Entretien de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, à ARD le 5 juin 2004, sur l'invitation de M. Gerhard Schroeder, chancelier allemand, aux festivités de commémoration du débarquement allié en Normandie en 1944.

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Média : ARD - Presse étrangère - Télévision

Texte intégral

ARD :
Pourquoi a-t-il fallu attendre si longtemps pour que la réconciliation franco-allemande se concrétise ainsi par l'invitation du Chancelier allemand ? Pour répondre à cette question nous allons interroger le ministre français de la Défense, Mme Alliot Marie depuis Caen. Bonsoir, madame
Michèle Alliot Marie :
Bonsoir Monsieur.
60 ans après l'événement historique du Débarquement, alors que le 50e ou le 40e anniversaire ont été célébrés, la France commémore plus que jamais cette date. Quel sens a-t-elle aujourd'hui ?
Je crois que ce jour est particulièrement important parce que c'est sans doute la dernière fois, ou en tout cas l'une des dernières occasions, en ce 60e anniversaire, que peuvent participer aux commémorations les nombreux protagonistes de cet événement.
Ces commémorations s'inscrivent bien évidemment dans un contexte international où les enjeux sont importants, où pèsent en particulier la menace du terrorisme, les crises régionales, interethniques et religieuses. Or, tout cela est dangereux et contraire à nos conceptions, à nos valeurs européennes que sont notamment la liberté, la tolérance et le respect de l'homme..
Alors que la France et l'Allemagne se sont réconciliées depuis déjà des années, pourquoi a-t-il fallu attendre tant de temps pour qu'un Chancelier allemand
soit invité ?
Je pense que de part et d'autre, beaucoup de choses ont été faites depuis le général De Gaulle et Adenauer. Les relations nouées entre les chefs de l'exécutif y ont également contribué. Beaucoup de liens se sont tissés dans un large éventail de domaines. Ici, en particulier en Normandie, beaucoup a été accompli, en particulier en termes de partenariat et de jumelage de villes entre les protagonistes de jadis. Mais il n'en subsiste pas moins une difficulté, une forme de malaise, entre les protagonistes survivants. Néanmoins, je crois que, pour eux aussi, cette invitation du chancelier Schröder a quelque chose de positif. Et ce, pas seulement pour nos deux pays qui se sont affrontés mais aussi pour la communauté internationale toute entière. Il s'agit de montrer que nous regardons ensemble vers l'avenir. Nous construisons ensemble, et bien évidemment nous construisons l'Europe. Cela a également un sens pour les nouveaux entrants qui ont intégré l'Union il y a à peine un mois.
Pensez-vous, comme l'affirment certains hommes politiques, que l'on peut comparer le débarquement en Normandie à l'opération que mènent les troupes américano-britanniques en Irak ?
Je pense qu'il faut se méfier des comparaisons. Dans ce domaine, on pourrait éventuellement établir un parallèle avec la première guerre du Golfe. Mais je pense que les comparaisons sont toujours difficiles à faire. Je n'en tiens pas moins à remercier tous ceux qui nous ont aidé à recouvrir notre liberté. C'est cela qui me paraît important.
La France et l'Allemagne sont aujourd'hui de proches partenaires. Que pensez-vous de ce que ces deux pays peuvent ou veulent accomplir à l'avenir dans divers domaines ?
Nous voulons faire en sorte que notre continent ne soit pas seulement un continent de liberté et de sécurité; nous voulons aussi que les citoyens, en Europe comme ailleurs dans le monde, puissent travailler et vivre en paix. Nous voulons que nos valeurs reconnues par tous soient partagées par de plus en plus de pays. Il y va de notre sécurité, de notre stabilité car nous sommes tous partie liée. C'est pourquoi il est important de construire, ensemble, la défense européenne ; avec la France et l'Allemagne, mais aussi le Royaume Uni, la Belgique, le Benelux, sans oublier l'Espagne, l'Italie et nos autres partenaires.
Merci beaucoup
Merci à vous
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 8 juillet 2004)