Allocution de M. Hamlaoui Mekachera, ministre délégué aux anciens combattants, à l'occasion de la remise des morceaux de l'avion de Saint-Exupéry au musée de l'air et de l'espace, Le Bourget le 23 juin 2004.

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Circonstance : Remise des morceaux de l'avion de Saint-Exupéry au musée de l'air et de l'espace, Le Bourget, le 23 juin 2004

Texte intégral

Monsieur le Chef d'État major de l'armée de l'Air,
Mesdames et Messieurs les élus,
Monsieur le Sous-Préfet,
Monsieur le Directeur du musée de l'air et de l'espace,
Messieurs les officiers généraux,
Mesdames, Messieurs,
Si le terme d'écrivain engagé a une signification, je crois que ce n'est sans doute pas celle qu'on lui prête généralement.
Etre un écrivain engagé, ce n'est pas, simplement, mettre ses talents littéraires au service d'une idéologie.
Si les mots écrivain engagé ont une consistance c'est bien celle de mettre sa vie au bout de ses idées.
Ecrivain et combattant, penseur et pilote, romancier et soldat, tout cela Saint-Exupéry le fut simultanément.
Son uvre s'est nourrie de ses actes. Ses actes ont infusé son uvre. Sa vie a mêlé les talents de l'écrivain et ceux du pilote, le courage physique et la profondeur d'âme.
" Le métier de témoin m'a toujours fait horreur - Que suis-je si je ne participe pas ? " - écrit-il dans Pilote de guerre.
Que nous reste-t-il aujourd'hui du souvenir de Saint-Exupéry ?
Une grande popularité, certainement ;
la silhouette familière du Petit Prince, sans doute.
Mais au-delà de ces images, il nous reste le message de l'homme à ses semblables, l'exemplarité du soldat et du pilote, immortalisée par la plume de l'écrivain.
Le souvenir de Saint-Exupéry c'est donc, tout d'abord, le courage, le goût de la technique, du défi et du panache.
Saint-Exupéry, c'est la figure légendaire du pilote et du pionnier.
Toutes ces qualités ont servi de guide à nos pilotes, en Indochine, en Afrique, dans le Golfe.
Elles servent, aujourd'hui encore, de guide à nos jeunes pilotes en Afghanistan, dans les Balkans, partout où les ailes de la France ont montré et montrent leurs cocardes.
Elles demeurent une référence pour les personnels navigants de nos armées dont je salue, ici, la valeur.
Mais cette posture héroïque s'est nourrie de la profondeur d'une pensée faite d'humanisme et de don de soi, qui, aujourd'hui comme hier, restent d'une extraordinaire modernité.
Face au sectarisme, Saint-Exupéry nous renvoie à la primauté des liens entre tous les hommes, il oppose l'Universel à l'égoïsme et au culte de la personne.
Devant la barbarie, relisons Saint-Exupéry qui nous conduit à mettre l'Homme au centre de toute pensée et de chaque action.
Ainsi, la vie de Saint-Exupéry n'a été qu'une perpétuelle quête de cohérence entre l'esprit et l'action :
Infatigable pionnier, des sables du Sahara aux glaces de la Cordillère des Andes, de New York à la terre de feu, de l'Atlantique Sud à la Méditerranée, il a ouvert de nouvelles routes qui relieront les hommes.
Pilote de guerre intrépide, au sein du groupe 2/33, il s'est battu contre la barbarie au printemps 40, puis, de nouveau, en 43-44, lorsqu'il rejoint la France libre.
Il y a 60 ans, au cours d'une de ses nombreuses missions de reconnaissance aérienne, Antoine de Saint-Exupéry, disparaissait en mer.
Son âme brille désormais, là-haut, au firmament.
Etoile scintillante, elle nous guide.
Elle a rejoint, non loin de l'astéroïde B 612, celle de Guynemer, de Nungesser et de Mermoz.
Nous remettons ce soir au musée de l'air et de l'espace les morceaux du Lightning P38 que pilotait le commandant de Saint-Exupéry, mort pour la France le 31 juillet 1944.
Ces reliques constituent un jalon singulier sur le chemin des multiples exploits de l'aéronautique française.
Ces débris d'avion nous rappellent que dans le ciel et l'espace, les ailes de la mort ne sont jamais loin.
Mais ils nous montrent aussi que la troisième dimension demeure, aujourd'hui encore, un des rares espaces de liberté qu'il nous reste ; et qu'il n'y a pas de liberté sans risques.
Ce soir, dans ce haut lieu de la mémoire des exploits aériens français, en présence de la famille d'Antoine de Saint-Exupéry, nous rendons un vibrant hommage au soldat, au pilote, au penseur et à l'homme.
Devant ces tôles tordues par un destin accepté, alors que, devant nous, apparaissent les restes d'un cercueil que la mer nous a rendus, comment exprimer notre émotion sinon en donnant de nouveau la parole à Saint-Exupéry lorsqu'il évoque dans Terre des hommes la disparition de Mermoz :
Saint-Exupéry comme Mermoz, désormais "pareil au moissonneur qui, ayant bien lié sa gerbe, se couche dans son champ".
Je vous remercie.
(Source http://www.defense.gouv.fr)