Texte intégral
Q - Pourquoi le combat pour la défense de la culture est-il devenu un enjeu national ?
R - La violence de l'actualité internationale et ses répercutions sur la scène intérieure dans la plupart des pays du monde - je pense aux risques du terrorisme et de l'intégrisme - engendrent un nouveau réflexe face à une mondialisation qui peut apparaître aussi bien comme une chance que comme une destruction des industries et des marchés avec les conséquences qui en découlent. L'urgence politique veut que l'échange ne soit pas lui-même destructeur. Chacun veut aujourd'hui mettre à l'abri sa propre identité, sa culture, ses racines, son patrimoine.
Q - Quels sont les secteurs les plus menacés : le patrimoine ou l'audiovisuel ?
R - Par définition, ce sont toujours les plus faibles qui sont menacés. Les cultures les plus fragiles sont toujours les plus exposées. En France, nous avons la chance d'avoir entre les mains un capital d'influence et de rayonnement exceptionnels, fondés sur le patrimoine et la création artistique. Et pour autant, à cause parfois de la technologie, nous ne sommes pas à l'abri. D'où le rôle politique joué par le président de la République et le gouvernement sur la scène internationale pour dire dans un même élan "oui à l'échange culturel. Oui aux droits des nations à soutenir la politique culturelle de leur pays". C'est le sens des débats qui vont se dérouler en 2005 à l'UNESCO.
Q - Quelles garanties apportera la convention UNESCO sur la diversité culturelle ?
R - Ce n'est pas un exercice théorique, c'est un acte politique essentiel. L'activité culturelle et artistique n'est pas une activité comme les autres. Elle mérite une protection particulière. Les règles applicables à la circulation des marchandises ne peuvent pas s'appliquer davantage à ce que l'on appelle, en termes peu élégants, les biens culturels. Ce qui était le thème de l'exception culturelle, perçu par nos détracteurs comme l'éternelle arrogance française, apparaît aujourd'hui à la plupart des pays du monde, et même à nos amis américains, comme une nécessité politique et stratégique. La prise de position commune entre la Chine et la France, que j'ai proposée à mon homologue, en est l'illustration. La visite de Jean-Pierre Raffarin au Mexique est une étape très importante avec ce grand pays dont nous sommes très proches politiquement.
Q - Est-ce que vous ne redoutez pas, comme pour le protocole de Kyoto, que le monde se divise demain entre ceux qui défendent le projet français et les autres qui rallient le camp américain ?
R - J'espère sincèrement qu'autant la prise en compte de la situation internationale actuelle que certains aspects de l'évolution technologique - je pense bien sûr à Internet - permettront à nos amis américains de mieux comprendre notre point de vue. Dans le domaine du cinéma, c'est quasiment chose faite. La difficulté majeure qui est devant nous c'est de légitimer, pour les questions de santé, l'autorité politique et juridique de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ; pour les questions culturelles, celle de l'UNESCO, et de cantonner l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) aux échanges économiques.
Q - Le soutien que l'Europe a apporté cette semaine à la convention UNESCO va-t-il lui permettre d'avoir, par rapport à l'OMC, une force politique suffisante ?
R - L'objectif politique français vis-à-vis de l'UNESCO, tendant à conforter les politiques culturelles nationales, c'est au fond le même que celui qui me fait m'opposer directement et fortement à la Commission européenne lorsqu'elle remet en cause le droit de la France à soutenir ses industries culturelles. Le mandat que l'ensemble des ministres de la Culture européens vient de donner à la Commission pour faire reconnaître le droit à la diversité culturelle face à l'OMC est une étape importante.
L'Europe de la culture qui s'est fait trop attendre prend force. Le respect du pluralisme et de la diversité politique, religieuse, intellectuelle, voilà bien la valeur européenne suprême dont le rayonnement international franchit les océans. Le Canada, le Brésil, le Mexique, la Chine, et pourquoi pas demain nos amis américains, en sont irradiés.
Q - Si le traité UNESCO n'est pas adopté comme prévu en 2005, qu'adviendra-t-il des identités culturelles ?
R - Le risque serait grand d'une uniformisation, d'une sorte de culture unique qui ne manquerait pas de revenir comme un boomerang. Certains pays - l'Australie, la Nouvelle-Zélande - se sentent déjà bousculés par certaines formes d'hégémonie culturelle, faute d'avoir su protéger à temps leurs talents nationaux.
Q - Est-ce que ce traité ne va pas permettre à des pays de protéger des traditions révolues sous couvert de défense du patrimoine ?
R - Effectivement, le concept des Droits de l'Homme doit avoir une portée universelle et mettre en échec toutes les dérives et les violences attentatoires à la dignité humaine constatées dans le monde contemporain.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2004)
R - La violence de l'actualité internationale et ses répercutions sur la scène intérieure dans la plupart des pays du monde - je pense aux risques du terrorisme et de l'intégrisme - engendrent un nouveau réflexe face à une mondialisation qui peut apparaître aussi bien comme une chance que comme une destruction des industries et des marchés avec les conséquences qui en découlent. L'urgence politique veut que l'échange ne soit pas lui-même destructeur. Chacun veut aujourd'hui mettre à l'abri sa propre identité, sa culture, ses racines, son patrimoine.
Q - Quels sont les secteurs les plus menacés : le patrimoine ou l'audiovisuel ?
R - Par définition, ce sont toujours les plus faibles qui sont menacés. Les cultures les plus fragiles sont toujours les plus exposées. En France, nous avons la chance d'avoir entre les mains un capital d'influence et de rayonnement exceptionnels, fondés sur le patrimoine et la création artistique. Et pour autant, à cause parfois de la technologie, nous ne sommes pas à l'abri. D'où le rôle politique joué par le président de la République et le gouvernement sur la scène internationale pour dire dans un même élan "oui à l'échange culturel. Oui aux droits des nations à soutenir la politique culturelle de leur pays". C'est le sens des débats qui vont se dérouler en 2005 à l'UNESCO.
Q - Quelles garanties apportera la convention UNESCO sur la diversité culturelle ?
R - Ce n'est pas un exercice théorique, c'est un acte politique essentiel. L'activité culturelle et artistique n'est pas une activité comme les autres. Elle mérite une protection particulière. Les règles applicables à la circulation des marchandises ne peuvent pas s'appliquer davantage à ce que l'on appelle, en termes peu élégants, les biens culturels. Ce qui était le thème de l'exception culturelle, perçu par nos détracteurs comme l'éternelle arrogance française, apparaît aujourd'hui à la plupart des pays du monde, et même à nos amis américains, comme une nécessité politique et stratégique. La prise de position commune entre la Chine et la France, que j'ai proposée à mon homologue, en est l'illustration. La visite de Jean-Pierre Raffarin au Mexique est une étape très importante avec ce grand pays dont nous sommes très proches politiquement.
Q - Est-ce que vous ne redoutez pas, comme pour le protocole de Kyoto, que le monde se divise demain entre ceux qui défendent le projet français et les autres qui rallient le camp américain ?
R - J'espère sincèrement qu'autant la prise en compte de la situation internationale actuelle que certains aspects de l'évolution technologique - je pense bien sûr à Internet - permettront à nos amis américains de mieux comprendre notre point de vue. Dans le domaine du cinéma, c'est quasiment chose faite. La difficulté majeure qui est devant nous c'est de légitimer, pour les questions de santé, l'autorité politique et juridique de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) ; pour les questions culturelles, celle de l'UNESCO, et de cantonner l'Organisation mondiale du Commerce (OMC) aux échanges économiques.
Q - Le soutien que l'Europe a apporté cette semaine à la convention UNESCO va-t-il lui permettre d'avoir, par rapport à l'OMC, une force politique suffisante ?
R - L'objectif politique français vis-à-vis de l'UNESCO, tendant à conforter les politiques culturelles nationales, c'est au fond le même que celui qui me fait m'opposer directement et fortement à la Commission européenne lorsqu'elle remet en cause le droit de la France à soutenir ses industries culturelles. Le mandat que l'ensemble des ministres de la Culture européens vient de donner à la Commission pour faire reconnaître le droit à la diversité culturelle face à l'OMC est une étape importante.
L'Europe de la culture qui s'est fait trop attendre prend force. Le respect du pluralisme et de la diversité politique, religieuse, intellectuelle, voilà bien la valeur européenne suprême dont le rayonnement international franchit les océans. Le Canada, le Brésil, le Mexique, la Chine, et pourquoi pas demain nos amis américains, en sont irradiés.
Q - Si le traité UNESCO n'est pas adopté comme prévu en 2005, qu'adviendra-t-il des identités culturelles ?
R - Le risque serait grand d'une uniformisation, d'une sorte de culture unique qui ne manquerait pas de revenir comme un boomerang. Certains pays - l'Australie, la Nouvelle-Zélande - se sentent déjà bousculés par certaines formes d'hégémonie culturelle, faute d'avoir su protéger à temps leurs talents nationaux.
Q - Est-ce que ce traité ne va pas permettre à des pays de protéger des traditions révolues sous couvert de défense du patrimoine ?
R - Effectivement, le concept des Droits de l'Homme doit avoir une portée universelle et mettre en échec toutes les dérives et les violences attentatoires à la dignité humaine constatées dans le monde contemporain.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 22 novembre 2004)