Interview de M. Charles Pasqua, président du Rassemblement pour la France, à La Chaïne info le 19 janvier 2004, sur l'attentat perpétré contre le préfet Dermouche, les manifestations contre l'interdiction du voile islamique et les élections cantonales à Neuilly.

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Média : La Chaîne Info - Télévision

Texte intégral

A. Hausser.- Je m'adresse à l'ancien ministre de l'Intérieur : quand vous voyez ce qui s'est passé à Nantes dans la nuit de samedi à dimanche, c'est-à-dire la destruction de la voiture du futur préfet du Jura, préfet "issu de l'immigration" comme on dit, qu'est-ce que vous dites ? Que c'est un échec d'une tentative d'intégration, une montée du radicalisme ?
Ch. PASQUA.- "Je dis que c'est à la fois criminel et stupide. Criminel, je n'ai pas besoin de m'étendre, naturellement ; c'est un acte terroriste. A qui est-il imputable ? Il y a plusieurs pistes, mais mon sentiment personnel, c'est que je ne crois pas que ce soit lié à l'origine de M. Dermouche. Je crois que ceux qui ont choisi de commettre cette action criminelle, l'ont fait pensant qu'ainsi ils auraient le maximum de publicité. Ce but est atteint. Partant de là, je pense qu'il faut plutôt rechercher dans la région les origines de l'attentat."
A. Hausser.- Vous ne croyez pas à l'attentat anti-intégration ?
Ch. PASQUA.- "Non, je n'y crois pas. Je peux me tromper..."
A. Hausser.- Vous avez des indices ?
Ch. PASQUA.- "Non, pas du tout, je n'y crois pas mais"
A. Hausser.- Vous parlez de "publicité", mais pour l'instant l'acte n'est pas signé, il n'est pas revendiqué ?
Ch. PASQUA. - "Non, mais enfin ceux qui l'ont fait le savent, savent que ce sont eux qui l'on fait"
A. Hausser.- Certes !
Ch. PASQUA. - "Et cet acte a eu le maximum de retentissement. Dans le milieu auquel ils appartiennent, cela leur a certainement donné davantage d'importance, voilà ce que je crois."
A. Hausser.- Je vous trouve très sibyllin, vous ne voulez pas expliciter un peu
Ch. PASQUA. - "Non, je ne peux pas J'ai un sentiment mais je n'ai pas d'informations précises."
A. Hausser.- Vous pensez à quoi ? A des autonomistes bretons ?
Ch. PASQUA. - "C'est la première idée qui vient à l'esprit, c'est évident."
A. Hausser.- Bien. Ecoutez, l'avenir nous le dira...
Ch. PASQUA. - "Oui, mais c'est une hypothèse parmi d'autres. Je voudrais que l'on mette un terme, que l'on cesse de parler du préfet d'origine kabyle, etc. C'est un Français, c'est un citoyen français qui a été nommé préfet, c'est un préfet de la République, point final. Si c'est un Corse, on ne va pas dire qu'il est corse, si c'est un Auvergnat, on ne va pas dire que c'est un préfet auvergnat... Alors, qu'on en termine avec ça."
A. Hausser.- Et qu'on en termine avec le terme d'intégration également ?
Ch. PASQUA. - "Non, je crois que l'intégration, il faut la faire, il faut peut-être en parler moins et la conduire davantage."
A. Hausser.- On en parle trop ?
Ch. PASQUA. - "Il ne faut pas que ça devienne un sorte d'alibi pour les uns et de cible pour les autres. Il faut le faire. Je crois qu'on le fait d'ailleurs, que cela ne se fait pas trop mal, voilà."
A. Hausser.- Mais on en a beaucoup parlé...
Ch. PASQUA. -"Oui, on en a beaucoup parlé... Eh bien, qu'on en parle moins..."
A. Hausser.- Vous avez observé la manifestation des adversaires de la loi sur les signes religieux
Ch. PASQUA. - "Oui, j'ai vu ça..."
A. Hausser.- C'est un succès, c'est un demi échec, c'est une manuvre d'intimidation ?
Ch. PASQUA. - "Evidemment, on annonce un chiffre qui fait impression : 20.000 personnes. Je ne sais pas s'ils étaient 20.000 ou 10.000, ça n'a pas beaucoup d'importance. Par rapport à l'immense communauté musulmane de France - "communauté musulmane", c'est aussi un terme sur lequel il y aurait beaucoup à dire, parce que tous ceux qui sont nés au Maghreb ou en Afrique ne sont pas forcément musulmans... Alors, on a tendance à dire "les Musulmans"... Bon, ce sont des gens originaires d'Afrique du Nord ou d'Afrique. Par rapport à ces 4,5 millions de personnes, la manifestation représente peu de choses. En réalité, il suffisait de voir le service d'ordre de la manifestation pour avoir une idée sur ceux qui l'ont organisée : ce sont les intégristes et ce sont les gens de l'UOIF, ce sont les seuls capables de faire ça, c'est clair. Voilà. Alors, ils en ont profité, ils ont mis en avant le président fantoche de l'association fantôme de Strasbourg et ensuite, eux, se sont abrités derrière cela..."
A. Hausser.- Contre cela, qu'est-ce que vous préconisez ?
Ch. PASQUA. - "Contre ça, je pense que ce qu'il faut faire dans les plus brefs délais, c'est faire voter la loi. Et il faudrait qu'à l'intérieur de la majorité, on cesse de s'interroger sur l'opportunité. Le président de la République a tranché, il a dit : "Il faut une loi". Le débat pouvait parfaitement avoir lieu avant. Fallait-il une loi ou pas, c'est tranché. On a décidé qu'il fallait une loi et ça nous concerne... Le point sur lequel je voudrais insister, parce que c'est très important, c'est qu'il ne faut pas prendre des mesures qui seraient de nature à faire basculer la communauté vers les intégristes."
A. Hausser.- A quoi pensez-vous ?
Ch. PASQUA. - "Il faut bien préciser que les mesures qui sont envisagées, proposées, ne concernent que l'école et rien d'autre, que cela ne concerne pas la vie civile, parce que dans la vie de chaque jour, chacun est libre de s'habiller comme il l'entend et d'exhiber les signes extérieurs de sa croyance s'il le veut. Il faut donc bien préciser."
A. Hausser.- Mais le problème déborde l'école, quand on pense aux hôpitaux
Ch. PASQUA. - "C'est autre chose, c'est un deuxième problème. Pour l'instant, ce qui est en cause, c'est l'école. L'école est justement le lieu où doivent s'effacer les origines et les croyances, c'est le principe même de la laïcité. Sur ce point, il ne doit y avoir aucun accommodement, le Gouvernement doit être intransigeant, la majorité ferait mieux de se regrouper, de se rassembler"
A. Hausser.- Vous visez E. Balladur, là ?
Ch. PASQUA. - "Je vise ceux qui font part de leurs états d'âme. Eh bien, leurs états d'âme, tout le monde s'en fiche, n'est-ce pas ! Il y a une majorité, qu'elle se regroupe derrière le gouvernement et que le Gouvernement - si j'ai un souhait à formuler ou un conseil à donner, bien que ce soit peut-être un peu prétentieux -, je dirais simplement ceci : que la loi soit votée très vite. Voilà."
A. Hausser.- Apparemment, sur ce plan-là, vous allez être suivi, puisqu'elle devrait l'être dès le mois prochain ?
Ch. PASQUA. - "Oui, mais elle peut l'être même avant, il faut accélérer le processus de façon à couper l'herbe sous les pieds aux manifestations des intégristes."
A. Hausser.- C. Pasqua, ce soir vous présentez vos vux au Conseil général des Hauts-de-Seine. On dit que ce sont les derniers...
Ch. PASQUA. - "Ah ça, qui vivra verra !"
A. Hausser.- Pourquoi ? Vous n'avez pas pris votre décision ?
Ch. PASQUA. - "Parce qu'aucune décision n'est prise pour l'instant."
A. Hausser.- C'est-à-dire que vous n'êtes pas sûr de ne pas vous représenter aux cantonales ?
Ch. PASQUA. - "Je ne suis sûr de rien. Et personne n'est sûr de rien. Alors, ceux qui spéculent, ceux qui affabulent, risquent de se trouver un peu démentis par les faits."
A. Hausser.- Vous dites cela pour faire un peu saliver le ministre de l'Intérieur, qui devrait récupérer le canton ?
Ch. PASQUA. - "Non, pas du tout ! Je dis simplement que rien n'est décidé, ni par lui ni par moi."
A. Hausser.- Et il faut un accord des deux ?
Ch. PASQUA. - "De toutes façons, nous nous reverrons avant que la décision ne soit prise, c'est clair. Nous sommes suffisamment amis pour décider ensemble. Au plus tard, ce sera vers le 20 février, puisque c'est le dépôt des candidatures."
A. Hausser.- Donc vous maintenez le suspens jusque-là ?
Ch. PASQUA. - "Oui, parce que je ne le sais pas moi-même. Alors, par conséquent, si les autres le savent, qu'ils me le disent."
A. Hausser.- Qu'est-ce qui va vous déterminer ?
Ch. PASQUA. - "Nous verrons."
A. Hausser.- Vous n'en direz pas plus ?
Ch. PASQUA. - "Non."
A. Hausser.- Vous prenez la parole aujourd'hui au colloque sur le choc des civilisations La construction européenne se fait-elle au détriment de la Méditerranée ?
Ch. PASQUA. - "Au détriment de la Méditerranée ? La formulation est un peu abrupte, il vaudrait mieux dire : la construction européenne actuelle peut-elle aller de paire avec le développement des relations avec les pays de la Méditerranée ? Actuellement, la réponse est non, cela ne va pas de paire. Cela ne veut pas dire que l'Union européenne ne fasse pas des efforts, mais ces efforts sont faibles, et d'autre part l'entrée de dix pays du Nord ou de l'Est de l'Europe, déplace le centre de gravité, c'est évident. Et c'est extrêmement préoccupant. C'est la raison pour laquelle je suis de ceux qui pensent qu'il faut faire beaucoup d'efforts pour renforcer les liens avec les pays de la Méditerranée."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 19 janvier 2004)