Conférence de presse de M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie, sur le bilan de son voyage en Tanzanie, en Ouganda et au Rwanda, sur l'application des accords d'Arusha et de Lusaka et sur l'action régionale et internationale pour la paix en Afrique centrale, notamment en République démocratique du Congo et au Rwanda, Paris le 17 janvier 2000.

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Circonstance : Voyage de M. Charles Josselin en Tanzanie les 12 et 13, en Ouganda le 14, et dans le Rwanda le 15 janvier 2000

Texte intégral

Bonne Année à tous.
Le voyage que je viens de faire revêt à nos yeux une certaine importance. Il me semble que c'était aussi le cas pour les dirigeants africains que nous avons rencontrés à cette occasion. L'actualité, de plus, va continuer très probablement au cours des semaines qui viennent de braquer ses feux sur cette région d'Afrique. Dès à présent, je vous dis ma conviction que nous aurons sans doute besoin d'en reparler dans quelques jours, après la réunion du Conseil de sécurité des 24 et 25 janvier.
Ce voyage, préparé en concertation avec Hubert Védrine, était en quelque sorte la seconde étape d'une tournée commencée en octobre et qui m'avait fait rencontrer alors le président kenyan, Arap Moi, le président du Burundi, Pierre Buyoya, le président ougandais, Yoweri Museveni, déjà rencontré en octobre non pas à Kampala comme prévu mais à Dar es Salam à l'occasion des obsèques de Julius Nyerere et Laurent-Désiré Kabila rencontré, lui , à Kinshasa. La seconde étape m'a donc permis cette fois de rencontrer plus longuement le président tanzanien, Mkapa, à Dar-es-Salam ainsi qu'un certain nombre de ses ministres, de passer une demi-journée à Arusha où j'ai pu à la fois rencontrer les dirigeants de la communauté est-africaine - qui est l'organisation régionale que la Tanzanie, le Kenya et l'Ouganda sont en train de construire - et visiter également le Tribunal pénal international où nous avons évalué, avec les représentants de cette nouvelle organisation de justice internationale, la manière dont fonctionnait cette institution.
J'ai reçu aussi les remerciements pour les installations audiovisuelles que la France a offerte à cette institution et qui contribuent beaucoup à la fois au travail des magistrats mais également à l'information de l'opinion et il est important que les populations suivent la manière dont justice essaie d'être rendue au Rwanda. Après Arusha, Kampala où j'ai rencontré longuement le président Museveni qui avait d'ailleurs réuni, la veille, le major Buyoya et le président tanzanien. Samedi, dernière étape à Kigali, où j'ai rencontré le vice président Paul Kagamé et également plusieurs de ses ministres. Je dois aussi rappeler - et ceci n'est pas sans importance - qu'à Kampala j'ai rencontré les dirigeants des trois rebellions.
J'ai donc, au cours de ses deux étapes "Grands lacs", rencontré l'ensemble des acteurs à l'exception de quelques alliés de M. Kabila que je n'ai pas rencontrés mais nous savons qu'ils ont évidemment un rôle important à jouer aussi dans la recherche d'une solution de paix. Je pense en particulier aux Angolais et aux Zimbabwéens.
Le but de mon voyage était tout à la fois d'examiner comment la coopération française avec les pays visités se portait, comment elle pouvait se conforter mais c'était aussi, bien sûr, pour dire la volonté de la France d'appuyer les processus de paix qui sont actuellement à l'oeuvre. Qu'il s'agisse du Processus d'Arusha pour ce qui concerne le Burundi, qu'il s'agisse des Accords de Lusaka qui concernent plus particulièrement la République démocratique du Congo. Je reviens avec la conviction qu'il n'y pas, actuellement, d'autres solutions que la mise en oeuvre des accords en question.
S'agissant d'Arusha, la mort de Julius Nyerere a représenté un arrêt regrettable qui a peut être été mis à profit par certains pour déclencher certaines violences auxquelles a répondu, de la part du gouvernement burundais, des actions que nous regrettons, comme par exemple le regroupement des populations civiles. La désignation du président Mandela qui réunissait hier matin à Arusha les différents protagonistes burundais doit être considérée comme une possibilité de relance et de réactivation de ce processus de paix. Vous savez les liens particuliers que la France entend entretenir avec le Burundi et l'appui que nous souhaitons voir apporter par la Communauté européenne à ce pays dont la situation économique et sociale est particulièrement critique. Pour ce qui est des Accords de Lusaka, tout le monde déplore la lenteur avec laquelle le processus se met en oeuvre. La commission mixte militaire est installée mais les observateurs ne sont mis en place que de manière très lente et il y a débat sur l'importance qu'il faudra donner à la force du maintien de la paix. L'analyse américaine situe le niveau nécessaire ou souhaitable autour de 2000 à 3000 hommes. Nous pensons que 10 000 sera un chiffre minimum et nos interlocuteurs au cours de ce voyage considèrent qu'il faudra très probablement aller au-delà. La question de l'unité ou de l'intégrité du territoire congolais est considérée comme ne se posant pas par l'ensemble de nos interlocuteurs. Je le dis d'entrée, car c'est une question qui a pu, dans certains cercles, parfois même en France, être évoquée. Le caractère inséparable du dialogue inter-congolais et de la mise en place du processus de paix a également été souligné. La bonne volonté de M. Kabila à mettre en marche ce dialogue inter-congolais est mise en doute par un certain nombre de nos interlocuteurs. M. Kabila, m'avait, au mois de novembre, dit sa volonté de respecter les Accords de Lusaka même s'il nous avait dit alors qu'il les avait signés sans être totalement convaincu qu'il était dans son intérêt de le faire.
Que dire encore ? Que la question de la sécurité a été évidemment mise en avant par mon interlocuteur rwandais. A la question de la présence économique des pays voisins au Congo, personne ne l'a mise en doute mais tous affirment leur volonté dès lors que leur sécurité serait garantie, de revenir à une situation normale où les richesses congolaises seraient mises en oeuvre par les Congolais. C'est évidemment le point de vue fortement affirmé par les représentants de la rébellion.
Vous aurez aussi compris, en entendant parler de la poursuite des actions militaires par certaines parties, que le cessez le feu qui était un des objectifs promis dans l'accord de Lusaka était respecté de manière très inégale, M. Kabila faisant évidemment l'objet d'accusé quant il s'agit de rupture du cessez le feu. Mes interlocuteurs au cours de ce voyage ont expliqué leurs propres interventions militaires comme étant des réactions de défense par rapport aux actions entreprises par les troupes gouvernementales congolaises. De toute évidence, et c'est un point sur lequel nos interlocuteurs ont beaucoup insisté, le processus de Lusaka n'a de chance d'aboutir que si la communauté internationale exerce non seulement une forte pression sur les acteurs mais mobilise les moyens permettant de faire réussir le processus. Dès lors, l'initiative prise par les Américains d'une réunion spéciale du Conseil de sécurité, les 24 et 25 janvier prochains, peut être l'occasion pour la communauté internationale, non seulement de marquer plus fortement sa volonté de voir aboutir les processus de paix mais de mobiliser les moyens nécessaires. La France y participera donc - au demeurant elle est membre permanent du Conseil de sécurité et normalement appelé à y participer. J'y représenterai le gouvernement en me rendant le 24 janvier à New York. D'ici là, nous allons bien évidemment approfondir notre concertation avec nos partenaires européens. je vous rappelle que j'étais allé à Londres la veille ou l'avant veille de mon départ pour l'Afrique dans le cadre des concertations convenues dans ce qu'on appelle le Traité de Saint-Malo. Rappelez-vous que le Sommet franco-britannique à Saint-Malo avait posé le principe d'une concertation renforcée entre la France et la Grande Bretagne sur l'Afrique. J'ai eu des conversations avec mon collègue belge, et j'aurais très certainement, à la fin de la semaine prochaine, à Lisbonne, l'occasion d'en parler avec l'ensemble des ministres du développement.
Voilà, la relation brève que je voulais faire de ce voyage. Je suis, bien sûr, à votre disposition pour répondre à vos questions. Je signale simplement, que les pays de la Sadec se sont réunis samedi matin à Maputo quelques heures avant l'investiture du président réélu du Mozambique. M. Chisano et que celui-ci avait déploré la lenteur dans l'application des Accords de Lusaka. Il a surtout déploré l'absence du président Kabila à cette réunion de la Sadec dont le Congo est pourtant membre. A l'heure où je vous rencontre, nous ne savons pas ce qu'il en est réellement de la participation de Laurent Désiré Kabila à la réunion de New York. Nous souhaitons qu'il y participe et nous le lui avons fait savoir par la voie diplomatique, convaincus qu'il serait regrettable que le Congo ne saisisse pas cette chance pour faire progresser les Accords de Lusaka.
Q - Vous parlez de coopération européenne, de convergence, de la prochaine réunion de Lisbonne etc. est-ce que vous avez imaginé une convergence, un dialogue avec les Américains dans la perspective de la réunion du 24 janvier ?
R - Il y a eu tout récemment une réunion de travail entre le directeur d'Afrique et de l'Océan indien, M. Jean-Didier Roisin et Mme Susan Rice qui est Sous Secrétaire d'Etat chargée de l'Afrique à Washington. Donc là aussi, une concertation est en cours. Espérons que les points de vue pourront continuer de se rapprocher.
Q - Si les points de vue vont continuer à se rapprocher, cela veut dire qu'ils ont divergents ?
R - Je vous l'ai dit tout à l'heure. Le point de différence pour l'instant est sur l'importance des moyens qu'il nous paraît nécessaire de mobiliser pour réussir la paix. Il y a un autre débat à propos des forces de maintien de la paix, c'est le positionnement de celles-ci et là il y a de toute évidence une différence d'appréciation selon que l'on est Ougandais ou Congolais. Faut-il que les forces de maintien de la paix soient sur la ligne de front ? Ce qui paraît, en effet, tout à fait normal, faut-il qu'elles soient à la frontière-est du Congo chargées aussi de s'assurer que la sécurité du Rwanda ou de l'Ouganda est assurée ? Ce sont des questions comme celles-là qui feront probablement l'objet aussi de discussions à New York car là encore il semble bien que les Américains considèrent que les Accords de Lusaka ont besoin d'être complétés. Ils considèrent que certaines questions n'ont pas été convenablement ou suffisamment traitées par les Accords de Lusaka tels qu'ils ont été signés dans leur première version. Il ne fait pas de doute que l'utilisation et le positionnement des forces de maintien de la paix font partie de ces questions. Autre problème dont on sent bien qu'il est essentiel : comment vont s'emboîter dans le temps les différents éléments des Accords de Lusaka. La question du retrait des uns et du désarmement des autres est centrale. Qui commence quoi ? Question à laquelle il faudra répondre si on veut que les choses avancent.
Vous vous souvenez aussi que la France avait proposé il y a déjà quelques années l'idée d'une conférence des Grands lacs à laquelle l'ensemble des pays concernés pourrait être appelé afin de traiter dans leur globalité l'ensemble des questions à la fois de sécurité, de transition démocratique, de développement, de population - on pense par exemple à toutes les questions de réfugiés de la zone - et qui pourrait être l'occasion d'une mobilisation de la solidarité internationale pour donner les moyens là aussi pour faire réussir les processus de paix et de développement dans la région. Bien entendu, chacun de mes voyages a été aussi l'occasion pour moi d'interroger mes interlocuteurs sur l'idée qu'ils se faisaient sur l'opportunité de cette conférence. Ce second voyage a confirmé entièrement les conclusions que l'on avait pu tirer après le premier, tous, y compris, Paul Kagamé, après qu'il m'ait demandé de préciser mieux ce que nous attendions de cette conférence internationale, ont donné leur accord au principe d'une telle conférence, sachant - et je l'ai rappelé - que c'était aux africains à en prendre l'initiative et à en décider l'ordre du jour. La France était disposée pour sa part à aider à l'organisation d'une telle conférence.
Q - Dans quelle chronologie imaginez vous cette conférence ? après un début d'application concret des accords, bien sûr ?
R - Bien sûr. Il faut que les deux processus que j'ai évoqués Arusha et Lusaka soient conduits à leur terme avant qu'on puisse imaginer globaliser l'ensemble des problèmes. Une telle conférence devrait d'ailleurs pourvoir prendre en compte aussi les questions du Soudan. La question de la paix au sud du Soudan, on le voit bien, est elle aussi inter-active par rapport au conflit des Grands lacs. Mais c'est donc bien après. J'ai d'ailleurs insisté auprès de nos interlocuteurs pour appeler que dans notre esprit une telle conférence ne devrait pas se substituer - encore moins empêcher - que les processus de paix enclenchés ne se poursuivent.
Q - Quand faudrait-il envoyer une force de paix ?
Nous avons posé comme principe qu'attendre qu'il n'y ait plus aucun coup de feu tiré avant de mettre en place la force de maintien de la paix ne nous paraît pas non plus réaliste".
Q - Quelle est la position américaine ?
R - La position américaine, vous savez comme moi que M. Holbrooke considérait à l'issue de son voyage que le temps n'était peut être pas encore venu pour mettre en place cette force de paix. Nous considérons que plus le temps passe, plus il sera difficile pour celle-ci d'atteindre ses objectifs. Mais cela aussi c'est une des questions auxquelles cette conférence de New York, pour servir, doit répondre : dans quelles conditions peut-on mettre en place cette force, indépendamment de son volume et de sa position géographique ? C'est le moment de mettre en place cette conférence de paix. Nous pensons que New York devrait être l'occasion pour les acteurs de Lusaka de confirmer leur volonté et de la traduire dans les faits. Je pense d'ailleurs que la rupture annoncée de l'encerclement des forces zimbabwéennes et qui pouvait justifier que le cessez le feu ne soit pas respecté par M. Kabila et ses alliés, est un élément positif.
Q - Donc si M. Kabila ne venait pas à New York; vous considéreriez qu'il ne souhaite pas que la communauté internationale participe à la mise en place d'une force de paix ou qu'il ne souhaite pas appliquer les Accords de Lusaka ?
R - Ceci témoignerait d'une volonté d'isolement tout a fait contre productive par rapport au processus de paix et nous continuons à espérer que M. Kabila sera à New York
Q - On parle aussi d'une initiative de l'Union européenne, d'un voyage de M. Ajello. Est-ce que votre voyage s'inscrit dans cette initiative ou est-ce que la France fait cavalier seul ?
R - J'ai reçu M. Ajello quelques jours avant mon voyage, et je l'ai dit tout à l'heure, il ne s'agit pas pour la France de prendre des initiatives en contradiction avec notre volonté de concertation au plan européen. L'Europe a son propre médiateur dans l'affaire des Grands lacs, M. Ajello. Je crois avoir dit tout à l'heure que j'y suis passé par Londres lundi soir pour parler en particulier du Rwanda car nous savons les relations importantes qui existent entre la Grande-Bretagne et le Rwanda. Je vous rappelle actuellement que la Grande-Bretagne en terme bilatéral est le pays européen qui est partenaire premier du Rwanda alors que dans le pays voisin, l'Ouganda, c'est le Danemark qui est le premier partenaire. Je vous rappelle que le Fonds européen de développement intervient à un niveau important dans ces deux pays et que la France est le premier bailleur du fond européen de développement. Je n'ai pas manqué évidemment de le rappeler à mes interlocuteurs qui parfois pourraient oublier cette participation de la France à leur propre développement. Donc, c'est bien avec une volonté de concertation que nous conduisons cela, bien entendu avec le Portugal qui actuellement préside. Dans tous les pays où je suis passé, c'est d'ailleurs notre ambassadeur qui d'ores et déjà préside le "collège" des ambassadeurs européens ce qui nous mène évidemment en position peut être plus visible. Ceci parce que le Portugal n'a pas de représentation dans ces pays, ce qui amène la France à assumer cette responsabilité.
Q - Irez-vous dans d'autres pays comme l'Angola, le Zimbabwe ou en Zambie ?
R - J'espère bien qu'il n'est pas nécessaire que je fasse une troisième étape pour que tout cela avance. Ces voyages peuvent aider au processus de paix mais il n'est pas prévu dans mon calendrier proche, d'étape ni en Angola, ni au Zimbabwe, ni en Zambie. Je rappelle tout simplement que dans dix jours je me rapprocherai là encore du cadre des opérations puisque je vais à Bangui, pays qui n'est évidemment pas indifférent à l'évolution de la situation et au Congo-Brazaville qui est lui aussi concerné.
Q - Et le Tchad ?
Il y a une étape au Tchad qui devait être à l'aller parce que je pensais m'y arrêter en y allant à Bangui le 24 et qui en réalité est reportée de quelques jours. J'ai déjà vu le Ministre des Affaires étrangères tchadien en descendant à Dar-es-Salam et on a eu un premier échange. L'arrêt au Tchad interviendra entre Pointe Noire et Lisbonne la semaine prochaine.
Q - Certains opposants n'iront pas à New York. M. Kabila dialogue avec qui ?
R - S'agissant du dialogue inter-congolais parce que c'est quand même le point le plus important, je signale simplement que le Président Kabila a pris l'initiative, il y quelques jours de réunir les acteurs politiques congolais. Cette initiative a malheureusement été boudée par l'opposition qui considère que l'appel au dialogue inter-congolais est contredit par certaines pratiques qui ont été rappelées au cours de ce voyage, en particulier par la rébellion.
Je signale d'ailleurs, que s'agissant du dialogue inter-congolais, normalement, d'après les Accords de Lusaka, ce n'est pas M. Kabila qui est chargé de le conduire mais le Président Masire qui a été donc désigné après discussion entre les différents acteurs. Sa désignation a donc été acceptée par tous. Ce dialogue n'a de sens que si la rébellion peut y être partie prenante. Il y a en quelque sorte deux groupes d'opposants, les représentants des partis politiques d'opposition à Kinshasa et il y a les groupes armés. La liaison entre les uns et les autres se faisant plus ou moins.
Les trois groupes de rébellions sont très caractéristiques. L'un d'eux proche des Ougandais, c'est le mouvement de M. Wamba dia Wamba qui correspondant davantage à une expression civile. M Jean-Pierre Bemba que nous avons rencontré là-bas est également ami des Ougandais mais dispose de forces congolaises importantes notamment dans la région de l'Equateur. Il dit contrôler actuellement 600 000 km2 - ce qui n'est pas rien - et reconnaît être aidé sur le plan logistique et en matière d'encadrement par les Ougandais. Le troisième groupe c'est celui de M. Ilunga, proche des Rwandais et peut être plus intégré encore aux Rwandais du point de vue de l'action militaire.
Q - Comment s'est passé l'entretien avec M. Paul Kagamé, est-ce qu'il va y avoir un nouveau diplomate rwandais à Paris, une relance de la coopération ?
R - J'ai déploré la décision du Rwanda de fermer sa représentation diplomatique. M. Kagamé a bien rappelé qu'il y avait eu dix fermetures sans problème pour neuf mais pour la dixième, c'est la France, il y a eu, a-t-il dit, une longue hésitation avant de prendre cette décision. Il m'a dit aussi que notre intention d'avoir une relation plus soutenue avec le Rwanda pourrait amener ce pays à, non pas reconsidérer sa décision, mais à envisager une réouverture selon un calendrier qu'il ne m'a pas évidemment précisé.
A la question envisageons-nous de consolider notre coopération ? La réponse est "oui" et nous allons demander en particulier, à l'Agence française de développement de faire très vite une mission sur place, appuyée éventuellement par des experts que nous enverrions pour examiner les nouveaux champs de coopérations qu'il souhaite développer. Le dossier agricole, en particulier, nous a déjà été indiqué par le ministre des Affaires étrangères, qui se trouve être l'ancien ministre de l'Agriculture, comme un champ de développement souhaitable.
Je rappelle que nous avons au Rwanda un appui dans les domaines de santé, éducation et justice. En matière de justice, vous savez que le Tribunal pénal international ne saurait, lui, traiter que le cadre des grands responsables. Actuellement il y a une quarantaine de dossiers examinés. Une décision prise a été invalidée pour des raisons de forme ce qui a provoqué, évidemment, une réaction très négative des autorités rwandaises vis-à-vis des pays. Mais la question de justice se pose surtout pour les 130 000 prisonniers qui sont actuellement dans les prisons rwandaises et accusés de responsabilités dans le génocide. Il est clair qu'il faudra plusieurs années si seules les formes officielles de justice sont chargées de ce dossier. D'où l'intention des Rwandais d'intégrer en quelque sorte dans leur organisation judiciaire une pratique ancienne de justice villageoise. Cette autre façon de juger et de rendre le pardon - l'expression a été employée - sera mise en oeuvre. Nous ne pouvons qu'apprécier cette volonté car je rappelle, ces 130 000 prisonniers dans les prisons rwandaises ne peuvent qu'entretenir l'insécurité mais surtout la culture de la revanche à laquelle il vous évidemment substituer celle du pardon.
Q - Je reviens un instant sur le format de la force multinationale qui pourrait s'établir en République centrafricaine. Vous avez dit que le projet américain c'est 2 à 3 000 hommes, nous pensons davantage à 10 000 ?
R - Quand je dis le projet américain, moi je m'en tiens aux déclarations. Ce sont des chiffres entre 2 et 3 000 hommes. Nous, considérons que 10 000 nous paraissent un minimum et que nos interlocuteurs sur place considèrent qu'il en faudrait même davantage.
Q - Quelle pourrait être la contribution française dans une hypothèse disons intermédiaire de 5 000 hommes ?
R - La question n'a pas été évoquée./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 janvier 2000)