Texte intégral
Si j'ai souhaité venir à ces Etats généraux organisée par AIDES c'est d'abord pour vous dire, à vous les personnes séropositives rassemblées dans cette salle, que vous êtes au cur de mes préoccupations de médecin et de ministre. C'est ma conviction profonde que la parole des malades est le vrai moteur de la transformation de la médecine et de la société.
Il y a 20 ans on découvrait le virus du SIDA. Bien peu avait alors anticipé, que la pandémie la plus meurtrière et dévastatrice de notre époque venait de naître, qu'elle ne connaîtrait pas de frontière ni entre les groupes de population ni entre les pays.
Il y a 20 ans naissait aussi l'espoir. Cet espoir, c'était la prise de parole des malades du sida et de leurs proches, la naissance du mouvement associatif moderne. Elle allait bouleverser les rapports des médecins et des patients et transformer profondément l'ensemble de la société.
Comme le disait il y a 20 ans le fondateur de AIDES, Daniel DEFERT : " je savais déjà que la question du Sida ne pouvait pas être plus longtemps confinée comme question médicale ".
Sous l'impulsion de ces pionniers, bouleversés par l'agonie de leur proches, les médecins, les chercheurs, les associations de patients, les responsables politiques ont appris à unir leurs efforts, à travailler ensemble.
Pour lutter contre la discrimination, nous avons appris la différence, la tolérance, mieux encore la solidarité.
Ces leçons du sida, chèrement payés par plusieurs dizaine de milliers de vie humaine et autant de souffrance, sont irréversibles, j'en suis convaincu. Rien ne sera plus comme avant. La démocratie sanitaire est née et s'exerce aujourd'hui dans tous les domaines de la santé. La parole des malades, votre parole, est au cur de nos préoccupations. Elle est notre moteur.
Mais, comme le dit si bien Christian Saout le Président de AIDES, " la lutte continue et elle est immense ".
Certes, il y a des signes encourageants
Chez les usagers de drogues, les infections à VIH ont chuté. En 2003, deux pour cent seulement des nouveaux diagnostics sont liés à l'usage de drogue injectable et il s'agit le plus souvent d'infection ancienne. La politique de réduction des risques a reçu une base légale dans la loi de santé publique votée cet été, comme vous l'aviez, avec raison, tous souhaité, afin de sécuriser les acteurs de terrain.
Je veille personnellement à ce que la substitution en France, que j'ai mis en place il y a 10 ans avec la création des premiers centres méthadones, soit accessible à tous ceux qui en ont besoin, et particulièrement les plus marginalisés.
Mais aujourd'hui je suis inquiet
D'après l'InVS, en 2003, encore près de 6000 personnes ont découvert leur séropositivité et chaque annonce est toujours aussi dramatique et bouleversante.
Je suis inquiet car le spectre des années noires réapparaît. L'épidémie est de nouveau totalement incontrôlée chez les homosexuels. Les infections liées à un rapport homosexuel représentent 22% des nouveaux diagnostics. Et plus d'une fois sur deux, il s'agit d'une transmission datant de moins de 6 mois !
La recrudescence des comportements à risque se confirment en particulier chez les jeunes homosexuels de moins de 25 ans. Et ces comportements à risques se traduisent par la réémergence d'infections sexuellement transmissibles (IST) qui avait quasiment disparu. Parmi les homosexuels qui ont contracté une syphilis en 2003, plus de la moitié sont séropositifs pour le VIH.
Quand on sait que les IST favorisent la transmission du VIH et que plus d'un homosexuel sur 10 est séropositif, on mesure le danger que court un homosexuel qui a des rapports non protégés !
Ce phénomène n'est pas propre à la France et peut s'expliquer par la moindre crainte du sida depuis les trithérapies. Peu de jeunes ont vu mourir leur proches. L'enquête VESPA de l'ANRS montre aussi que ceux qui vivent avec le VIH depuis de nombreuses années expriment des difficultés et une lassitude à maintenir des comportements de prévention.
Ces signes associés à l'essoufflement des différents acteurs, rendent notre responsabilité d'autant plus importante dans le combat contre le sida.
Le Sida est une priorité forte de santé publique et il doit le rester.
Vous, qui vous rappelez chaque seconde de l'annonce traumatisante de votre séropositivité, qui vivez la maladie tous les jours, ne laissez pas croire aux plus jeunes que le sida est vaincu, qu'il ne bouleverse pas la vie de ceux qu'il infecte.
Nous avons besoin de votre mobilisation. Aidez nous à les protéger, à vous protéger
Et nous avons besoin de la mobilisation de toutes les associations de lutte contre le sida, de AIDES, de votre viligance, de votre aide pour diffuser les messages d'alerte, pour élaborer de nouvelle stratégie, pour continuer à faire évoluer les pratiques médicales et pour redynamiser toutes les énergies qui ont éclairé le début de cette terrible pandémie. Pour faire un front commun contre le sida. C'est le sens du message du premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, annonçant, hier, le sida " grande cause nationale " pour 2005.
Aujourd'hui, les personnes qui s'infectent par voie hétérosexuelle représentent plus de la moitié des cas (57%). Parmi elles, 60% sont des femmes et 50% ont la nationalité d'un pays d'Afrique subsaharienne.
C'est peut-être là une des leçons majeures. Face à des épidémies à transmission interhumaine, il est illusoire de croire que la situation des autres pays ne nous concerne pas. Le SRAS nous l'a rappelé. Le sida nous le répète. Il ne faut pas avoir peur de le dire : L'épidémie en France est aussi le reflet de celle qui s'étend, hors de tout contrôle, dans les pays du Sud.
Face à ce défi, il faut garder nos repères. Ceux qui ont jusqu'à présent fait notre force pour combattre cette infection. Ceux qui fondent aussi les valeurs de notre système de soins : "l'accès pour tous " ici comme ailleurs, hors de nos frontières.
En France, nous devons protéger les étrangers infectés par le VIH. Ils doivent avoir accès à une prise en charge. Les indicateurs disponibles, notamment dans le cadre de l'enquête VESPA de l'ANRS, montrent que l'accès au dépistage et au traitement des femmes africaines est satisfaisant. La grossesse est souvent le motif du recours au dépistage. En revanche, il faut accentuer les efforts en direction des hommes qui sont dépistés trop tardivement.
Les actions de dépistage et de prévention en direction de cette population seront donc renforcées et développées dans le cadre de notre Programme migrants 2004-2006.
Vos attentes, je le sais, c'est aussi que nous entendions les nouveaux besoins de ceux qui sont séropositifs. Vos nouveaux besoins.
Les traitements antirétroviraux ont transformé le visage de la maladie. Ces traitements permettent de contrôler l'infection mais pas de guérir. Ils sont contraignants et nous n'avons pas assez de recul pour lever les inquiétudes liées aux effets indésirables et aux développements de résistance aux antiviraux.
Aujourd'hui encore, les associations de patients nous poussent à aller plus vite, à aller plus loin. Et elles ont raisons !
A la demande des associations de malades, je suis intervenu pour que l'ANAES examine en urgence les demandes d'inscription à la nomenclature de plusieurs actes. Pour mieux prendre en charge les lipoatrophies faciales, la technique de comblement par Newfill sera remboursée avant la fin de l'année. Seront également remboursés en tout début d'année prochaine les tests génotypiques de résistance du VIH, le dosage plasmatique des antirétroviraux et la charge virale de l'hépatite Delta. L'avis sur l'ostéodensitometrie sera rendue par l'ANAES le 17 décembre.
Pour répondre au désir d'enfant chez les couples séro différents où l'homme est porteur du virus, mon ministère développe les centres de procréation médicalement assistée dans un contexte viral. 12 services existent à ce jour et le délai de prise en charge pour une PMA est identique à celui de la population générale.
Grâce à la qualité de la prise en charge des femmes enceintes séropositives, la transmission maternofoetale a quasiment disparu (10 à 20 cas par an en France). Le nombre de femmes suivies dans le cadre d'une grossesse a triplé en 10 ans.
Mais comme le souligne l'enquête VESPA, toutes les personnes infectées par le VIH, sont souvent en situation de fragilité familiale et sociale. Le maintien des liens sociaux, de l'emploi et de l'insertion professionnelle constituent un enjeu majeur et les actions dans ce domaine restent encore trop ponctuelles.
Pour les plus défavorisés, et en particulier les femmes africaines qui sont souvent isolées ou seules avec des enfants, la prise en charge et l'accompagnement social sont essentiels. Les manifestations de discriminations dans la vie quotidienne sont difficile à supporter, elles sont encore très présentes, notamment aux Antilles Guyane.
Des permanences d'accueil et de soutien assurées par des associations existent dans plus de 70 départements. En 2005, le nombre de places d'appartement de coordination thérapeutique sera augmenté de 25% soit 150 places supplémentaires.
Les crédits d'intervention du ministère de la santé et de la protection sociale consacrés à la lutte contre le sida représentent environ 64 millions d'euros en 2003 et seront maintenus. Le nouveau Plan national de lutte contre le VIH 2005-2008 prévoit de renforcer les actions de prévention en direction des groupes à risques.
Et, parce qu' il faut un nouvel élan dans la mobilisation, j'ai voulu un dispositif de communication exceptionnel pour ce 1er décembre. Dès le 30 novembre, un spot événementiel d'une semaine sera largement diffusé ; il traduit la difficulté à vivre avec le virus.
Du 9 au 22 décembre, la campagne sur le risque de transmission du VIH et des IST qui s'adresse notamment aux homosexuels et aux migrants sera rediffusée. A partir du 15 décembre, le spot du Sidaction, réalisés par Pascal Obispo sera diffusé pendant 15 jours. Du 1er au 8 décembre, nous diffuserons aussi un programme court en direction des migrants, intitulé " 15 femmes contre le sida " qui mobilisent 15 vedettes africaines.
En matière internationale, également, l'humilité s'impose face à une épidémie que nous ne parvenons pas, malgré nos efforts, à enrayer. Dans le monde, 4,9 millions le nombre de personnes ont été infectées par le VIH en 2004 et à 39,4 millions de personnes sont séropositives. Onusida estime à 68 millions le nombre de personnes qui mourront du SIDA dans les 45 pays les plus touchés, dans les 20 prochaines années soit 8 millions de plus que la population française !
Reconnaissons-le : la communauté internationale n'a pas les moyens de ses ambitions dans la lutte contre ce fléau. L'objectif du millénaire pour le développement qu'elle a adopté en 2000, vise à enrayer la progression du VIH/SIDA. Il est plus en retard encore que tous les autres objectifs !
Pour anticiper cet échec annoncé, les Présidents Chirac et Lula, ont présenté le 20 septembre dernier à New York devant une quarantaine de chefs d'Etat, la mise en place d'une taxe internationale qui prévoit, notamment, de financer des programmes de santé pour les pays en voie de développement.
Ne nous trompons pas : si nous ne changeons pas d'échelle dans le financement de notre aide au développement, le SIDA décimera l'Afrique et une partie de l'Asie en moins de vingt ans.
En appui à ces grandes réformes internationales, j'ai décidé d'accélérer notre stratégie de lutte contre l'épidémie selon deux axes : l'amélioration de l'accès au médicament pour les pays pauvres, et la création d'une stratégie européenne de recherche d'un vaccin contre le SIDA.
Après m'en être entretenu avec le Président Lula, au Brésil, en octobre dernier, ce lundi, au Sénégal, j'ai annoncé, au Président Wade la transposition par la France de l'accord médicament du 30 aout 2003.
Concrètement, cet accord autorise un pays qui a besoin d'un médicament, mais qui n'en dispose pas, de demander une licence obligatoire au pays détenteur du brevet, et d'utiliser cette licence en faisant produire le médicament dans un pays tiers, après appel d'offre.
En utilisant, par exemple, les principes actifs à bas prix de la Chine et la fabrication de génériques en Inde, une trithérapie coûte entre 200 et 300 dollars par personne et par an au lieu de 10 000 dollars aujourd'hui.
Le deuxième axe de ma politique internationale de lutte contre le SIDA porte sur la recherche d'un vaccin. La nécessité d'un vaccin est plus que jamais d'actualité face à l'échec de la communauté internationale à enrayer la pandémie par les seules armes de la prévention et du traitement.
Par rapport aux Etats-Unis, la recherche sur le vaccin en Europe est très performante. Pourtant, alors que plus d'un tiers des candidats vaccins actuellement en développement clinique dans le monde sont issus de la recherche européenne, 90 % des essais vaccinaux se déroulent aux Etats-Unis. Les scientifiques européens ont donc lancé, l'année dernière, un appel, afin que la stratégie de recherche soit coordonnée et qu'un financement européen soit consacré aux candidats vaccins les plus avancés.
Pour répondre à leur appel, j'ai réuni le 19 octobre dernier les ministres de la Santé des 7 pays européens les plus engagés dans la recherche d'un vaccin contre le Sida (l'Allemagne, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, la Suède et les Pays-Bas).
J'ai obtenu leur accord pour harmoniser les choix des candidats vaccins afin qu'ils soient complémentaires entre Etats membres, et non rivaux, et de créer ensemble une masse critique permettant le développement d'essais cliniques en Europe.
Nous entérinerons cette Europe du vaccin contre le SIDA le 7 décembre, lors du prochain conseil européen de la santé.
Mes seules certitudes, dans la lutte contre le sida :
- il nous faut rester humble
- et ne jamais relâcher notre mobilisation.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 1e décembre 2004)
Il y a 20 ans on découvrait le virus du SIDA. Bien peu avait alors anticipé, que la pandémie la plus meurtrière et dévastatrice de notre époque venait de naître, qu'elle ne connaîtrait pas de frontière ni entre les groupes de population ni entre les pays.
Il y a 20 ans naissait aussi l'espoir. Cet espoir, c'était la prise de parole des malades du sida et de leurs proches, la naissance du mouvement associatif moderne. Elle allait bouleverser les rapports des médecins et des patients et transformer profondément l'ensemble de la société.
Comme le disait il y a 20 ans le fondateur de AIDES, Daniel DEFERT : " je savais déjà que la question du Sida ne pouvait pas être plus longtemps confinée comme question médicale ".
Sous l'impulsion de ces pionniers, bouleversés par l'agonie de leur proches, les médecins, les chercheurs, les associations de patients, les responsables politiques ont appris à unir leurs efforts, à travailler ensemble.
Pour lutter contre la discrimination, nous avons appris la différence, la tolérance, mieux encore la solidarité.
Ces leçons du sida, chèrement payés par plusieurs dizaine de milliers de vie humaine et autant de souffrance, sont irréversibles, j'en suis convaincu. Rien ne sera plus comme avant. La démocratie sanitaire est née et s'exerce aujourd'hui dans tous les domaines de la santé. La parole des malades, votre parole, est au cur de nos préoccupations. Elle est notre moteur.
Mais, comme le dit si bien Christian Saout le Président de AIDES, " la lutte continue et elle est immense ".
Certes, il y a des signes encourageants
Chez les usagers de drogues, les infections à VIH ont chuté. En 2003, deux pour cent seulement des nouveaux diagnostics sont liés à l'usage de drogue injectable et il s'agit le plus souvent d'infection ancienne. La politique de réduction des risques a reçu une base légale dans la loi de santé publique votée cet été, comme vous l'aviez, avec raison, tous souhaité, afin de sécuriser les acteurs de terrain.
Je veille personnellement à ce que la substitution en France, que j'ai mis en place il y a 10 ans avec la création des premiers centres méthadones, soit accessible à tous ceux qui en ont besoin, et particulièrement les plus marginalisés.
Mais aujourd'hui je suis inquiet
D'après l'InVS, en 2003, encore près de 6000 personnes ont découvert leur séropositivité et chaque annonce est toujours aussi dramatique et bouleversante.
Je suis inquiet car le spectre des années noires réapparaît. L'épidémie est de nouveau totalement incontrôlée chez les homosexuels. Les infections liées à un rapport homosexuel représentent 22% des nouveaux diagnostics. Et plus d'une fois sur deux, il s'agit d'une transmission datant de moins de 6 mois !
La recrudescence des comportements à risque se confirment en particulier chez les jeunes homosexuels de moins de 25 ans. Et ces comportements à risques se traduisent par la réémergence d'infections sexuellement transmissibles (IST) qui avait quasiment disparu. Parmi les homosexuels qui ont contracté une syphilis en 2003, plus de la moitié sont séropositifs pour le VIH.
Quand on sait que les IST favorisent la transmission du VIH et que plus d'un homosexuel sur 10 est séropositif, on mesure le danger que court un homosexuel qui a des rapports non protégés !
Ce phénomène n'est pas propre à la France et peut s'expliquer par la moindre crainte du sida depuis les trithérapies. Peu de jeunes ont vu mourir leur proches. L'enquête VESPA de l'ANRS montre aussi que ceux qui vivent avec le VIH depuis de nombreuses années expriment des difficultés et une lassitude à maintenir des comportements de prévention.
Ces signes associés à l'essoufflement des différents acteurs, rendent notre responsabilité d'autant plus importante dans le combat contre le sida.
Le Sida est une priorité forte de santé publique et il doit le rester.
Vous, qui vous rappelez chaque seconde de l'annonce traumatisante de votre séropositivité, qui vivez la maladie tous les jours, ne laissez pas croire aux plus jeunes que le sida est vaincu, qu'il ne bouleverse pas la vie de ceux qu'il infecte.
Nous avons besoin de votre mobilisation. Aidez nous à les protéger, à vous protéger
Et nous avons besoin de la mobilisation de toutes les associations de lutte contre le sida, de AIDES, de votre viligance, de votre aide pour diffuser les messages d'alerte, pour élaborer de nouvelle stratégie, pour continuer à faire évoluer les pratiques médicales et pour redynamiser toutes les énergies qui ont éclairé le début de cette terrible pandémie. Pour faire un front commun contre le sida. C'est le sens du message du premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, annonçant, hier, le sida " grande cause nationale " pour 2005.
Aujourd'hui, les personnes qui s'infectent par voie hétérosexuelle représentent plus de la moitié des cas (57%). Parmi elles, 60% sont des femmes et 50% ont la nationalité d'un pays d'Afrique subsaharienne.
C'est peut-être là une des leçons majeures. Face à des épidémies à transmission interhumaine, il est illusoire de croire que la situation des autres pays ne nous concerne pas. Le SRAS nous l'a rappelé. Le sida nous le répète. Il ne faut pas avoir peur de le dire : L'épidémie en France est aussi le reflet de celle qui s'étend, hors de tout contrôle, dans les pays du Sud.
Face à ce défi, il faut garder nos repères. Ceux qui ont jusqu'à présent fait notre force pour combattre cette infection. Ceux qui fondent aussi les valeurs de notre système de soins : "l'accès pour tous " ici comme ailleurs, hors de nos frontières.
En France, nous devons protéger les étrangers infectés par le VIH. Ils doivent avoir accès à une prise en charge. Les indicateurs disponibles, notamment dans le cadre de l'enquête VESPA de l'ANRS, montrent que l'accès au dépistage et au traitement des femmes africaines est satisfaisant. La grossesse est souvent le motif du recours au dépistage. En revanche, il faut accentuer les efforts en direction des hommes qui sont dépistés trop tardivement.
Les actions de dépistage et de prévention en direction de cette population seront donc renforcées et développées dans le cadre de notre Programme migrants 2004-2006.
Vos attentes, je le sais, c'est aussi que nous entendions les nouveaux besoins de ceux qui sont séropositifs. Vos nouveaux besoins.
Les traitements antirétroviraux ont transformé le visage de la maladie. Ces traitements permettent de contrôler l'infection mais pas de guérir. Ils sont contraignants et nous n'avons pas assez de recul pour lever les inquiétudes liées aux effets indésirables et aux développements de résistance aux antiviraux.
Aujourd'hui encore, les associations de patients nous poussent à aller plus vite, à aller plus loin. Et elles ont raisons !
A la demande des associations de malades, je suis intervenu pour que l'ANAES examine en urgence les demandes d'inscription à la nomenclature de plusieurs actes. Pour mieux prendre en charge les lipoatrophies faciales, la technique de comblement par Newfill sera remboursée avant la fin de l'année. Seront également remboursés en tout début d'année prochaine les tests génotypiques de résistance du VIH, le dosage plasmatique des antirétroviraux et la charge virale de l'hépatite Delta. L'avis sur l'ostéodensitometrie sera rendue par l'ANAES le 17 décembre.
Pour répondre au désir d'enfant chez les couples séro différents où l'homme est porteur du virus, mon ministère développe les centres de procréation médicalement assistée dans un contexte viral. 12 services existent à ce jour et le délai de prise en charge pour une PMA est identique à celui de la population générale.
Grâce à la qualité de la prise en charge des femmes enceintes séropositives, la transmission maternofoetale a quasiment disparu (10 à 20 cas par an en France). Le nombre de femmes suivies dans le cadre d'une grossesse a triplé en 10 ans.
Mais comme le souligne l'enquête VESPA, toutes les personnes infectées par le VIH, sont souvent en situation de fragilité familiale et sociale. Le maintien des liens sociaux, de l'emploi et de l'insertion professionnelle constituent un enjeu majeur et les actions dans ce domaine restent encore trop ponctuelles.
Pour les plus défavorisés, et en particulier les femmes africaines qui sont souvent isolées ou seules avec des enfants, la prise en charge et l'accompagnement social sont essentiels. Les manifestations de discriminations dans la vie quotidienne sont difficile à supporter, elles sont encore très présentes, notamment aux Antilles Guyane.
Des permanences d'accueil et de soutien assurées par des associations existent dans plus de 70 départements. En 2005, le nombre de places d'appartement de coordination thérapeutique sera augmenté de 25% soit 150 places supplémentaires.
Les crédits d'intervention du ministère de la santé et de la protection sociale consacrés à la lutte contre le sida représentent environ 64 millions d'euros en 2003 et seront maintenus. Le nouveau Plan national de lutte contre le VIH 2005-2008 prévoit de renforcer les actions de prévention en direction des groupes à risques.
Et, parce qu' il faut un nouvel élan dans la mobilisation, j'ai voulu un dispositif de communication exceptionnel pour ce 1er décembre. Dès le 30 novembre, un spot événementiel d'une semaine sera largement diffusé ; il traduit la difficulté à vivre avec le virus.
Du 9 au 22 décembre, la campagne sur le risque de transmission du VIH et des IST qui s'adresse notamment aux homosexuels et aux migrants sera rediffusée. A partir du 15 décembre, le spot du Sidaction, réalisés par Pascal Obispo sera diffusé pendant 15 jours. Du 1er au 8 décembre, nous diffuserons aussi un programme court en direction des migrants, intitulé " 15 femmes contre le sida " qui mobilisent 15 vedettes africaines.
En matière internationale, également, l'humilité s'impose face à une épidémie que nous ne parvenons pas, malgré nos efforts, à enrayer. Dans le monde, 4,9 millions le nombre de personnes ont été infectées par le VIH en 2004 et à 39,4 millions de personnes sont séropositives. Onusida estime à 68 millions le nombre de personnes qui mourront du SIDA dans les 45 pays les plus touchés, dans les 20 prochaines années soit 8 millions de plus que la population française !
Reconnaissons-le : la communauté internationale n'a pas les moyens de ses ambitions dans la lutte contre ce fléau. L'objectif du millénaire pour le développement qu'elle a adopté en 2000, vise à enrayer la progression du VIH/SIDA. Il est plus en retard encore que tous les autres objectifs !
Pour anticiper cet échec annoncé, les Présidents Chirac et Lula, ont présenté le 20 septembre dernier à New York devant une quarantaine de chefs d'Etat, la mise en place d'une taxe internationale qui prévoit, notamment, de financer des programmes de santé pour les pays en voie de développement.
Ne nous trompons pas : si nous ne changeons pas d'échelle dans le financement de notre aide au développement, le SIDA décimera l'Afrique et une partie de l'Asie en moins de vingt ans.
En appui à ces grandes réformes internationales, j'ai décidé d'accélérer notre stratégie de lutte contre l'épidémie selon deux axes : l'amélioration de l'accès au médicament pour les pays pauvres, et la création d'une stratégie européenne de recherche d'un vaccin contre le SIDA.
Après m'en être entretenu avec le Président Lula, au Brésil, en octobre dernier, ce lundi, au Sénégal, j'ai annoncé, au Président Wade la transposition par la France de l'accord médicament du 30 aout 2003.
Concrètement, cet accord autorise un pays qui a besoin d'un médicament, mais qui n'en dispose pas, de demander une licence obligatoire au pays détenteur du brevet, et d'utiliser cette licence en faisant produire le médicament dans un pays tiers, après appel d'offre.
En utilisant, par exemple, les principes actifs à bas prix de la Chine et la fabrication de génériques en Inde, une trithérapie coûte entre 200 et 300 dollars par personne et par an au lieu de 10 000 dollars aujourd'hui.
Le deuxième axe de ma politique internationale de lutte contre le SIDA porte sur la recherche d'un vaccin. La nécessité d'un vaccin est plus que jamais d'actualité face à l'échec de la communauté internationale à enrayer la pandémie par les seules armes de la prévention et du traitement.
Par rapport aux Etats-Unis, la recherche sur le vaccin en Europe est très performante. Pourtant, alors que plus d'un tiers des candidats vaccins actuellement en développement clinique dans le monde sont issus de la recherche européenne, 90 % des essais vaccinaux se déroulent aux Etats-Unis. Les scientifiques européens ont donc lancé, l'année dernière, un appel, afin que la stratégie de recherche soit coordonnée et qu'un financement européen soit consacré aux candidats vaccins les plus avancés.
Pour répondre à leur appel, j'ai réuni le 19 octobre dernier les ministres de la Santé des 7 pays européens les plus engagés dans la recherche d'un vaccin contre le Sida (l'Allemagne, l'Espagne, la Grande-Bretagne, l'Italie, la Suède et les Pays-Bas).
J'ai obtenu leur accord pour harmoniser les choix des candidats vaccins afin qu'ils soient complémentaires entre Etats membres, et non rivaux, et de créer ensemble une masse critique permettant le développement d'essais cliniques en Europe.
Nous entérinerons cette Europe du vaccin contre le SIDA le 7 décembre, lors du prochain conseil européen de la santé.
Mes seules certitudes, dans la lutte contre le sida :
- il nous faut rester humble
- et ne jamais relâcher notre mobilisation.
(Source http://www.sante.gouv.fr, le 1e décembre 2004)