avec les collectivités locales. Cela signifie que des salariés du privé seraient aussi affectés par la mise en place du service minimum obligatoire. Nous craignons qu'au-delà du secteur des transports, le gouvernement ne veuille restreindre le droit de grève en général. Y compris le droit de grève dit de solidarité ou droit de grève interprofessionnel. Lequel fait partie, en France, des libertés démocratiques.
Q - La Confédération européenne des syndicats, à laquelle FO adhère, s'est prononcée pour la Constitution européenne. Etes-vous également pour le oui?
Jean-Claude Mailly : Nous allons précisément en discuter à Bordeaux. Je dis simplement que le calendrier syndical n'est pas obligatoirement le même que le calendrier politique. FO est très critique sur les modalités de la construction européenne depuis une dizaine d'années, parce qu'elle fait la part belle au libéralisme économique et qu'elle est insuffisante sur le plan social.
La Confédération européenne des syndicats, dont FO est l'un des membres fondateurs, a pris une position dans une instance restreinte. Nous, nous insistons pour que la CES soit plus combative et plus revendicative qu'elle ne l'est. Pour ce qui est de la Constitution, nous ne nous sentons pas engagés par la prise de position de la CES.
Propos recueilli par Frank De Bondt
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 17 septembre 2004)
R - La CGT-Force ouvrière considère qu'il ne saurait être question de revenir en arrière sur les 35 heures, que ce soit pour les cadres comme pour les employés. Nous ne pouvons pas oublier que les salariés ont été dans la majorité des cas contraints à accepter le gel des salaires sur 2 années au moins à quoi s'ajoute la flexibilité des horaires, une hausse du stress, etc. Et pour les cadres dans leur grande majorité les 35 heures ne se sont pas traduites par une baisse du volume du travail. Un représentant patronal a pu dire "vous allez travailler moins mais plus vite !". Récemment, un DRH nous confiait qu'il avait été étonné de constater que dans son entreprise, les cadres avaient majoritairement opté pour le forfait de jours de congés supplémentaires plutôt que pour la réduction d'horaire !
Les cadres avaient anticipé, bien entendu, que la flexibilité accrue des horaires leur retomberait finalement sur le dos. Difficile de refuser d'aller voir le patron parce qu'on est sur le point de partir ou d'arriver en retard à une réunion pour cause de RTT. On découvre maintenant que les 35 heures ont changé la relation entre l'encadrement et l'entreprise. Dans ces conditions, il serait inadmissible de revenir en arrière, surtout si l'on considère que dans le même temps, les employeurs n'envisagent pas de renoncer aux aides à l'emploi prévues dans les lois Aubry.
Q - Que pensez-vous de la possibilité de proposer aux cadres une augmentation de leur temps de travail assortie d'une augmentation de salaire ?
R - Dans les faits, cela revient à leur demander d'abandonner des jours de congé contre une compensation Or, ces congés sont prévus par la loi. Nous ne souhaitons pas qu'une négociation puisse les remettre en cause. De fait, il apparaît que peu d'entreprises sont réellement tentées par une remise en cause radicale.
Nous observons également que le coût horaire du travail en France est dans la moyenne des pays développés sauf si l'on tient compte des nouveaux membres de l'Union. D'ailleurs les entreprises du CAC 40 ont réalisé de confortables bénéfices en début d'année, preuve que les entreprises n'ont pas si mal "digéré" que cela les 35 heures.
Nous notons enfin que plusieurs études récentes font état d'un accroissement substantiel des pathologies dues au travail et que dans celles-ci, le stress occupe une part importante. Il est donc dangereux de tirer encore sur la ficelle au risque d'attiser les conflits potentiels au sein des entreprises.
Q - À votre avis, la loi sur les 35 heures appliquées aux cadres pèse-t-elle sur la compétitivité de nos entreprises ?
R - Il n'y a pas d'études qui corroborent cette question. La compétitivité ne se résume pas seulement à des coûts horaires. Depuis une décennie, le taux de rentabilité exigé par les actionnaires des entreprises a explosé. À la longue, cela compromet largement plus l'avenir des entreprises que les quelques jours de congés supplémentaires pris par un encadrement à qui on demande toujours plus.
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 8 octobre 2004)
SUD OUEST du 16 septembre 2004
Q - Faut-il réformer les 35 heures, qui, après avoir créé des emplois, seraient aujourd'hui économiquement néfastes ?
Jean-Claude Mailly : Certainement pas. Même si nous avions émis des critiques à l'époque, non pas sur les 35 heures mais sur la manière dont elles avaient été mises en place. Car les salariés se sont payé les 35 heures, par de la modération salariale et par un supplément de flexibilité. Il est donc inacceptable qu'elles soient remises en cause. Nous ne considérons pas qu'elles sont un frein à la compétitivité. D'abord parce qu'elles s'accompagnent d'exonérations de charges patronales, que les entreprises allemandes, elles, n'ont pas obtenues, ensuite parce qu'elles ont permis, grâce à la flexibilité, des gains de productivité.
Les compensations accordées aux patrons français, notamment en matière de salaires, font que nous ne pouvons tolérer de nouveaux assouplissements après ceux octroyés par la loi Fillon. La mutualisation des heures supplémentaires, par exemple, créerait des inégalités inadmissibles entre les salariés d'une même entreprise. Si on rouvre les négociations sur les assouplissements, nous remettrons également en question la flexibilité et l'annualisation. Le gouvernement est prévenu.
Q -Et si certains veulent gagner plus ?
Jean-Claude Mailly : Il est fallacieux de prétendre que les salariés veulent travailler plus pour avoir plus de pouvoir d'achat. Ils souhaitent du pouvoir d'achat, c'est vrai, mais pas en travaillant davantage. C'est une nécessité sociale et économique.
Q - Le gouvernement peut-il légiférer sur le service minimum sans remettre en question le droit de grève ?
Jean-Claude Mailly : Nous avons dit à Gilles de Robien de laisser se dérouler les négociations dans les entreprises concernées. Il faut utiliser la voie du dialogue social. Si le gouvernement prenait des dispositions législatives, il s'attaquerait au droit de grève. Cela reviendrait à n'accepter que des grèves qui ne gênent personne.
En outre, cette question ne concerne pas que la fonction publique, comme on a tendance à le dire. Dans les transports urbains, beaucoup d'entreprises privées sont en concession avec les collectivités locales. Cela signifie que des salariés du privé seraient aussi affectés par la mise en place du service minimum obligatoire. Nous craignons qu'au-delà du secteur des transports, le gouvernement ne veuille restreindre le droit de grève en général. Y compris le droit de grève dit de solidarité ou droit de grève interprofessionnel. Lequel fait partie, en France, des libertés démocratiques.
Q - La Confédération européenne des syndicats, à laquelle FO adhère, s'est prononcée pour la Constitution européenne. Etes-vous également pour le oui?
Jean-Claude Mailly : Nous allons précisément en discuter à Bordeaux. Je dis simplement que le calendrier syndical n'est pas obligatoirement le même que le calendrier politique. FO est très critique sur les modalités de la construction européenne depuis une dizaine d'années, parce qu'elle fait la part belle au libéralisme économique et qu'elle est insuffisante sur le plan social.
La Confédération européenne des syndicats, dont FO est l'un des membres fondateurs, a pris une position dans une instance restreinte. Nous, nous insistons pour que la CES soit plus combative et plus revendicative qu'elle ne l'est. Pour ce qui est de la Constitution, nous ne nous sentons pas engagés par la prise de position de la CES.
Propos recueilli par Frank De Bondt
(Source http://www.force-ouvriere.org, le 17 septembre 2004)