Texte intégral
Chers Amis,
Je me réjouis que ce débat fasse suite à un colloque déjà organisé par Erice Besson, au titre de ses responsabilités au sein de la direction du Parti socialiste, puisqu'il y a à peine quelques semaines, nous abordions les questions d'industrie et de la politique qui doit être conduite dans ce secteur.
Nous avions considéré que, à niveau élevé de croissance, était supposée une stratégie économique fondée sur la Recherche, l'innovation, l'émergence d'une économie de la connaissance, dont l'industrie devait être, forcément, l'un des moteurs. Puisque nous partions de cet objectif, la politique industrielle retrouvait et sa justification et un renouvellement de ses instruments, autour de priorités stratégiques, notamment dans le domaine des hautes technologies.
Ce qui permettait de faire justice à deux idées : l'une qui voudrait qu'aujourd'hui nous soyons entrés dans une société post-industrielle et qui écarterait le principe même d'un avenir pour l'industrie ; tout serait " tertiairisé " ; tout serait de l'ordre des services. Or, nous savons bien qu'il y a un lien très fort entre industrie et services et que, même si -sur le plan statistique- nous constatons une diminution de la part de l'offre industrielle pour l'emploi global, il y a tout ce qui relève des services à l'industrie qui nous confirme bien que l'activité -au sens large- industrielle génère toujours un courant d'emplois. Au niveau européen, les emplois liés à l'industrie continuent d'augmenter, sans doute à un rythme moins élevé que ceux liés aux services. Il n'empêche, l'économie européenne reste une économie industrielle, avec des emplois industriels et un excédent industriel.
De la même manière, nous devons faire justice à une idée qui s'est, à un moment, installée dans une stratégie d'entreprise qui voudrait qu'il soit possible, aujourd'hui, d'avoir des entreprises sans usine et donc une France sans implantation industrielle. Ne reviendrait finalement aux sociétés modernes qu'à développer leur siège, leur activité de Recherche, leur politique commerciale ou leur activité de marketing. Si nous voulons avoir une industrie, il faut que nous ayons tous les éléments qui vont de la production jusqu'à la commercialisation, sans oublier la Recherche et tout ce qui contribue à la valeur ajoutée.
Nous considérons que l'industrie a une force d'entraînement dans l'économie et que si nous laissons s'engager une désindustrialisation, alors nous menacerions et notre capacité de croissance et d'emplois et notre compétitivité globale, sans oublier l'équilibre de nos territoires.
Ce qui doit nous conduire à développer une politique industrielle articulée autour de quatre principes :
Nous devons soutenir les stratégies des entreprises fondées sur une présence mondiale. Ce serait une considérable erreur, pour les socialistes, que de vouloir domestiquer les entreprises, de vouloir les retenir. Nous avons besoin, dans la mondialisation, d'être présents partout dans le monde. Et de ce point de vue, nous devons faire en sorte que nos entreprises soient implantées là où sont les marchés. Ces marchés entretiennent, par leurs effets directs ou indirects, notre capacité à vendre, à produire et à créer de l'emploi. Parallèlement, nous devons faire en sorte que le siège de ces entreprises reste en Europe et en France, si c'est possible. Mais nous devons faire en sorte que la valeur ajoutée des entreprises soit, le plus possible, localisée là où nous sommes en responsabilité, c'est-à-dire sur notre territoire.
Nous considérons que la politique de Recherche est essentielle pour l'avenir de la croissance et que, de ce point de vue, nous avons pris des engagements d'ores et déjà inscrits pour notre projet pour 2007. Si nous considérons qu'il faut porter à 3 % l'effort de Recherche par rapport à la richesse nationale, alors cela suppose d'augmenter le budget de la Recherche de 10 % par an pendant cinq ans, toute recherche confondue.
Il faut mobiliser de l'épargne pour financer de l'investissement et de l'innovation. Autant, nous soutenons la consommation comme facteur de croissance, autant nous devons favoriser une politique d'épargne qui affecte l'épargne à l'investissement plus productif, c'est-à-dire à l'investissement fondé sur l'innovation. Il y a beaucoup à faire. La politique industrielle, c'est aussi une politique de mobilisation de l'épargne. Ce n'est pas simplement une politique de restructuration de l'offre productive.
Nous devons, cette notre responsabilité européenne, favoriser le lancement de programmes stratégiques européens sur les biotechnologies, la communication et tout ce qui est industrie d'avenir.
Notre réflexion, partant de ces principes-là, porte sur les délocalisations. Ce sujet ne vient pas par hasard. Il y a eu des délocalisations qui ont fait l'objet, à juste raison, d'une mobilisation syndicale et de scandale politique (Metaleurop...). Ce sont devenus des sujets d'actualité qui ont frappé les esprits. C'est un thème qui est présent partout, et pas simplement en France. N'imaginons pas qu'il n'y aurait qu'en France que nous aurions à parler des délocalisations. Cette question des délocalisations a été un thème de l'élection américaine. Le résultat des élections américaines nous montre, pourtant, que l'on peut gagner des élections sur d'autres sujets que les questions économiques et sociales. Les Américains viennent de comprendre combien d'autres thèmes, notamment fondés sur la peur, peuvent favoriser tel ou tel candidat conservateur. Le sujet des délocalisations s'est aussi invité dans le débat politique aussi bien à gauche qu'à droite.
Cela justifie donc que nous appréhendions un tel sujet. D'abord pour mesurer la réalité des délocalisations. C'est une réalité vécue durement par les salariés concernés. C'est, en plus, une menace utilisée délibérément par certains employeurs. C'est aussi un phénomène que l'on voit se développer et pas simplement dans l'industrie. Les délocalisations ne sont donc pas un sujet nouveau ; depuis que l'industrie existe, depuis que l'économie existe, depuis que l'ouverture des frontières a été engagée, le mouvement des délocalisations a toujours été constaté.
Il a pris aujourd'hui une ampleur nouvelle, notamment à cause de deux facteurs : on ne délocalise pas simplement les productions industrielles, on délocalise les productions de services ; et les nouvelles technologies et le coût très faible du transport encouragent un certain nombre de ce phénomène.
Néanmoins, statistiquement observé, aussi bien en France qu'en Europe, le phénomène reste limité (5 % des investissements français à l'étranger seraient en fait des délocalisations). Pour autant, soyons prudents, c'est vrai statistiquement aujourd'hui, mais, en même temps, il peut y avoir une menace qui laisse penser que cela pourrait s'amplifier demain. Cela justifie donc une réponse politique.
Enfin, on constate que les délocalisations ont maintenant des destinations nombreuses. Cela a été longtemps en direction de pays à bas coût de main-d'uvre. Ce n'est plus vrai. Cela touche une diversité de pays, et parfois à grand savoir-faire, pouvant avoir par ailleurs des coûts de main-d'oeuvre plus faible qu'ici. On trouve des délocalisations plutôt en destination de l'Asie (Chine, Inde), mais aussi en destination du Maghreb ; même si les pays nouvellement adhérents de l'Union européenne sont parfois visés, ce ne sont pas eux qui sont aujourd'hui bénéficiaires de délocalisations.
Une fois prise en compte la mesure du phénomène, il faut faire des distinctions très nettes entre des fermetures d'entreprises pour des créations ailleurs des investissements directs à l'étranger, c'est-à-dire de la décision d'une entreprise d'investir à l'étranger. On peut considérer que, dans une certaine mesure, si cet investissement avait été fait en France, il aurait produit de la richesse et de l'emploi. Mais, cet investissement, s'il se fait à l'étranger, c'est qu'il obéit à plusieurs facteurs :
Le premier facteur -que nous ne pouvons pas contredire, que nous ne devons pas contredire, c'est le fait que des entreprises décident de s'implanter pour conquérir de nouveaux marchés dans des zones à croissance rapide. C'est un facteur qui n'est pas menaçant et qui est favorable puisque cela va tirer un courant d'exportations en notre faveur ;
Le deuxième facteur qui explique les investissements directs à l'étranger, c'est le courant d'achats qui est justifié par l'investissement, soit d'achats sur place, soit d'achats dans le cadre du marché conquis
Le troisième facteur est le coût de la main-d'oeuvre pour essayer de diversifier les zones de production.
En revanche, s'il y a un argument qui ne joue pas pour l'investissement étranger, c'est l'argument fiscal, contrairement à tout ce qui se dit. Je ne veux pas laisser penser que c'est Philippe Seguin, Président de la Cour des Comptes, qui nous donnerait le " la " en matière de pensée. Ce rapport a été fait avant qu'il n'arrive et longtemps après que j'en sois parti. Mais, le Conseil des impôts nous dit que l'argument fiscal n'est jamais l'argument premier, même second, d'une délocalisation. Ni pour la fiscalité des entreprises, ni pour la fiscalité des personnes. Cela veut dire que ce n'est jamais pour des raisons proprement fiscales qu'une entreprise décide d'aller s'installer à l'étranger. Si elle le décide, c'est souvent pour des raisons liées au coût de main-d'oeuvre ou à la conquête de marchés.
Il nous faut donc évoquer le bon et le mauvais usage des délocalisations. Le premier mauvais usage des délocalisations, c'est de faire de la délocalisation une explication première du chômage, au prétexte qu'il y a des délocalisations. Au prétexte que ce sont des drames sociaux, au prétexte que cela révèle des comportements d'entreprise inacceptable, il peut être tentant pour un gouvernement -notamment le nôtre- d'utiliser le sujet de la délocalisation comme pour exonérer sa propre responsabilité dans la montée du chômage. Or, toutes les études, toutes les statistiques dont on dispose nous montrent qu'autant la délocalisation est insupportable à vivre -à titre personnel- autant elle n'explique qu'une infime part de la montée du chômage depuis deux ans et demi, sans doute à peine 2 à 3 % de ce qu'a été, aujourd'hui, la perte d'emplois. Cela peut être une habileté d'un gouvernement de laisser penser que le chômage est un phénomène qui échapperait à l'autorité politique.
Le deuxième mauvais usage, c'est ce que font un certain nombre de chefs d'entreprises d'utiliser la délocalisation comme levier pour un chantage à l'emploi. Puisqu'il y a des risques réels de délocalisation, puisqu'il y a des délocalisations, alors on peut justifier un certain nombre de comportements et de remises en cause de droits.
Le troisième mauvais usage, plus idéologique, c'est celui qu'utilisent les Libéraux de considérer que, parce qu'il y a des délocalisations, il faudrait donc harmoniser par le bas les droits sociaux, les salaires et les considérations fiscales.
Nous sommes donc dans un débat essentiel. Nous entrons dans une logique qui serait de considérer que c'est autour de la délocalisation que doit se structurer le débat politique... Tout est fait par le gouvernement pour expliquer, rapport après rapport, que nous serions dans un pays en déclin, qui vit au-dessus de ses moyens et dont le seul salut passerait par la remise en cause des droits sociaux, des salaires et du temps de travail. De ce point de vue, la campagne contre les 35 heures en est une bonne illustration. Nous avons besoin, face à ce discours sur le déclin, d'appeler à une mobilisation forte de ce pays. Le discours que nous devons opposer à celui du déclin est celui de l'effort à faire sans doute, mais des chances et des ressources qui existent dans notre pays. Au discours de la mauvaise conscience, il faut opposer un discours de la bonne confiance dans nos capacités.
Nous avons aussi un discours sur les délocalisations qui, d'ailleurs sciemment rapproché de celui de l'insécurité et utilisé par le même personnage -en l'occurrence le Ministre démissionnaire de l'Economie et des Finances, consiste à dire que, puisque l'on a nommé la délocalisation, on a réglé le problème. Cela consiste donc à dire : " je nomme, donc je règle ". De ce point de vue, les choix qui ont été faits dans le budget pour 2005 en matière de délocalisation relèvent justement de ce traitement cosmétique : on fabrique des brochures sur les pôles de compétitivité et l'on incite une nouvelle fois à la baisse des charges ou des impôts sans aucune contrepartie et donc sans aucune création d'emploi.
Plus largement, tous ces mauvais usages de la délocalisation consistent à utiliser les peurs en choisissant un bouc émissaire : soit la mondialisation et donc l'ouverture qui serait toujours, finalement, menaçante, soit l'Europe qui serait le cheval de Troie de la délocalisation. L'argument n'est d'ailleurs pas nouveau. Depuis le Traité de Rome, déjà, la question des délocalisations s'était posée avec l'entrée dans le marché commun de la France. Tout le monde se souvient d'ailleurs des incantations d'un parti de gauche qui développait la question sur le thème : acheter français, produire français, consommer français, travailler français.
Mais, il y a aussi bon usage du thème, sujet de la menace, de la réalité de la délocalisation. Il faut prendre conscience de la volatilité des décisions d'entreprises, de la rapidité avec laquelle une entreprise peut aujourd'hui décider de s'installer ou de disparaître, de la rapidité avec laquelle se font les choix micro-économiques, de la rapidité avec laquelle on peut décider d'une localisation ou d'une délocalisation, mais aussi de la volatilité des investissements. Il faut répondre à cette menace et donc traiter les causes.
NOTRE POLITIQUE
Nous avons à prendre des décisions au plan national comme au plan européen.
Sur le plan national, toute la question -en termes de politique économique- est de répondre au double défi de la compétitivité. Pour une part, c'est une compétitivité sur les prix. Pour une autre part, c'est une compétitivité par rapport à la qualité, au savoir-faire, à la qualification.
Nous devons donc faire en sorte que nous puissions, en France, en Europe, répondre en termes de compétitivité fondée sur la qualité, sur le savoir-faire, sur la valeur ajoutée, etc... Cela suppose donc, en termes de préconisation politique au niveau national, un effort considérable en matière de qualification des salariés.
Nous devons répondre à un effort nécessaire sur les calculs des cotisations sociales, et donc sur l'utilisation de la valeur ajoutée.
Nous devons engager des politiques en matière de reclassement et de prévention des licenciements et nous devons aller vers la sécurisation des parcours professionnels. Au-delà des mots, il faudra engager une vraie négociation et cela ne passera pas nécessairement par la loi et rien que la loi sur ces questions. N'imaginons pas que c'est la loi qui a la réponse à ce défi essentiel qui est de savoir comment, tout au long d'un parcours professionnel, on trouve des possibilités de reclassement, de formation et des droits à la réinsertion.
Il nous faut prendre en compte la politique et les territoires, car c'est là que se jouent la localisation et l'attractivité de la France en matière d'implantation.
Nous parlons souvent des investissements étrangers en France, mais la France est le deuxième investissement à l'étranger. Nous sommes aussi un pays attractif. Cela fait des années que la droite et le patronat nous font procès sur ce point-là, en laissant penser que nos salaires seraient trop hauts, notre durée de travail trop brève et nos conditions de production trop lourdes, nos rigidités trop nombreuses ; il n'empêche que les principales firmes multinationales sont installées sur notre territoire, qu'il y a chaque année 300 implantations de nouvelles entreprises venant de l'extérieur, que les investissements étrangers en France se sont multipliés, qu'il y a aujourd'hui plus de 2 millions d'emplois industriels qui sont créés par les entreprises qui se sont installées avec des capitaux étrangers. D'où d'ailleurs une interrogation : nous sommes à ce point attractifs qu'il peut se poser un problème de contrôle aussi de l'actionnariat de nos entreprises. D'où aussi les interrogations sur quel actionnariat pour nos entreprises et comment faciliter le fait que des entreprises restent capitaux français ou européen ? Nous voyons bien le rôle que jouent les fonds de pension depuis des années, investissant en France et qui changent aussi les modes de décisions dans les entreprises françaises.
Enfin, il y a tout l'effort à faire en matière de nouvelles technologies, parce que c'est là que nous devons faire en sorte que nos territoires, les territoires ruraux, les territoires qui ont été touchés par des phénomènes de désindustrialisation, soient prioritaires en matière de technologies. C'est là que la question des services publics se pose aussi. Les services publics sont un atout pour l'attractivité des territoires et que l'infrastructure, les transports, les services publics sont des éléments essentiels pour attirer ou retenir des entreprises sur nos territoires.
Au plan européen, nous devons militer pour que, dans le budget européen, les programmes de formation, de Recherche, de développement des technologies, soient bien sûr prioritaires. Mais, nous devons militer aussi -comme socialistes et comme européens- pour une politique de développement des nouveaux pays entrants. Ce serait une faute de les laisser finalement à tel point de retard de développement, car leurs seules ressources seraient précisément d'attirer par le dumping fiscal les entreprises pour les installer sur leurs territoires. La meilleure réponse est donc une politique de développement des nouveaux pays.
Quant à l'harmonisation fiscale, nous -les socialistes- y sommes tous favorables. Nous sommes tous pour que cela se fasse à la majorité qualifiée. Il faut savoir que beaucoup de socialistes européens n'y sont pas favorables, parce qu'ils considèrent -pour certains- que si cette harmonisation fiscale se faisait, cela ne serait pas forcément par le haut, mais peut-être par le bas, et donc ils préfèrent garder leur harmonisation fiscale en élément de redistribution. Nous, nous y sommes favorables. Je plaide d'ailleurs pour que cette harmonisation fiscale porte d'abord sur l'assiette de l'impôt des sociétés. De ce point de vue, l'Europe, ces dernières semaines, a fait un progrès. Une fois qu'une assiette commune est déterminée, on a donc harmonisé la base sur laquelle l'impôt sur les sociétés peut être calculé partout en Europe. Il faut donc, ensuite, aller vers des taux minima, partout en Europe, et compatibles avec la situation des Etats membres. Faut-il aller vers un taux unique ? Un jour, sans doute. Mais, faut-il encore que le taux unique soit sur un marché où chacun serait dans le même niveau de développement. Il est donc préférable de privilégier une démarche de taux minimal pour en assurer progressivement la convergence.
Il y a une idée qui court et qui voudrait que l'on conditionne les fonds structurels à l'harmonisation fiscale. Elle peut être tentante. Il s'agit d'essayer de conditionner le versement des fonds structurels à un effort de hausse de l'impôt pour les pays nouvellement entrés dans l'Union. Cette méthode n'est pas appropriée.
Nous devons faire en sorte d'aider par les fonds structurels les pays entrants à aller le plus vite possible vers la croissance de plus haut niveau dont nous serons forcément bénéficiaires.
Mais leur dire qu'on les punit s'ils n'ont pas la même fiscalité que nous ne les rend pas forcément très indulgents à notre égard et disponibles à faire l'harmonisation telle que nous la concevons. L'harmonisation fiscale sera donc une bataille essentielle qui suppose des étapes et une méthode.
CONCLUSION
En dehors du protectionnisme, il y a nécessité d'éviter le dumping, de nous protéger de concurrences déloyales, mais si la proposition des socialistes consiste à revenir à des formules de protectionnisme, on peut se poser les questions suivantes : comment faire et comment cela va-t-il finir. Je récuse cette stratégie.
Si nous récusons la stratégie protectionniste, il y a deux voies possibles pour lutter contre les délocalisations :
Il y a la voie libérale, stratégie purement défensive, qui consiste à abaisser les droits sociaux, réduire les cotisations sociales -donc la protection sociale, et contenir les salaires -voire les réduire. C'est la stratégie fondée uniquement sur les coûts du travail de l'entreprise. C'est la voie choisie, d'une manière ou d'une autre, par le gouvernement et par la droite. C'est celle qui consiste à :
- Baisser les charges et cotisations sociales sans contrepartie,
- Faire de l'incitation fiscale sans contrepartie,
- Faire en sorte de revenir sur l'ensemble des acquis sociaux sans contrepartie
- Donner aux salariés une mauvaise conscience et le risque d'une perte d'emploi dont le seul moyen de s'en dégager serait d'abandonner ses acquis.
Il y a une stratégie offensive et c'est, pour nous socialistes, la seule possible. Il faut faire un effort considérable pour la Recherche, pour l'Education, pour la formation, pour les services publics, avec deux prolongements possibles :
- Une politique de l'offre productive, car c'est ainsi que nous pourrons favoriser la formation de grands groupes français et européens, que nous pourrons faire en sorte d'avoir la plus haute valeur ajoutée possible, l'emploi le plus qualifié possible et donc la compétitivité la plus haute possible, sans rien remettre en cause de ce qu'est le fondement de notre modèle social ;
- Le rôle des acteurs publics dont la responsabilité est de prendre les sujets en amont et en aval. En amont, ce sont les politiques d'avenir. En aval, ce sont les mutations industrielles. Ne laissons pas croire qu'il n'y aura plus de mutation industrielle, qu'il n'y aura plus de changement de technologie. Autant nous pouvons lutter contre les formes de délocalisation et les réalités qui existent parfois dans les comportements patronaux ; autant nous devons admettre qu'il y aura des mutations industrielles, des mutations économiques dans tous les domaines. Nous avons donc le devoir d'anticiper et donc de faire en sorte de reclasser, de réinsérer et de recréer de l'activité là où elle disparaît, notamment dans les zones de mono industrie.
Ce qui fait que, comme souvent, la droite agitera la peur pour justifier son choix. Nous devons donc démontrer qu'un espoir est possible avec des politiques publiques crédibles et la mobilisation de l'ensemble des acteurs.
Si le sujet des délocalisations nous permet de montrer qu'il y a de nouveau une politique publique capable, non pas d'empêcher un certain nombre d'adaptations, un certain nombre de mutations, d'empêcher des suppressions d'emplois, mais qui permette d'inscrire le plein emploi et la croissance durable comme perspective et de définir les instruments qui y correspondent, nous aurons fait progresser le débat public et, singulièrement, notre propre projet.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 1er décembre 2004)
Je me réjouis que ce débat fasse suite à un colloque déjà organisé par Erice Besson, au titre de ses responsabilités au sein de la direction du Parti socialiste, puisqu'il y a à peine quelques semaines, nous abordions les questions d'industrie et de la politique qui doit être conduite dans ce secteur.
Nous avions considéré que, à niveau élevé de croissance, était supposée une stratégie économique fondée sur la Recherche, l'innovation, l'émergence d'une économie de la connaissance, dont l'industrie devait être, forcément, l'un des moteurs. Puisque nous partions de cet objectif, la politique industrielle retrouvait et sa justification et un renouvellement de ses instruments, autour de priorités stratégiques, notamment dans le domaine des hautes technologies.
Ce qui permettait de faire justice à deux idées : l'une qui voudrait qu'aujourd'hui nous soyons entrés dans une société post-industrielle et qui écarterait le principe même d'un avenir pour l'industrie ; tout serait " tertiairisé " ; tout serait de l'ordre des services. Or, nous savons bien qu'il y a un lien très fort entre industrie et services et que, même si -sur le plan statistique- nous constatons une diminution de la part de l'offre industrielle pour l'emploi global, il y a tout ce qui relève des services à l'industrie qui nous confirme bien que l'activité -au sens large- industrielle génère toujours un courant d'emplois. Au niveau européen, les emplois liés à l'industrie continuent d'augmenter, sans doute à un rythme moins élevé que ceux liés aux services. Il n'empêche, l'économie européenne reste une économie industrielle, avec des emplois industriels et un excédent industriel.
De la même manière, nous devons faire justice à une idée qui s'est, à un moment, installée dans une stratégie d'entreprise qui voudrait qu'il soit possible, aujourd'hui, d'avoir des entreprises sans usine et donc une France sans implantation industrielle. Ne reviendrait finalement aux sociétés modernes qu'à développer leur siège, leur activité de Recherche, leur politique commerciale ou leur activité de marketing. Si nous voulons avoir une industrie, il faut que nous ayons tous les éléments qui vont de la production jusqu'à la commercialisation, sans oublier la Recherche et tout ce qui contribue à la valeur ajoutée.
Nous considérons que l'industrie a une force d'entraînement dans l'économie et que si nous laissons s'engager une désindustrialisation, alors nous menacerions et notre capacité de croissance et d'emplois et notre compétitivité globale, sans oublier l'équilibre de nos territoires.
Ce qui doit nous conduire à développer une politique industrielle articulée autour de quatre principes :
Nous devons soutenir les stratégies des entreprises fondées sur une présence mondiale. Ce serait une considérable erreur, pour les socialistes, que de vouloir domestiquer les entreprises, de vouloir les retenir. Nous avons besoin, dans la mondialisation, d'être présents partout dans le monde. Et de ce point de vue, nous devons faire en sorte que nos entreprises soient implantées là où sont les marchés. Ces marchés entretiennent, par leurs effets directs ou indirects, notre capacité à vendre, à produire et à créer de l'emploi. Parallèlement, nous devons faire en sorte que le siège de ces entreprises reste en Europe et en France, si c'est possible. Mais nous devons faire en sorte que la valeur ajoutée des entreprises soit, le plus possible, localisée là où nous sommes en responsabilité, c'est-à-dire sur notre territoire.
Nous considérons que la politique de Recherche est essentielle pour l'avenir de la croissance et que, de ce point de vue, nous avons pris des engagements d'ores et déjà inscrits pour notre projet pour 2007. Si nous considérons qu'il faut porter à 3 % l'effort de Recherche par rapport à la richesse nationale, alors cela suppose d'augmenter le budget de la Recherche de 10 % par an pendant cinq ans, toute recherche confondue.
Il faut mobiliser de l'épargne pour financer de l'investissement et de l'innovation. Autant, nous soutenons la consommation comme facteur de croissance, autant nous devons favoriser une politique d'épargne qui affecte l'épargne à l'investissement plus productif, c'est-à-dire à l'investissement fondé sur l'innovation. Il y a beaucoup à faire. La politique industrielle, c'est aussi une politique de mobilisation de l'épargne. Ce n'est pas simplement une politique de restructuration de l'offre productive.
Nous devons, cette notre responsabilité européenne, favoriser le lancement de programmes stratégiques européens sur les biotechnologies, la communication et tout ce qui est industrie d'avenir.
Notre réflexion, partant de ces principes-là, porte sur les délocalisations. Ce sujet ne vient pas par hasard. Il y a eu des délocalisations qui ont fait l'objet, à juste raison, d'une mobilisation syndicale et de scandale politique (Metaleurop...). Ce sont devenus des sujets d'actualité qui ont frappé les esprits. C'est un thème qui est présent partout, et pas simplement en France. N'imaginons pas qu'il n'y aurait qu'en France que nous aurions à parler des délocalisations. Cette question des délocalisations a été un thème de l'élection américaine. Le résultat des élections américaines nous montre, pourtant, que l'on peut gagner des élections sur d'autres sujets que les questions économiques et sociales. Les Américains viennent de comprendre combien d'autres thèmes, notamment fondés sur la peur, peuvent favoriser tel ou tel candidat conservateur. Le sujet des délocalisations s'est aussi invité dans le débat politique aussi bien à gauche qu'à droite.
Cela justifie donc que nous appréhendions un tel sujet. D'abord pour mesurer la réalité des délocalisations. C'est une réalité vécue durement par les salariés concernés. C'est, en plus, une menace utilisée délibérément par certains employeurs. C'est aussi un phénomène que l'on voit se développer et pas simplement dans l'industrie. Les délocalisations ne sont donc pas un sujet nouveau ; depuis que l'industrie existe, depuis que l'économie existe, depuis que l'ouverture des frontières a été engagée, le mouvement des délocalisations a toujours été constaté.
Il a pris aujourd'hui une ampleur nouvelle, notamment à cause de deux facteurs : on ne délocalise pas simplement les productions industrielles, on délocalise les productions de services ; et les nouvelles technologies et le coût très faible du transport encouragent un certain nombre de ce phénomène.
Néanmoins, statistiquement observé, aussi bien en France qu'en Europe, le phénomène reste limité (5 % des investissements français à l'étranger seraient en fait des délocalisations). Pour autant, soyons prudents, c'est vrai statistiquement aujourd'hui, mais, en même temps, il peut y avoir une menace qui laisse penser que cela pourrait s'amplifier demain. Cela justifie donc une réponse politique.
Enfin, on constate que les délocalisations ont maintenant des destinations nombreuses. Cela a été longtemps en direction de pays à bas coût de main-d'uvre. Ce n'est plus vrai. Cela touche une diversité de pays, et parfois à grand savoir-faire, pouvant avoir par ailleurs des coûts de main-d'oeuvre plus faible qu'ici. On trouve des délocalisations plutôt en destination de l'Asie (Chine, Inde), mais aussi en destination du Maghreb ; même si les pays nouvellement adhérents de l'Union européenne sont parfois visés, ce ne sont pas eux qui sont aujourd'hui bénéficiaires de délocalisations.
Une fois prise en compte la mesure du phénomène, il faut faire des distinctions très nettes entre des fermetures d'entreprises pour des créations ailleurs des investissements directs à l'étranger, c'est-à-dire de la décision d'une entreprise d'investir à l'étranger. On peut considérer que, dans une certaine mesure, si cet investissement avait été fait en France, il aurait produit de la richesse et de l'emploi. Mais, cet investissement, s'il se fait à l'étranger, c'est qu'il obéit à plusieurs facteurs :
Le premier facteur -que nous ne pouvons pas contredire, que nous ne devons pas contredire, c'est le fait que des entreprises décident de s'implanter pour conquérir de nouveaux marchés dans des zones à croissance rapide. C'est un facteur qui n'est pas menaçant et qui est favorable puisque cela va tirer un courant d'exportations en notre faveur ;
Le deuxième facteur qui explique les investissements directs à l'étranger, c'est le courant d'achats qui est justifié par l'investissement, soit d'achats sur place, soit d'achats dans le cadre du marché conquis
Le troisième facteur est le coût de la main-d'oeuvre pour essayer de diversifier les zones de production.
En revanche, s'il y a un argument qui ne joue pas pour l'investissement étranger, c'est l'argument fiscal, contrairement à tout ce qui se dit. Je ne veux pas laisser penser que c'est Philippe Seguin, Président de la Cour des Comptes, qui nous donnerait le " la " en matière de pensée. Ce rapport a été fait avant qu'il n'arrive et longtemps après que j'en sois parti. Mais, le Conseil des impôts nous dit que l'argument fiscal n'est jamais l'argument premier, même second, d'une délocalisation. Ni pour la fiscalité des entreprises, ni pour la fiscalité des personnes. Cela veut dire que ce n'est jamais pour des raisons proprement fiscales qu'une entreprise décide d'aller s'installer à l'étranger. Si elle le décide, c'est souvent pour des raisons liées au coût de main-d'oeuvre ou à la conquête de marchés.
Il nous faut donc évoquer le bon et le mauvais usage des délocalisations. Le premier mauvais usage des délocalisations, c'est de faire de la délocalisation une explication première du chômage, au prétexte qu'il y a des délocalisations. Au prétexte que ce sont des drames sociaux, au prétexte que cela révèle des comportements d'entreprise inacceptable, il peut être tentant pour un gouvernement -notamment le nôtre- d'utiliser le sujet de la délocalisation comme pour exonérer sa propre responsabilité dans la montée du chômage. Or, toutes les études, toutes les statistiques dont on dispose nous montrent qu'autant la délocalisation est insupportable à vivre -à titre personnel- autant elle n'explique qu'une infime part de la montée du chômage depuis deux ans et demi, sans doute à peine 2 à 3 % de ce qu'a été, aujourd'hui, la perte d'emplois. Cela peut être une habileté d'un gouvernement de laisser penser que le chômage est un phénomène qui échapperait à l'autorité politique.
Le deuxième mauvais usage, c'est ce que font un certain nombre de chefs d'entreprises d'utiliser la délocalisation comme levier pour un chantage à l'emploi. Puisqu'il y a des risques réels de délocalisation, puisqu'il y a des délocalisations, alors on peut justifier un certain nombre de comportements et de remises en cause de droits.
Le troisième mauvais usage, plus idéologique, c'est celui qu'utilisent les Libéraux de considérer que, parce qu'il y a des délocalisations, il faudrait donc harmoniser par le bas les droits sociaux, les salaires et les considérations fiscales.
Nous sommes donc dans un débat essentiel. Nous entrons dans une logique qui serait de considérer que c'est autour de la délocalisation que doit se structurer le débat politique... Tout est fait par le gouvernement pour expliquer, rapport après rapport, que nous serions dans un pays en déclin, qui vit au-dessus de ses moyens et dont le seul salut passerait par la remise en cause des droits sociaux, des salaires et du temps de travail. De ce point de vue, la campagne contre les 35 heures en est une bonne illustration. Nous avons besoin, face à ce discours sur le déclin, d'appeler à une mobilisation forte de ce pays. Le discours que nous devons opposer à celui du déclin est celui de l'effort à faire sans doute, mais des chances et des ressources qui existent dans notre pays. Au discours de la mauvaise conscience, il faut opposer un discours de la bonne confiance dans nos capacités.
Nous avons aussi un discours sur les délocalisations qui, d'ailleurs sciemment rapproché de celui de l'insécurité et utilisé par le même personnage -en l'occurrence le Ministre démissionnaire de l'Economie et des Finances, consiste à dire que, puisque l'on a nommé la délocalisation, on a réglé le problème. Cela consiste donc à dire : " je nomme, donc je règle ". De ce point de vue, les choix qui ont été faits dans le budget pour 2005 en matière de délocalisation relèvent justement de ce traitement cosmétique : on fabrique des brochures sur les pôles de compétitivité et l'on incite une nouvelle fois à la baisse des charges ou des impôts sans aucune contrepartie et donc sans aucune création d'emploi.
Plus largement, tous ces mauvais usages de la délocalisation consistent à utiliser les peurs en choisissant un bouc émissaire : soit la mondialisation et donc l'ouverture qui serait toujours, finalement, menaçante, soit l'Europe qui serait le cheval de Troie de la délocalisation. L'argument n'est d'ailleurs pas nouveau. Depuis le Traité de Rome, déjà, la question des délocalisations s'était posée avec l'entrée dans le marché commun de la France. Tout le monde se souvient d'ailleurs des incantations d'un parti de gauche qui développait la question sur le thème : acheter français, produire français, consommer français, travailler français.
Mais, il y a aussi bon usage du thème, sujet de la menace, de la réalité de la délocalisation. Il faut prendre conscience de la volatilité des décisions d'entreprises, de la rapidité avec laquelle une entreprise peut aujourd'hui décider de s'installer ou de disparaître, de la rapidité avec laquelle se font les choix micro-économiques, de la rapidité avec laquelle on peut décider d'une localisation ou d'une délocalisation, mais aussi de la volatilité des investissements. Il faut répondre à cette menace et donc traiter les causes.
NOTRE POLITIQUE
Nous avons à prendre des décisions au plan national comme au plan européen.
Sur le plan national, toute la question -en termes de politique économique- est de répondre au double défi de la compétitivité. Pour une part, c'est une compétitivité sur les prix. Pour une autre part, c'est une compétitivité par rapport à la qualité, au savoir-faire, à la qualification.
Nous devons donc faire en sorte que nous puissions, en France, en Europe, répondre en termes de compétitivité fondée sur la qualité, sur le savoir-faire, sur la valeur ajoutée, etc... Cela suppose donc, en termes de préconisation politique au niveau national, un effort considérable en matière de qualification des salariés.
Nous devons répondre à un effort nécessaire sur les calculs des cotisations sociales, et donc sur l'utilisation de la valeur ajoutée.
Nous devons engager des politiques en matière de reclassement et de prévention des licenciements et nous devons aller vers la sécurisation des parcours professionnels. Au-delà des mots, il faudra engager une vraie négociation et cela ne passera pas nécessairement par la loi et rien que la loi sur ces questions. N'imaginons pas que c'est la loi qui a la réponse à ce défi essentiel qui est de savoir comment, tout au long d'un parcours professionnel, on trouve des possibilités de reclassement, de formation et des droits à la réinsertion.
Il nous faut prendre en compte la politique et les territoires, car c'est là que se jouent la localisation et l'attractivité de la France en matière d'implantation.
Nous parlons souvent des investissements étrangers en France, mais la France est le deuxième investissement à l'étranger. Nous sommes aussi un pays attractif. Cela fait des années que la droite et le patronat nous font procès sur ce point-là, en laissant penser que nos salaires seraient trop hauts, notre durée de travail trop brève et nos conditions de production trop lourdes, nos rigidités trop nombreuses ; il n'empêche que les principales firmes multinationales sont installées sur notre territoire, qu'il y a chaque année 300 implantations de nouvelles entreprises venant de l'extérieur, que les investissements étrangers en France se sont multipliés, qu'il y a aujourd'hui plus de 2 millions d'emplois industriels qui sont créés par les entreprises qui se sont installées avec des capitaux étrangers. D'où d'ailleurs une interrogation : nous sommes à ce point attractifs qu'il peut se poser un problème de contrôle aussi de l'actionnariat de nos entreprises. D'où aussi les interrogations sur quel actionnariat pour nos entreprises et comment faciliter le fait que des entreprises restent capitaux français ou européen ? Nous voyons bien le rôle que jouent les fonds de pension depuis des années, investissant en France et qui changent aussi les modes de décisions dans les entreprises françaises.
Enfin, il y a tout l'effort à faire en matière de nouvelles technologies, parce que c'est là que nous devons faire en sorte que nos territoires, les territoires ruraux, les territoires qui ont été touchés par des phénomènes de désindustrialisation, soient prioritaires en matière de technologies. C'est là que la question des services publics se pose aussi. Les services publics sont un atout pour l'attractivité des territoires et que l'infrastructure, les transports, les services publics sont des éléments essentiels pour attirer ou retenir des entreprises sur nos territoires.
Au plan européen, nous devons militer pour que, dans le budget européen, les programmes de formation, de Recherche, de développement des technologies, soient bien sûr prioritaires. Mais, nous devons militer aussi -comme socialistes et comme européens- pour une politique de développement des nouveaux pays entrants. Ce serait une faute de les laisser finalement à tel point de retard de développement, car leurs seules ressources seraient précisément d'attirer par le dumping fiscal les entreprises pour les installer sur leurs territoires. La meilleure réponse est donc une politique de développement des nouveaux pays.
Quant à l'harmonisation fiscale, nous -les socialistes- y sommes tous favorables. Nous sommes tous pour que cela se fasse à la majorité qualifiée. Il faut savoir que beaucoup de socialistes européens n'y sont pas favorables, parce qu'ils considèrent -pour certains- que si cette harmonisation fiscale se faisait, cela ne serait pas forcément par le haut, mais peut-être par le bas, et donc ils préfèrent garder leur harmonisation fiscale en élément de redistribution. Nous, nous y sommes favorables. Je plaide d'ailleurs pour que cette harmonisation fiscale porte d'abord sur l'assiette de l'impôt des sociétés. De ce point de vue, l'Europe, ces dernières semaines, a fait un progrès. Une fois qu'une assiette commune est déterminée, on a donc harmonisé la base sur laquelle l'impôt sur les sociétés peut être calculé partout en Europe. Il faut donc, ensuite, aller vers des taux minima, partout en Europe, et compatibles avec la situation des Etats membres. Faut-il aller vers un taux unique ? Un jour, sans doute. Mais, faut-il encore que le taux unique soit sur un marché où chacun serait dans le même niveau de développement. Il est donc préférable de privilégier une démarche de taux minimal pour en assurer progressivement la convergence.
Il y a une idée qui court et qui voudrait que l'on conditionne les fonds structurels à l'harmonisation fiscale. Elle peut être tentante. Il s'agit d'essayer de conditionner le versement des fonds structurels à un effort de hausse de l'impôt pour les pays nouvellement entrés dans l'Union. Cette méthode n'est pas appropriée.
Nous devons faire en sorte d'aider par les fonds structurels les pays entrants à aller le plus vite possible vers la croissance de plus haut niveau dont nous serons forcément bénéficiaires.
Mais leur dire qu'on les punit s'ils n'ont pas la même fiscalité que nous ne les rend pas forcément très indulgents à notre égard et disponibles à faire l'harmonisation telle que nous la concevons. L'harmonisation fiscale sera donc une bataille essentielle qui suppose des étapes et une méthode.
CONCLUSION
En dehors du protectionnisme, il y a nécessité d'éviter le dumping, de nous protéger de concurrences déloyales, mais si la proposition des socialistes consiste à revenir à des formules de protectionnisme, on peut se poser les questions suivantes : comment faire et comment cela va-t-il finir. Je récuse cette stratégie.
Si nous récusons la stratégie protectionniste, il y a deux voies possibles pour lutter contre les délocalisations :
Il y a la voie libérale, stratégie purement défensive, qui consiste à abaisser les droits sociaux, réduire les cotisations sociales -donc la protection sociale, et contenir les salaires -voire les réduire. C'est la stratégie fondée uniquement sur les coûts du travail de l'entreprise. C'est la voie choisie, d'une manière ou d'une autre, par le gouvernement et par la droite. C'est celle qui consiste à :
- Baisser les charges et cotisations sociales sans contrepartie,
- Faire de l'incitation fiscale sans contrepartie,
- Faire en sorte de revenir sur l'ensemble des acquis sociaux sans contrepartie
- Donner aux salariés une mauvaise conscience et le risque d'une perte d'emploi dont le seul moyen de s'en dégager serait d'abandonner ses acquis.
Il y a une stratégie offensive et c'est, pour nous socialistes, la seule possible. Il faut faire un effort considérable pour la Recherche, pour l'Education, pour la formation, pour les services publics, avec deux prolongements possibles :
- Une politique de l'offre productive, car c'est ainsi que nous pourrons favoriser la formation de grands groupes français et européens, que nous pourrons faire en sorte d'avoir la plus haute valeur ajoutée possible, l'emploi le plus qualifié possible et donc la compétitivité la plus haute possible, sans rien remettre en cause de ce qu'est le fondement de notre modèle social ;
- Le rôle des acteurs publics dont la responsabilité est de prendre les sujets en amont et en aval. En amont, ce sont les politiques d'avenir. En aval, ce sont les mutations industrielles. Ne laissons pas croire qu'il n'y aura plus de mutation industrielle, qu'il n'y aura plus de changement de technologie. Autant nous pouvons lutter contre les formes de délocalisation et les réalités qui existent parfois dans les comportements patronaux ; autant nous devons admettre qu'il y aura des mutations industrielles, des mutations économiques dans tous les domaines. Nous avons donc le devoir d'anticiper et donc de faire en sorte de reclasser, de réinsérer et de recréer de l'activité là où elle disparaît, notamment dans les zones de mono industrie.
Ce qui fait que, comme souvent, la droite agitera la peur pour justifier son choix. Nous devons donc démontrer qu'un espoir est possible avec des politiques publiques crédibles et la mobilisation de l'ensemble des acteurs.
Si le sujet des délocalisations nous permet de montrer qu'il y a de nouveau une politique publique capable, non pas d'empêcher un certain nombre d'adaptations, un certain nombre de mutations, d'empêcher des suppressions d'emplois, mais qui permette d'inscrire le plein emploi et la croissance durable comme perspective et de définir les instruments qui y correspondent, nous aurons fait progresser le débat public et, singulièrement, notre propre projet.
(Source http://www.parti-socialiste.fr, le 1er décembre 2004)