Entretien de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, avec le quotidien "Politika" le 23 juillet 2004, sur l'activité diplomatique de la France et les relations entre la Serbie-et-Monténégro et l'Union européenne.

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Circonstance : Voyage de Michel Barnier en Serbie-et-Monténégro les 22 et 23 juillet 2003

Média : Politika - Presse étrangère

Texte intégral

Q - Du fait de son importance et de son influence dans le monde, la France est engagée sur de nombreux fronts diplomatiques. Quels sont, selon vous, Monsieur le Ministre, les problèmes prioritaires ou autrement dit ceux qui doivent être résolus immédiatement ?
R - Il est exact que la France, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, s'efforce de constamment se trouver à l'avant-garde pour la résolution des conflits dont, malheureusement, l'actualité internationale est riche. En ce moment, comme l'ensemble de la communauté internationale, nous sommes extrêmement préoccupés par la situation au Darfour (Soudan), qui est la plus grave crise humanitaire à laquelle nous devons faire face. D'autres foyers de tension sur le continent africain requièrent une grande vigilance parce qu'ils peuvent rapidement dégénérer, par exemple en Côte d'Ivoire. Au Proche-Orient, le conflit israélo-palestinien reste un sujet de préoccupation majeure pour nous, comme l'est la stabilisation de la situation en Irak. Partout il y a urgence et des solutions politiques doivent et peuvent être trouvées pour prévenir l'embrasement. Au-delà de ces crises régionales, la diplomatie française est très active au niveau international en ce qui concerne la lutte contre le terrorisme ou la prolifération nucléaire, qui sont des dangers qui nous menacent tous.
Ce ne sont pas les "eurosceptiques" mais au contraire ceux qui veulent pousser plus avant la construction européenne qui sont en faveur du développement de "coopérations renforcées" par les pays qui le souhaitent dans certains domaines, comme c'est déjà le cas avec la monnaie unique ou l'espace Schengen. Il est bien entendu que par définition ces coopérations renforcées restent ouvertes à ceux qui veulent s'y joindre ultérieurement. Quant à la répartition des vingt-cinq membres de l'Union européenne entre "Vieille" et "Nouvelle Europe", elle me paraît dépourvue de fondement : si sur certaines questions les positions des uns et des autres peuvent diverger, je ne crois pas que l'on puisse identifier deux groupes cohérents qui partageraient les mêmes idées sur tous les sujets. Et on constate que les mêmes débats sur la politique étrangère ou la construction européenne se retrouvent au sein des nouveaux comme des anciens membres de l'Union européenne.

Nous avons, en France en particulier, accueilli avec joie le retour de votre pays dans la famille européenne et démocratique en 2000 et nous suivons depuis avec intérêt et sympathie, parfois aussi avec inquiétude et tristesse, l'évolution de la vie politique en Serbie-et-Monténégro. Les dernières élections qui ont vu la victoire du président Tadic ont clairement confirmé votre choix européen et nous en sommes profondément satisfaits parce que nous pensons que c'est à la fois dans votre intérêt et dans le nôtre. Vous ne devez pas douter de ce que les pays membres de l'Union européenne et de l'OTAN sont unanimement désireux de se rapprocher de vous et que les demandes qui vous sont adressées et que vous avez parfois du mal à comprendre, comme la coopération avec le Tribunal Pénal International pour l'ex-Yougoslavie ne visent pas à faire obstacle à ce rapprochement mais au contraire à vous aider à vous intégrer dans la famille démocratique.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 27 juillet 2004)