Conférence de presse de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, sur les résolutions du Groupe de contact et sur les missions de l'OSCE et de l'OTAN au Kosovo, Paris le 15 octobre 1998.

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Circonstance : Réunion ministérielle du Groupe de contact à Paris le 15 octobre 1998

Texte intégral

Mesdames et Messieurs, ayant été à la fois l'hôte et, comme c'est l'usage au sein du Groupe de contact, le président de cette réunion qui vient de se tenir ce matin à Paris, je viens vous en rendre compte.
Nous avions, les uns et les autres, voulu une réunion très rapide du Groupe de contact dès cette semaine parce que nous pensions qu'il était indispensable que ce Groupe qui a montré, depuis le début de ce drame du Kossovo, sa détermination et son unité, se réunisse immédiatement. Ce qui a posé des problèmes d'emploi du temps à certains d'entre nous puisque le préavis était très court, mais il fallait absolument que le Groupe se tienne cette semaine et nous avons choisi le moment qui permettait d'avoir le plus grand nombre de participants.
Nous avons salué dans le cadre de cette réunion, les progrès accomplis. Nous avons salué le travail effectué par M. Holbrooke et M. Hill, à partir des travaux du Groupe de contact, grâce à la résolution 1199 et grâce à la mobilisation de l'OTAN. C'est cet ensemble d'approches, cet ensemble de moyens orchestrés par le Groupe de contact, qui a créé la base à partir de laquelle, je le répète, MM. Holbrooke et Hill ont fait un excellent travail et obtenu des engagements de la part du président Milosevic.
On ne peut pas encore parler de solution, mais on peut dire que les engagements pris ouvrent la voie à une solution politique du problème du Kossovo. Nous avons donc, ce matin, examiné cette situation. J'ai fait part au Groupe de contact du compte rendu très long que m'a fait M. Holbrooke hier soir au téléphone, nous avons défini les orientations pour accélérer et faciliter la mise en oeuvre des engagements pris. Nous avons évidemment décidé de rester mobilisés.
Nous sommes donc arrivés à cinq conclusions sur la mission de l'OSCE, la mission de surveillance aérienne confiée à l'OTAN, la négociation politique, la prochaine résolution du Conseil de sécurité, la poursuite du rôle du Groupe de contact.
1- Nous avons exprimé le plein appui du Groupe de contact à la mission déterminante confiée à l'OSCE et notre plein appui au rôle et à la démarche de M. Geremek, président en exercice de l'OSCE qui doit se rendre demain à Belgrade et à Pristina. Nous avons estimé que la mission devait pouvoir commencer ses travaux d'urgence. Tous les pays participants ont exprimé leur accord de principe quant à leur participation. Ils ont donné des indications, dans une fourchette, sur leur participation, et chacun est en train d'en préciser les modalités. Après l'orientation donnée par le Groupe de contact, les choses se passent au sein de l'OSCE dont les comités compétents se réunissent cet après-midi pour mettre en oeuvre cette opération. Je rappelle que la fonction de cette mission de vérification - j'insiste sur le terme puisqu'il a fait l'objet d'une négociation à Belgrade - est évidemment de vérifier les retraits des différentes forces. Nous avions fixé comme exigence, pour les forces militaires ou spéciales, de revenir au niveau d'avant mars dernier. D'autre part, il s'agit pour cette mission de recréer les conditions de sécurité et de confiance qui permettront le retour des réfugiés. La situation humanitaire a été constamment présente à nos esprits. Nous devons traiter ce problème dans ses véritables proportions. Nous devons le faire d'urgence. Presque tous les ministres présents sont intervenus sur ce point. Mais nous savons que le préalable pour une action humanitaire à grande échelle, c'est de rétablir ces conditions de sécurité et de confiance. M. Geremek se rendra donc à Belgrade où il signera, en tant que président en exercice de l'OSCE, l'accord sur cette mission de vérification, dont le principe a été obtenu par M. Holbrooke et dont M. Geremek nous a présenté les éléments au cours de la réunion.
2 - Le Groupe de contact a été informé du détail et du contenu de la mission de surveillance aérienne qui sera effectuée par l'OTAN, qui suppose également un accord entre les autorités yougoslaves et l'OTAN. Je dois d'ailleurs, juste après vous avoir parlé, téléphoner au nom du Groupe au Secrétaire général de l'OTAN, M. Solana, qui doit ensuite partir pour Belgrade. Je lui ferai part de nos conclusions et je l'informerai de nos débats. Il a été souligné qu'il y aurait une coordination étroite entre l'OTAN, chargée de la surveillance aérienne, et l'OSCE chargée de la mission de vérification au sol, et que cette coordination ferait l'objet d'un accord. Celui-ci est déjà en préparation, sous l'égide du Secrétaire général de l'OTAN et d'autre part de M. Geremek en tant que président en exercice de l'OSCE.
3 - Le point suivant concerne la négociation politique. C'est un sujet sur lequel le Groupe de contact a beaucoup travaillé, à chacune de ces réunions, parfois au niveau des ministres et souvent au niveau des directeurs politiques, en ce qui concerne les éléments possibles d'une solution. Nous avons confirmé le soutien que nous avons déjà donné dans des réunions précédentes, et notamment à la réunion de Londres, au document présenté par l'ambassadeur Hill. Nous avons rappelé qu'il était indispensable et urgent que les deux parties apportent leur soutien à cette base de négociation conformément à la résolution 1199. A cet égard, même si ce n'est pas directement sa mission puisqu'il est chargé du volet OSCE, le voyage que fera demain M. Geremek à Belgrade puis à Pristina sera certainement très utile.
Vous connaissez la position du Groupe de contact depuis le début : il s'agit de réunir les conditions permettant une négociation, de part et d'autre, pour aboutir à une solution politique autour d'un statut d'autonomie substantielle. Les deux parties ont réagi à certains éléments de la solution, mais nous ne sommes pas encore à la solution. Tout reste à faire, nous sommes en train de créer des conditions qui permettent d'espérer y parvenir.
4 - Tous les participants ont conclu à la nécessité, à bref délai, d'une nouvelle résolution du Conseil de sécurité pour endosser cet accord, pour reprendre à son compte l'ensemble du dispositif mis en place et pour donner le départ aux mécanismes de vérification. Nous avons décidé que, notamment en ce qui concerne ceux d'entre nous qui sont membres du Conseil de sécurité, la discussion devait commencer immédiatement. Il y a déjà sur ce plan des réflexions, des avant-projets présentés notamment par la Grande-Bretagne et par la Russie.
5 - S'agissant de la poursuite du rôle du Groupe de contact, ce Groupe a montré sa nécessité à travers son unité, à travers sa détermination. Elle était très forte à New York, à Londres. Elle est toujours aussi forte à Paris. Sur chacun des points qui ont été traités, nous continuerons à agir pour une meilleure coordination des actions entreprises par toutes les organisations présentes sur le terrain. Nous continuerons à agir pour créer les conditions d'un retour des réfugiés, des personnes déplacées. Nous continuons à agir sur le plan politique, aussi bien en ce qui concerne les autorités de Belgrade que les responsables des Albanais du Kossovo. Nous resterons, les jours prochains, unis, exigeants, vigilants comme tout au long du processus. Nous avons répondu favorablement à la demande de M. Geremek qui a souhaité que la présidence de l'OSCE puisse, à tout moment, faire appel au Groupe de contact et obtenir une réunion d'urgence pour traiter n'importe quel problème qui pourrait se présenter dans le cadre de la mise en oeuvre de ce processus.
Voilà le travail que nous avons accompli, je dois l'ajouter, dans un climat frappant de coopération, de bonne entente et avec une vraie volonté d'aboutir.
Q - Les Serbes sont en train de se retirer du Kossovo, est-ce un peu optimiste ? Les Serbes sont-ils contraints de suivre leurs promesses ?
R - La fonction de la réunion de ce matin était un peu différente. Nous n'avons pas effectué le travail qui sera celui de la mission de l'OSCE ou celui du contrôle aérien par l'OTAN. Nous n'avons pas cherché à vérifier qu'elle était la situation exacte et si tel ou tel engagement était ou non tenu. Nous avons travaillé sur le fond du problème et non pas sur l'actualité immédiate, heure par heure. Je n'ai pas d'élément nouveau à vous apporter, nous étions en réunion, toute la matinée et il peut y avoir des informations que vous avez et que nous n'avons pas mais nous avons travaillé sur la solution de fond. De toute façon, la réponse est la même, il y a des engagements obtenus par cette action inlassable de ces derniers mois, avec beaucoup d'engagements et beaucoup de pression. L'urgence est de les mettre en oeuvre quelle que soit la réponse à la question précise que vous me posez.
Q - Les partis politiques et l'opinion kossovars sont très critiques concernant l'accord car on a parlé d'une intervention des troupes, on parlait de 40 000 puis 20 000 et on revient à 2000 observateurs. Les gens sont très sceptiques. La presse occidentale et surtout américaine critique beaucoup cela ?
R - Nous savons que c'est un problème très compliqué et nous savons qu'une situation s'est créée au fil du temps et des années et que cette inquiétude, cette méfiance, cet antagonisme profond est une des composantes de la situation. Nous savons bien que le début d'un processus, des engagements pris qui ne sont pas encore vérifiés, mis en oeuvre, contrôlés, nous savons très bien que tout cela n'est pas suffisant pour recréer une confiance dans la solution politique. Mais, nous faisons notre travail : essayer d'enclencher un processus de solution politique qui permette de renverser le cours de la fatalité, voilà ce que nous faisons. J'appelle, au nom du Groupe, les différents dirigeants politiques à juger sur les faits, c'est-à-dire, sur ce que nous allons réussir à faire dans les jours qui viennent. Je pense que l'installation de cette mission de vérification, son arrivée physique sur le terrain, la mise en place du système de contrôle, le déclenchement d'une véritable négociation politique créeront, petit à petit, un contexte différent. Les réactions d'aujourd'hui sont le résultat de ce qu'un certain nombre de gens ont dû endurer depuis extrêmement longtemps, elles ne m'étonnent donc pas. Nous travaillons à créer une dynamique qui permettra de dépasser cette situation.
Q - Après les discussions de ce matin, avez-vous une idée plus précise de la période à laquelle la mission de vérification sera sur le terrain et en capacité de fonctionner ?
R - Nous voudrions tous que ce soit le plus tôt possible, c'est pour cela que M. Geremek se rend à Belgrade dès demain. J'ai ajouté qu'il allait à Pristina, cela répond également à la question précédente puisqu'il aura des discussions politiques avec les responsables des Albanais du Kossovo. Nous voulons aller le plus vite possible. Je ne veux pas indiquer le délai car nous ne sommes pas enfermés dans un délai arbitraire qui donnerait l'impression, si on le dépassait de deux jours, qu'il y a un problème. Ce n'est pas ainsi que cela se présente. Nous allons le plus vite possible pour organiser cette force, pour faire concrétiser les participations des uns et des autres parmi les pays membres de l'OSCE pour organiser son mode de fonctionnement, sa localisation et préciser sa mission, assurer sa sécurité, organiser la mise sur pied de cette mission, sa venue et les conditions de sa sécurité. Cela forme un tout. Nous travaillons d'arrache-pied, nous avons travaillé dans le Groupe de contact, l'OSCE travaille, tous les pays participants travaillent entre eux. La réponse est que nous irons le plus vite possible.
Q - Est-ce que la volonté parmi le Groupe de contact reste tout aussi forte de lancer des frappes aériennes si M. Milosevic ne suit pas ses promesses ? Qui prendra la tête du groupe de l'OSCE sur la mission de vérification ?
R - Sur le second point, nous avons échangé toutes nos informations et tous nos projets, nous n'avons pas pris de décision. Le groupe de contact n'est pas un organisme de nomination. c'est un organisme d'impulsion politique et qui fixe les orientations générales pour la solution à ce problème. Sur la première question que vous posez, on ne peut pas dire qu'il y a une volonté de frapper. Nous restons dans la même disposition d'esprit que lorsque nous avons voté, dans la nuit de lundi à mardi, les ordres d'activation. Les dispositions sont toujours là, les dispositions techniques, la détermination politique parce que nous avons appris et nous avons constaté qu'il fallait cette combinaison d'actions politiques diplomatiques et de pression militaire pour faire bouger les choses. C'est dommage mais c'est comme cela. Nous restons dans cette même disposition d'esprit mais nous sommes convaincus que les choses ont commencé à bouger. Nous allons donc vite pour concrétiser autant que possible les progrès qui sont entrepris. Mais nous restons, je l'ai dit tout à l'heure, extrêmement vigilants.
Q - Quelle sera la nature de la mission de l'OSCE, des civils, des policiers ou une force militaire sans arme ? Avons-nous une idée de la participation française ? Concernant les réticences de la partie russe sur la nouvelle résolution du Conseil de sécurité qui serait ou pas contraignante ?
R - La mission de vérification, comme son nom l'indique, aura à vérifier ce qui se passe sur le terrain, en matière de retrait. Je rappelle que le Groupe de contact demande depuis longtemps maintenant que les forces militaires et les forces de police soient ramenées à leur niveau de février dernier, avant que la crise n'éclate. Ce sont des choses qui doivent être vérifiées pas seulement de façon aérienne mais aussi sur le terrain. C'est la première fonction. Deuxièmement, la fonction de cette mission, c'est de créer par sa présence même, à Pristina et dans l'ensemble du Kossovo, un climat de plus grande sécurité qui, petit à petit, redonne confiance aux réfugiés qui n'osent pas rentrer dans leur village par peur.
On a commencé à échanger, mais ce n'est pas encore assez sûr pour que l'on puisse donner des chiffres à ce stade. Tous les pays concernés, tous les grands pays de l'Europe, les pays de l'OCDE sont en train de réfléchir à leur contribution. Aucun pays n'a dit qu'il ne participerait pas. Les chiffres exacts ne sont pas fixés, ce sont des indications qui sont données pour le moment. Il y aura une participation française qui sera connue bientôt. J'ajoute que tous les pays qui sont prêts à participer parce qu'ils veulent apporter leur contribution à ce processus que nous avons enfin réussi à enclencher veulent le faire dans des conditions de sécurité. Il ne s'agit pas d'exposer les membres de cette mission de vérification à des risques inutiles et à des incidents qui mettraient en péril, de proche en proche, l'ensemble de cet édifice. Il y a une réflexion menée parallèlement sur l'importance des participations, sur l'organisation de ces différents éléments qui sont, pour répondre à un autre aspect de votre question, des civils, sur leur sécurité et leur protection. Il a ainsi été question, dans les débats du Groupe de contact, de forces qui pourraient être des forces d'intervention et d'assistance qui seraient positionnées dans des pays voisins, à proximité du Kossovo, pour intervenir en cas de difficulté. Mais je rappelle que, dans les engagements pris par le président Milosevic avec les émissaires du Groupe de contact, il y a aussi la sécurité des membres de la mission de vérification.
Concernant les réticences russes, je n'ai pas noté de réticences russes. Chaque fois qu'il y a un débat, une réunion, un communiqué, une résolution à préparer, il y a une discussion, c'est bien légitime, entre les uns et les autres et chacun apporte sa contribution. Les Russes ont une vision sur ce sujet. Vous avez vu que, durant l'été, il y a eu des discussions nombreuses sur l'opportunité, le contenu éventuel, le libellé d'une nouvelle résolution au Conseil de sécurité, et finalement, le résultat a été la résolution 1199. Lorsque vous entendez parler de nuances ou de différences ou de réticences, je vous invite à regarder ce qui s'est passé ces derniers mois au cours desquels la dynamique de la recherche de la solution l'a constamment emporté. La dynamique de l'unité l'a constamment emporté sur les éventuelles nuances entre les participants du Groupe, ou du Conseil de sécurité, ou des autres instances.
Q - Compte tenu des mauvaises manières des Serbes qui n'ont pas hésité en Bosnie à prendre en otage des Casques bleus, n'est-ce pas un peu suicidaire d'envoyer quelques 2000 civils, probablement en blanc pour qu'on les distingue un peu des autres, n'est-ce pas dangereux si la situation se dégrade, ne risquent-ils pas d'être pris en otage ?
R - Personne n'est suicidaire dans le Groupe de contact mais personne n'a envie de laisser la situation actuelle perdurer. Tout le monde est prêt à prendre ses responsabilités, tant sur le plan politique que sur les autres plans. Mais dans le même temps tout le monde veut prendre ses responsabilités dans des conditions sérieuses et en ayant pensé à l'ensemble des problèmes à l'avance. Votre question est donc légitime à cet égard. Il s'agit de créer une situation, mais c'est difficile d'établir une comparaison avec la Bosnie, c'est une comparaison fréquente mais qui est mal fondée le plus souvent. Si on comparait, on pourrait dire qu'il s'est créé une situation comparable à ce qui s'est passé après Dayton, et non pas avant en ce qui concerne la présence de telle ou telle force. Ceci suppose des engagements clairs, vérifiables et contrôlés, avec les conséquences que cela peut entraîner, aussi bien des autorités de Belgrade que des autorités de Pristina. C'est bien cela que nous sommes en train de traiter, quand je parle des travaux qui ont lieu au Groupe de contact, à l'OSCE, ailleurs, pour la mise en place de cette force. Il s'agit bien de prendre en compte tous ces éléments en même temps et de ne pas y aller à l'aveuglette. En même temps, on ne peut pas ne pas prendre nos responsabilités pour la réussite d'un processus qui, pour la première fois depuis des mois ou des années, ouvre la voie à une solution.
Voilà les éléments de l'équation que nous essayons de maîtriser. Q - En ce qui concerne les négociations politiques, êtes-vous prêts à voir associés également à ces négociations, les membres de l'armée de libération du Kossovo et la position du Groupe du contact sur l'indépendance est-elle toujours la même, c'est-à-dire une position plutôt hostile ?
R - La position des membres du Groupe de contact, ou du Conseil de sécurité, ou des Quinze de l'Union européenne ou des 30 pays de la Conférence européenne, reste la même qu'au début. On ne peut pas soutenir la demande d'indépendance du Kossovo compte tenu des conséquences que cela entraînerait, presque mécaniquement, pour l'ensemble de la région. C'est une position qui est unanime et qui n'a pas été modifiée. C'est pour cela que nous sommes si engagés dans la recherche véritable d'une solution d'autonomie, avec la volonté que cette autonomie soit réelle, et comme on le dit dans l'expression consacrée, substantielle. Cela renvoie ensuite à une négociation précise sur les contenus du statut avec les éléments dans le détail desquels je ne vais pas entrer maintenant mais qui touchent à la nature des élections qui seront organisées, à la façon dont elles seront vérifiées, qui touchent à la nature de l'assemblée locale, à la répartition des responsabilités en matière de police. C'est une série de chapitres qui font l'objet des discussions.
Quant à votre première question, ce n'est pas à nous de trancher si nous parlons ou non avec toutes les composantes. Mais il est clair que dans toutes les discussions qui ont lieu à ce sujet et chaque fois qu'il y a discussion avec la partie albanaise du Kossovo, donc avec M. Rugova, celui-ci parle avec les négociateurs qu'il a désignés, qui eux-mêmes sont en contact avec les autres. De proche en proche, à chacune de ces étapes, l'ensemble des composantes du spectre politique des Kossovars est impliqué ou consulté. On a déjà en pratique répondu oui à cette autre question. Il s'agit bien d'engager un processus qui finisse par convaincre tous les protagonistes, non pas que ce soit la solution idéale car il n'y a pas de solution idéale du point de vue de l'une ou l'autre des deux parties, on le sait bien, c'est la donnée de départ. Il s'agit de convaincre le plus de forces politiques possibles à Belgrade et à Pristina que la voie que nous proposons est une voie raisonnable pour trouver une solution politique à partir de laquelle ils pourraient vivre.
Q - Avez-vous des assurances concernant le respect des engagements pris par M. Milosevic et quelles sont vos réflexions dans cette affaire sur l'Europe politique, dès lors que cet accord a été fait par un négociateur américain ?
R - En ce qui concerne les assurances, c'est précisément parce qu'on ne peut pas se contenter d'engagements, car nous sommes instruits par le passé, que nous sommes aussi vigilants, exigeants, déterminés et mobilisés. C'est pour cela qu'il y a une mission de vérification au sol et dans les airs. C'est pour cela qu'il y a un suivi du Groupe de contact qui restera mobilisé : il y a eu trois réunions du Groupe de contact en trois semaines. C'est pour cela qu'il y a la mission de M. Geremek. Vous avez un dispositif international qui est considérable et qui est fondé sur le fait que des promesses ou des engagements ne suffisent pas et que ce que nous voulons, ce que nous exigeons, c'est leur pleine réalisation. Tout notre comportement répond à cette question.
Sur l'autre point, votre question est extraordinairement inexacte, permettez-moi de vous le dire. Vous avez au contraire, sur un sujet vraiment délicat, qui engage beaucoup de choses en Europe, beaucoup de choses en terme d'équilibre mondial, notamment à cause du rôle des Russes par rapport à cette région de l'Europe. Dans cette affaire du Kossovo, il y a eu un rôle considérable, sur un pied d'égalité, entre les Américains, les Européens et les Russes. Selon les épisodes, c'est les uns ou les autres qui ont été en tête du travail. Selon les moments, il y a eu un relais d'émissaires de toute sorte à Belgrade et à Pristina. L'affaire de la résolution 1199 qui a duré tout l'été a été menée par les Britanniques et par la France. Les Groupes de contact ont été présidés par les uns ou par les autres, selon les moments, dans leur grande majorité par des Européens, comme cela a été le cas à Londres et à Paris. Les éléments de statut qui ont été proposés découlent d'un travail fait par l'ensemble du Groupe de contact. Le travail, tout à fait excellent d'ailleurs, qu'a fait M. Holbrooke ces derniers jours, il l'a fait après avoir été présenter la situation au Groupe de contact réuni à Londres et il l'a présenté aussi aux Français, aux Allemands, aux Italiens, aux Britanniques, aux Russes en plus naturellement des responsables américains dont je ne cherche pas à diminuer le rôle d'un seul millimètre. Mais je voudrais bien que l'on ait la sagacité et l'équité de voir le rôle des uns et des autres dans leur véritable proportion. Vous avez une démonstration d'unité et de cohérence entre les Etats-Unis, la Russie et les grands pays européens, ceci étant complété par l'adhésion des Quinze de l'Union européenne qui ont toujours été associés à cette démarche à travers la présidence en exercice de l'Union européenne. MM. Holbrooke et Hill ont informé tous les Européens du groupe quasiment toutes les deux heures. M. Holbrooke m'a dit qu'il ne pouvait pas revenir immédiatement de New York mais il m'a téléphoné durant 45 minutes hier pour me faire un compte rendu détaillé que j'ai exposé au Groupe de contact. Il ne faut pas chercher de différences artificielles là où il n'y en a pas. Le fait est que nous avons travaillé ensemble et qu'il ne devrait venir à l'esprit de personne de comparer de façon inexacte les rôles des uns et des autres.
Q - Y a-t-il des différences avec les Russes concernant une nouvelle résolution du Conseil de sécurité et notamment sur les mesures contraignantes aujourd'hui ?
R - Concernant la nouvelle résolution, nous nous sommes arrêtés au point suivant : nous sommes tous d'accord pour une nouvelle résolution, le plus vite possible. Mais nous pensons que cette nouvelle résolution doit intervenir juste après les accords que doivent passer M. Geremek et le Secrétaire général de l'OTAN sur les deux sujets qui les concernent. Nous la souhaitons dans les tout prochains jours.
Nous n'avons pas été au-delà dans la discussion parce que nous ne sommes pas le Conseil de sécurité, nous fixons une orientation générale. Nous aurions pu dire qu'une nouvelle résolution n'était pas urgente, ou bien autre chose. Non, notre ligne est celle-ci. Mais les Russes ont déjà dit à plusieurs reprises, dans le passé, et leur position je crois n'a pas changé, qu'ils ne voulaient jamais de résolution comportant une sorte d'autorisation automatique de quoi que soit. Ils veulent une discussion au cas par cas, ce qui est d'ailleurs normal. Voilà ce que nous avons dit ce matin, le reste de la discussion aura lieu au Conseil de sécurité.
Q - Au cours des quarante-cinq minutes où vous avez eu au téléphone M. Holbrooke, celui-ci vous a-t-il expliqué le concept qu'il avait développé au cours de sa conférence de presse sur l'autodétermination pour les Kossovars ?
R - Il ne l'a pas précisé davantage : cela a été long parce qu'il m'a détaillé les étapes de la discussion, de la négociation de neuf jours, en me disant que c'était l'une des négociations les plus dures parmi celles qu'il avait été amené à conduire. Il m'a parlé de la perspective électorale et des engagements du président Milosevic pour des élections avant la fin de l'année prochaine. Nous n'avons donc pas mesuré exactement la signification de ce terme. Vous noterez que nous avons des problèmes beaucoup plus urgents à régler pour que les choses marchent bien.
Q - Dans l'accord qui sera présenté demain à M. Milosevic par l'OSCE, y aura-t-il un délai pour une mise en oeuvre de ces accords, trois jours, quatre, peut-être serait-ce prolongé de 48 heures pour des questions de logistique ?
R - Il faut distinguer les choses. L'accord entre M. Geremek et les autorités de Belgrade est un accord sur la mise en place du dispositif de vérification. Il ne comporte pas de délai, on le signe le plus vite possible, pour travailler le plus vite possible, pour faire la résolution le plus vite possible.
Ca et les délais contenus dans les décisions de l'OTAN, ce sont deux choses distinctes qui, au bout du compte, convergent, puisque nous tenons les fils de tout ce qui se passe dans l'ensemble des enceintes. C'est l'ensemble qui forme notre politique générale pour régler le problème du Kossovo. Ce sont deux démarches distinctes : dans l'accord OSCE, il n'y a pas de délai ; c'est dans la décision d'actord qu'il y a un délai qui va, pour le moment jusqu'à la nuit de vendredi à samedi. C'est au Conseil atlantique que nous aurons à décider si nous le maintenons, si nous le supprimons, si nous le suspendons, si nous le reportons jusqu'à telle ou telle date. Ce sont deux choses distinctes qui encore une fois convergent puisque je ne cesse d'insister sur la complémentarité et la convergence des actions qui sont menées dans les différents organismes que nous coordonnons.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 11 octobre 2001)