Texte intégral
Monsieur le Ministre,
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus,
Monsieur le Chancelier de l'Ordre de la Libération,
Mon Général,
Mesdames et messieurs les Présidents d'associations,
Mesdames et Messieurs,
Ils étaient jeunes. Refusant la défaite, l'asservissement de leur patrie, le reniement de ses valeurs, ils avaient choisi de poursuivre le combat. Résistants, maquisards, ils rêvaient de reconstruire la République.
Ils étaient apprentis, ouvriers, paysans. Refusant de mettre leur force de travail au service de l'ennemi. Ils avaient rejoint la clandestinité. Réfractaires au S.T.O, ils voulaient être artisans de la Victoire.
Ils étaient nés ici. Depuis de longues années, sur le plateau, ou encore à l'aube d'une existence pleine de promesses ; ils étaient de la Chapelle ou de Vassieux. Habitants du Vercors, ils étaient patriotes et courageux.
Sur la voie de l'honneur, dans la gloire, mais aussi dans le malheur, leurs destins se sont définitivement liés.
Sur ce site à la beauté incomparable, ensemble, ils ont écrit une page inoubliable, douloureuse, de notre histoire nationale.
Aujourd'hui, je suis venu saluer, avec respect et reconnaissance, les héros et les martyrs du Vercors. Je suis venu, au nom du Gouvernement, m'incliner devant les sacrifices consentis par toutes celles et par tous ceux qui sont restés indéfectiblement dignes de la France.
Car, ici, il fut question d'honneur. Honneur d'une Nation qui ne pouvait se résoudre à l'abaissement, à la négation de ses principes fondateurs; Honneur d'un pays dont la destinée millénaire ne pouvait s'interrompre sans que, des profondeurs, ne se lèvent des hommes valeureux et fidèles à son Histoire.
Car, ici, aussi, l'horreur a frappé. Sur ce plateau héroïque, aux combats ont succédé les massacres, les prisonniers et les otages qu'on fusille, les mutilations et les tortures. Cette barbarie qui appela ces mots d'A. Malraux : "Survivants de la Résistance, vous pouvez vraiment dire, sans avoir besoin d'élever la voix, que vous avez combattu en face de l'enfer."
Je suis venu rendre l'hommage qui leur est dû à tous les Résistants, à toute la Résistance, sur ce lieu o combien emblématique de leur idéal, de leur courage et de leur rôle historique.
Nous le savons, dès les premières heures de la France libre, le Général De Gaulle n'eut de cesse de faire participer des Françaises et des Français à la guerre qui se poursuivait. C'était nécessaire pour asseoir le pays à la table des vainqueurs. L'histoire retient qu'avec ceux de Londres, de Bir Hakeim et d'Italie, en Corse et sur le Continent, la "Résistance intérieure" a pris une part majeure, déterminante, aux combats.
Dans les réseaux et les maquis, par le renseignement, le sabotage, et le combat, par l'action et la réflexion, la Résistance a asséné les coups sans cesse plus redoutables à l'Occupant et à ses complices.
De l'Ain à Saint-Marcel dans le Morbihan, des Glières au Mont Mouchet, du Limousin au Vercors, les maquis - qu'ils soient entrés dans la légende ou qu'ils soient restés anonymes -, les maquis ont rassemblé les combattants et aussi ont su retenir l'ennemi. Ils lui ont ainsi infligé pertes et retards.
Au-delà des courants de pensées, des origines politiques, philosophiques, spirituelles, au-delà des motivations et des modes d'action, au-delà même des tempéraments et des caractères, les Résistants ont accompli une mission aussi périlleuse que décisive. La Nation ne doit pas l'oublier.
Oui, la France de 2004 sait ce qu'elle doit à la Résistance. La ferveur, impressionnante, émouvante, qui accompagne ces cérémonies du " 60ème anniversaire " atteste de la profonde reconnaissance des Françaises et des Français pour tous leurs libérateurs.
La France de 2004 est également consciente de la modernité des idéaux qui exigèrent alors tant et tant de sacrifices. Voici quinze jours, au Chambon-sur-Lignon, le Président de la République a réaffirmé, avec force et ce fut unanimement reconnu, la détermination absolue de l'Etat à faire respecter les valeurs et les convictions de l'engagement républicain.
C'est aussi le sens de la politique de mémoire que nous conduisons, comme le font les collectivités locales, les fondations et les associations. Elle s'inscrit résolument dans cette volonté de transmettre aux nouvelles générations la signification de cette épopée et la nécessité, comme cela vient d'être dit, de demeurer toujours vigilant.
En témoigne Vassieux-en-Vercors qui assume avec un sens des responsabilités que je veux souligner, l'honneur d'être une des cinq villes Compagnon de la Libération. Je veux également saluer, pour son action inlassable, l'Association nationale des pionniers et des combattants volontaires du Vercors, votre association.
Alors, nul doute, l'uvre et l'esprit des maquisards du Vercors n'ont pas été anéantis ; ni par la répression sanglante, ni par l'uvre du temps.
Quand les combats cessèrent dans les derniers jours de juillet 1944 et qu'il ne restait plus, du plus grand maquis de France, que le spectacle tragique des cadavres et des ruines, le Vercors entrait dans la mémoire nationale. Il ne la quittera jamais.
Au départ, une citadelle naturelle et la volonté aussi de deux hommes, Pierre Dalloz et Jean Prévost, pour faire une forteresse, s'est ainsi exprimée. Ensuite, un plan dénommé " Montagnards " qu'approuvent Delestraint, Moulin et De Gaulle. Et enfin, des hommes venus de tous les horizons : intellectuels, chasseurs alpins, l'Abbé Pierre, Alain Le Ray, Eugène Chavant, et bien d'autres, renforcés par le flot croissant des réfractaires et appuyés par l'ensemble de la population.
Actif depuis de très longs mois déjà, et déjà soumis au feu ennemi, le maquis change d'ampleur et les combats changent de nature avec le Débarquement de Normandie. Répondant à l'appel, 4 000 hommes se massent. La paix ne reviendra plus sur le plateau.
Partout, des affrontements, de plus en plus durs, auxquels répond une répression de plus en plus cruelle. Faute de parachutages suffisants, l'issue devient rapidement prévisible.
Du 13 au 15 juin, ce sont les terribles combats de Saint-Nizier de Moucherotte. Entrent alors dans la légende Thivollet, Huet et tant d'autres qui iront jusqu'au sacrifice suprême. Quant aux destructions, elles sont d'une extraordinaire violence, d'une extrême brutalité.
L'assaut décisif est donné à partir du 20 juillet. Les Allemands doivent mobiliser jusqu'à 15 000 hommes de la 157ème division, et de nombreux SS.
La répression n'a plus de limites. Touché en avril, bombardé mi-juillet, Vassieux-en-Vercors connaît le martyre. Le 21 juillet 1944 : plus de 100 combattants et 70 civils, hommes et femmes, vieillards et enfants, nourrissons, sauvagement massacrés. Le 25 juillet, à La Chapelle-en-Vercors, 16 jeunes otages sont fusillés. Et le 27 juillet, à la grotte de Luire, les blessés sont tués et les infirmières déportées.
Soixante ans après ces tragédies, qui auront fait 629 morts, dont 210 civils, nous nous souvenons de chacun d'eux avec une sincère émotion.
Plusieurs nécropoles, une cinquantaine de plaques commémoratives - certaines à plus de 2000 mètres d'altitude -, Le Pas de l'Aiguille, Autrans, Valchevrière, Villards-de-Lans, Malleval Le Vercors, ses maquisards, ses habitants et ses localités ont chèrement payé le prix de leur courage, le prix de la République. Très chèrement.
Cette histoire, qui suscita bien des passions et qui fascine toujours historiens et journalistes, cette histoire ne cessera d'être présente dans la conscience des Français par son importance militaire et symbolique, par surtout son terrible bilan humain, mais aussi par sa grandeur.
Dans un tel cadre, face à une page d'histoire aussi exceptionnelle, devant tant de sacrifices, on mesure le prodigieux destin de notre pays, l'exigence de le servir sans compter et le devoir de ne jamais cesser de croire en son avenir.
Vive le Vercors !
Vive la République !
et Vive la France !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 juillet 2004)
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Maire,
Mesdames et Messieurs les parlementaires et les élus,
Monsieur le Chancelier de l'Ordre de la Libération,
Mon Général,
Mesdames et messieurs les Présidents d'associations,
Mesdames et Messieurs,
Ils étaient jeunes. Refusant la défaite, l'asservissement de leur patrie, le reniement de ses valeurs, ils avaient choisi de poursuivre le combat. Résistants, maquisards, ils rêvaient de reconstruire la République.
Ils étaient apprentis, ouvriers, paysans. Refusant de mettre leur force de travail au service de l'ennemi. Ils avaient rejoint la clandestinité. Réfractaires au S.T.O, ils voulaient être artisans de la Victoire.
Ils étaient nés ici. Depuis de longues années, sur le plateau, ou encore à l'aube d'une existence pleine de promesses ; ils étaient de la Chapelle ou de Vassieux. Habitants du Vercors, ils étaient patriotes et courageux.
Sur la voie de l'honneur, dans la gloire, mais aussi dans le malheur, leurs destins se sont définitivement liés.
Sur ce site à la beauté incomparable, ensemble, ils ont écrit une page inoubliable, douloureuse, de notre histoire nationale.
Aujourd'hui, je suis venu saluer, avec respect et reconnaissance, les héros et les martyrs du Vercors. Je suis venu, au nom du Gouvernement, m'incliner devant les sacrifices consentis par toutes celles et par tous ceux qui sont restés indéfectiblement dignes de la France.
Car, ici, il fut question d'honneur. Honneur d'une Nation qui ne pouvait se résoudre à l'abaissement, à la négation de ses principes fondateurs; Honneur d'un pays dont la destinée millénaire ne pouvait s'interrompre sans que, des profondeurs, ne se lèvent des hommes valeureux et fidèles à son Histoire.
Car, ici, aussi, l'horreur a frappé. Sur ce plateau héroïque, aux combats ont succédé les massacres, les prisonniers et les otages qu'on fusille, les mutilations et les tortures. Cette barbarie qui appela ces mots d'A. Malraux : "Survivants de la Résistance, vous pouvez vraiment dire, sans avoir besoin d'élever la voix, que vous avez combattu en face de l'enfer."
Je suis venu rendre l'hommage qui leur est dû à tous les Résistants, à toute la Résistance, sur ce lieu o combien emblématique de leur idéal, de leur courage et de leur rôle historique.
Nous le savons, dès les premières heures de la France libre, le Général De Gaulle n'eut de cesse de faire participer des Françaises et des Français à la guerre qui se poursuivait. C'était nécessaire pour asseoir le pays à la table des vainqueurs. L'histoire retient qu'avec ceux de Londres, de Bir Hakeim et d'Italie, en Corse et sur le Continent, la "Résistance intérieure" a pris une part majeure, déterminante, aux combats.
Dans les réseaux et les maquis, par le renseignement, le sabotage, et le combat, par l'action et la réflexion, la Résistance a asséné les coups sans cesse plus redoutables à l'Occupant et à ses complices.
De l'Ain à Saint-Marcel dans le Morbihan, des Glières au Mont Mouchet, du Limousin au Vercors, les maquis - qu'ils soient entrés dans la légende ou qu'ils soient restés anonymes -, les maquis ont rassemblé les combattants et aussi ont su retenir l'ennemi. Ils lui ont ainsi infligé pertes et retards.
Au-delà des courants de pensées, des origines politiques, philosophiques, spirituelles, au-delà des motivations et des modes d'action, au-delà même des tempéraments et des caractères, les Résistants ont accompli une mission aussi périlleuse que décisive. La Nation ne doit pas l'oublier.
Oui, la France de 2004 sait ce qu'elle doit à la Résistance. La ferveur, impressionnante, émouvante, qui accompagne ces cérémonies du " 60ème anniversaire " atteste de la profonde reconnaissance des Françaises et des Français pour tous leurs libérateurs.
La France de 2004 est également consciente de la modernité des idéaux qui exigèrent alors tant et tant de sacrifices. Voici quinze jours, au Chambon-sur-Lignon, le Président de la République a réaffirmé, avec force et ce fut unanimement reconnu, la détermination absolue de l'Etat à faire respecter les valeurs et les convictions de l'engagement républicain.
C'est aussi le sens de la politique de mémoire que nous conduisons, comme le font les collectivités locales, les fondations et les associations. Elle s'inscrit résolument dans cette volonté de transmettre aux nouvelles générations la signification de cette épopée et la nécessité, comme cela vient d'être dit, de demeurer toujours vigilant.
En témoigne Vassieux-en-Vercors qui assume avec un sens des responsabilités que je veux souligner, l'honneur d'être une des cinq villes Compagnon de la Libération. Je veux également saluer, pour son action inlassable, l'Association nationale des pionniers et des combattants volontaires du Vercors, votre association.
Alors, nul doute, l'uvre et l'esprit des maquisards du Vercors n'ont pas été anéantis ; ni par la répression sanglante, ni par l'uvre du temps.
Quand les combats cessèrent dans les derniers jours de juillet 1944 et qu'il ne restait plus, du plus grand maquis de France, que le spectacle tragique des cadavres et des ruines, le Vercors entrait dans la mémoire nationale. Il ne la quittera jamais.
Au départ, une citadelle naturelle et la volonté aussi de deux hommes, Pierre Dalloz et Jean Prévost, pour faire une forteresse, s'est ainsi exprimée. Ensuite, un plan dénommé " Montagnards " qu'approuvent Delestraint, Moulin et De Gaulle. Et enfin, des hommes venus de tous les horizons : intellectuels, chasseurs alpins, l'Abbé Pierre, Alain Le Ray, Eugène Chavant, et bien d'autres, renforcés par le flot croissant des réfractaires et appuyés par l'ensemble de la population.
Actif depuis de très longs mois déjà, et déjà soumis au feu ennemi, le maquis change d'ampleur et les combats changent de nature avec le Débarquement de Normandie. Répondant à l'appel, 4 000 hommes se massent. La paix ne reviendra plus sur le plateau.
Partout, des affrontements, de plus en plus durs, auxquels répond une répression de plus en plus cruelle. Faute de parachutages suffisants, l'issue devient rapidement prévisible.
Du 13 au 15 juin, ce sont les terribles combats de Saint-Nizier de Moucherotte. Entrent alors dans la légende Thivollet, Huet et tant d'autres qui iront jusqu'au sacrifice suprême. Quant aux destructions, elles sont d'une extraordinaire violence, d'une extrême brutalité.
L'assaut décisif est donné à partir du 20 juillet. Les Allemands doivent mobiliser jusqu'à 15 000 hommes de la 157ème division, et de nombreux SS.
La répression n'a plus de limites. Touché en avril, bombardé mi-juillet, Vassieux-en-Vercors connaît le martyre. Le 21 juillet 1944 : plus de 100 combattants et 70 civils, hommes et femmes, vieillards et enfants, nourrissons, sauvagement massacrés. Le 25 juillet, à La Chapelle-en-Vercors, 16 jeunes otages sont fusillés. Et le 27 juillet, à la grotte de Luire, les blessés sont tués et les infirmières déportées.
Soixante ans après ces tragédies, qui auront fait 629 morts, dont 210 civils, nous nous souvenons de chacun d'eux avec une sincère émotion.
Plusieurs nécropoles, une cinquantaine de plaques commémoratives - certaines à plus de 2000 mètres d'altitude -, Le Pas de l'Aiguille, Autrans, Valchevrière, Villards-de-Lans, Malleval Le Vercors, ses maquisards, ses habitants et ses localités ont chèrement payé le prix de leur courage, le prix de la République. Très chèrement.
Cette histoire, qui suscita bien des passions et qui fascine toujours historiens et journalistes, cette histoire ne cessera d'être présente dans la conscience des Français par son importance militaire et symbolique, par surtout son terrible bilan humain, mais aussi par sa grandeur.
Dans un tel cadre, face à une page d'histoire aussi exceptionnelle, devant tant de sacrifices, on mesure le prodigieux destin de notre pays, l'exigence de le servir sans compter et le devoir de ne jamais cesser de croire en son avenir.
Vive le Vercors !
Vive la République !
et Vive la France !
(Source http://www.premier-ministre.gouv.fr, le 26 juillet 2004)