Déclaration de presse de M. Philippe Douste-Blazy, ministre de la santé et de la protection sociale, sur les ambitions de la politique de la santé, notamment les récentes réformes législatives et l'orientation des projets de recherche, Paris le 26 novembre 2004.

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Circonstance : Cérémonie des Victoires de la Médecine à Paris le 26 novembre 2004

Texte intégral

Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Directeurs,
Mesdames et Messieurs,
Chers Confrères,
C'est pour moi un réel plaisir et un grand honneur d'ouvrir ces 3ème " Victoires de la médecine ". Moins connues que les "Victoires de la musique", celles de la médecine visent le même objectif : valoriser l'excellence.
Cet événement met à l'honneur l'innovation et souligne le rôle déterminant des centres hospitaliers universitaires dans l'essor et le partage du progrès médical dans les différentes régions françaises. Ce soir, la médecine française peut être fière de présenter ses dernières avancées thérapeutiques et les bénéfices qu'en retire le patient.
Fidèles à leur engagement au service du malade, les personnels médicaux et paramédicaux, et les chercheurs ne baissent jamais les bras. Je tiens à saluer tous les médecins et représentants du monde de la santé ici présents, en particulier le Dr Pierre Fuentès, Président de la Conférence des présidents de CME et M. Paul Castel, Président de la Conférence des directeurs généraux de CHU.
Je salue également le Dr Michel Chassang, président de la CSMF. Il sait l'importance que j'attache aux relations ville-hôpital.
Les "Victoires de la médecine" sont nées d'un triple constat :
- la nécessité d'appeler l'attention des médecins de ville sur les innovations marquantes dans les différentes disciplines et spécialités ;
- la diffusion limitée à un public d'experts de l'information sur les avancées médicales ;
- et l'absence de manifestation nationale médiatique valorisant ces innovations.
L'hôpital n'est pas insensible au monde qui l'entoure. Les réformes en cours, les interrogations sur l'avenir de la recherche y ont un écho certain. Ce ne sont pas les 26 nominés des " Victoires de la médecine " qui diront le contraire.
La 3ème édition des " Victoires de la médecine " va récompenser les innovations médicales dans 7 disciplines : la cancérologie, la cardiologie, la chirurgie, la neurologie, la rhumatologie, la technologie médicale et l'information au grand public, discipline peut connue en tant que telle et pourtant essentielle. Sélectionnés par leurs pairs, 9 CHU : Amiens, Grenoble, Lille, Lyon, Marseille, Nancy, Paris, Rouen et Toulouse, concourent aujourd'hui dans ces disciplines.
Parmi les 60 innovations en lice, 26 ont été retenues par les sociétés savantes. Je me réjouis que ce soient les médecins ici présents qui aient à désigner le lauréat dans chacune de ces catégories.
C'est de vos échanges et grâce à votre expérience qui est encore ici démontrée, que j'ai mesuré l'ampleur du chemin qui reste à parcourir pour répondre aux besoins de santé de nos concitoyens et à l'attente des professionnels que vous êtes. Je pense en particulier à votre apport à la réflexion sur le projet de loi sur la fin de vie que j'ai défendu cet après-midi en première lecture à l'Assemblée Nationale.
Cette loi va compléter une période législative très intense dans le domaine de la santé, qui a vu cet été la promulgation de plusieurs textes :
- La loi relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées qui a créé la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Elle a pour mission essentielle, en contrepartie de l'institution d'une journée de solidarité, de développer l'autonomie des personnes âgées ou personnes handicapées, et de renforcer le financement national de l'allocation personnalisée d'autonomie.
- La loi relative à la bioéthique qui interdit le clonage reproductif, tout en autorisant la recherche sur l'embryon et les cellules embryonnaires. Elle établit un nouveau cadre pour les techniques d'assistance médicale à la procréation. En matière de greffe, le texte étend notamment le cercle des donneurs vivants potentiels à la famille élargie.
- La loi relative à la politique de santé publique précise les responsabilités de l'Etat, en matière de sécurité sanitaire et de santé de la population. Elle établit 100 objectifs de santé publique et rénove les dispositifs d'alerte sanitaire.
- La loi portant réforme de l'assurance maladie repose sur la responsabilisation des acteurs du système de santé et crée la haute autorité de santé. Cette agence indépendante définira les protocoles de soins et les bonnes pratiques auprès des professionnels de santé. Elle sera chargée d'une part d'évaluer l'utilité médicale des actes, des prestations et des produits de santé, et d'autre part de promouvoir la qualité des pratiques médicales dans notre système de santé.
Elle prévoit également la mise en place progressive, d'ici 2007, du dossier médical personnel, qui contribuera à améliorer la qualité des soins grâce à un meilleur suivi par le médecin, et à limiter les soins redondants.
- Enfin, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées est encore en cours de débat. Elle a pour objectif de garantir aux personnes handicapées le libre choix de leur projet de vie, avec des moyens d'existence suffisants et le plein exercice de leur citoyenneté.
Il était en effet devenu nécessaire de moderniser en profondeur l'organisation et le fonctionnement de la santé publique et de l'assurance maladie.
Les Français savent que leur système de santé est parmi les meilleurs au monde, notamment parce qu'il parvient justement à conjuguer la solidarité, les libertés de chacun et une très haute qualité des soins. Je suis persuadé qu'ils peuvent et qu'ils vont, quelle que soit leur place dans le système de soins, faire évoluer leurs comportements pour préserver ce système.
J'ai donc entrepris, avec Xavier Bertrand, sans remettre en cause la liberté des malades ni celle des praticiens, d'organiser le système de soins de telle façon qu'il garantisse la qualité et le juste recours aux soins.
En matière de santé publique, la situation de la France est paradoxale. Certains indicateurs de santé sont excellents, comme notre espérance de vie à la naissance, parmi les meilleures du monde, en particulier pour les femmes. Cependant, certains retards sont difficilement acceptables : la France est, avec le Portugal, le pays où la mortalité prématurée, avant l'âge de 65 ans, est la plus forte.
En outre, les inégalités de santé sont particulièrement importantes, que ce soit entre les hommes et les femmes, entre les catégories socio-professionnelles, ou entre les régions du Nord et du Sud.
Je suis heureux de constater que les nombreux projets de recherche que vous avez engagés sont dans le droit fil des ambitions que le ministère de la santé a porté pendant des années et plus intensément au cours de ces derniers mois. Il n'y a qu'à évoquer la loi de santé publique pour apprécier la force des enjeux et la volonté commune de soutenir la cause des malades. La diminution de la mortalité prématurée et la réduction des inégalités de santé sont au coeur du débat.
Le cancer est devenu une priorité nationale, soutenue personnellement par le Président de la République, avec la création de l'Institut national du cancer. Je me réjouis que de nombreuses nominations des Victoires concernent ce domaine.
Tous les plans prévus dans la loi visent à donner une direction commune à l'action, à rassembler des financements épars et à mesurer leur impact sur la santé de la population en confrontant les moyens engagés aux résultats obtenus.
La longévité des populations des pays industrialisés - vous le savez - s'accroît régulièrement, ce qui constitue une chance exceptionnelle dans l'histoire de l'humanité.
Mais la population des personnes âgées est fragile. Il faut lutter contre la perte d'autonomie et permettre à chacun de vivre chez soi le plus longtemps possible en conservant une indépendance véritable, une vie sociale et une qualité de vie.
Aujourd'hui en France, 800 000 personnes de plus de 60 ans sont dépendantes, dont la plupart souffrent d'une maladie d'Alzheimer.
C'est pourquoi j'ai présenté un plan pour améliorer son dépistage précoce, par la création de 100 nouvelles " consultations mémoire ", et faciliter la prise en charge des patients souffrant de cette maladie. Le nombre de places d'hébergement temporaire et d'accueil de jour sera multiplié par 5 d'ici 2007, afin d'offrir un peu de répit aux familles des malades vivant à domicile.
Si la population des personnes âgées est fragile, c'est également le cas à l'autre extrémité de la vie, notamment pour le nouveau-né et l'adolescent.
Le Plan Périnatalité doit permettre de réduire mortalité périnatale de 15 % en 4 ans, et la mortalité maternelle de plus de 40 %. Il vise à améliorer la sécurité et la qualité des soins, tout en développant une offre plus humaine et plus proche, et à aménager les conditions d'exercice des professionnels de la naissance.
Quant à l'adolescence, dont les limites ne cessent de s'élargir, c'est une période de réels dangers et de vulnérabilité. Ces dangers témoignent d'un mal de vivre et d'un profond sentiment d'incompréhension réciproque, partagé par l'adolescent et l'adulte.
Les pratiques à risque et notamment les conduites addictives sont malheureusement trop fréquentes. A 18 ans, un garçon sur 5 et un peu moins d'une fille sur 10 fument régulièrement du cannabis. 4 % des 15-19 ans ont fait une tentative de suicide
Si d'importants moyens de prévention sont mis en uvre chez les jeunes enfants jusqu'à l'âge de 6 ans, ce n'est pas le cas au-delà de cet âge.
J'ai donc décidé de mettre en place des consultations médicales périodiques de prévention et des examens de santé, aux âges clés de l'adolescence, en lien avec le ministère de l'Education nationale.
De même, concernant les sujets jeunes, une " épidémie ", - car on peut parler d'épidémie - me préoccupe particulièrement : c'est le l'augmentation progressive de la prévalence de l'obésité : 14 % des garçons et 18 % des filles de 7-9 ans ont un surpoids ou une obésité dus à leur comportement alimentaire ou leur sédentarité.
Connaissant les implications majeures de l'obésité, il faut enrayer ces comportements alimentaires excessifs par des actions de prévention. C'est pourquoi j'ai amplifié le Programme National Nutrition Santé, qui combine des campagnes nationales d'éducation nutritionnelle et de promotion de l'activité physique.
Par ailleurs, des découvertes récentes dans le domaine de l'autisme font porter un regard neuf sur cette maladie, permettant de sortir les parents de ces enfants de la culpabilisation. Je viens de présenter, à cette occasion, avec Marie-Anne Montchamp, secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées, un Plan Autisme pour améliorer son diagnostic, la prise en charge et l'accompagnement de ces enfants et de leurs familles, qui met en réseau l'ensemble des acteurs sanitaires et médico-sociaux.
Par ailleurs, il arrive malheureusement qu'un sujet jeune soit atteint d'une " maladie rare " - près de 3 millions en France. Du fait à la fois de leur grand nombre - 7 000 connues, 80 % d'origine génétique - et de leur rareté, des malades errent de médecin en médecin avant qu'on ne sache ce qu'ils ont, ou restent sans soins parce que les médecins ne savent pas comment les traiter. Ce n'est pas acceptable. Je viens donc de présenter un plan dont la principale mesure consiste à créer une centaine de centres de référence pluridisciplinaires, répartis sur tout le territoire. L'enfant n'aura plus à se déplacer pour consulter les divers spécialistes ; il les rencontrera dans un lieu unique.
Je voudrais remercier l'Association Française contre les Myopathies et tous les Français qui chaque année participent généreusement au Téléthon. Je souhaite que le Téléthon 2004 qui se déroulera le prochain week-end connaisse un succès encore plus grand que celui des années précédentes.
Mais des progrès doivent être réalisés en matière de développement et de mise sur le marché de nouveaux médicaments, dans une dimension nécessairement européenne et internationale, quel qu'en soit le prix. J'ai donc développé une politique du médicament prenant en compte les produits innovants. Il est exclu de priver un malade de traitement lorsque celui-ci existe. Une société juste, solidaire ne peut se baser sur le seul critère de rentabilité en la matière.
Enfin, la France doit rester compétitive en matière de recherche médicale, en particulier dans le domaine de la recherche clinique. De ce point de vue, l'organisation de nos hôpitaux doit être exemplaire.
Les CHU se trouvent actuellement au croisement de trois grandes réformes que mène le gouvernement : la nouvelle organisation hospitalière, la réforme des universités, préparée par François Fillon, et la réforme de la recherche, orchestrée par François d'Aubert.
Il faut savoir, à leur niveau, mieux coordonner les activités de recherche avec les deux autres composantes des CHU, que ce soit au sein des Directions régionales de la recherche clinique, des organismes de recherche ou de l'université. Je veillerai particulièrement à préserver le rôle de creuset pour la recherche médicale et l'innovation que jouent les plus grands hôpitaux de France.
Ainsi, le gouvernement s'engage avec force dans la voie de la modernisation de notre système de soins en préservant ses grands principes : un financement solidaire, un effort partagé et un égal accès à des soins de grande qualité.
Connaissant votre engagement, je suis persuadé que nous partageons tous ici cette même conviction.
Enfin, je voudrais ajouter qu'il n'y aura pas, ce soir, à proprement parler de vainqueurs ni de vaincus, mais une victoire, celle d'équipes qui érigent au rang de valeur leur triple mission de soin, d'enseignement et de recherche. Ces victoires ne seront réellement des victoires que si les malades en bénéficient, mais je n'en doute pas.
J'aimerais rendre hommage, au nom du Président de la République et en mon nom personnel, et saluer une fidèle amie et une grande dame, Line Renaud, qui s'investit depuis près de vingt ans dans un des plus beaux combats, la lutte contre le sida. La Journée mondiale de lutte contre le sida du mercredi 1er décembre sera un peu son uvre.
Je félicite tous ceux qui ont concouru et ont été sélectionnés, ainsi que la société MVS et Jean-François Lemoine qui a " inventé " cet événement.
Je remercie tous les médias, qui permettent cette rencontre essentielle au partage des connaissances entre tous les professionnels de santé, qu'ils soient hospitaliers ou libéraux, et tous les professionnels de la recherche.
Je sais que l'engagement de tous les acteurs de terrain au service des malades contribue chaque jour davantage au développement de la connaissance dans une démarche volontariste, toujours éthique et très symbolique : se mettre au service des autres.
Je vous souhaite un très heureux moment de partage et d'amitié en cette soirée des " Victoires de la médecine ".

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 8 décembre 2004)