Conférence de presse et déclaration de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, sur l'exclusion et la cohésion sociale, notamment l'insertion par l'emploi et l'accès aux droits, Paris le 24 mai 2004.

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Texte intégral

Cette contribution commune avec les partenaires de l'insertion est pour la CFDT un élément fort de notre mobilisation pour l'emploi. Ce n'est pas une démarche ponctuelle. Cela fait des années que la CFDT est impliquée dans la lutte contre l'exclusion et pour l'insertion dans l'emploi.
Depuis 2003, face à la nouvelle montée du chômage, nous avons décidé d'intensifier notre action en lien avec les acteurs de l'insertion qui sont au centre du combat contre l'exclusion.
* L'exclusion, c'est bien sûr le chômage mais pas seulement.
L'exclusion commence à l'école dont 70 000 jeunes sortent chaque année sans qualification. Il est difficile de réussir dans la vie sans aucun bagage !
L'exclusion, c'est aussi la précarité dans l'emploi, que subissent les salariés qui alternent CDD et chômage, les salariés contraints au temps partiel, qui sont souvent des travailleurs pauvres : le temps partiel, c'est un salaire partiel.
L'exclusion, c'est encore la précarité dans le logement lorsqu'on a perdu son emploi.
C'est aussi les discriminations au travail et dans la société, par exemple pour son origine ou son quartier.
* A partir de cette analyse globale menée dès 1980, la CFDT a développé sa conception des " Nouvelles solidarités " pour lutter contre toutes ces facettes de l'exclusion.
La CFDT, avec le Sgen-CFDT, a inventé les ZEP, les zones d'éducation prioritaires qui consiste à " donner plus à ceux qui ont moins ".
La CFDT s'est battu, avec d'autres, pour la création du RMI, pour la loi de lutte contre l'exclusion (1998), pour la mise en place de la CMU (2000) qui, dans le cadre de la réforme Juppé, a fait de la Sécu une protection universelle.
Ces dernières années, la bataille des 35 heures a permis de créer des centaines de milliers d'emploi, et aussi de transformer des temps partiels en temps complets, des CDD en CDI. Ce sont des résultats concrets obtenus pour les salariés précaires, dans des dizaines de milliers d'entreprises où des équipes syndicales ont négocié la RTT.
Le syndicalisme, présent dans l'entreprise, a une responsabilité propre, complémentaire à celles des partenaires de l'insertion.
* Aujourd'hui, la CFDT poursuit son action globale contre l'exclusion et pour l'emploi, à travers quatre axes :
1. La CFDT agit pour que les entreprises ouvrent leurs portes aux personnes les plus éloignées de l'emploi
- Cette action vise les employeurs mais aussi les équipes syndicales.
- De nombreuses équipes CFDT agissent sur le recrutement, l'accueil et le tutorat de salariés éloignés de l'emploi pour les faire entrer dans leur entreprise, grâce à des partenariats avec les partenaires de l'insertion.
- De même, les équipes CFDT vont pouvoir s'emparer du nouveau contrat de professionnalisation obtenu dans l'accord interprofessionnel sur la formation professionnelle continue. Ce nouveau contrat, qui peut être ciblé sur les personnes non qualifiées, doit favoriser leur insertion dans l'entreprise.
- Les élus CFDT dans les comités d'entreprise agissent aussi pour favoriser la création d'emplois dans les entreprises d'insertion :
-- ils font pression pour que les passations de marché s'adressent également aux entreprises de sous-traitance dans l'insertion par l'activité économique ;
-- ils développent l'épargne salariale solidaire.
2. L'engagement de la CFDT, c'est aussi l'engagement de ses adhérents dans les professions qui interviennent auprès des populations les plus fragiles
- Dans tous les secteurs concernés (le social, l'éducatif, l'insertion, la culture, le logement, les services aux personnes...), les militants et adhérents CFDT développent des pratiques professionnelles qui permettent de passer de l'assistance à l'autonomie des personnes, de reconnaître l'individu comme un interlocuteur à part entière, avec des droits et des responsabilités réciproques.
3. Troisième axe : la CFDT revendique des protections sociales accessibles à tous, sur la santé, le logement et l'assurance chômage
- Santé : j'ai déjà parlé de la CMU. Nous voulons maintenant obtenir la généralisation de la complémentaire santé pour les " sans CMU ni mutuelle ", dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie.

- Sur le logement, la CFDT agit sur le "1 % logement" pour faire reculer l'exclusion dans les cités.
Nous avons uvré pour la réorientation du 1 % logement vers les publics les plus précaires et les sans emploi. Nous voulons aller plus loin vers un droit au logement opposable, une garantie complète contre les risques locatifs.
Le 1 % logement sert aussi à combattre l'exclusion urbaine avec la démolition-reconstruction de cités, financée grâce aux cotisations des salariés et des entreprises.
- Enfin, devant les difficultés de l'assurance chômage, nous voulons un bilan du Pare pour vérifier que les chômeurs ont vraiment accès aux droits à l'accompagnement et à la formation et un réengagement de l'Etat car la solidarité des seuls salariés du privé ne suffit pas quand le chômage frôle les 10 %.
4. Quatrième axe : prévenir les exclusions et faire reculer les précarités, en agissant à tous les niveaux : entreprises, branches et territoires.
- J'ai déjà parlé des accords 35 heures qui ont permis de faire reculer la précarité.
- C'est le cas, par exemple, dans le commerce de grande distribution où nous avons obtenu pour des milliers de contrats à temps partiels une augmentation importante des durées hebdomadaires de travail et des majorations de taux horaires par le passage aux 35 heures.
- Autre exemple, celui de l'intérim. Sur plus de 10 ans, la CFDT a négocié des garanties sociales qui réduisent largement la précarité du statut d'intérimaire. Cela concerne plus de 750 000 personnes.
- Réduire la précarité, c'est aussi agir sur les qualifications, la formation, les conditions et l'organisation du travail, la sécurisation des parcours professionnels, les reclassements, les règles sociales pour la sous-traitance
- Dans le BTP, par exemple, nous avons obtenu des protections sociales et des garanties collectives supérieures à d'autres secteurs.
Voilà comment la CFDT conçoit son action, en complémentarité avec les partenaires de l'insertion.
* Plus que jamais, l'emploi et la lutte contre l'exclusion est la priorité de la CFDT. Notre objectif, c'est de garantir un emploi durable à chacun.
Je partage largement les diagnostics et les propositions exprimés par Jean Baptiste de Foucauld et Martin Hirsch.
Parmi toutes les propositions avancées en commun aujourd'hui, j'insisterai notamment sur une exigence : le travail salarié doit être nettement plus attractif que les minima sociaux, ce qui passe par un recul de la précarité.
Sait-on par exemple qu'un SMIC à temps partiel à 18 heures équivaut à un RMI ?
Si 300 000 emplois ne sont pas pourvus aujourd'hui, c'est en grande partie faute d'attractivité.
* Le problème, c'est que ce gouvernement n'a pas de politique de l'emploi et de lutte contre l'exclusion à la hauteur de la situation. Ni à Paris, ni à Bruxelles, alors qu'il devrait s'engager dans une politique du plein emploi à l'échelle européenne.
Ses choix budgétaires, économiques et fiscaux contribuent à accroître la " fracture sociale " que le Premier ministre dit pourtant vouloir combattre.
Le nouveau ministre de l'Emploi prépare un plan de cohésion sociale. Avec une telle affiche, il a maintenant une double obligation :
- une obligation de cohérence. Ce gouvernement doit enfin accorder ses actes avec les objectifs affichés. (Le tout récent rapport l'IGAS sur l'évaluation de loi de 1998 remis le 11 mai à Nelly Olin, ministre déléguée à la lutte contre la précarité et l'exclusion indique une baisse des crédits alloués à l'insertion par l'activité économique (172 millions d' en 2004, conte 177 en 2003). Il souligne également le manque d'impulsion depuis deux ans, l'empilement des dispositifs, le besoin d'une coordination stratégique et d'une évaluation des compétences decentralisées de l'Etat.)
- une obligation de résultats, car le chômage, qui augmente depuis trois ans, frôle les 10 %.
Le futur Plan de cohésion sociale doit intégrer les travaux et multiples contributions dont celle que nous présentons aujourd'hui ensemble.
* La défaillance du gouvernement sur l'emploi ne dédouane pas le patronat de ses responsabilités qui sont lourdes.
- Les employeurs multiplient les contrats précaires, les licenciements sans reclassement et se servent de l'UNEDIC pour gérer les effectifs des entreprises, en particulier les départs des salariés seniors.
Le 23 février dernier, avec les mêmes partenaires de l'insertion (voir l'appel), nous avons déjà interpellé les employeurs et le gouvernement.
* Nous demandons au gouvernement d'organiser des Etats généraux pour l'Emploi et la protection sociale des chômeurs, avec tous les acteurs concernés.
Nous ne pourrons faire régresser le chômage et l'exclusion que par une mobilisation de tous.
C'est le sens de plusieurs propositions communes nouvelles contenues dans nos propositions, je citerai par exemple :
- l'instauration de lieux de régulations (au plan régional, départemental, national) pour coordonner et responsabiliser les multiples acteurs publics et sociaux.
- La création d'Observatoires régionaux pour repérer les savoirs-faire, les bonnes pratiques d'insertion dans les territoires (seule deux régions ont mis en place ce dispositif : Rhône-Alpes et Franche Comté).
- L'établissement de chartes qualité de l'insertion qui engage toutes les parties dans un parcours d'insertion qualifiant vers l'emploi durable.
Ou encore :
- la généralisation de maisons locales (uniques) de l'emploi et de la protection sociale pour faciliter l'accès à l'emploi et aux droits sociaux.
* Sans attendre, la CFDT propose trois mesures d'urgence :
- Un contrat de deuxième chance pour les jeunes sortis de l'école sans qualification (70 000 chaque année).
- Une proposition d'emploi ou une formation qualifiante pour tous les chômeurs en fin de droits.
- Un droit au reclassement pour les salariés, en cas de restructuration. C'est à l'entreprise de former et de reclasser les salariés en cas de difficultés.
Pour conclure, je voudrais dire que pour relever le défi des millions de personnes exclues du travail et désocialisées :
- le monde de l'entreprise classique (privée et publique) a besoin du monde de l'insertion (associations, entreprises, chantiers..) avec tout leur savoir-faire ;
- et réciproquement, le monde d'insertion a besoin de l'entreprise.
La CFDT veut contribuer, avec d'autres, à faciliter ces passerelles, pour avancer vers notre objectif commun : garantir un emploi durable à chacun.
(source http://www.cfdt.fr, le 24 mai 2004)