Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, sur la restructuration du système de soins dans le cadre des schémas régionaux d'organisation sanitaires (SROS), Château Gontier le 6 janvier 2005.

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Circonstance : Inauguration du Centre hospitalier du Haut-Anjou à Château-Gontier le 6 janvier 2005

Texte intégral

Monsieur le Ministre, cher Jean,
Monsieur le préfet,
Monsieur le directeur de l'agence régionale de l'hospitalisation
Messieurs les parlementaires,
Mesdames et messieurs les élus,
Monsieur le directeur,
Mesdames et messieurs,
Le centre hospitalier du Haut-Anjou, dont la reconstruction nous réunit aujourd'hui, est un bel exemple à plus d'un titre. Je n'en suis d'ailleurs pas étonné car je sais, Monsieur le Ministre, cher Jean Arthuis, combien ton engagement constant et ta force de conviction ont contribué à porter de manière permanente les couleurs de cet établissement.
Doté de 744 lits et places, ce centre hospitalier s'appuie sur trois disciplines fondamentales : la médecine, la chirurgie et l'obstétrique (800 accouchements par an), les soins de suite et son unité de d'accueil et de traitement des urgences. Il a récemment complété son dispositif d'une unité de psychiatrie de 25 lits, confortant ainsi sa place et son rôle dans le territoire de santé qu'il dessert au profit de 80 000 habitants.
La pose de la première pierre du nouvel hôpital, soutenu par l'ARH et les services déconcentrés de l'Etat (DRASS et DDASS), que je suis venu accompagner aujourd'hui me donne l'occasion de valoriser la remarquable anticipation faite par cet établissement pour s'inscrire résolument dans les grands principes des Schémas Régionaux d'Organisation Sanitaire (SROS III). Cet hôpital a su en effet, bien avant d'autres, conduire d'importantes opérations de restructuration. C'est le cas avec l'intégration de l'hôpital de Segré en 1993, puis de la clinique de l'Espérance en 1997. Ces intégrations successives répondant à des besoins de santé publique incontestables permettent désormais de configurer un plateau technique unique dont la dimension est justement adaptée pour garantir qualité et sécurité des soins.
Cet hôpital trouve aussi son originalité dans la mise en uvre des complémentarités avec les deux centres hospitaliers de référence les plus proches : le CH de Laval, référence naturelle, au Nord, et le CHU d'Angers, établissement de recours spécialisé, au Sud.
Mais la coopération ne s'arrête pas aux structures de référence : elle s'étend également aux hôpitaux locaux voisins de Craon et de Rénazé, au réseau de soins palliatifs et à l'association de la médecine de ville.
Le centre hospitalier du Haut-Anjou est résolument un hôpital de proximité et c'est bien qu'il en soit ainsi.
J'entends souvent des connotations négatives associées à l'hôpital de proximité : établissement qui connaît des difficultés pour recruter des médecins, établissement qui voit son activité diminuer et qui, donc, s'inquiète sur son financement avec la mise en place de la tarification à l'activité. Aussi je veux vous rassurer : la tarification à l'activité permet tout à fait de maintenir les hôpitaux de proximité, car un budget hospitalier ne sera jamais financé en totalité par l'activité.
Mais je souhaite bâtir, à l'image de ce qui a été fait ici, un véritable projet d'avenir pour l'hôpital de proximité, qui pourrait être conforté comme :
- Une réponse à des besoins de soins de première intention, polyvalents et de prévention.
- Un outil de lutte contre la désertification médicale et paramédicale, puisqu'il semble se confirmer que les médecins appellent les médecins.
- Un lieu d'articulation avec la médecine libérale :
Pourquoi ne pas envisager de créer des services de médecine polyvalente ou de soins de suite accueillant des médecins généralistes qui y suivraient leurs patients, aux côtés des praticiens hospitaliers.
- Un lieu de synergie avec le secteur médico-social et social
- Un lieu d'ouverture vers " le domicile " : (HAD, SSIAD, hébergement temporaire).
- Un lieu de travail en réseau.
Cette démarche est difficile, vous le savez. Elle questionne notre organisation des soins, mais elle doit désormais être engagée et venir accompagner la mise en place de l'organisation des soins dans chacune des régions, à l'occasion des SROS de troisième génération.
Un autre élément de la politique de proximité est l'hôpital local, en particulier dans les territoires ruraux comme la Mayenne, et je souhaite vous exposer ici tout le bien que je pense des hôpitaux locaux et la nécessité qu'il y a de les développer. J'en profite pour saluer le Docteur Hérault, président de l'association des médecins généralistes exerçant en hôpital local, véritable militant de cette cause, pour le travail qu'il accomplit dans ce domaine, dans votre proximité, à l'hôpital de Rénazé.
Devant vous, acteurs dans le monde de la santé, je tiens tout d'abord à affirmer une conviction : il y a bien un avenir pour l'hôpital local, un avenir qui inclut et dépasse la prise en charge des personnes âgées, même s'il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine.
Des forums se sont déroulés en région au cours de l'année 2004. Ils ont permis d'identifier les initiatives prises dans le sens des orientations ministérielles déjà identifiées. Ces initiatives démontrent que l'ambition pour l'hôpital local est réaliste et adaptée aux besoins des patients.
Pour autant, les forums régionaux ont fait apparaître les " zones de fragilité " de l'hôpital local.
Aussi, il me semble qu'aujourd'hui, nous devons dépasser le temps des initiatives pour nous engager dans le temps des réalisations.
C'est pourquoi, je propose un contrat aux hôpitaux locaux : un contrat national d'objectifs et de moyens pour l'hôpital local que nous pourrions conclure ensemble, professionnels, élus, usagers, Fédération Hospitalière de France, et services de l'Etat, et auquel pourraient s'associer les caisses d'assurance maladie, j'en suis sûr.
I - Le premier volet de ce contrat concernerait les objectifs de l'hôpital local. Quels sont-ils ?
L'hôpital local est un acteur local indispensable face à la demande de soins de proximité.
L'hôpital local doit désormais occuper sa juste place dans l'offre de soins. Il doit être une véritable plate-forme de soins de proximité.
Ce qui signifie :
- Tout d'abord, être un établissement de soins de première intention.
Dans la construction du dispositif de soins gradués qui trouvera sa traduction dans les prochains SROS, l'hôpital local doit devenir ce premier maillon de la prise en charge.
Pour assurer ce rôle, il doit pouvoir s'appuyer sur du court séjour de médecine, des soins de suites aux côtés de soins de longue durée. C'est un socle de missions indispensable, à partir duquel, l'hôpital local peut diversifier ses activités et développer des consultations avancées.
Ces consultations, qui sont pour moi des " consultations locales spécialisées " sont d'un réel apport aux patients qui trouvent en un même lieu et au plus près de leur domicile, aux côtés de leurs médecins traitants, des médecins spécialistes hospitaliers ou libéraux.
Ces consultations locales spécialisées s'inscrivent dans une logique où l'offre vient aux patients en évitant des déplacements, parfois fatigants ou traumatisants. Mais surtout, elles favorisent une prise en charge globale et pluridisciplinaire, et permettent aux médecins traitants de travailler en équipe.
A ce titre, elles constituent un point d'ancrage de la médecine libérale : le médecin traitant passe d'un exercice isolé à un mode plus collectif.
Enfin, elles sont le support d'un travail en réseau, source de complémentarités effectives.
- Ensuite, l'hôpital local doit être un établissement de support de coordination.
Compte tenu des activités développées, sanitaires mais aussi d'hébergement, activités sociales, médico-sociales, services à domicile, l'hôpital local pratique quotidiennement la coordination entre ses différents acteurs dans sa double vocation sanitaire et sociale. Il est en lui-même un vrai réseau ville/hôpital.
Il doit devenir plus encore le lieu privilégié des coordinations et des réseaux notamment pour les personnes âgées ou atteintes de handicaps mais aussi, s'inscrire plus encore dans les réseaux par exemple de soins palliatifs ou de diabète.
- Le 3ème objectif d'un hôpital local est d'être un établissement de maintien à domicile.
L'hôpital local possède une véritable culture dans ce domaine et a acquis un véritable savoir-faire en matière de maintien à domicile à travers :
* les soins dispensés en médecine qui évitent les recours indus aux plateaux techniques,
* les soins de suite qui constituent un tremplin pour le retour à domicile,
* le développement d'activités en direction des patients qui demeurent à leur domicile en retardant ainsi le plus possible le recours à un établissement : je pense au portage de repas, aux soins infirmiers à domicile, mais également à l'accueil temporaire de jour comme de nuit qui vient en appui des familles.
- le dernier objectif, et non le moindre, est d'être un établissement d'ancrage de la médecine libérale.
J'ai regardé la carte de la répartition sur le territoire des hôpitaux locaux, avec ou sans médecine, et je l'ai superposé à celle des densités des médecins généralistes.
Cela ne me paraît pas excessif de dire qu'il existe un lien, une corrélation, entre la présence d'un hôpital local avec médecine et une densité de médecins généralistes plus élevée. L'existence d'une corrélation ne veut pas dire que ce soit vrai partout : on peut trouver des contre-exemples, et j'en connais !
Parce que l'hôpital local peut concourir à la permanence des soins, parce qu'il favorise un exercice collectif pluridisciplinaire, parce qu'il permet l'accès des médecins généralistes à un plateau technique et humain dont ils ne disposent pas en libéral, je crois personnellement au rôle que peuvent avoir ces établissements dans le maintien et l'attractivité de la médecine libérale sur le territoire.
Vous l'avez compris, j'ai une vision dynamique de l'hôpital local, je le vois comme un animateur local de santé qui, en concertation avec les élus, les usagers et les acteurs d'un territoire donné, répond à une demande de prise en charge de proximité.
Cet objectif est réalisé ou en passe de l'être dans plusieurs régions.
Nous allons donc nous appuyer sur ces réussites pour les généraliser à l'ensemble du territoire.
II - Le deuxième volet du contrat est bien sûr, celui des moyens : quels sont les moyens mis à la disposition des hôpitaux locaux pour réaliser notre objectif ?
Je vois plusieurs leviers d'action.
1 - Un accompagnement budgétaire dans la durée pour une re-médicalisation.
Je souhaite poursuivre et amplifier le développement du court séjour de médecine à l'hôpital local entamé en 2004, afin d'y faire une médecine de première intention, une médecine d'orientation et de prévention.
Parallèlement, il me paraît indispensable de renforcer le personnel soignant, notamment de nuit. C'est ainsi que nous améliorerons la qualité de la prise en charge.
Par conséquent, je confirme le plan budgétaire pluriannuel pour l'hôpital local d'un montant total de 89 millions d'euros jusqu'en 2007.
En 2005, ce sont près de 27 millions d'euros qui seront consacrés à la re-médicalisation de ces établissements soit :
* le financement de 405 lits de médecine dans la centaine d'établissements qui n'en compte aucun actuellement. Ce qui portera à l'équivalent de près de 500 lits financés sur la période 2004-2005.
* la création de 82 équivalents temps-plein d'infirmières, notamment de nuit, dans les hôpitaux locaux qui comprennent des lits de médecine. Ce qui portera à 164 équivalents temps-plein d'infirmières créés sur la période 2004-2005.
Cette montée en charge sera poursuivie jusqu'en 2007.
Je donnerai dans la circulaire budgétaire pour 2005, les orientations en ce sens aux agences régionales de l'hospitalisation.
Parallèlement, je leur demanderai de veiller à attribuer les moyens à l'hôpital local relatifs au développement des consultations locales spécialisées.
Les exemples que je connais notamment en Midi-Pyrénées, montrent que lorsque l'hôpital local gère les moyens qui correspondent à une consultation locale spécialisée - soit du temps médical - une vraie complémentarité se met en place avec l'établissement de santé de référence, au bénéfice du patient.
2 - J'ai demandé à Edouard Couty, Directeur de la DHOS, d'assurer pour la durée du plan budgétaire, un suivi précis de l'utilisation des crédits dédiés à l'hôpital local. Dans un souci de transparence, il transmettra régulièrement ces bilans à l'ensemble des acteurs concernés.
Enfin au-delà de ces financements spécifiques, se pose la question de la place de l'hôpital local dans la réforme de la tarification.
Aujourd'hui, ces établissements ne sont pas directement concernés.
Pourquoi ne pas envisager une adaptation de cette réforme, aux spécificités de leur activité ? Il nous faut ouvrir la réflexion ensemble, sans tarder et sans craindre d'aborder tous les enjeux.
3 - Un renforcement de la formation : vers une professionnalisation accrue des équipes et du management de l'hôpital local.
Pour la première fois, la formation des professionnels de l'hôpital local a été reconnue comme action prioritaire nationale en 2005.
Très concrètement et dans l'ensemble des régions, des formations sous l'égide de l'Association Nationale Formation Hospitalière vont se mettrent en place afin de permettre aux personnels concernés d'appréhender les missions qui vous sont confiées et de porter les projets qui doivent en découler.
J'engage vivement tous les acteurs de l'hôpital local à y prendre part.
4 - le renforcement du lien avec la médecine libérale.
Je sais que l'hôpital local est une " caisse de résonances " des difficultés que rencontre actuellement la médecine libérale.
Son fonctionnement qui repose à 70 % sur des médecins généralistes constitue sa spécificité. Il s'agit d'un véritable atout qui favorise la prise en charge globale des patients et la continuité des soins. Il n'en constitue pas moins un facteur de fragilité.
Mise en place dès 2002, l'indemnité compensant la perte de revenus pour un médecin libéral qui s'engage dans la vie institutionnelle fut un premier pas pour maintenir la présence des médecins généralistes dans les hôpitaux locaux.
En 2005, vont se mettre en place plusieurs mesures qui constituent un levier pour la médecine libérale et un élément de réponse aux difficultés rencontrées :
- je pense tout d'abord au dispositif des aides à l'installation des médecins dans les zones déficitaires, tel qu'il résulte de la loi relative à la réforme de l'assurance maladie ;
- je pense également à l'ouverture légale et réglementaire de cabinet secondaire notamment à l'hôpital local. Le projet de décret correspondant élaboré avec l'Ordre des médecins sera prochainement publié.
Cependant, je crois qu'il faut aller au-delà, et avoir une réflexion plus spécifique à l'hôpital local. Aujourd'hui, deux médecines y cohabitent :
* la médecine libérale
* la médecine hospitalière.
Pourquoi ne pourrait-on pas envisager à l'hôpital local une médecine salariée ? Elle correspond aux aspirations de certains jeunes médecins.
Tout en préservant la présence des médecins traitants et l'équilibre entre les différentes catégories de médecins, je suis favorable à une mixité des statuts à l'hôpital local afin qu'il conserve son rôle dans le maintien d'une médecine de proximité.
Je souhaite donc engager cette réflexion sans tarder et examiner avec les représentants des praticiens concernés, l'ordre des médecins et les caisses d'assurance maladie, les conditions juridiques, financières, fiscales de la mise en place de médecins salariés à l'hôpital local.
Enfin, il nous faut réfléchir à de nouveaux mécanismes de régulation de l'activité médicale au sein de l'hôpital. Je demande à ce que soit mis en place un groupe de travail sur cette question en lien avec les services de l'assurance maladie et les professionnels concernés.
L'hôpital local apporte une réponse spécifique et d'avenir à une demande de soins de proximité. Je pense ainsi qu'il est le " laboratoire " de l'hôpital de proximité sans en être l'acteur unique.
C'est pourquoi j'ai décidé de revenir sur l'histoire en renonçant résolument à la fermeture des hôpitaux locaux, en leur accordant au contraire l'espace qu'ils ont et qu'ils entendent conquérir encore davantage, au carrefour du sanitaire, du social et du médico-social.
C'est en alliant toutes les intelligences, en s'appuyant sur toutes les compétences et en garantissant un avenir à toutes les institutions que nous adapterons de mieux en mieux nos structures et nos capacités aux besoins de toute la population.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 7 janvier 2005)