Texte intégral
L'appel à la manifestation du 5 juin de tous les syndicats sur la réforme de l'assurance maladie vous a-t-il surpris ?
" Les syndicats sont des partenaires que je respecte d'autant plus qu'ils sont tous attachés à la Sécurité sociale. Au début de nos discussions, les positions étaient inconciliables. Il y a désormais des points de convergence. Je suis prêt à aller plus loin avec eux. De nouveaux contacts auront lieu d'ici à la fin de la semaine. Mais négocier, ce n'est pas renoncer. Je suis prêt à prendre en compte leurs propositions si elles sont justes et équitables, et si elles s'inscrivent dans le cadre fixé par le premier ministre. Face à la dérive actuelle, le projet doit être voté avant fin juillet.
On ne peut plus attendre pour sauver notre héritage social le plus précieux. La nation tout entière doit prendre ses responsabilités dans la réforme du système de pilotage. Il s'agit de gérer de façon plus responsable et de participer à la réduction de la dette sociale. L'an dernier, tous les syndicats avaient été contre la réforme des retraites. Puis certains l'ont approuvée. C'est cela la démocratie sociale. "
Quels sont les grands points de convergence ?
" Il y a un consensus sur le dossier médical personnel, sur l'importance du médecin traitant dans le parcours du malade, sur la Haute Autorité scientifique qui nous aidera à définir l'efficacité des médicaments et l'utilité des actes médicaux, nous permettant ainsi d'évaluer les soins, sur la nécessité de respecter de bonnes pratiques médicales, sur la politique du médicament, et notamment du générique, et même sur l'offre de soins qui doit être mieux répartie.
Il faut bien voir que la réforme tire son originalité de la modification des comportements que nous devons tous avoir. C'est la première fois que l'on fait une réforme de cette envergure qui touche, certes, les recettes, mais qui touche surtout, structurellement, les dépenses, l'offre de soins et la gouvernance de l'assurance maladie. C'est la réforme de la dernière chance. "
Beaucoup considèrent que la réforme est inéquitable et les efforts financiers déséquilibrés ? Pouvez-vous évoluer sur ce sujet ?
" Nous pouvons encore progresser en étudiant les propositions des partenaires sociaux, mais en respectant deux contraintes : que l'on traite structurellement le déficit, et que cela ne conduise pas à se défausser. Sur les 5 milliards de recettes nouvelles, l'Etat prend ses responsabilités puisqu'il est prêt à donner 1 milliard d'euros provenant des droits sur le tabac. Nous demandons 780 millions aux entreprises, 730 aux revenus financiers et produits des jeux, 560 millions aux retraités imposables, 1 milliard aux actifs par la modification d'assiette de la CSG et un effort important aux laboratoires pharmaceutiques. Quant aux médecins, ils vont voir leurs pratiques changer en profondeur. "
Ne redoutez-vous pas que les Français aient le sentiment qu'ils supportent l'essentiel de l'effort ?
" Ils ont bien compris que le forfait de 1 euro serait appelé à augmenter très vite, alors qu'ils ont du mal à admettre la promesse de liberté d'honoraires faite aux médecins.
Nous avons décidé qu'il s'agissait de 1 euro par consultation. Il n'est pas question de l'augmenter. Je suis persuadé que les Français ont compris que nous devons être plus responsables en matière d'assurance maladie si nous voulons sauver notre système. Surtout, ils savent que le prix de l'hôpital, de la médecine, aujourd'hui, est tel, que, si on ne le sauve pas, ce sont les plus modestes qui vont payer. Et, quand on voit le prix des actes médicaux, on est très vite financièrement modeste! C'est la réforme de tous les Français, par tous les Français et pour tous les Français. Nous proposons, avec Xavier Bertrand, une réforme équitable. "
Qu'en est-il de la liberté d'honoraires promise aux médecins ?
" Nous souhaitons que le médecin traitant soit le pivot du système de soins. Avec le dossier médical informatisé, je ne crois pas à l'utilité d'un médecin référent. Il existe aujourd'hui des discussions avec les partenaires sociaux et les professions de santé pour savoir ce que nous mettrons dans la convention. Rien n'est encore définitivement écrit ".
Ce sont les médecins qui prescrivent. Qu'allez-vous faire pour les inciter à modifier leurs pratiques ?
" Ma réforme ne touche ni à la liberté de choix offerte aux patients ni à la liberté de prescription, qui est une des composantes majeures du statut de médecin libéral.
Mais le corps médical va devoir, lui aussi, changer de comportement. Il devra s'impliquer dans la tenue du dossier médical individuel, qui sera obligatoire pour être remboursé. Ce dossier mettra en liaison le secteur hospitalier et le secteur libéral, deux mondes qui, aujourd'hui, s'ignorent trop et devront, demain, travailler ensemble. Je vais également demander aux unions régionales de la médecine libérale d'organiser l'évaluation des pratiques médicales sur le terrain, ce qui est complètement nouveau. Un changement culturel fort, fondé sur la confiance, doit s'instaurer: il repose sur l'auto-évaluation et sur des engagements pris par les professionnels dans une convention ".
Les médecins sont mal répartis sur le territoire. Comptez-vous remettre en cause leur liberté d'installation ?
" C'est une vraie question. Certains suggèrent que l'on supprime cette liberté pour ceux qui sont encore étudiants. Mais, si l'on fait cela, on ne va aboutir qu'à une seule chose: la multiplication par dix du prix des cabinets médicaux dans le sud et le sud-est de la France. A cette sélection par l'argent, je préfère un autre système, qui incite les médecins à s'installer dans les zones médicalement désertifiées. Il y a déjà un système d'incitation, mais il ne marche pas. Les sommes accordées sont trop faibles, les zones, qui y ouvrent droit, mal précisées. Je vais d'ailleurs réviser le décret qui les définit: le nombre de zones est trop faible ".
Certains vous reprochent de ne pas avoir été assez loin avec les médecins.
" Arrêtons de penser que les médecins sont responsables de tout. Sans eux, la réforme est impossible à mener et ce sont eux qui vont participer au changement des comportements des patients. Cela dit, le plan de réforme contient de véritables sanctions individuelles pour les médecins qui ne joueraient pas le jeu des bonnes pratiques médicales ou qui n'utiliseraient pas le dossier médical, et cela en accord avec les responsables des principaux syndicats médicaux. Ici, au ministère, nous allons aussi nous réorganiser pour nous donner les moyens de suivre la réforme ".
Tout une partie du plan porte sur le contrôle des arrêts de travail et de ceux qui en abusent.
" Toutes les caisses d'assurance maladie le savent: il y a dans chaque département deux ou trois médecins qui sont des "spécialistes" de l'arrêt maladie. Jusqu'à présent, la caisse n'avait pas d'outils pour contrecarrer cela: désormais, on pourra suspendre juridiquement les prescriptions des arrêts non justifiés par ces médecins.
De leur côté, les patients qui sont sans cesse en arrêt sans pour autant présenter de pathologie spécifique devront rembourser, s'ils sont solvables, les indemnités que l'assurance maladie leur a indûment versées.
De même, nous serons très attentifs à ce que les chefs d'entreprise n'utilisent pas les arrêts de travail comme un moyen de mettre leurs salariés en préretraite ou en maladie de longue durée.
C'est l'honneur de notre pays d'offrir un tel système aux Français. Mais, aujourd'hui, il ne doit pas être mis à mal par des gens malhonnêtes ".
Les hôpitaux publics vont-ils être impliqués dans la réforme ?
" A plus d'un titre, l'hôpital est indissociable de la réforme de l'assurance maladie. En instaurant le dossier médical individuel, nous mettons les hôpitaux en relation avec le système libéral, obligeant les deux sphères à travailler ensemble. On sait que l'absence de coordination entre les médecins de ville et les hôpitaux est un facteur de gaspillages. Il faut multiplier les passerelles entre les deux et instaurer des réseaux de soins, autour d'une pathologie. Ces réseaux permettent à la fois de donner une égalité de chance à ceux qui sont éloignés des grands centres hospitaliers et sont des facteurs d'économies: lorsque tout le monde se parle et travaille ensemble, on évite des examens et des soins redondants ainsi que des transports en ambulance inutiles.
Au-delà des réseaux et du dossier médical, l'hôpital est engagé dans une réforme de son mode de financement. Progressivement, d'ici à dix ans, les hôpitaux publics seront financés selon l'activité qu'ils exercent (tarification à l'activité) et non plus par budget global qui permettait de verser la même dotation que le service hospitalier soit plein ou vide. Cependant, nous tenons à ajouter une enveloppe forfaitaire pour faire face aux missions d'intérêt général comme les urgences, les services de gériatrie ou les souffrances sociales. Ce changement va complètement modifier le budget de l'assurance maladie ".
Les restructurations hospitalières seront-elles poursuivies ?
" Oui, sans populisme, ni démagogie. Il faut arrêter de penser qu'il peut y avoir des plateaux techniques partout. Il faut, à l'inverse, cesser d'estimer que les hôpitaux locaux n'ont aucun rôle à jouer dans la prise en charge des malades. On peut fermer des maternités dans certains petits établissements, mais y garder un service de chirurgie ambulatoire et y ouvrir des consultations de spécialistes. S'il faut des scanners dans ces établissements pour permettre un diagnostic rapide dans les urgences vitales, en utilisant le cas échéant la télémédecine, on en mettra. Il faut aussi revoir le maillage des urgences, en utilisant mieux les compétences des généralistes locaux. Je ne veux pas d'une France hospitalière à deux vitesses ".
Envisagez-vous toujours de faire quelque chose pour les 2,5 millions d'assurés qui ne sont pas à la CMU et qui n'ont pas les moyens d'acheter une complémentaire santé ?
" Jacques Chirac l'avait évoqué devant la Mutualité à Toulouse. La CMU a été décidée par Martine Aubry à partir d'un certain seuil de revenus sans tenir compte des propositions des partenaires. Cela fait partie des sujets en débat ".
La nouvelle gouvernance de l'assurance maladie vous paraît-elle pouvoir recueillir l'assentiment de tous ?
" Le projet a évolué et le retour du Medef et de la CGPME dans les instances de gouvernance ne peut être que positif si l'on croit au paritarisme. Ce dernier doit être rénové et fondé sur la représentation des salariés et des employeurs. Depuis 1945, l'assurance maladie a évolué. Elle était financée uniquement par les revenus du travail et protégeait contre les risques d'incapacité à travailler. Aujourd'hui, l'assurance maladie est universelle puisqu'il suffit d'être résident pour être couvert et il y a beaucoup plus de soins à prendre en charge qu'en 1945. L'assurance maladie n'est plus exclusivement financée par le revenu du travail, mais aussi par l'impôt. Il est donc légitime de rénover aussi le paritarisme.
L'assurance maladie sera gouvernée par un Conseil, où seront représentés les partenaires sociaux, et par un directeur. Le Conseil aura un pouvoir d'orientation, le directeur, un pouvoir exécutif. Dans les derniers jours, nous sommes parvenus à rééquilibrer les pouvoirs du Conseil et de l'exécutif. La Mutualité sera présente dans le Conseil de la Caisse nationale et également dans l'union des assureurs complémentaires.
Certains partenaires ont demandé que l'Etat prenne ses responsabilités quand il agit au nom de la santé publique (lutte contre la drogue ou le tabac par exemple) ou de la politique sociale. C'est acquis: demain l'Etat devra payer ce qu'il ordonne ".
Quand considérez-vous qu'il sera possible d'évaluer l'impact de la réforme ?
" Nous gagnerons ou nous perdrons dans les comptes de l'assurance maladie que nous présenterons dans un an et dans deux ans. C'est notre principal rendez-vous. Le problème n'est pas tant celui de l'équilibre du système que celui de casser la tendance d'évolution des dépenses qui augmentent encore de 6,5% par an.
La meilleure organisation des soins doit nous permettre d'économiser 3,5 milliards d'euros par an, la nouvelle politique d'achats hospitaliers 1,5 milliard, le contrôle des arrêts maladie 1 milliard par an et la politique des médicaments, et notamment des génériques, 2,5 milliards d'ici à 2007. La reprise de dette par la Cades va alléger les frais de l'assurance maladie de 1 milliard par an et la meilleure gestion de l'assurance maladie de 600 millions ".
Comment analysez-vous les contre-propositions formulées par le PS ?
" J'ai écouté M. Jospin, à Toulouse, en fin de semaine dernière. Je suis à jeun d'avoir entendu une proposition sérieuse sur l'assurance maladie. M. Hollande a dit qu'il fallait redonner de la force au médecin traitant. C'est ce que nous faisons. Il a dit qu'il fallait augmenter les taxes sur la valeur ajoutée des entreprises. Si vous voulez tuer l'entreprise française innovante, on ne peut pas faire mieux. Quant aux 10 milliards d'euros de taxes sur le tabac et l'alcool qui seraient transférés de l'Etat vers l'assurance maladie, les socialistes ne disent pas comment ils obtiennent ces 10 milliards dans les caisses de l'Etat. Lorsqu'on vient de voir une semaine comme celle qui vient de s'écouler où l'on a M. Jospin, M. Hollande, M. Fabius et M. Strauss-Kahn, on peut dire que le PS va pouvoir sortir son jeu de cartes, celui des sept familles ".
(Source http://www.u-m-p.org, le 1er juin 2004)
" Les syndicats sont des partenaires que je respecte d'autant plus qu'ils sont tous attachés à la Sécurité sociale. Au début de nos discussions, les positions étaient inconciliables. Il y a désormais des points de convergence. Je suis prêt à aller plus loin avec eux. De nouveaux contacts auront lieu d'ici à la fin de la semaine. Mais négocier, ce n'est pas renoncer. Je suis prêt à prendre en compte leurs propositions si elles sont justes et équitables, et si elles s'inscrivent dans le cadre fixé par le premier ministre. Face à la dérive actuelle, le projet doit être voté avant fin juillet.
On ne peut plus attendre pour sauver notre héritage social le plus précieux. La nation tout entière doit prendre ses responsabilités dans la réforme du système de pilotage. Il s'agit de gérer de façon plus responsable et de participer à la réduction de la dette sociale. L'an dernier, tous les syndicats avaient été contre la réforme des retraites. Puis certains l'ont approuvée. C'est cela la démocratie sociale. "
Quels sont les grands points de convergence ?
" Il y a un consensus sur le dossier médical personnel, sur l'importance du médecin traitant dans le parcours du malade, sur la Haute Autorité scientifique qui nous aidera à définir l'efficacité des médicaments et l'utilité des actes médicaux, nous permettant ainsi d'évaluer les soins, sur la nécessité de respecter de bonnes pratiques médicales, sur la politique du médicament, et notamment du générique, et même sur l'offre de soins qui doit être mieux répartie.
Il faut bien voir que la réforme tire son originalité de la modification des comportements que nous devons tous avoir. C'est la première fois que l'on fait une réforme de cette envergure qui touche, certes, les recettes, mais qui touche surtout, structurellement, les dépenses, l'offre de soins et la gouvernance de l'assurance maladie. C'est la réforme de la dernière chance. "
Beaucoup considèrent que la réforme est inéquitable et les efforts financiers déséquilibrés ? Pouvez-vous évoluer sur ce sujet ?
" Nous pouvons encore progresser en étudiant les propositions des partenaires sociaux, mais en respectant deux contraintes : que l'on traite structurellement le déficit, et que cela ne conduise pas à se défausser. Sur les 5 milliards de recettes nouvelles, l'Etat prend ses responsabilités puisqu'il est prêt à donner 1 milliard d'euros provenant des droits sur le tabac. Nous demandons 780 millions aux entreprises, 730 aux revenus financiers et produits des jeux, 560 millions aux retraités imposables, 1 milliard aux actifs par la modification d'assiette de la CSG et un effort important aux laboratoires pharmaceutiques. Quant aux médecins, ils vont voir leurs pratiques changer en profondeur. "
Ne redoutez-vous pas que les Français aient le sentiment qu'ils supportent l'essentiel de l'effort ?
" Ils ont bien compris que le forfait de 1 euro serait appelé à augmenter très vite, alors qu'ils ont du mal à admettre la promesse de liberté d'honoraires faite aux médecins.
Nous avons décidé qu'il s'agissait de 1 euro par consultation. Il n'est pas question de l'augmenter. Je suis persuadé que les Français ont compris que nous devons être plus responsables en matière d'assurance maladie si nous voulons sauver notre système. Surtout, ils savent que le prix de l'hôpital, de la médecine, aujourd'hui, est tel, que, si on ne le sauve pas, ce sont les plus modestes qui vont payer. Et, quand on voit le prix des actes médicaux, on est très vite financièrement modeste! C'est la réforme de tous les Français, par tous les Français et pour tous les Français. Nous proposons, avec Xavier Bertrand, une réforme équitable. "
Qu'en est-il de la liberté d'honoraires promise aux médecins ?
" Nous souhaitons que le médecin traitant soit le pivot du système de soins. Avec le dossier médical informatisé, je ne crois pas à l'utilité d'un médecin référent. Il existe aujourd'hui des discussions avec les partenaires sociaux et les professions de santé pour savoir ce que nous mettrons dans la convention. Rien n'est encore définitivement écrit ".
Ce sont les médecins qui prescrivent. Qu'allez-vous faire pour les inciter à modifier leurs pratiques ?
" Ma réforme ne touche ni à la liberté de choix offerte aux patients ni à la liberté de prescription, qui est une des composantes majeures du statut de médecin libéral.
Mais le corps médical va devoir, lui aussi, changer de comportement. Il devra s'impliquer dans la tenue du dossier médical individuel, qui sera obligatoire pour être remboursé. Ce dossier mettra en liaison le secteur hospitalier et le secteur libéral, deux mondes qui, aujourd'hui, s'ignorent trop et devront, demain, travailler ensemble. Je vais également demander aux unions régionales de la médecine libérale d'organiser l'évaluation des pratiques médicales sur le terrain, ce qui est complètement nouveau. Un changement culturel fort, fondé sur la confiance, doit s'instaurer: il repose sur l'auto-évaluation et sur des engagements pris par les professionnels dans une convention ".
Les médecins sont mal répartis sur le territoire. Comptez-vous remettre en cause leur liberté d'installation ?
" C'est une vraie question. Certains suggèrent que l'on supprime cette liberté pour ceux qui sont encore étudiants. Mais, si l'on fait cela, on ne va aboutir qu'à une seule chose: la multiplication par dix du prix des cabinets médicaux dans le sud et le sud-est de la France. A cette sélection par l'argent, je préfère un autre système, qui incite les médecins à s'installer dans les zones médicalement désertifiées. Il y a déjà un système d'incitation, mais il ne marche pas. Les sommes accordées sont trop faibles, les zones, qui y ouvrent droit, mal précisées. Je vais d'ailleurs réviser le décret qui les définit: le nombre de zones est trop faible ".
Certains vous reprochent de ne pas avoir été assez loin avec les médecins.
" Arrêtons de penser que les médecins sont responsables de tout. Sans eux, la réforme est impossible à mener et ce sont eux qui vont participer au changement des comportements des patients. Cela dit, le plan de réforme contient de véritables sanctions individuelles pour les médecins qui ne joueraient pas le jeu des bonnes pratiques médicales ou qui n'utiliseraient pas le dossier médical, et cela en accord avec les responsables des principaux syndicats médicaux. Ici, au ministère, nous allons aussi nous réorganiser pour nous donner les moyens de suivre la réforme ".
Tout une partie du plan porte sur le contrôle des arrêts de travail et de ceux qui en abusent.
" Toutes les caisses d'assurance maladie le savent: il y a dans chaque département deux ou trois médecins qui sont des "spécialistes" de l'arrêt maladie. Jusqu'à présent, la caisse n'avait pas d'outils pour contrecarrer cela: désormais, on pourra suspendre juridiquement les prescriptions des arrêts non justifiés par ces médecins.
De leur côté, les patients qui sont sans cesse en arrêt sans pour autant présenter de pathologie spécifique devront rembourser, s'ils sont solvables, les indemnités que l'assurance maladie leur a indûment versées.
De même, nous serons très attentifs à ce que les chefs d'entreprise n'utilisent pas les arrêts de travail comme un moyen de mettre leurs salariés en préretraite ou en maladie de longue durée.
C'est l'honneur de notre pays d'offrir un tel système aux Français. Mais, aujourd'hui, il ne doit pas être mis à mal par des gens malhonnêtes ".
Les hôpitaux publics vont-ils être impliqués dans la réforme ?
" A plus d'un titre, l'hôpital est indissociable de la réforme de l'assurance maladie. En instaurant le dossier médical individuel, nous mettons les hôpitaux en relation avec le système libéral, obligeant les deux sphères à travailler ensemble. On sait que l'absence de coordination entre les médecins de ville et les hôpitaux est un facteur de gaspillages. Il faut multiplier les passerelles entre les deux et instaurer des réseaux de soins, autour d'une pathologie. Ces réseaux permettent à la fois de donner une égalité de chance à ceux qui sont éloignés des grands centres hospitaliers et sont des facteurs d'économies: lorsque tout le monde se parle et travaille ensemble, on évite des examens et des soins redondants ainsi que des transports en ambulance inutiles.
Au-delà des réseaux et du dossier médical, l'hôpital est engagé dans une réforme de son mode de financement. Progressivement, d'ici à dix ans, les hôpitaux publics seront financés selon l'activité qu'ils exercent (tarification à l'activité) et non plus par budget global qui permettait de verser la même dotation que le service hospitalier soit plein ou vide. Cependant, nous tenons à ajouter une enveloppe forfaitaire pour faire face aux missions d'intérêt général comme les urgences, les services de gériatrie ou les souffrances sociales. Ce changement va complètement modifier le budget de l'assurance maladie ".
Les restructurations hospitalières seront-elles poursuivies ?
" Oui, sans populisme, ni démagogie. Il faut arrêter de penser qu'il peut y avoir des plateaux techniques partout. Il faut, à l'inverse, cesser d'estimer que les hôpitaux locaux n'ont aucun rôle à jouer dans la prise en charge des malades. On peut fermer des maternités dans certains petits établissements, mais y garder un service de chirurgie ambulatoire et y ouvrir des consultations de spécialistes. S'il faut des scanners dans ces établissements pour permettre un diagnostic rapide dans les urgences vitales, en utilisant le cas échéant la télémédecine, on en mettra. Il faut aussi revoir le maillage des urgences, en utilisant mieux les compétences des généralistes locaux. Je ne veux pas d'une France hospitalière à deux vitesses ".
Envisagez-vous toujours de faire quelque chose pour les 2,5 millions d'assurés qui ne sont pas à la CMU et qui n'ont pas les moyens d'acheter une complémentaire santé ?
" Jacques Chirac l'avait évoqué devant la Mutualité à Toulouse. La CMU a été décidée par Martine Aubry à partir d'un certain seuil de revenus sans tenir compte des propositions des partenaires. Cela fait partie des sujets en débat ".
La nouvelle gouvernance de l'assurance maladie vous paraît-elle pouvoir recueillir l'assentiment de tous ?
" Le projet a évolué et le retour du Medef et de la CGPME dans les instances de gouvernance ne peut être que positif si l'on croit au paritarisme. Ce dernier doit être rénové et fondé sur la représentation des salariés et des employeurs. Depuis 1945, l'assurance maladie a évolué. Elle était financée uniquement par les revenus du travail et protégeait contre les risques d'incapacité à travailler. Aujourd'hui, l'assurance maladie est universelle puisqu'il suffit d'être résident pour être couvert et il y a beaucoup plus de soins à prendre en charge qu'en 1945. L'assurance maladie n'est plus exclusivement financée par le revenu du travail, mais aussi par l'impôt. Il est donc légitime de rénover aussi le paritarisme.
L'assurance maladie sera gouvernée par un Conseil, où seront représentés les partenaires sociaux, et par un directeur. Le Conseil aura un pouvoir d'orientation, le directeur, un pouvoir exécutif. Dans les derniers jours, nous sommes parvenus à rééquilibrer les pouvoirs du Conseil et de l'exécutif. La Mutualité sera présente dans le Conseil de la Caisse nationale et également dans l'union des assureurs complémentaires.
Certains partenaires ont demandé que l'Etat prenne ses responsabilités quand il agit au nom de la santé publique (lutte contre la drogue ou le tabac par exemple) ou de la politique sociale. C'est acquis: demain l'Etat devra payer ce qu'il ordonne ".
Quand considérez-vous qu'il sera possible d'évaluer l'impact de la réforme ?
" Nous gagnerons ou nous perdrons dans les comptes de l'assurance maladie que nous présenterons dans un an et dans deux ans. C'est notre principal rendez-vous. Le problème n'est pas tant celui de l'équilibre du système que celui de casser la tendance d'évolution des dépenses qui augmentent encore de 6,5% par an.
La meilleure organisation des soins doit nous permettre d'économiser 3,5 milliards d'euros par an, la nouvelle politique d'achats hospitaliers 1,5 milliard, le contrôle des arrêts maladie 1 milliard par an et la politique des médicaments, et notamment des génériques, 2,5 milliards d'ici à 2007. La reprise de dette par la Cades va alléger les frais de l'assurance maladie de 1 milliard par an et la meilleure gestion de l'assurance maladie de 600 millions ".
Comment analysez-vous les contre-propositions formulées par le PS ?
" J'ai écouté M. Jospin, à Toulouse, en fin de semaine dernière. Je suis à jeun d'avoir entendu une proposition sérieuse sur l'assurance maladie. M. Hollande a dit qu'il fallait redonner de la force au médecin traitant. C'est ce que nous faisons. Il a dit qu'il fallait augmenter les taxes sur la valeur ajoutée des entreprises. Si vous voulez tuer l'entreprise française innovante, on ne peut pas faire mieux. Quant aux 10 milliards d'euros de taxes sur le tabac et l'alcool qui seraient transférés de l'Etat vers l'assurance maladie, les socialistes ne disent pas comment ils obtiennent ces 10 milliards dans les caisses de l'Etat. Lorsqu'on vient de voir une semaine comme celle qui vient de s'écouler où l'on a M. Jospin, M. Hollande, M. Fabius et M. Strauss-Kahn, on peut dire que le PS va pouvoir sortir son jeu de cartes, celui des sept familles ".
(Source http://www.u-m-p.org, le 1er juin 2004)