Texte intégral
Mesdames, messieurs, je suis venu en ami, ami des Etats-Unis et amis de la France, ami de chacune et chacun d'entre vous et notamment ami d'Axel Poniatowski. Je voudrais remercier A. Poniatowski de cette initiative, de cette organisation, un colloque important pour mieux se comprendre. A. Poniatowski consacre beaucoup de son intelligence et de son engagement à cette compréhension avec le groupe parlementaire ici à l'assemblée comme Paul Girod au Sénat et je voudrais dire aussi que cette compréhension est très utile et qu'elle exige un effort de pédagogie. Chacun a apprécié le livre qu'A. Poniatowski a écrit sur le sujet pour nous inciter à mieux nous comprendre pour faire face à ces devoirs communs qui nous sont, au fond, imposés par les chiffres qui ont été prononcés à l'instant en conclusion par A. Poniatowski. Je salue les personnalités qui sont ici présentes, les élus, je salue le ministre Renaud Donnedieu de Vabres, et je vous dis aux uns aux autres ma gratitude pour vous être mobilisés sur ce sujet très important. Ce thème qui a occupé vos travaux aujourd'hui est en effet tout à fait essentiel. Il fait l'objet de réflexions multiples, parfois contrastées, en France, en Europe et aux Etats-Unis. Ce colloque vient donc à point nommé et je me réjouis que vous ayez pu multiplier les regards ainsi au cours de cette journée, parce qu'au fond la passion est souvent injectée dans ce débat et elle conduit parfois à l'excès. J'observe que nos amis souvent à l'étranger voient là une caractéristique de la France, cette passion française qui pourrait égarer quelquefois notre jugement. Nous savons que c'est faux, mais c'est aussi peut-être la reconnaissance de ce caractère unique des relations entre la France et les Etats-Unis qui sont sujets de passion. Il faut garder dans ce débat un peu de perspective et d'histoire, mais aussi de nuances, de mesures et de goût de l'avenir et de sens de nos responsabilités. Au moment où le président Bush, après son investiture, s'apprête à nouveau à engager son action au service de son pays, il nous faut réfléchir ensemble à tout ce qui peut nous rassembler et essayer de voir comment nous pouvons surmonter les difficultés, notamment en parlant de nos valeurs, en parlant de nos intérêts et en parlant de la coopération transatlantique et du multilatéralisme. Nos valeurs communes, nos différences, vous les avez sans doute développées, je vais être rapide, mais je voudrais quand même dire qu'à observer certains commentaires qui sont présents dans le débat public, on pourrait imaginer à première vue que l'Europe et l'Amérique font partie de deux univers étrangers. C'est une vision sommaire, même si ces messages, on les entend aussi aux Etats-Unis et font l'objet de commentaires américains. Certains s'en sont pris à l'Europe pour dénoncer un continent prétendument avachi et craintif ; je fais référence là aux propos de Kagan. D'autres s'en prennent à l'Amérique du côté européen et voudraient voir dans son modèle un modèle dépassé et voir combien ce pays-monde pourrait finalement exprimer des ambitions qui s'éloigneraient de ces valeurs humanistes initiales. Je crois qu'il ne faut pas opposer ces modèles et si le modèle européen est fait de cohésion et de solidarité et que le monde anglo-saxon valorise la concurrence, cette concurrence n'est pas insensible au sort des hommes et le modèle européen a lui aussi beaucoup de défis à relever. Il est clair qu'il y a là une part de vérité mais que ce n'est pas toute la vérité. Ce qui est vrai c'est que le peuple américain et la nation américaine se sont constitués en divergences, en distances, en voyages par rapport à l'Europe d'où fuyaient les émigrants contre les Eglises institutionnelles qui avaient tendance à gouverner les consciences contre le système de pouvoir monarchique, contre certaines formes d'organisations hiérarchiques de la société. La nation américaine en a conservé cette méfiance vis-à-vis de l'Etat et vis-à-vis des contraintes collectives. Elle a conservé cette primauté accordée à l'épanouissement de l'individu. L'Europe, pour la plus grande part du moins, a gardé la mémoire de ses conflits intérieurs, de ses terribles épisodes où la cohésion des sociétés et des nations était en jeu. La guerre a ouvert les écluses du mal en Europe et a conduit l'Europe à s'assumer en communauté de destin. Elle a été précipitée à plusieurs reprises dans ses gouffres et sa survie lui a imposé la reconstruction de ses sociétés et a fait de la cohésion une exigence. Ces expériences historiques différentes fondent-elles autant une altérité radicale entre l'Europe et l'Amérique, l'Amérique et la France ? A-t-on oublié ce qui, à la fin du XVIIIe siècle, a uni les pensées américaines et françaises portant ensemble les idéaux des lumières, laissant germer ensemble deux révolutions qui, chacune, ont eu une influence majeure, forte et puissante, sur leur temps et bien au-delà ? Oublie-t-on la passion commune pour les droits de l'homme, le choix de la règle de droit contre l'arbitraire qui, ensemble, structurent nos systèmes politiques et donc nos sociétés ? L'expression de ces valeurs, l'attachement à ces valeurs, ne veut pas dire que toute interprétation de part et d'autre de l'Atlantique est faite selon les mêmes principes et sans nuances, mais elle nous rassemble. Evidemment en Europe nous avons une appréciation d'un certain nombre de ces valeurs qui, par exemple, en ce qui concerne la solidarité, passe naturellement par l'Etat et les collectivités publiques qui sont porteurs du destin commun des citoyens. Pour les Américains, l'Etat et les collectivités publiques ne sont pas le porteur principal du destin commun. Cela ne veut pas dire que nous n'avons pas forcément la même recherche de destination, même si quelquefois nous prenons des chemins différents. Ce n'est pas pour autant que la notion de solidarité est absente de la société américaine. Elle s'exprime autrement par des communautés de proximité, par des Eglises, par l'obligation morale qui s'impose à chaque individu à qui la fortune a souri et ainsi lui permet de léguer une part de ses biens à une fondation. D'autres logiques de solidarité exigent, et n'ayons pas cette forme d'ethnocentrisme sur la solidarité d'un pays à l'autre, cherchons plutôt à voir comment les processus de solidarité sont de part et d'autre de l'Atlantique, assumés. De même le rapport aux religions est on ne peut plus différent. Là où en Europe et particulièrement ici, dans mon pays, nous privilégions la sphère privée pour l'expression de la spiritualité, le peuple américain lui n'hésite pas à une affirmation ouverte et quotidienne de sa foi. C'est vrai qu'il n'est pas dans nos habitudes de commencer nos discours ici en disant que nous appelons Dieu au secours. C'est vrai que ceci n'est pas dans une forme qui correspond à notre expression traditionnelle de la foi mais ce n'est pas pour cela qu'il ne faut pas penser que la laïcité n'a pas de sens qui peuvent se rapprocher, même s'il y a évidemment des expressions différentes de la liberté des choix de la personne et de la vie d'un socle qui est commun en ce qui concerne les valeurs. Alors évidemment, je le dis franchement, je m'autorise à préférer pour la France et les Français nos propres choix sociaux, notre propre manière d'exprimer notre identité et notre projet commun. Comment pourrait-il en être autrement ? Mais je ne m'autorise pas en revanche à porter un jugement sur le choix des autres, sur ceux en l'espèce qui sont les choix du peuple ami, du peuple américain. Si l'on peut admirer en France le dynamisme économique américain, je suis heureux qu'en Amérique l'on puisse se rendre compte et respecter la logique des choix européens en sautant au-delà de certains préjugés, de certaines caricatures. Si l'on peut reconnaître côté américain que le modèle social européen n'empêche pas l'excellence économique et côté européen que la vitalité américaine ne trahit pas la générosité, nous aurons fait déjà un énorme progrès dans la compréhension les uns des autres. Ces deux caricatures sont, au fond, assez inacceptables. Il est clair que le modèle social européen peut atteindre l'excellence économique. Nous le voyions récemment dans un domaine qui est celui de l'aéronautique, mais ça ne veut pas dire que nous sommes forcément les champions mondiaux toutes catégories de tout projet industriel, de tout projet économique et scientifique. En revanche de même les Américains n'ont pas un système performant qui pourrait s'exprimer en permanence à condition qu'il soit sans cur et sans attention à l'autre. Cessons ces caricatures qui nous éloignent et qui nous empêchent de traiter les vrais sujets. Dans ce débat entre les Etats-Unis et la France, je ne voudrais pas que l'on mésestime - c'est une périphérie à votre débat, cher Axel - mais je crois qu'il est important de le dire : il ne faut pas mésestimer l'identité politique du Royaume Uni, car très souvent on fait du Royaume Uni un espace dans lequel on fait jouer au Royaume Uni un rôle, de part et d'autre, qui laisserait penser que ce pays et ses dirigeants n'ont pas ni leur stratégie ni leur propre identité politique. Je ne crois pas cela. Je voudrais dire ici que je crois très sincèrement que Tony Blair est profondément européen. Evidemment il a toute une histoire à assumer, il a des liens à conforter, mais ses choix européens sont clairs et il a naturellement le peuple britannique à convaincre et donc nous devons l'aider dans cet effort de conviction mais je ne doute pas de la vision européenne de T. Blair. Je mesure les difficultés, chaque pays a ses propres difficultés, mais je ne doute pas de cette perspective européenne et je pense que le moment venu il saura convaincre les Britanniques de voter le projet de constitution. Et sur le plan politique il a montré ses talents et là aussi il y a des choses qui sont peut-être tirées des deux rives de l'Atlantique, qui sont utiles, c'est notamment sur le plan politique donc la capacité à concrétiser ce concept de troisième voix en dépassant certains clivages politiques, clivages nés du traditionnel débat droite / gauche. Il y a là un élément important dans notre dialogue entre la France et l'Amérique que personne ne prenne le Royaume Uni en otage. Je ne crois pas non plus à l'opposition fondamentale qu'il pourrait y avoir en ce qui concerne nos intérêts. Il est évident qu'entre la France et l'Amérique, les Etats-Unis, nous avons, au lendemain de la seconde guerre mondiale, construit une relation transatlantique avec une communauté fondamentale d'intérêt et je voudrais, sans rappeler toutes les étapes, sans rappeler San Francisco, sans rappeler la hauteur de vue de Churchill et Roosevelt, de la création de l'ONU, le traité de Washington, tout ce qui a pu nous rassembler - le plan Marshall, Bretton Woods et naturellement l'engagement militaire - tout ceci nous a profondément rapprochés, tout ceci nous a permis d'envisager un avenir de ce dialogue transatlantique en donnant à l'Europe une perspective sans laquelle toute discussion d'avenir eut été vaine. La fin de la guerre froide a ensuite ôté à cette relation transatlantique finalement ce qu'était son moteur d'origine, la nécessité de faire face ensemble à une menace identifiée. Au fond il y a eu cette étape de la reconstruction portée par le plan Marshall après ce sang donné par les Américains à la liberté de l'Europe. Il y a eu cet élan de développement et puis ensuite il y a eu cette menace commune qui nous a liés, évidemment, dans notre perspective de vision commune, mais je pense qu'aujourd'hui nous avons de multiples occasions de voir qu'il est possible que les intérêts communs soient en permanence renouvelés. Et notamment au lendemain de la chute de l'URSS, nous avons vu en Europe de nombreuses difficultés, notamment dans les Balkans, et l'alliance atlantique a contribué à restaurer la paix, notamment quand dans le sud-est de l'Europe, les guerres étaient particulièrement brutales et particulièrement incohérentes avec le projet européen. D'une alliance au fond qui était une alliance de pure défense, on passait alors à une alliance d'action en même temps que l'Union européenne affirmait sa politique européenne de défense et de sécurité, je crois qu'il y avait là une forme d'homothétie, une forme de parallélisme, qui a été importante parce que ça nous a permis de construire une forte expérience de coopération euro-américaine dans la gestion des crises et ceci s'est développé d'une part par nos efforts de défense au niveau européen, par nos progrès mais aussi par la capacité que nous avons eu de développer l'alliance atlantique notamment avec les nouveaux pays qui ont vu dans l'alliance atlantique un espoir considérable. Je me souviens de dirigeants venus de l'Est et dans les premiers jours de leur liberté qui confondaient le concept d'OTAN et d'Europe et pour lequel c'était le même espoir, c'était la même perspective, c'était le camp de la liberté, et au fond ils voulaient là adhérer à ce camp-là et donc tout ce qu'il pouvait y avoir comme nuance organisationnelle importante mais qui ne touchait pas à cet idéal de perspective de liberté n'était pas compris par ces nouveaux pays. Nous avons pu faire preuve sur le terrain, notamment en Afghanistan dans le cadre défini par les Nations unies, combien les Américains et les Européens étaient capables ensemble de fournir le gros des forces qui ont permis la restauration progressive de la stabilité en aboutissant aux élections dont le succès a été justement salué. Pour ce qui est de la France, nous savons que nos contributions sur le terrain seront connues et appréciées et nous avons fierté à participer à ces actions. Je pourrais parler d'Haïti où ensemble l'effort est mené pour aider ce pays à se tirer du chaos et de la misère avec le choix que nous avons fait d'essayer de surmonter cette instabilité politique dans laquelle s'enfonce le pays. Dans tous ces cas et aussi dans bien d'autres que je pourrais citer, la démonstration est faite qu'entre Européens et Américains il est possible d'agir ensemble, de concert, sur le fondement d'un accord politique et je crois qu'il y a là une donne nouvelle qui est au fond cette définition d'objectifs partagés par la communauté internationale, d'objectifs opérationnels qui nous rassemblent et ainsi un certain nombre de programmes qui peuvent se dérouler dans une saine et juste coopération, la coopération transatlantique. Aujourd'hui nous avons à faire face à de nouvelles exigences en permanence. Je pense aux nouvelles menaces, je pense évidemment au terrorisme de masse. Le 11 septembre et le 11 mars ont montré que personne n'est exempt de cette menace. Les terroristes ne distinguent pas leurs ennemis, prenant partie et prétextes des crises régionales et des conflits non résolus, ils mettent la violence au service d'un projet de mort. Il n'y a pas de terrorisme acceptable, il n'y a pas de hiérarchie du terrorisme. Il s'agit là d'une idéologie de mort que nous devons combattre et que nous combattons avec la même exigence, mais cette exigence passe par une nécessité de coopération. Cette coopération est vitale, elle s'impose en premier chef aux partenaires historiques que sont l'Europe et les Etats-Unis. Je voudrais dire que la coopération opérationnelle entre les différents acteurs de la lutte antiterroriste en Europe et outre-Atlantique est aujourd'hui structurée et efficace Sans pouvoir en dire plus, dans des situations difficiles, j'ai pu en tant que Premier ministre français voir la qualité de la coopération de nos services dans des situations particulièrement difficiles et complexes, les services savent travailler ensemble pour que nous puissions faire la meilleure utilisation possible des informations qui nous permettent la meilleure action possible contre le terrorisme. Je suis heureux de cette situation qui protège les uns et les autres malgré toutes les incertitudes qui restent menaçantes. Les responsables américains apprécient notre expertise et nos spécialistes sur ces questions du terrorisme. Nous apprécions les leurs et nous sommes heureux de cette coopération. Cette coopération ne se limite pas au couple transatlantique, d'autres pays y ont toute leur part et apportent bien sûr des contributions qui sont particulièrement significatives. Mais l'Europe et l'Amérique ont une histoire marquée par une expérience unique de coopération dans ces domaines et c'est, je pense, très important. Sans contrôle, la prolifération des armes de destruction de masse peut devenir une menace évidemment majeure pour la sécurité du monde et elle donne cet instrument de chantage sur les démocraties et sur la communauté internationale que nous vivons et que nous jugeons inacceptable. Elle met en jeu le respect des traités, des engagements des Etats, qui sont nécessaires pour jeter les fondements de la société internationale. Sur tous ces sujets, l'Europe et l'Amérique ont une coopération forte, il faut le souligner, qui entraîne souvent le reste de la communauté internationale. Je pense à un exemple particulier : la résolution 1540 des Nations Unies qui permet de contrôler et d'intercepter les trafics de matières proliférant. C'est le fruit de la coopération américano-européenne ; c'est en particulier le fruit de la coopération franco-américaine. N'oublions pas de signaler ce type d'avancées. Les intérêts en commun ne se réduisent pas à la stricte sécurité. L'économie et les échanges, comme le disait tout à l'heure A. Poniatowski, sont évidemment importants et ils illustrent la vitalité, l'importance de nos liens, leur côté irremplaçable. L'Union européenne représente près des deux tiers donc des investissements étrangers directs accumulés aux Etats-Unis. Plus de trois millions d'Américains travaillent dans des entreprises à capitaux européens. Les Etats-Unis représentent près de la moitié des investissements étrangers directs cumulés en Europe, le commerce transatlantique représente près de 40 % des échanges mondiaux. L'enchevêtrement économique est très important et nous voyons bien que cet enchevêtrement économique crée une solidarité de fait contre, naturellement, tout ce qui peut menacer ses intérêts dans toutes les formes de terrorisme que nous pouvons rencontrer mais aussi naturellement pour la valorisation des échanges et notamment pour pouvoir faire en sorte que nous puissions développer nos richesses. Nous, vraiment, nous avons la conviction que c'est par l'échange que nous développerons les richesses et donc nous sommes très attentifs à tout ce qui peut se développer aujourd'hui en Europe comme idée de repli, de repli sur soi, sur l'Europe ou sur le pays, et il faut prendre le débat sur les délocalisations avec des nuances parce que nous savons bien qu'il y a des délocalisations positives, qu'il faut des échanges et qu'il faut créer par l'échange la richesse. Nous avons besoin de cette compréhension des échanges comme valeur de l'économie internationale. Cette économie-là, naturellement, elle a un moteur principal qu'est la relation transatlantique. Evidemment, tous ces points ne nous conduisent pas à être en accord sur l'ensemble de tous les sujets mais avec quel pays une grande force comme l'Europe, une grande force comme l'Amérique, peut-elle dire qu'elle est d'accord en tous points ? Je crois que nous avons un certain nombre de sujets à bien valoriser ensemble et des réflexions qui sont à mener. Je pense aux grands enjeux de l'environnement. Il y a là à propos du protocole de Kyoto des discussions dont il faut approfondir l'espace de réflexion et de voir comment trouver un certain nombre de solutions. Mais là encore, il faut prendre les choses avec nuance quand on voit l'Etat de Californie qui est parmi les premiers à participer au système mondial d'échange de quotas d'émissions. Donc cela veut bien dire qu'il y a à l'intérieur de chaque grand espace des avancées. Chaque espace n'est pas monolithique et donc nous devons tenir compte de, notamment au niveau industriel, des efforts qui sont faits par les entreprises américaines pour essayer de tirer avantage de l'investissement dans les technologies vertes. Mais nous croyons vraiment que sur ce sujet il est important que nous puissions ensemble envoyer des messages au monde. La planète doit être protégée. Nous avons à participer à la conscience de l'avenir de la planète et cela nous pouvons le faire ensemble et quand une des deux grandes puissances, l'Amérique ou l'Europe, semble douter, elle affaiblit la cause par rapport à l'ensemble des autres pays. Aujourd'hui il y a un soutien très important au niveau international sur Kyoto. Il y a là je crois l'occasion de trouver des formes de coopération qui valoriseraient cette perception commune qui est cette exigence de protection de la planète et de la conscience de son avenir. Une réalité s'impose à nous au fond aujourd'hui dans le monde tel qu'il est : c'est que nous devons veiller à ce qu'il y ait un équilibre entre les différents pôles de puissance qui existent aujourd'hui dans le monde et qui se développent. Il est clair que le développement de la Chine aujourd'hui est particulièrement impressionnant et que nous devons en tenir compte, y voir tous les aspects qui sont positifs de cette fertilité chinoise sur le plan économique, sur le plan scientifique, sur le plan culturel. Il y a là un monde qui est en train de s'ouvrir comme s'ouvre l'Inde, comme s'ouvrent d'autres espaces économiques et culturels. Il nous faut donc penser à une organisation organisée, structurée, équilibrée de ces différents pôles, de ce monde devenu multipolaire. Et donc, nous souhaitons vraiment qu'il y ait une vision équilibrante et non pas une vision opposante de ces différents pôles. Le grand défi qui s'ouvre devant nous, devant les Américains comme les Européens, c'est de faire en sorte que cette dynamique organisée autour d'un monde multipolaire, soit une force positive pour la société internationale, pour qu'on puisse construire ensemble des règles qui soient des règles d'une gouvernance mondiale qui devient urgente. Je crois que nous avons à travailler les uns et les autres, travailler ensemble sur la réforme de l'ONU que la France appelle de ses vux. Il est évident qu'il faut plus de représentativité pour plus de légitimité, pour que le droit soit plus fort quand il sort de la délibération internationale. Donc nous avons besoin de cette culture démocratique dans les relations internationales. On voit bien qu'il y a là une des clés de la nouvelle ère de coopération qui s'ouvre, nous voyons combien il est important de développer cette réforme de l'ONU, combien il est important d'y intégrer la notion de l'environnement, combien il est important de travailler ensemble sur les questions de développement et notamment des développements qui sont aujourd'hui des sujets qui vont mobiliser le G8 puisque, sous l'impulsion de T. Blair, le G8 va mettre la climatologie, l'environnement et l'aide au développement en priorité. Ce sont des sujets très importants. Il nous faut là montrer notre imagination et nous ne pouvons pas être indifférents car là nous risquons d'apparaître comme ceux qui se replient sur leurs richesses et qui ne cherchent pas l'équilibre du monde. Donc nous avons à travailler ensemble sur cette gouvernance mondiale, sur cette gouvernance urgente et si la France s'engage avec autant de cur et autant d'ardeur dans l'organisation européenne, c'est parce que nous pensons que l'Europe doit participer à cette organisation internationale avec les Etats-Unis et c'est pour ça que la création de l'Europe politique avec un traité constitutionnel est une urgence, pour que les Etats-Unis puissent parler avec un continent organisé, structuré, qu'ils puissent ensemble construire cette gouvernance mondiale dont nous avons besoin pour la paix, pour le développement, pour l'environnement. Donc cette urgence de l'Europe, c'est une urgence pour le monde. Nous sommes dans cette situation un peu paradoxale où nos parents ont dû faire l'Europe pour faire la paix à l'intérieur de l'Europe. Aujourd'hui notre génération doit faire l'Europe pour participer à la paix du monde, pour pouvoir être une partie de l'équilibre du monde, naturellement avec nos alliés, avec nos partenaires. Mais évidemment nous n'aurions pas pensé, il y a encore peu de temps, que l'Europe soit capable de mener des opérations militaires par exemple, et nous voyons bien que sur ce sujet, l'Europe avance. On l'a vu en Bosnie Herzégovine. On voit que l'Europe est capable de se doter de capacités de réaction rapide, d'états-majors - en tous cas d'un noyau d'états-majors qui permet de participer à des actions communes, tout ceci en cohérence avec l'OTAN. Il y a donc une démarche constructive pour l'Union européenne qu'il faut voir comme une démarche de paix, qui est une démarche ouverte à la coopération avec la puissance américaine. Nous voyons bien que tout autre choix serait une impasse et je ne vois pas comment nous pourrions construire une autre dynamique. Qui peut imaginer sérieusement que l'Europe prendrait un jour une initiative contre les Etats-Unis ou qui pourrait prendre une initiative qui leur serait hostile ou qui serait hostile à leurs intérêts suprêmes et aux valeurs que nous avons en commun ? Lorsque sur tel ou tel point il n'y a pas accord sur l'analyse de la situation, sur la pertinence des options à retenir, il faut approfondir le dialogue pour maîtriser ensemble la situation. Voilà, je crois, les lignes d'avenir pour ce dialogue entre l'Union européenne et les Etats-Unis qui doit trouver maintenant un nouveau souffle sans remettre en cause naturellement le socle de sécurité commune que constitue l'alliance mais il faut pouvoir faire en sorte que le dessein européen et la solidarité atlantique restent des données complémentaires. Mesdames et messieurs, mon cher Axel, je voudrais en concluant vous dire qu'en cette année s'ouvre une période d'espoir, certes timide mais l'année 2004 a été particulièrement difficile. Nous voyons en 2005 des lueurs d'espoir au Proche-Orient, nous ne devons pas nous laisser arrêter par les actions de ceux qui voudraient précisément étouffer ces espoirs. Une perspective pour une paix qui fasse droit aux aspirations des Palestiniens et aux besoins de sécurité d'Israël existe, c'est la responsabilité des dirigeants de la région mais c'est aussi la responsabilité de la communauté internationale de la faire vivre. Pour sa part, la France prendra ses responsabilités en apportant son plein soutien au nouveau président de l'autorité palestinienne. Je sais que c'est aussi la perspective de nos partenaires européens et j'attends aussi que nos partenaires américains soient dans cet état d'esprit. Cette guerre, qui est une guerre régionale, est devenue une guerre mondiale, une guerre qui a des impacts partout dans le monde. Elle est pour nous aujourd'hui une priorité de l'équilibre du monde. Il y a des lueurs d'espoir pour cette année 2005, faisons en sorte que notre coopération puisse être mobilisée sur ce sujet. C'est un sujet d'intérêt commun entre l'Europe et l'Amérique, c'est incontestable. En Irak, les difficultés actuelles ne doivent pas nous faire renoncer à l'espoir d'une transition qui permette au peuple irakien de trouver la sécurité et la démocratie. Vous savez que la France s'y emploie dans un esprit constructif ; mon cher Axel je tiens compte de vos recommandations, et donc en me tournant vers l'avenir, je dis que nous sommes prêts pour avoir un esprit constructif. Et aider l'Irak à retrouver sa souveraineté et son processus démocratique, c'est je crois cet espoir de transition qu'il nous faut aujourd'hui animer.
Pour ce qui est de la lutte contre la pauvreté et pour le développement, je souhaite que la tragédie en Asie du sud nourrisse aussi la conscience d'une solidarité universelle. Partout où les hommes sont écrasés par la misère et les catastrophes, nous devons être présents et l'exemple de la mobilisation qui a été celle de nos peuples face à cette catastrophe dans l'océan indien est remarquable. Elle nous impose une organisation des coordinations, elle nous impose d'être mieux structurés pour être plus efficaces. C'est vrai des catastrophes naturelles, c'est vrai aussi du développement en Afrique comme bien d'autres régions du monde. Sur tous ces points, nous connaissons la volonté du président Bush de faire avancer les choses, de trouver des solutions pour ces parties du monde mais aussi ça nous paraît nécessaire pour travailler ensemble, en Europe, en Afrique et en Asie. J'ai l'espoir que la coopération transatlantique puisse ainsi non seulement retrouver sa dynamique interne mais, en même temps, puisse multiplier les partenariats pour qu'on puisse assumer les responsabilités qui sont les nôtres. Et à tous mes amis d'outre-Atlantique qui sont ici, je dis vraiment que j'ai la conviction que la Constitution européenne apportera à la relation transatlantique un élément de force, de légitimité renouvelée, une Europe plus cohérente, stabilisée, construite sur la volonté des peuples. Ce sera pour les Etats-Unis la perspective d'un partenariat à nouveau de confiance.
Je voudrais enfin vous dire que ce que disait en conclusion tout à l'heure A. Poniatowski me rappelle les propos que nous tenions il y a quelques années, au moment où Edgar Morin notamment et quelques intellectuels revenus de l'idéologie qui était celle qui inspirait les politiques de l'est, tous ceux qui nous disaient à l'époque, au fond, le passé ne crée pas l'Europe. Le passé n'a pas crée l'Europe, ni la géographie, ni son histoire vraiment qui a été faite de temps de troubles et de temps d'horreurs. Ce qui crée l'Europe c'est cette communauté de destin, cette nécessité d'exister ensemble dans le monde avec des valeurs communes, c'est de devoir faire face ensemble. Chers amis, quand avec les Etats-Unis nous représentons 60 % du PIB, nous avons un devoir mondial et que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas, nous avons la même communauté de destin. C'est pour ça que nous sommes amis par devoir mais aussi par volonté C'est plus sûr et c'est plus durable. Merci à tous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 janvier 2005)
Pour ce qui est de la lutte contre la pauvreté et pour le développement, je souhaite que la tragédie en Asie du sud nourrisse aussi la conscience d'une solidarité universelle. Partout où les hommes sont écrasés par la misère et les catastrophes, nous devons être présents et l'exemple de la mobilisation qui a été celle de nos peuples face à cette catastrophe dans l'océan indien est remarquable. Elle nous impose une organisation des coordinations, elle nous impose d'être mieux structurés pour être plus efficaces. C'est vrai des catastrophes naturelles, c'est vrai aussi du développement en Afrique comme bien d'autres régions du monde. Sur tous ces points, nous connaissons la volonté du président Bush de faire avancer les choses, de trouver des solutions pour ces parties du monde mais aussi ça nous paraît nécessaire pour travailler ensemble, en Europe, en Afrique et en Asie. J'ai l'espoir que la coopération transatlantique puisse ainsi non seulement retrouver sa dynamique interne mais, en même temps, puisse multiplier les partenariats pour qu'on puisse assumer les responsabilités qui sont les nôtres. Et à tous mes amis d'outre-Atlantique qui sont ici, je dis vraiment que j'ai la conviction que la Constitution européenne apportera à la relation transatlantique un élément de force, de légitimité renouvelée, une Europe plus cohérente, stabilisée, construite sur la volonté des peuples. Ce sera pour les Etats-Unis la perspective d'un partenariat à nouveau de confiance.
Je voudrais enfin vous dire que ce que disait en conclusion tout à l'heure A. Poniatowski me rappelle les propos que nous tenions il y a quelques années, au moment où Edgar Morin notamment et quelques intellectuels revenus de l'idéologie qui était celle qui inspirait les politiques de l'est, tous ceux qui nous disaient à l'époque, au fond, le passé ne crée pas l'Europe. Le passé n'a pas crée l'Europe, ni la géographie, ni son histoire vraiment qui a été faite de temps de troubles et de temps d'horreurs. Ce qui crée l'Europe c'est cette communauté de destin, cette nécessité d'exister ensemble dans le monde avec des valeurs communes, c'est de devoir faire face ensemble. Chers amis, quand avec les Etats-Unis nous représentons 60 % du PIB, nous avons un devoir mondial et que nous le voulions ou que nous ne le voulions pas, nous avons la même communauté de destin. C'est pour ça que nous sommes amis par devoir mais aussi par volonté C'est plus sûr et c'est plus durable. Merci à tous.
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 27 janvier 2005)