Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, sur l'évaluation des pratiques professionnelles et la formation médicale continue, notamment pour le Plan cancer et la cancérologie clinique, Villejuif le 25 janvier 2005.

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Circonstance : Cours de chimiothérapie antitumorale et traitement médical du cancer à Villejuif le 25 janvier 2005

Texte intégral

Mesdames et messieurs,
Chers collègues et amis,
C'est un grand plaisir pour moi d'intervenir ici, au sein de l'Institut Gustave Roussy de Villejuif, pour la 20ème édition du "cours de chimiothérapie antitumorale et traitement du cancer".
C'est aussi l'occasion de féliciter un ami en la personne de Jean-Pierre Armand à qui l'on doit l'initiative de cette formation, dont la renommée a largement dépassé nos frontières.
Ce cours préfigure bien le type de formation d'excellence que nous entendons renforcer, afin que nous ne soyons pas, nous autres médecins, "lâchés" à la fin de nos études sans garantie de mise à jour de nos connaissances, pour nous-mêmes et surtout pour nos malades.
Les lois récentes du 9 et du 13 août 2004, concernant respectivement la Santé Publique et la réforme de l'Assurance maladie, prévoient en effet de nouvelles conditions de mise en place pour l'évaluation des pratiques professionnelles et la formation médicale continue.
Je suis convaincu que cette évolution constitue un tournant pour le déroulement des carrières médicales ; c'est aussi pour cette raison que j'ai tenu à être parmi vous ce matin.
Ce cours, mon cher Jean-Pierre, présente aussi la particularité d'associer l'industrie pharmaceutique, dont quelques stagiaires sont issus. Je crois sincèrement qu'un tel partenariat est indispensable, car il tisse une logique de cohérence depuis la recherche sur les molécules innovantes jusqu'à la cancérologie clinique.
Ce cours s'inscrit ainsi parfaitement dans la perspective de nos grands objectifs nationaux de santé publique, et du Plan Cancer, sur lequel vous me permettrez de revenir.
Le 24 mars 2003, le Président de la République s'est adressé au pays tout entier pour présenter les principales orientations du plan cancer dont il a souhaité faire l'un des trois chantiers prioritaires de son quinquennat. Il a aussi rappelé l'attente des patients pour bénéficier, au-delà des traitements les plus efficaces, de davantage d'écoute et d'humanité.
Ce plan apporte à la lutte contre le cancer, un engagement sur les moyens de mise en uvre de ses grands objectifs.
Tout d'abord la prévention. Je souhaite que les soignants s'impliquent davantage dans les actions de prévention. Notre système de santé est structurellement et culturellement orienté vers le soin, et il est absolument nécessaire de rééquilibrer la place de la prévention.
Dans le plan cancer, deux points concernent particulièrement les professionnels de santé que vous êtes :
- vous êtes porteur d'une image de responsabilité et de connaissance scientifique. A ce titre, vous avez une responsabilité particulière face aux conduites à risque, et en particulier le tabagisme. Comment pourrons-nous convaincre davantage de français sur les dangers du tabac, alors que le taux de médecins fumeurs en France est proche de 30 % ?
- D'autre part, les établissements de soins doivent devenir exemplaires dans la mise en uvre de la loi Evin, et appliquer rigoureusement l'interdiction de fumer. De plus, l'hôpital devrait être un lieu privilégié d'information et d'aide au sevrage.
Le second chapitre du plan cancer, c'est le dépistage : on sait aujourd'hui que certains cancers peuvent avoir des chances de guérison considérablement plus fortes s'ils sont diagnostiqués précocement. En France, notre tissu très dense de cabinets de ville a favorisé depuis longtemps le dépistage individuel, en particulier pour le cancer du sein. Malheureusement, en termes de santé publique, cela n'est pas suffisant, car trop de femmes échappent au dépistage et la qualité d'ensemble de la démarche n'est pas contrôlée.
Voilà pourquoi j'ai appliqué la généralisation du dépistage organisé du cancer du sein. Toutes les Françaises doivent être à égalité de chances face à la maladie.
D'autres types de cancers bénéficient de la même volonté : cancer du col utérin, cancer colo-rectal. Nous nous interrogeons sur le dépistage du cancer de la prostate, et ultérieurement des cancers bronchiques.
Je serai amené dans quelques jours à présenter une Communication en Conseil des Ministres sur ce sujet spécifique du dépistage des cancers. Comme vous pouvez le constater la volonté ne faiblit pas.
Sur le chapitre des soins, trois orientations sont proposées, dans un objectif d'efficacité et d'humanité de la prise en charge : coordination des soins, attention humaine et accès aux innovations.
Je souhaite, et le plan cancer en sera le prototype, mieux organiser les structures de soins et les traitements autour des malades, avec une coordination améliorée en référence aux bonnes pratiques cliniques. Notre pays n'a plus le droit d'accepter que des malades puissent avoir des chances différentes selon leur lieu de résidence : tous les patients doivent avoir accès à une prise en charge d'un niveau de qualité égal, et conforme aux standards scientifiques.
La coordination des soins doit s'organiser autour de quatre dispositifs principaux :
- tout d'abord la coopération systématique entre les structures prenant en charge des patients cancéreux, dans le cadre d'un réseau régional construit autour du pôle régional de cancérologie, incluant les CHU, les CLCC, et les autres établissements spécialisés en cancérologie.
Le réseau régional permettra de coordonner l'offre et d'organiser les filières de recours ; il permettra la diffusion des référentiels de bonnes pratiques cliniques ; il organisera l'évaluation de ses membres. En un mot, le réseau régional est le garant de l'équité des soins de cancérologie dans la région.
Au niveau local, du bassin de vie, la continuité des soins entre l'hôpital et le domicile pourra être assurée par des réseaux de proximité, regroupant les médecins et soignants de ville associés à la prise en charge. Il y a plusieurs organisations possibles, mais il y a un seul objectif : d'ici trois ans, il ne doit plus y avoir un seul patient ne bénéficiant pas d'une prise en charge coordonnée.
- le second dispositif, c'est la remise d'un programme personnalisé de soins à chacun des patients, dès le début de la prise en charge. Ce programme sera la garantie pour le patient qu'il est soigné dans un cadre multidisciplinaire. Il peut également, je crois, contribuer à modifier positivement la relation entre les patients et les soignants que vous êtes, en permettant à cette relation d'être plus transparente, et au patient de s'impliquer davantage dans son traitement, s'il le souhaite.
- le troisième dispositif, c'est l'identification, dans tous les établissements traitant du cancer, de centres de coordination en cancérologie. Ces centres assurent, dans l'établissement, la coordination des services cliniques et médico-techniques, et des réunions de concertation multidisciplinaires.
A terme, d'ici trois ans, les structures de cancérologie feront l'objet d'un agrément qui garantira au patient la conformité des pratiques avec un cahier des charges précis. L'Institut national du cancer travaillera en lien avec la Haute Autorité de Santé pour mettre en uvre cet agrément.
- le quatrième dispositif, enfin, c'est le partage des informations médicales entre tous les acteurs de la prise en charge, par le développement du dossier médical partagé, objectif qui concerner en fait toutes pathologies.
Dans le domaine des soins toujours, il nous faut également entendre la demande très forte des patients d'une meilleure qualité de l'annonce du diagnostic, et le besoin d'accompagnement et de soutien durant la prise en charge. Nous allons identifier une consultation d'annonce, qui ne sera pas seulement du temps supplémentaire, mais qui sera aussi la possibilité d'un soutien psychologique pour le patient. Nous renforcerons l'accès aux psychologues, dans l'hôpital et en ville, car la situation actuelle n'est pas acceptable.
Enfin, il nous faut mieux prendre en compte les souhaits des patients, lorsqu'ils s'expriment, d'être soigné à domicile. Pour cela, nous allons améliorer les conditions d'organisation et de financement de l'Hospitalisation à domicile, et renforcer les structures de soins palliatifs, en particulier à domicile.
- le dernier axe fort du volet soins est l'accès aux techniques innovantes, diagnostiques et thérapeutiques. Vous comprendre, que devant vous, j'insiste sur cet aspect.
Nos concitoyens doivent disposer d'un accès rapide et équitable aux dispositifs les plus innovants, et les plus performants.
En tout premier lieu, le parc d'imagerie est en cours de modernisation et de renforcement. Le parc de radiothérapie est également remis à niveau, avec des moyens en personnels supplémentaires.
Sur le plan des médicaments onéreux, je me suis engagé à faciliter leur financement dans le cadre de la tarification à l'activité, et sur une base cohérente entre le secteur public et le secteur privé. Le corollaire sera bien entendu une plus grande traçabilité des prescriptions, et la mise en place d'un observatoire national qui permettra de mieux piloter notre politique du médicament en cancérologie.
Concernant les moyens humains, un effort réel, tangible, est réalisé dès 2005 : 24 poste de PUPH et MCUPH sont créés, 22 postes de Chefs de Clinique. Dans le domaine de la recherche clinique, 68 postes d'ARC et de TRC.
Je ne peux conclure cette présentation nécessairement incomplète sans vous dire quelques mots sur la recherche et l'enseignement. Il est nécessaire que davantage de médecins spécialistes puissent se consacrer à la cancérologie. Dans cet objectif, la reconnaissance de la qualification en cancérologie pour les spécialistes d'organe sera améliorée. D'autre part, nous allons renforcer les capacités de formation initiale par la filiarisation de l'hémato-cancérologie, et le renforcement, dès cette année, je viens de vous donner les chiffres pour cette année, des postes hospitalo-universitaires.
En matière de recherche, je souhaite vous exprimer combien je suis attaché à la capacité de production de nouvelles connaissances par nos institutions, et surtout à la capacité de transfert de ces connaissances vers le malade.
Aujourd'hui, la coopération entre les grandes institutions de recherche académiques et industrielles, et les grands hôpitaux est primordiale. Voilà pourquoi nous voulons coordonner les efforts de recherche au niveau national, au travers de programmes d'actions coordonnés, financés, et évalués au niveau national par l'institut national du cancer, puis relayés régionalement par les cancéropôles.
Mesdames et messieurs, chers collègues, je veux vous dire combien notre responsabilité est grande dans ce chantier dont la mise en uvre sera, je le crois, un succès partagé.
Les expériences telles que ce cours me donnent confiance dans notre capacité collective à réussir dans ce nouveau défi contre le cancer.


(Source http://www.sante.gouv.fr, le 27 janvier 2005)