Texte intégral
Q - Jacques Chirac a réitéré vendredi à Genève sa volonté de trouver de nouvelles sources de financement du développement. La facilité internationale de financement (IFF), la taxe Tobin... ont été évoquées. Ce sont des bonnes solutions ?
R - Pour lutter contre la faim et la pauvreté, les urgences et les besoins sont si importants qu'il ne faut exclure aucune solution. L'IFF proposée par les Britanniques présente l'intérêt de permettre la mobilisation à court terme des engagements pris par les gouvernements sur le moyen terme, grâce à un emprunt international. La France y est très favorable, mais certains pays donateurs sont encore réticents. Nous sommes aussi favorables à une taxe internationale du type "taxe Tobin". Le président de la République a créé un groupe de travail à ce sujet, présidé par Jean-Pierre Landau, qui doit rendre son rapport en avril prochain. Les questions à résoudre sont multiples : que faut-il taxer ? Qui doit supporter le poids de la taxation ? Comment recouvrer la taxe et en redistribuer le produit ? En toute hypothèse, de telles formules permettraient de répondre au souhait plusieurs fois affirmé par Jacques Chirac d'"humaniser la mondialisation", en permettant au pays pauvres de profiter de ses avantages économiques. A nous de convaincre nos principaux partenaires européens et américains de s'engager dans cette vois, ce qui ne va pas de soi !
Q - En dépit de toutes les déclarations d'intention, jamais la pauvreté n'a été aussi criante. N'est-ce pas tout simplement un constat d'échec ?
R - L'aide des pays riches aux pays pauvres s'est fortement réduite dans la période 1997-2000. Mais l'année 2000 a marqué un tournant. L'adoption par les Nations unies des "Objectifs du Millénaire pour le développement", en septembre 2000, traduit une prise de conscience. Depuis, la tendance s'est inversée. Si les engagements annoncés sont tenus, l'Aide publique au développement (APD) mondiale devrait passer de 55 milliards de dollars ces dernières années à 75 milliards en 2006. Bien sûr, on est encore loin du compte ! C'est pourquoi nous rappelons en toute occasion l'urgente nécessité d'une mobilisation internationale en faveur du développement, prioritairement en direction de l'Afrique, la région du monde la plus défavorisée.
Q - Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU, a enjoint au monde des affaires de s'impliquer plus dans la lutte contre la pauvreté. Est-ce le rôle des entreprises ?
R - Pour aider les pays les plus pauvres à sortir de leur situation actuelle, l'Aide publique au développement ne suffira pas. Il faut évidemment l'augmenter fortement, et la France le fait. Mais les investissements privés sont indispensables. Ce sont eux qui créent les emplois productifs et l'activité économique, sans quoi il y n'y a pas de réel développement. Si l'Asie et l'Amérique latine ont commencé à réduire leur écart avec les pays développés, c'est largement grâce à cela.
Q - L'objectif de 0,7 % du PIB consacré à l'aide n'est pas atteint. Que préconisez-vous ?
R - L'aide au développement versée annuellement par les pays développés est estimée par l'OCDE à 55 milliards de dollars, c'est-à-dire à 0,23 % de leur PIB global en 2002. L'objectif de 0,7 % du PIB correspondrait à 175 milliards de dollars, soit le triple. Il n'est guère réaliste de penser qu'une augmentation de cette ampleur soit obtenue à très court terme. Lors de la dernière réunion de son comité d'aide au développement, la Banque mondiale a évalué à 32 milliards de dollars par an la somme supplémentaire qu'il faudrait mobiliser pour atteindre les "Objectifs du Millénaire", diviser par deux le nombre de pauvres, à l'échéance de 2015. C'est déjà un montant considérable mais il n'est pas hors de portée si tous les pays développés manifestent une réelle volonté politique et comprennent qu'il y va de la stabilité du monde.
Q - Le PNUD recommande de se consacrer en priorité au "8ème objectif", à savoir renforcer le partenariat entre pays riches et pauvres. Que faire pour y arriver ?
R - Il est difficile d'établir une hiérarchie entre les huit "Objectifs du Millénaire". En vérité, il faut mener tous ces combats de front. Mais le 8ème objectif, qui s'applique au partenariat, conditionne largement la réussite des autres objectifs. Ce partenariat concerne en particulier les règles du commerce international. L'échec des négociations de Cancun ne doit pas nous décourager. C'est pourquoi la France a proposé, par la voix du président Chirac, une "initiative pour l'Afrique", car nous considérons que ce continent nécessite un traitement particulier.
L'allégement de la dette des pays pauvres est également un volet important. La France est très engagée dans l'initiative internationale dite "Pays pauvres très endettés" (PPTE). Elle y ajoute des annulations de dettes accordées à certains pays de façon bilatérale dans le cadre de "Contrats de désendettement-développement" (C2D). Cette nouvelle formule permet de reconvertir les remboursements de dettes en crédits permettant au pays bénéficiaire de financer des programmes de lutte contre la pauvreté élaborés en partenariat.
Il y a aussi la question des subventions versées par des pays développés à des productions concurrentes de celles des pays pauvres, notamment le coton. Là aussi nous avons fait des propositions et nous allons continuer à les défendre, en liaison avec nos partenaires africains.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 février 2004)
R - Pour lutter contre la faim et la pauvreté, les urgences et les besoins sont si importants qu'il ne faut exclure aucune solution. L'IFF proposée par les Britanniques présente l'intérêt de permettre la mobilisation à court terme des engagements pris par les gouvernements sur le moyen terme, grâce à un emprunt international. La France y est très favorable, mais certains pays donateurs sont encore réticents. Nous sommes aussi favorables à une taxe internationale du type "taxe Tobin". Le président de la République a créé un groupe de travail à ce sujet, présidé par Jean-Pierre Landau, qui doit rendre son rapport en avril prochain. Les questions à résoudre sont multiples : que faut-il taxer ? Qui doit supporter le poids de la taxation ? Comment recouvrer la taxe et en redistribuer le produit ? En toute hypothèse, de telles formules permettraient de répondre au souhait plusieurs fois affirmé par Jacques Chirac d'"humaniser la mondialisation", en permettant au pays pauvres de profiter de ses avantages économiques. A nous de convaincre nos principaux partenaires européens et américains de s'engager dans cette vois, ce qui ne va pas de soi !
Q - En dépit de toutes les déclarations d'intention, jamais la pauvreté n'a été aussi criante. N'est-ce pas tout simplement un constat d'échec ?
R - L'aide des pays riches aux pays pauvres s'est fortement réduite dans la période 1997-2000. Mais l'année 2000 a marqué un tournant. L'adoption par les Nations unies des "Objectifs du Millénaire pour le développement", en septembre 2000, traduit une prise de conscience. Depuis, la tendance s'est inversée. Si les engagements annoncés sont tenus, l'Aide publique au développement (APD) mondiale devrait passer de 55 milliards de dollars ces dernières années à 75 milliards en 2006. Bien sûr, on est encore loin du compte ! C'est pourquoi nous rappelons en toute occasion l'urgente nécessité d'une mobilisation internationale en faveur du développement, prioritairement en direction de l'Afrique, la région du monde la plus défavorisée.
Q - Kofi Annan, le secrétaire général de l'ONU, a enjoint au monde des affaires de s'impliquer plus dans la lutte contre la pauvreté. Est-ce le rôle des entreprises ?
R - Pour aider les pays les plus pauvres à sortir de leur situation actuelle, l'Aide publique au développement ne suffira pas. Il faut évidemment l'augmenter fortement, et la France le fait. Mais les investissements privés sont indispensables. Ce sont eux qui créent les emplois productifs et l'activité économique, sans quoi il y n'y a pas de réel développement. Si l'Asie et l'Amérique latine ont commencé à réduire leur écart avec les pays développés, c'est largement grâce à cela.
Q - L'objectif de 0,7 % du PIB consacré à l'aide n'est pas atteint. Que préconisez-vous ?
R - L'aide au développement versée annuellement par les pays développés est estimée par l'OCDE à 55 milliards de dollars, c'est-à-dire à 0,23 % de leur PIB global en 2002. L'objectif de 0,7 % du PIB correspondrait à 175 milliards de dollars, soit le triple. Il n'est guère réaliste de penser qu'une augmentation de cette ampleur soit obtenue à très court terme. Lors de la dernière réunion de son comité d'aide au développement, la Banque mondiale a évalué à 32 milliards de dollars par an la somme supplémentaire qu'il faudrait mobiliser pour atteindre les "Objectifs du Millénaire", diviser par deux le nombre de pauvres, à l'échéance de 2015. C'est déjà un montant considérable mais il n'est pas hors de portée si tous les pays développés manifestent une réelle volonté politique et comprennent qu'il y va de la stabilité du monde.
Q - Le PNUD recommande de se consacrer en priorité au "8ème objectif", à savoir renforcer le partenariat entre pays riches et pauvres. Que faire pour y arriver ?
R - Il est difficile d'établir une hiérarchie entre les huit "Objectifs du Millénaire". En vérité, il faut mener tous ces combats de front. Mais le 8ème objectif, qui s'applique au partenariat, conditionne largement la réussite des autres objectifs. Ce partenariat concerne en particulier les règles du commerce international. L'échec des négociations de Cancun ne doit pas nous décourager. C'est pourquoi la France a proposé, par la voix du président Chirac, une "initiative pour l'Afrique", car nous considérons que ce continent nécessite un traitement particulier.
L'allégement de la dette des pays pauvres est également un volet important. La France est très engagée dans l'initiative internationale dite "Pays pauvres très endettés" (PPTE). Elle y ajoute des annulations de dettes accordées à certains pays de façon bilatérale dans le cadre de "Contrats de désendettement-développement" (C2D). Cette nouvelle formule permet de reconvertir les remboursements de dettes en crédits permettant au pays bénéficiaire de financer des programmes de lutte contre la pauvreté élaborés en partenariat.
Il y a aussi la question des subventions versées par des pays développés à des productions concurrentes de celles des pays pauvres, notamment le coton. Là aussi nous avons fait des propositions et nous allons continuer à les défendre, en liaison avec nos partenaires africains.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 5 février 2004)