Texte intégral
Q - La France transpose mieux les directives européennes, mais elle ne semble pas prête à adopter celle sur les services, dite "directive Bolkestein". Pourquoi cette réticence ?
R - Telle qu'elle est conçue aujourd'hui, la directive n'est pas acceptable. Le président de la République a rappelé la vigilance dont nous devions faire preuve dans la négociation européenne, pour protéger la dimension sociale de l'Union, les services publics et la diversité culturelle. Nous pouvons comprendre l'objectif de création d'un marché unique des services, la France étant la première nation exportatrice de services en Europe, mais nous ne pouvons souscrire à la méthode envisagée par la Commission.
Q - Quel est exactement votre reproche ?
R - La directive préconise le recours au principe du pays d'origine. Il prévoit que le droit applicable à la réalisation d'un service est celui du pays d'origine du prestataire de service. Appliqué de façon mécanique, ce principe risque de compromettre les efforts d'harmonisation entrepris depuis de longues années en Europe et de conduire à un alignement par le bas des législations. En outre, la France réclame l'exclusion, hors du champ de la directive, de nombreux secteurs comme les services publics, les services sociaux et la santé, les professions juridiques réglementées (notaires, huissiers...), l'audiovisuel et la presse, les sociétés de gestion des droits d'auteur et le secteur des jeux.
Q - Le principe du pays d'origine doit, toutefois, faire une distinction entre les prestataires de services qui travaillent à partir de leur pays d'origine et ceux qui viennent physiquement travailler dans le pays d'accueil (ouvriers du BTP, missions d'informaticiens...). Dans ce cas, ils continueront à se soumettre à la législation du pays d'accueil.
R - Effectivement, lorsqu'un prestataire s'établit dans le pays du destinataire du service, il est alors soumis au droit de ce pays. Le principe du pays d'origine ne s'appliquerait qu'au cas des prestations temporaires ou fournies à distance. Or de nombreux secteurs d'activité n'ont pas fait l'objet d'une harmonisation communautaire, sur des sujets aussi essentiels que la protection du consommateur et des travailleurs... L'absence d'harmonisation des sanctions pénales, comme l'a mis en exergue récemment le Conseil d'Etat, soulève de nombreuses questions quant à l'applicabilité du principe du pays d'origine. A titre d'exemple, quel droit pénal serait appliqué dans l'hypothèse où des soins seraient donnés à des personnes âgées sur notre territoire par du personnel venu de l'autre côté de la frontière ?
Q - Ne craignez-vous pas que la France soit taxée de protectionnisme ?
R - Il s'agit de défendre notre conception d'un modèle social et de protection du consommateur. Une remise à plat du texte s'impose. La France demande que des études d'impact approfondies soient entreprises par secteur et en liaison avec le Parlement européen. Ce dernier se donne le temps d'évaluer les implications potentielles de la proposition initiale de la Commission. Je m'emploie, pour ma part, à faciliter les échanges entre les parlementaires nationaux et européens pour mettre à profit cette période avant que les travaux ne reprennent au sein du Conseil. Je porterai un regard attentif aux conclusions que vont remettre dans les prochains jours les rapporteurs à l'Assemblée nationale et au Sénat
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 février 2005)
R - Telle qu'elle est conçue aujourd'hui, la directive n'est pas acceptable. Le président de la République a rappelé la vigilance dont nous devions faire preuve dans la négociation européenne, pour protéger la dimension sociale de l'Union, les services publics et la diversité culturelle. Nous pouvons comprendre l'objectif de création d'un marché unique des services, la France étant la première nation exportatrice de services en Europe, mais nous ne pouvons souscrire à la méthode envisagée par la Commission.
Q - Quel est exactement votre reproche ?
R - La directive préconise le recours au principe du pays d'origine. Il prévoit que le droit applicable à la réalisation d'un service est celui du pays d'origine du prestataire de service. Appliqué de façon mécanique, ce principe risque de compromettre les efforts d'harmonisation entrepris depuis de longues années en Europe et de conduire à un alignement par le bas des législations. En outre, la France réclame l'exclusion, hors du champ de la directive, de nombreux secteurs comme les services publics, les services sociaux et la santé, les professions juridiques réglementées (notaires, huissiers...), l'audiovisuel et la presse, les sociétés de gestion des droits d'auteur et le secteur des jeux.
Q - Le principe du pays d'origine doit, toutefois, faire une distinction entre les prestataires de services qui travaillent à partir de leur pays d'origine et ceux qui viennent physiquement travailler dans le pays d'accueil (ouvriers du BTP, missions d'informaticiens...). Dans ce cas, ils continueront à se soumettre à la législation du pays d'accueil.
R - Effectivement, lorsqu'un prestataire s'établit dans le pays du destinataire du service, il est alors soumis au droit de ce pays. Le principe du pays d'origine ne s'appliquerait qu'au cas des prestations temporaires ou fournies à distance. Or de nombreux secteurs d'activité n'ont pas fait l'objet d'une harmonisation communautaire, sur des sujets aussi essentiels que la protection du consommateur et des travailleurs... L'absence d'harmonisation des sanctions pénales, comme l'a mis en exergue récemment le Conseil d'Etat, soulève de nombreuses questions quant à l'applicabilité du principe du pays d'origine. A titre d'exemple, quel droit pénal serait appliqué dans l'hypothèse où des soins seraient donnés à des personnes âgées sur notre territoire par du personnel venu de l'autre côté de la frontière ?
Q - Ne craignez-vous pas que la France soit taxée de protectionnisme ?
R - Il s'agit de défendre notre conception d'un modèle social et de protection du consommateur. Une remise à plat du texte s'impose. La France demande que des études d'impact approfondies soient entreprises par secteur et en liaison avec le Parlement européen. Ce dernier se donne le temps d'évaluer les implications potentielles de la proposition initiale de la Commission. Je m'emploie, pour ma part, à faciliter les échanges entre les parlementaires nationaux et européens pour mettre à profit cette période avant que les travaux ne reprennent au sein du Conseil. Je porterai un regard attentif aux conclusions que vont remettre dans les prochains jours les rapporteurs à l'Assemblée nationale et au Sénat
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 février 2005)