Déclaration de Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée aux affaires européennes, sur la campagne d'information concernant l'Europe, notamment la Constitution européenne, à Paris le 29 janvier 2005.

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Circonstance : Réunion du conseil national du Mouvement européen, à Paris le 29 janvier 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Chère Anne-Marie,
Monsieur le Vice-Président du Mouvement européen international,
Monsieur le Commissaire,
Mesdames et Messieurs les Membres du Conseil national,
Chers Amis,
Il est de tradition que le ou la ministre en charge des Affaires européennes participe aux réunions du conseil national du Mouvement européen. Je vous remercie pour l'invitation que vous m'avez adressée, qui me permet de perpétuer cette tradition. Dès le mois de juin de l'année dernière, je m'étais exprimée devant le Mouvement européen pour évoquer le traité constitutionnel sur lequel un accord politique venait de se dégager.
A l'époque, la question des modalités de ratification n'était pas tranchée, mais nous avions tous conscience de l'enjeu pour la France et pour l'Europe. Depuis, les médias ont beaucoup parlé de l'Europe et du traité, en particulier lors de sa signature le 29 octobre, puis lorsque le Parti socialiste a organisé la consultation de ses membres et, enfin, au moment du débat sur l'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie. Souffrons-nous d'un trop plein d'Europe ? Je ne le crois pas. Beaucoup reste à faire pour satisfaire l'attente des Français, qui se disent eux-mêmes peu ou mal informés des questions européennes. Le conseil national du Mouvement européen nous donne l'occasion de réfléchir aux actions à conduire dans les mois qui viennent.
La réunion d'aujourd'hui a permis à votre mouvement de désigner un nouveau président que je félicite très chaleureusement, ainsi que les membres du bureau qui ont été élus. Cette passation de pouvoir reflète la vocation pluraliste qui est la vôtre. Je serai heureuse de travailler avec Pierre Moscovici, l'un de mes plus illustres prédécesseurs dans le fauteuil de ministre des Affaires européennes, où il a battu un record de longévité.
Permettez-moi cependant, Monsieur le Président, de remercier Anne-Marie Idrac et les membres sortants du bureau, ainsi que la Secrétaire générale, Geneviève Dourthe, pour l'enthousiasme et le dynamisme dont ils ont fait preuve au service de la cause européenne. Je pense à l'action de fond qui a été menée, ainsi qu'aux grands événements qui ont été organisés ces dernières années et qui ont permis d'apporter une contribution précieuse aux débats sur la Constitution européenne et sur bien d'autres aspects de la vie de l'Union.
Je souhaiterais vous dire brièvement comment je perçois le contexte des prochains mois et ses conséquences sur l'activité du Mouvement européen.
L'une des vocations du Mouvement européen, qui est aussi la mienne au sein du gouvernement, est de permettre à nos concitoyens de participer de plain-pied à l'entreprise européenne.
Il est devenu commun d'affirmer que la construction de l'Europe ne peut plus aujourd'hui se faire dans le huis clos du Conseil. Les Européens ont fait irruption dans les discussions et ont bouleversé le bel ordonnancement des négociations diplomatiques. Les exemples abondent. Je pense au rôle croissant du Parlement européen, qui s'est une nouvelle fois affirmé lors de l'investiture de la Commission à l'automne dernier. Je pense au rôle nouveau reconnu aux parlements nationaux par le traité constitutionnel. Je pense aux affrontements passionnés auxquels a donné lieu la décision d'ouverture des négociations d'adhésion avec la Turquie, sous l'oeil attentif des journalistes et des groupes de pressions, qui disposaient en temps réel des différentes moutures des projets de conclusions sur Internet. Je pense enfin au débat de fond sur des thèmes essentiels pour la croissance et l'emploi en Europe, mais aussi pour la préservation de notre modèle social, comme la révision de la stratégie de Lisbonne ou la directive relative aux services.
Le gouvernement doit jouer le rôle qui est le sien pour informer et stimuler le débat. S'agissant du traité constitutionnel, nous avons mis en place des instruments - brochures, site Internet, centre d'information téléphonique - 0810 2005 25 - permettant à chaque Français d'obtenir des réponses à ses questions et de se procurer le texte de la Constitution européenne. D'autres actions devraient être lancées dans les prochaines semaines, à la télévision et à la radio notamment. Je compte moi-même poursuivre une série de déplacements dans nos régions pour parler de l'Europe et du traité. Nous avons prévu des moyens financiers pour soutenir les associations désireuses de contribuer à l'information des Français.
Ce dispositif, qui se met en place sous le contrôle du Conseil constitutionnel et du CSA, doit bien sûr répondre à des exigences de neutralité et de pluralisme.
De façon plus pérenne, nous avons, avec Michel Barnier, mis l'accent depuis notre prise de fonctions sur les actions permettant de diffuser le réflexe européen au-delà du cercle des initiés. Outre les contacts traditionnels avec le Parlement européen à Strasbourg, j'organise ainsi régulièrement des rencontres thématiques entre parlementaires nationaux et européens. Dans le même esprit, nous avons proposé au Premier ministre un plan d'action visant à "européaniser" davantage encore l'administration française. Nous avons enfin réuni à plusieurs reprises les associations, en particulier le 8 novembre dernier à propos du dispositif d'information sur le traité constitutionnel.
Votre Mouvement a, dans le plein respect de son autonomie, un rôle important à jouer dans les mois qui viennent. Plus des trois quarts de nos compatriotes se disent insuffisamment informés du contenu du traité constitutionnel. Parmi ceux qui envisagent de voter non, le premier motif invoqué est la méconnaissance du texte qui sera soumis à leur suffrage.
Il est donc essentiel de mobiliser nos compatriotes, là où ils travaillent et où ils vivent. Grâce à ses sections locales, le Mouvement européen est en mesure de le faire. Il est également en mesure de s'ouvrir à des associations qui, sans avoir une vocation européenne, souhaitent prendre en compte ces enjeux. Je pense aux associations qui oeuvrent dans le domaine social ou dans le monde étudiant, par exemple.
Il est également important que le Mouvement européen conserve sa vocation de lieu de débat pouvant alimenter notre réflexion commune sur l'Europe. Qu'il s'agisse du projet européen, des frontières de l'Union, de la diversité culturelle et linguistique ou de l'orientation à donner à nos politiques économiques et sociales, les sujets de débat ne manquent pas et personne n'en a le monopole.
Je voudrais, pour terminer, évoquer très franchement le contexte politique de la campagne référendaire qui va s'ouvrir.
Trois éléments me paraissent essentiels :
- il nous faut d'abord, autant que possible, dissocier l'enjeu du référendum de nos querelles partisanes ou de personnes. En disant cela, je ne suis pas naïve et je sais que l'on ne peut isoler totalement l'enjeu européen du contexte politique interne. Mais il doit être clair, aux yeux de tous, que le référendum ne sera pas un plébiscite pour ou contre le président ou le gouvernement. Personne ne sera, le moment venu, propriétaire du oui. Nous savons que le oui sera nécessairement pluriel et qu'il ne vaudra pas adhésion à la politique gouvernementale, ni d'ailleurs à tous les aspects de la politique européenne de la France. Les désaccords existent et continueront à exister après le référendum. Cela n'exclut pas une même réponse à la question simple qui sera posée aux Français : approuvez-vous ou non le traité constitutionnel ? La réponse à cette question doit être fondée sur l'intime conviction que le traité est un pas en avant pour l'Europe, certes imparfait puisqu'il résulte d'une négociation à 25, mais réel ;
- il nous faut ensuite faire en sorte que le débat sur le traité constitutionnel ne soit pas pollué par la question turque. C'est plus simple à dire qu'à faire, me direz-vous. Mais c'est un message qui devrait être compris, au moins par les partisans sincères du oui au traité constitutionnel. Le calendrier n'est pas le même, la question n'est pas la même. Dans le cas du traité constitutionnel, les Français auront à se prononcer avant l'été sur un texte que l'on connaît, qui a été très largement inspiré par les positions françaises, que ce soit à la convention ou dans le cadre de la CIG. Dans le cas de la Turquie, la question aux Français n'est pas encore posée, dans la mesure où personne ne connaît le résultat d'une négociation qui durera 15 ou 20 ans et qui pourra conduire à l'adhésion, si la Turquie et l'Union y sont prêtes, ou à la mise en place d'un "lien fort" pour reprendre l'expression du Conseil européen ;
- dernier élément : nous devons montrer que l'Europe continue à avancer et que le processus de ratification du traité n'est pas un facteur de paralysie. Nous devons progresser sur la réforme du pacte de stabilité, la révision de la stratégie de Lisbonne et la négociation des perspectives financières. La présidence luxembourgeoise, dont on connaît l'efficacité, dispose de nombreux atouts pour y parvenir.
Mais je suis certaine que, dans les prochains mois, nous aurons de nombreuses occasions d'évoquer ensemble ces échéances capitales pour l'avenir de l'Union
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 1e février 2005)