Interview de Mme Catherine Vautrin, secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, à RTL le 9 août 2004, sur la mise en place de dispositifs sur la prévention de la violence dans les quartiers difficiles, l'exclusion sociale dans les banlieues et l'intégration par la laïcité pour les jeunes immigrés.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral

Q- Est-ce que s'en est fini des périodes estivales qui étaient tellement redoutées dans les quartiers sensibles des grandes villes ? Il y a quelques années, on parlait de plans et d'opérations anti-été chauds. L'été dans les banlieues difficiles, c'est devenu plus tranquille ?
R- "Aujourd'hui, ce qu'on peut dire, c'est qu'on a mis en place des dispositifs, notamment le dispositif "ville-vie-vacances", qui a 22 ans. Ce dispositif a pour but de proposer des activités aux jeunes. Il ne s'agit pas simplement d'activités occupationnelles, il s'agit maintenant d'activités d'éveil, de découverte. Je pense "au petit débrouillard", qui est une initiative vers les sciences. Je pense aux activités culturelles. Concrètement, ce sont 800.000 jeunes sur une année, c'est un budget de près de 10 millions d'euros pour l'Etat, 15.000 projets. On voit - je suis allée sur le terrain, je suis allée dans le Nord, je suis allée en région parisienne, je vais cet après-midi à Choisy-le-Roi - qu'on permet à ces jeunes de s'inscrire dans des démarches qui sont tout à fait intéressantes parce qu'elles leur permettent de faire de vraies découvertes."
Q- Sur un plan éducatif et dans le volet de votre travail qui est l'égalité des chances, un effort a été annoncé pour ce que l'on appelle, je crois, la prévention précoce. Il s'agit de repérer dès la maternelle des enfants en difficulté, de les confier à des équipes spécialisées. Quelle est la perspective là-dessus ?
R- "L'idée, c'est que d'une part l'égalité des chances doit commencer le plus tôt possible, et lorsque l'on habite dans un quartier qui, malheureusement, cumule tous les dysfonctionnements en termes d'emploi, en termes de logement, en termes d'environnement, bien souvent il n'est pas facile pour les jeunes enfants de pouvoir s'épanouir dans les meilleures conditions et c'est encore plus difficile..."
Q- Donc, on en prend un certain nombre qu'on met à part ?
R- "L'idée c'est que l'on voit très souvent, quand on discute avec les enseignants, que pratiquement dès le CP on peut se rendre compte que certains enfants présentent des comportements qui peuvent, à terme, être des comportements violents, des comportements qui peuvent générer un décrochage scolaire. Ce que l'on cherche à faire, c'est en fait de les rassembler le soir après l'école, pendant les petites vacances, en passant un contrat avec les parents, avec les enseignants mais aussi avec des animateurs, avec des équipes - pourquoi pas médicales -, pour voir avec eux comment on peut aider ces personnalités à s'épanouir, comment on peut faire du soutien scolaire. Parce que finalement, très souvent, le décrochage scolaire, les difficultés d'épanouissement, c'est le début d'une spirale dont on voit bien qu'elle conduit très souvent à la délinquance.
Q- La haute autorité contre les discriminations, qui va entrer en vigueur au début de l'année prochaine, rentre dans le cadre de l'égalité des chances ?
R- "C'est un des maillons de l'égalité des chances parce que c'est un endroit où les gens qui se croient victimes d'une discrimination pourront être entendus accompagnés. Bien évidemment, c'est une première approche qui doit être suivie d'autres exemples comme la charte de la diversité dans l'entreprise, qui permettra d'avoir un égal accès à l'emploi. C'est aussi la démarche vers les grandes écoles, parce que l'égalité des chances c'est aussi cela, c'est permettre à des jeunes issus des quartiers..."
Q- Quiconque aura eu des difficultés pourra aller se plaindre auprès de la haute autorité ?
R- "Pourra saisir par lettre simple la haute autorité. Donc, c'est une saisine très facile. Nous savons qu'il y a un besoin en France, puisque l'expérience téléphonique du 114, seulement 14 % de nos concitoyens connaissaient cette ligne et il y a quand même eu en 2 ans 86.000 appels."
Q- Dans le volet intégration dans votre secrétariat d'Etat, comment fonctionnent les contrats d'accueil et d'intégration, dont l'un des objectifs c'est que les immigrants sachent ce que sont leurs droits et devoirs en France ?
R- "Tout à fait. Le contrat d'accueil et d'intégration est proposé à tous ceux qu'on appelle les primo-arrivants, c'est-à-dire des gens qui arrivent sur le sol français, en situation régulière. L'idée est de les recevoir, de voir avec eux quel est leur niveau de français, de leur proposer des cours de langues, parce que parler français c'est quand même un élément-clé de l'intégration. On peut donc avoir une formation de langue française jusqu'à 500 heures. C'est également connaître les devoirs et les droits. Les gens sont accueillis sur des plates-formes ; il y en a actuellement 16 en France. L'idée c'est de généraliser, d'ici 2006, pour avoir des plates-formes d'accueil partout en France, pour que ce contrat soit accessible..."
Q- Cela en ferait combien en tout s'il y en a partout en France ?
R - "Cela fera globalement 60 plates-formes et l'idée étant qu'elles soient accessibles à tous les primo-arrivants en France."
Q- Vous considérez que la loi sur la laïcité est bien installée, bien comprise ? Par exemple, - on est dans le concret - l'Union des organisations islamiques de France a fait savoir qu'elle laissait pour la rentrée aux jeunes filles musulmanes le choix de venir en classe dans la tenue qu'elles auront choisi de porter. Comment vous réagissez ?
R- "Je crois que ce qui est important dans la loi sur la laïcité, c'est que les élèves sont avant tout des enfants de la République avant d'appartenir à telle ou telle religion. A partir de là, les parlementaires vont maintenant trancher. La loi est votée, il convient de l'appliquer. C'est bien sûr le rôle de l'Education nationale de la faire appliquer. Ceci étant..."
Q- Vous êtes un peu concernée...
R- "C'est ce que j'allais vous dire, je suis tout à fait concernée dans les quartiers. Et bien évidemment, on suivra ces médiations pour que la loi puisse être appliquée."
Q- En termes de médiation, c'est à dire qu'il y aura des dialogues ?
R- "Bien sûr, pour que la loi soit appliquée."
Q- Une des réponses aux tensions communautaires dans les quartiers, c'est la rénovation urbaine. Une agence nationale de rénovation urbaine a été créée ; vous pouvez déjà dire un peu le bilan ?
R- "Bien sûr. Elle a un an, c'est une volonté de J.-L. Borloo : la loi d'août 2003. En un an, non seulement la loi est en application et il y a aujourd'hui 39 dossiers qui ont été passés en comité d'engagement. Cela veut dire 1,4 milliard d'euros. 40.000 logements qui vont, soit être construits, soit réhabilités, donc des grues dans les quartiers. Je pense au Havre, je pense à Lormont, je pense à Reims, donc des villes où ça démarre. Donc, quelque chose de très concret qui est déjà en application. Et il y a urgence."
Q- Avec un état d'esprit qui est de lutter contre le repli communautaire par cet urbanisme ? N'est-ce pas un peu théorique ?
R- "L'urbanisme est un premier élément de lutte contre la ségrégation et la désintégration républicaine. Il doit être suivi derrière évidemment par l'accompagnement humain. C'est tout le sens du programme de l'égalité des chances du plan de cohésion sociale."
Q- Vous faites partie de cette équipe Borloo ; vous avec l'impression d'être ceux qui font du social dans un gouvernement à forte connotation disons "libérale" ?
R- "Nous sommes une équipe autour de J.-L. Borloo qui a une vraie vision sur les différents besoins que peuvent avoir nos concitoyens et la grande novation par ce ministère voulue par le Président, c'est que la cohésion sociale nous la voyons dans son ensemble, en termes d'emploi, en termes de logement, en termes de vie dans les quartiers."
Q- Vous considérez que vous avez été épargné, que votre secteur a été épargné par le budget de rigueur ?
R- "Je considère que tout le monde, évidemment, doit faire attention pour que ce soient les Français qui bénéficient des fruits de la croissance. Néanmoins 80 % de nos concitoyens vivent en agglomération, le risque de désagrégation dans 150 quartiers est important. C'est la raison pour laquelle le Premier ministre, le ministre des Finances nous ont suivis et permettent que nous ayons les moyens de travailler."
Q- Vous considérez donc que vous avez l'argent qu'il vous faut ?
R- "Je considère que c'est une vraie cause nationale, qu'il faut continuer, que l'effort sera long mais qu'il y a urgence à travailler sur ces sujets."
Q- Vous êtes membre de l'UMP, vous soutenez la candidature de N. Sarkozy à la présidence ?
R- "Je crois qu'il est absolument indispensable que l'UMP ait un président qui rassemble. Ce président doit bien sûr soutenir l'action gouvernementale et nos concitoyens ne comprendraient pas, et les militants de l'UMP encore moins, qu'il y ait quelque guéguerre que ce soit. Il n'est pas question d'entrer dans ces jeux."
Q- Vous soutenez quand même cette candidature-là ?
R- "Je crois aujourd'hui que l'important c'est le soutien d'action gouvernementale. C'est pour cela que nous avons été élus."
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 10 août 2004)