Déclaration de M. François Fillon, Ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, sur les dispositions du projet de loi d'orientation sur l'avenir de l'école destinées à améliorer l'apprentissage des langues, Paris le 9 février 2005.

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Circonstance : Inauguration de la 23ème édition du salon "Expolangue", à Paris le 9 février 2005

Texte intégral

Monsieur le Ministre,
Mesdames et Messieurs,
" Qui ne connaît pas de langues étrangères ne connaît pas la sienne "... En choisissant Goethe comme devise, " Expolangues " ne pouvait mieux exprimer cette vérité universelle.
Elle nous renvoie à l'idée simple mais décisive : on ne peut prendre conscience de soi qu'en s'ouvrant sur autrui ; et dans ce processus qui permet de se trouver une identité à travers le contact de l'autre, la langue joue un rôle primordial.
Ce postulat apparaît plus clairement encore au sein d'une Union européenne dont la marque est la diversité linguistique. Celle-ci est parfois considérée comme un obstacle ; je la juge personnellement comme une force d'ouverture, un potentiel de créativité qui préserve l'Europe de l'uniformité culturelle.
Cette conviction, je sais qu'elle emportera l'adhésion de Miroslaw Sawicki dont la langue maternelle est, cette année, à l'honneur du salon. Nous avons visité ensemble Expolangues qui, avec ses 200 exposants et une trentaine de langues représentées, est devenu une référence en matière d'apprentissage et de promotion des langues étrangères.
J'ai pris beaucoup de plaisir à la visite des différents stands... Et vous me permettrez plus particulièrement de mentionner celui du Centre international d'études pédagogiques. Certes, parce qu'il est rattaché au ministère de l'Éducation nationale, mais surtout parce qu'il certifie un diplôme qui me tient à coeur : le " Diplôme initial de langue française. "
Celui-ci permet à toute personne qui s'installe en France de voir sa capacité linguistique évaluée et de recevoir une formation appropriée. Considérant que la maîtrise du français est la première condition d'une intégration réussie, j'en avais fait - lorsque j'étais ministre des Affaires sociales - un élément clef du Contrat d'accueil et d'intégration... Et je suis heureux aujourd'hui de voir son lancement !
Mesdames, Messieurs,
L'abondance des méthodes d'apprentissage, la diversité des langues présentées (du polonais au portugais, de l'arabe au chinois), la pérennité du salon dont nous inaugurons ce soir la 23 ème édition : tout cela montre qu'en France, la tradition d'ouverture à l'autre à travers l'apprentissage des langues est bien vivante.
Et pourtant... nous avons la réputation d'être " mauvais " en langues !
Certes, les réputations ne sont pas toujours justifiées Mais les faits sont là : les études menées, ces dernières années, sur les compétences des élèves français en langues à l'aune des performances de leurs camarades européens révèlent des résultats inquiétants ; je pense, par exemple, aux 15-16 ans qui n'obtiennent en moyenne que 31% de réussite dans une série de tests de compréhension orale. Et moins de 15% de réussite dans des exercices écrits...
Cette situation n'est pas acceptable !
Aussi, j'ai décidé d'impulser une nouvelle ambition en accordant une place toute particulière à l'enseignement et à l'apprentissage des langues dans le projet de loi d'orientation sur l'École. À un moment où quelques-uns semblent regretter que soit - enfin - affirmée la nécessité de garantir à chaque élève un socle de connaissances et de compétences fondamentales, je suis fier d'y avoir inscrit la maîtrise d'au moins une langue vivante étrangère. Quelle qu'elle soit...
Je dis " quelle qu'elle soit " parce qu'il est un principe auquel je suis - comme vous - attaché : c'est celui de la diversité linguistique.
Il est inconcevable, au sein de l'Europe élargie, de limiter l'enseignement linguistique à une ou deux langues principales. Il importe d'offrir à tous la possibilité de faire des choix différents correspondant davantage aux aspirations de chacun et aux besoins réels du pays. C'est ce qui explique une politique favorisant des langues comme l'allemand ou encore, la création de baccalauréats binationaux, comme le " MatuBac " avec la Pologne, qui est en bonne voie de réalisation.
Mesdames, Messieurs,
Améliorer le niveau de l'apprentissage des langues, c'est mettre en oeuvre des moyens nouveaux et des méthodes nouvelles. C'est l'objectif du projet de loi sur l'École.
Les enfants seront tout d'abord mis en contact avec la langue étrangère plus tôt et plus fréquemment : la première langue vivante sera ainsi enseignée dès le CE2 (et même progressivement dès le CE1) ; la deuxième langue vivante commencera dès la 5e.
Ensuite, durant les vacances scolaires, les opérations " écoles ouvertes en langues " permettront à ceux qui le désirent ou qui en ont besoin, de maintenir un entraînement linguistique sur un mode moins scolaire et plus ludique.
Autre nouveauté pédagogique : les groupes de langues seront organisés non plus en fonction de la classe de l'élève, mais en fonction de son niveau de compétences tel qu'il est défini par le cadre commun européen des langues. Un élève qui aura accumulé les lacunes bénéficiera ainsi d'une seconde chance pour repartir sur des bases saines. Un élève qui a pris un bon départ pourra continuer sur sa lancée et affiner ses connaissances.
Les compétences orales seront fortement valorisées avec, notamment, la réduction des effectifs et le dédoublement progressif des cours de langue à partir de la terminale. La première langue vivante fera en outre nécessairement l'objet d'une épreuve orale au baccalauréat.
Enfin, nous mettrons tout en oeuvre pour mobiliser les équipements multimédia et développer les technologies de l'information et de la communication dans les programmes et les méthodes d'enseignement des langues. Nous pourrons ainsi faire bénéficier nos élèves des progrès qui ont été réalisés dans ce domaine et dont j'ai pu voir tout à l'heure, au cours de la visite, des exemples frappants.
Toutefois il n'est pas pensable, aujourd'hui, d'apprendre une langue vivante au travers des seuls livres Une langue doit aussi se vivre ! Elle doit donc s'enseigner au plus proche de la culture du pays où elle est parlée.
Le nombre de classes européennes, avec un enseignement renforcé de langue et de civilisation étrangère, devra donc augmenter de 20% d'ici cinq ans.
Les sections internationales, établies en concertation avec le pays partenaire et faisant intervenir des professeurs étrangers, seront également développées. Je suis d'ailleurs heureux d'annoncer à cette occasion qu'une section internationale de polonais sera prochainement ouverte au lycée Montaigne à Paris.
Enfin, des mesures seront prises pour favoriser la mobilité des élèves et la communication avec les jeunes de toute l'Europe, que ce soit à travers les échanges scolaires ou les contacts faisant intervenir les technologies de l'information et de la communication.
Toutes ces mesures constituent un changement de cap et de rythme. D'ici quelques années, la France veut - et doit - se situer à la tête des États qui privilégient les langues étrangères.
Derrière cet objectif éducatif, il y a une volonté politique :
- volonté de préparer notre jeunesse aux défis de son temps, et notamment aux défis économiques ;
- volonté de placer notre pays au carrefour des enjeux de l'Europe élargie et du monde ouvert qui est le nôtre ;
- volonté de transcender nos éventuels " complexes hexagonaux ", nos doutes et nos craintes ;
- volonté, enfin, de nous porter vers les cultures et civilisations étrangères avec fierté et assurance.
C'est de la sorte, en se frottant aux autres, que notre identité nationale se renforcera ; c'est ainsi que l'idée de la France ouverte et universelle se déploiera.

(Source http://www.education.gouv.fr, le 10 février 2005)