Déclarations de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à Draguignan le 14 et Cavalaire le 15, et interviews à France 3 et Europe 1 les 14 et 15 août 2004, sur le débarquement allié de 1944 en Provence, notamment la participation des Français d'outre-mer, et la présence du président algérien à ces commémorations.

Prononcé le

Circonstance : 60ème anniversaire du débarquement en Provence le 15 août 2004

Média : Europe 1 - France 3 - Télévision

Texte intégral

Discours à Draguignan le 14 août :
Messieurs les vétérans du Débarquement du 15 août 1944,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les représentants des Etats-Unis d'Amérique,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires et les élus,
Monsieur le Préfet,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les présidents d'associations patriotiques,
Mesdames et Messieurs,
Il y a soixante ans aujourd'hui, alors que l'ennemi est assailli à l'Ouest, les Alliés ouvrent, dix semaines après le Débarquement de Normandie, un nouveau front en Provence.
Tout près d'ici, débute la première phase de l'opération " Dragoon ".
Dans la nuit du 14 au 15 août 1944, près de 10 000 soldats, Américains et Britanniques, sont parachutés au sud-est de Draguignan.
Ils apportent avec eux l'espoir.
Précurseurs des divisions du Général Patch, aux côtés d'une armée française commandée par le Général de Lattre de Tassigny, ils sont prêts à consentir les plus grands sacrifices pour libérer notre Patrie, pour vaincre le nazisme.
Malgré les massifs des Maures et de l'Estérel, qui ralentissent la progression en profondeur, l'assaut des troupes alliées et françaises est irrésistible.
Leur succès est fulgurant :
Toulon est libéré huit jours après le débarquement, avec douze jours d'avance sur les prévisions.
La Libération de Marseille intervient au bout de quatorze jours au lieu des quarante prévus.
Les combats furent rudes et les pertes terribles.
Pour l'idéal qu'ils avaient choisi de défendre, un trop grand nombre de ces combattants courageux seront fauchés dans leur jeunesse et soustraits à l'affection de leurs proches.
Je m'incline, avec respect et émotion, devant la mémoire de tous ceux qui tombèrent au champ d'honneur.
Les Françaises et les Français savent ce qu'ils doivent aux héros des Etats-Unis d'Amérique, venus les libérer, voici soixante ans.
Nos deux Nations partagent une histoire commune qui remonte à des siècles.
La France et les Etats-Unis se sont toujours battus pour des valeurs communes, pour la liberté et le droit, pour la justice et la démocratie.
Les combattants auxquels nous rendons aujourd'hui hommage incarnaient mieux que quiconque ces valeurs fondamentales.
Des valeurs, qu'il est de notre devoir de faire vivre au présent et de partager avec les jeunes générations.
Tombés pour rendre à notre pays la dignité et l'espoir, ces hommes nous donnent une formidable leçon de courage, de générosité et de détermination.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 27 août 2004)
Entretien à France 3 le 14 août :
Nathalie Deumier
Donc, demain, l'un des invités n'est pas le bienvenu selon certains députés. Il se trouve que ce sont 60 députés du même parti que le vôtre. Qu'est-ce que vous pensez, vous, de la venue du président Bouteflika ?
Michèle Alliot-Marie
Je crois qu'ils se trompent de circonstances et qu'ils ignorent l'Histoire. Demain, il s'agit de rendre hommage à des anciens combattants, à des pays dont des citoyens ont accepté, il y a 60 ans, de donner dans certains cas jusqu'à leurs vies ou d'être blessés pour nous aider à nous libérer. Il est vrai qu'avec le temps, et depuis maintenant de nombreuses années, les pensions, dans certains pays, apparaissaient comme tout à fait dérisoires. Le gouvernement actuel a voulu combler cette injustice et c'est ce qu'a fait le ministre délégué, monsieur Hamlaoui Mekachera, en faisant en sorte que, désormais, tous les anciens combattants, quels que soient les pays dans lesquels ils vivent, aient des pensions qui correspondent au même pouvoir d'achat. Si la pension correspond à 200 kilos de sucre, mettons, et bien il fallait que chacun puisse s'acheter ces 200 kilos de sucre, qu'ils vivent en France, au Sénégal, à Djibouti ou au Maroc. Et aujourd'hui, je crois que c'est ça la véritable égalité entre les anciens combattants. Les commémorations de demain parlent beaucoup aux jeunes parce que ces commémorations rappellent des valeurs, telle que celle de la liberté, telle que celle de la démocratie, telle que celle de l'amour de sa Patrie. Ce sont des valeurs qui parlent aux jeunes, il suffit, d'ailleurs, de les voir interroger, discuter avec les anciens combattants. Alors, bien entendu, dans l'ensemble de ces jeunes, ou moins jeunes d'ailleurs, vous pouvez avoir quelques individus qui sont hermétiques à cela.
Est-ce que vous pouvez me dire ce que représente cette cérémonie pour vous en tant que ministre de la Défense et en tant que personne, aussi ?
C'est un moment de très grande émotion, parce que c'est peut-être la dernière occasion que nous avons de manifester à un grand nombre de ces personnes qui sont venues de si loin et avec une telle générosité à notre égard, nos remerciements, également notre admiration. Je pense que c'est, en même temps, un grand moment de joie, parce que cette commémoration, c'est aussi la commémoration d'une liberté retrouvée, d'une démocratie retrouvée.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 août 2004)
Discours de Cavalaire le 15 août :
Messieurs les vétérans du Débarquement du 15 août 1944,
Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Parlementaires et les élus,
Monsieur le Préfet,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames et Messieurs les présidents d'associations patriotiques,
Mesdames et Messieurs,
Ce 15 août 1944, voici soixante ans, les troupes françaises, américaines et britanniques débarquent sur les côtes varoises, au pied du massif des Maures et de l'Estérel.
Dix semaines après le débarquement de Normandie du 6 juin, les Français voient, avec émotion, un nouveau pas franchi vers la reconquête de leur liberté.
Les moyens mis en uvre sont impressionnants : près de 400 000 hommes, 2 000 navires, 2 000 avions.
Disposant de l'effet de surprise et de la supériorité matérielle, les combattants gagnent rapidement Toulon, puis Marseille.
Remontant le couloir rhodanien, ils forcent bientôt les troupes ennemies à quitter Grenoble et Lyon.
Parmi ces héros qui débarquèrent en Provence et combattirent pour la libération du territoire national se trouvait Bernard Saint-Hillier.
Résistant de la première heure, Français Libre, Compagnon de la Libération, il nous a quitté le 28 juillet dernier.
Devant ses frères d'armes, avec admiration, reconnaissance, émotion, je tenais à saluer sa mémoire ce matin.
Le débarquement de Provence restera dans l'Histoire comme un succès militaire majeur.
Il marque la renaissance de l'armée française.
Au lendemain de la glorieuse campagne d'Italie et des libérations de l'Afrique du nord et de la Corse, le Général de Lattre de Tassigny se voit confier la formation et le commandement de ce qui deviendra la " Première armée française ".
A force d'audace, de volonté, de conviction, en six mois, ce chef d'exception reconstitue une véritable armée autonome.
Combattants aguerris de la très prestigieuse Armée d'Afrique, héros des Forces françaises Libres, soldats couverts de gloire du Corps expéditionnaire français en Italie, ensemble ils forment une armée soudée, moderne et victorieuse.
A l'heure de la victoire, avec les mots de son temps, De Lattre veilla à les citer tous : " Noirs d'A.E.F. et d'A.O.F., Somaliens, Calédoniens, Tahitiens, Antillais, Indochinois, Pondichériens, Syriens et Libanais, Algériens, Marocains, Tunisiens, Légionnaires ".
Oui, tous réunis avec les européens sous le drapeau tricolore, ils ont accepté tous les sacrifices pour notre liberté.
Certains, pourtant, n'avaient jamais foulé le sol de la métropole
Ils étaient de toutes les cultures.
Ils étaient de toutes les croyances : ils étaient la Nation française.
" Cette Nation " que, selon les mots du Général de Gaulle, " depuis tant de siècles on voyait à la première place, qui hier s'était effondrée dans un désastre invraisemblable, mais pour qui certains de ses fils n'avaient pas cessé de combattre ".
Grâce à eux, ici en Provence, on put croire, à nouveau, emplis d'espoir, à la liberté reconquise de la France, à son rang retrouvé, à son peuple rassemblé.
Avec le concours de nos Alliés, avec le soutien sans faille de la Résistance intérieure, ces hommes d'honneur ont refusé la haine et l'oppression, ils ont défendu la fraternité et la liberté.
Leur courage et leur dévouement ne sombreront jamais dans l'oubli. La grandeur de leurs actes est, encore et toujours, une source d'inspiration pour les générations à venir.
En ces lieux, nous mesurons, plus que jamais, le prix des valeurs qui furent héroïquement défendues il y a soixante ans.
Afin de rendre dignement hommage à celles et ceux qui ont versé leur sang dans ces terribles combats, il nous revient, à notre tour, de protéger et transmettre ces valeurs.
La jeunesse de notre pays doit puiser dans son Histoire - dans votre Histoire - pour faire face aux défis actuels.
Elle doit tirer les leçons de cette Première armée française, unie dans un même idéal, forte de sa diversité.
Vous les Vétérans, vous qui êtes encore parmi nous pour raconter les événements de Provence, nous avons besoin de vous pour faire vivre la mémoire des hommes et des femmes qui ont payé de leur vie notre liberté.
Au nom du Président de la République, en mon nom personnel, je vous redis toute la reconnaissance de la Nation et de la France
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 27 août 2004)
Interview à Europe 1 le 15 août :
Christophe Carrez
C'est l'un des grands événements du jour, le 60ème anniversaire du Débarquement en Provence. Ce soir, il y aura une revue navale à Toulon, Jacques Chirac sera sur place à bord du porte-avions Charles de Gaulle. Il sera accompagné de 15 chefs d'État africains. Parmi eux, Abdelaziz Bouteflika et autant le dire, la venue du président algérien provoque quelques remous. Une soixantaine de députés UMP ont signé une pétition. Ils expliquent, en faisant allusion aux Harkis, que sa venue est une insulte à la mémoire de ceux qui sont tombés pour libérer la France. Il ne faut pas tout confondre, leur répond le ministre délégué aux Anciens Combattants, Hamlaoui Mekachera. Sa position est partagée par la ministre de la Défense, Michèle Alliot-Marie.
Michèle Alliot-Marie
Cette commémoration, elle s'adresse aux citoyens des pays qui sont venus vers nous lorsque nous avions besoin d'eux il y a soixante ans. Tous ceux qui voudraient faire des amalgames ou qui voudraient se référer à d'autres périodes de l'histoire seraient en dehors des circonstances et démontreraient qu'ils n'auraient rien compris à l'Histoire. Je crois très sincèrement que, aujourd'hui, nous sommes là pour commémorer des morts, pour commémorer une générosité de ceux qui sont venus nous aider pour la liberté. Nous sommes là pour passer ce message aux jeunes générations et si nous ne sommes pas capables de faire la différence entre les remerciements que nous devons et d'autres périodes de l'histoire qui ont été plus conflictuelles, alors nous ne sommes pas dignes de ce que nous sommes.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 24 août 2004)