Interview de M. Hervé Morin, président du groupe parlementaire UDF à l'Assemblée nationale, dans "Le Parisien" du 28 février 2005, sur le climat politique et social.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Q - La crise est-elle grave ?
R - Oui. La France est aujourd'hui un pays au climat déprimé, sans enthousiasme, sans confiance en lui. Seule une psychothérapie de choc lui permettra de retrouver l'élan qu'elle a pourtant en elle-même. Quant à l'affaire Gaymard, les Français ont jugé cela anormal, mais ils n'ont exprimé aucune animosité. Cela fait bien longtemps qu'ils n'ont plus aucune illusion sur leurs classes dirigeantes.
Q - En quoi consisterait cette " psychothérapie de choc " ?
R - Il faut dire la vérité au pays sur son état et lui présenter trois ou quatre objectifs sur lesquels on se battrait et qu'on chercherait à atteindre coûte que coûte. Il faut retrouver l'enthousiasme de 1981, celui d'un pays qui croyait que c'était possible de réformer la société, et même le monde. C'était aussi le cas de De Gaulle en 1958. Cela arrive tous les vingt-cinq ou trente ans.
Q - Ces objectifs, ce serait quoi ?
R - 1. Réduire drastiquement la dépense publique de fonctionnement, mais ne fixer aucune limite aux dépenses publiques d'investissement sur la recherche, l'université, les grands travaux. Grâce à cela, les Français retrouveraient de la fierté et, à terme, une croissance élevée.
2. Mettre en place une politique de discrimination positive qui ne se fonderait pas sur les races, mais s'adresserait aux 4 millions de Durand ou Belarbi économiquement exclus.
3. Réduire de moitié le Code général des impôts. Cela simplifierait la vie des gens comme des entreprises et relancerait une vraie dynamique économique.
Q - Qu'attendez-vous de Thierry Breton ?
R - C'est un homme de grande valeur. Malheureusement la politique qu'il mènera ne sera pas la sienne. La feuille de route reste la même. Un ministre n'est pas un homme providentiel. Il ne fait qu'exécuter la politique décidée par le Président de la République, comme ce dernier l'a d'ailleurs rappelé le 14 juillet.
Q - 10 % des chômeurs, est-ce une fatalité ?
R - Pour les Français, c'est en une. Mais pas pour le monde occidental, où cela ne passe pas forcément par un libéralisme exacerbé, comme le prouve l'exemple des pays scandinaves. En France, la voie du libéralisme excessif ne serait de toute façon pas acceptée. Il faut une vraie politique d'investissement. Et les Français doivent réaliser que la France, avec ses 35 heures, est le pays où on travaille le moins au monde. Avec la concurrence, ce n'est pas possible.
Q - Avocat du oui, craignez-vous une victoire du non ?
R - Les Français ont envie d'Europe. Malheureusement notre société ne sait plus quelle est son identité. J'en suis donc convaincu : le non va l'emporter. Les Français profiteront d'un scrutin qu'ils jugent peu important pour exprimer leur malaise et leur conviction que les choses ne vont plus. Pour eux, tous ceux qui appellent à voter oui sont à l'origine de leurs problèmes. Il y a du boulot.
Propos recueillis par Ludovic Vigogne.

(Source http://www.udf.org, le 1er mars 2005)