Déclaration de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, sur la politique industrielle commune, Paris le 19 janvier 2003.

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Circonstance : Ouverture des Premières rencontres franco-allemandes pour la compétitivité de l'Industrie à Paris le 19 janvier 2004

Texte intégral


Madame la Ministre
Monsieur le Ministre,
Messieurs les Ambassadeurs
Mesdames et Messieurs les parlementaires,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Avec vous, Cher Monsieur le Ministre ADAMOWITSCH je suis particulièrement heureuse d'ouvrir aujourd'hui ces rencontres franco-allemandes pour la compétitivité de l'industrie ! C'est une première qui, nous l'espérons, Georg ADAMOWITSCH et moi-même, deviendra un rendez-vous annuel incontournable et trouvera de nombreuses déclinaisons avec d'autres partenaires européens.
Je souhaite la bienvenue à toutes celles et tous ceux qui, des deux rives du Rhin, participeront aux discussions de cette journée.
Au seuil de ces rencontres, je souhaiterais tout d'abord saluer la mémoire de celle qui fut un promoteur d'exception de la coopération franco-allemande : une femme exceptionnelle, qui s'est dévouée toute sa vie à l'amitié franco-allemande et qui nous a récemment quittés, beaucoup trop tôt: Brigitte SAUSAY. Elle était à vos côtés, M. ADAMOWITSCH, lors de votre visite à Paris, le 26 mars 2003, et c'est lors du dîner que nous avions eu sur une péniche de la Seine, que l'idée de cette rencontre avait pris corps. Je voudrais dédier ce colloque à mon amie Brigitte, en espérant que son exemple de constance et de dévouement inlassable à la cause européenne puisse tous nous inspirer.
Je suis heureuse aujourd'hui de saluer et de remercier de leur présence Madame la Ministre déléguée aux Affaires européennes, Noëlle LENOIR, MM. les Ambassadeurs, M. le Sénateur Pierre LAFFITTE, ainsi que toutes les organisations, le Medef, le BDI, la Chambre de commerce franco-allemande, les fédérations industrielles, le GFI, tous ceux -j'espère ne pas en oublier- qui ont participé activement à la préparation de ces rencontres.
Merci aussi à nos amis allemands, venus si nombreux ; merci enfin à vous, M. ADAMOWITSCH qui avez soutenu avec enthousiasme notre projet.
Cette semaine marquera, vous le savez, l'anniversaire d'un traité historique, le Traité de l'Elysée, qui avait scellé en 1963 l'amitié retrouvée et définitive de nos deux pays; nous en fêtions l'an dernier le Quarantième anniversaire.
Par ces rencontres, nous voulons adresser deux messages forts à nos deux pays :
- le premier est que ce ne sont pas les Etats qui font la croissance et qui créent des emplois. Ce sont les entreprises. Le dirigisme économique a échoué partout. Il ne fait qu'Union soviétique. Et aujourd'hui, la Russie et même l'immense Chine communiste s'en sont détournées. Le rôle économique de l'Etat est de libérer les énergies, tout en anticipant et accompagnant les transitions. Et les gouvernants que nous sommes ont besoin de vous, chefs d'entreprises, pour identifier les réformes nécessaires et pour nous aider à soulever les montagnes des résistances, sans rompre la cohésion sociale.
- le second message fort est celui de la vitalité de la coopération germano-française. L'Allemagne et la France ne sont pas toute l'Europe. Mais depuis 50 ans, l'histoire de la construction européenne n'a cessé de confirmer une réalité : si nos deux pays sont divisés sur une question majeure, l'Europe n'avance pas. S'ils sont unis, elle reprend sa marche et ils entraînent l'ensemble des autres pays de l'Union.
Depuis la célébration du 40ème anniversaire du traité de Paris, la coopération franco-allemande connaît un nouvel élan incontestable. Jamais nos relations n'ont été aussi étroites, jamais nos conceptions n'ont été aussi proches !
Et si, depuis plus de quarante ans, la coopération industrielle franco-allemande a fait la preuve de son imagination, de son dynamisme et de sa capacité à inspirer l'Europe, cet esprit pionnier, cette volonté de construire ensemble des projets doivent, demain, continuer d'inspirer notre action. Car les défis qui se présentent sont considérables ; pour les affronter, il est essentiel de partager nos expériences, de confronter nos idées, afin d'élaborer une stratégie commune.
Ces défis, c'est d'abord l'émergence de nouveaux géants industriels à l'échelle mondiale (la Chine et l'Inde) ; c'est aussi la poursuite de la révolution numérique, le devenir de nos industries chimiques, pharmaceutiques, textiles et sidérurgiques ; c'est enfin l'essor des biotechnologies !
Un seul mot suffit à traduire la situation de fait qui est à l'origine de ce grand défi, qui est un constat de lucidité avant d'être aussi une chance : concurrence, concurrence, concurrence ! Un seul mot peut également dire l'impératif qui doit tous nous mobiliser et orienter nos pensées : com-pé-ti-ti-vi-té ! Et pour gagner cette bataille, il nous faudra de l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace !
Attractivité de nos territoires, recherche et innovation, investissements industriels, grands projets technologiques, nous devons mettre les bouchées doubles pour faire de l'Europe la productrice de sa propre croissance ! Nos pays ne sauraient se résigner plus longtemps à attendre la croissance comme on attend le vent d'ouest,- en se mettant à la fenêtre ! Cette croissance, nous devons la produire, en être de plus en plus, les initiateurs !
Conscients de cet impératif incontournable, nous avons donc souhaité -M. Adamowitsch et moi-même- instituer ces rencontres entre responsables politiques et économiques de nos deux pays.
L'objectif en est clair : dégager les pistes de travail, apporter l'éclairage du terrain à nos réflexions stratégiques, envisager toutes les questions européennes (qu'il s'agisse d'environnement, de concurrence, de fiscalité...) à l'aune de la compétitivité. C'est ainsi que nous lutterons encore plus efficacement contre ce que certains appellent la désindustrialisation et qui n'est en réalité que l'accélération ouverte des évolutions que le travail de l'homme a connues, mais plus lentement, à travers toute l'histoire.
Le moyen est simple : permettre aux professionnel des deux côtés du Rhin, industriels, chefs d'entreprises de confronter leur expériences, leurs méthodes, leurs difficultés et les besoins de leurs secteurs spécifiques, mais aussi de mieux se connaître afin que de faciliter l'émergence de nouveaux partenariats.
Car si les mesures transversales sont utiles, il importe -et j'insiste sur ce point avec la plus grande force !- il importe de toujours veiller aux spécificités sectorielles pour élaborer la politique industrielle la plus adaptée et donc la plus efficace possible en Europe.
Je dis bien " en Europe ", car nos réflexions n'ont pas vocation à demeurer franco-allemandes ; elles intéressent évidemment aussi nos partenaires. Ce qui nous rassemble ici aujourd'hui, c'est tout simplement le désir profond de contribuer utilement à la construction permanente de l'Europe. Il se trouve en effet qu'en matière industrielle, la France et l'Allemagne constituent ce que l'on pourrait appeler un " laboratoire privilégié ". Il faut donc l'utiliser, au service de tous.
Que l'Allemagne et la France mutualisent leurs expériences, quoi de plus naturel en effet ! Deux nations industrielles comme les nôtres, fortes de si nombreuses coopérations dans tous les secteurs, ont tout à gagner d'une réflexion commune. Très étroitement imbriquées, nos économies, nos industries partagent en effet globalement les mêmes difficultés, nourrissent les mêmes ambitions. Et leurs travaux communs peuvent être le socle d'analyses partagées entre tous les partenaires d'une Europe élargie.
Cette journée, j'en suis convaincue, prouvera la fécondité de la réflexion commune. Qu'il s'agisse de l'attractivité, de la formation, de l'innovation et des moyens d'une politique industrielle européenne, vos idées, je le sais sont déjà nombreuses et précises.
Permettez-moi, pour lancer le débat, de vous soumettre quelques pistes:
En matière de politique industrielle, n'avons-nous pas intérêt par exemple, à créer des groupes de travail franco-allemands, institués par secteur industriel, pour exercer une veille permanente et, peut-être, un pouvoir de propositions en matière de compétitivité. Je pense par exemple à des initiatives du type " Leadership 2015 ", ou à celle que j'ai lancée récemment au niveau national dans le domaine du textile-habillement. Il s'agirait d'assurer ainsi la médiation entre le terrain et le conseil Compétitivité de l'Union, pour enraciner la politique communautaire dans le terreau des réalités industrielles. Faisons entendre plus clairement la voix de l'industrie en Europe ! Il y va tout simplement de notre place dans le monde et, je le rappelle, du sort de 45 millions de salariés.
Le projet de réglementation communautaire sur la chimie (le système " REACH "), pourrait à cet égard faire l'objet des réflexions d'un groupe de travail, chargé d'en examiner les implications industrielles.
Je crois par ailleurs qu'il est de notre responsabilité de poser clairement certaines questions : ainsi, à quelles conditions la réglementation environnementale constitue-t-elle un facteur d'attractivité pour nos pays ? Et question corollaire : comment lutter contre l'apparition de ce que j'appellerais un " dumping environnemental " dans le monde, liée aux distorsions des exigences nationales dans ce domaine ?
Cette réflexion, qui porte en fait sur le développement durable, est nécessaire si nous ne voulons pas entraver notre propre essor. Car ne l'oublions pas : le premier pilier du développement durable, c'est le développement tout court.
Ce premier pilier, pour être plus précise, c'est la compétitivité économique.
Sans compétitivité de nos entreprises, et donc croissance effective de notre économie, le développement durable risque de n'être qu'un concept philosophique ou un vu pieux.
Le " principe de précaution ", qui contient d'ailleurs ses propres limites, n'est donc pas seulement valable pour le pilier environnemental du développement durable. Il vaut aussi pour le pilier compétitivité.
De même qu'on doit toujours se demander si une technologie comporte des risques pour l'environnement, on doit, symétriquement, toujours s'interroger sur l'impact économique des mesures environnementales. Le risque est sinon d'entraver notre compétitivité et de brider notre développement. La recherche de l'équilibre doit être permanente. L'Européenne convaincue que je suis voudrait soulever un autre point que l'actualité de ces derniers mois a rendu sensible à traverses diverses péripéties, qu'il s'agisse du pacte de stabilité ou des problèmes que le sauvetage de grandes entreprises a pu poser à une commission soucieuse dans son rôle de vigile des traités
Bien sûr que nous sommes tous convaincus que la confiance durable dans l'euro ne peut reposer que sur la sagesse de la maîtrise des déficits ou de l'endettement publics. Mais au niveau des Etats comme à celui des entreprises, les stratégies de développement ne s'enferment pas dans un seul service comptable. C'est le tracé de la route qui compte le plus.
Bien sûr que nous sommes tous convaincus que le bon fonctionnement du marché intérieur repose sur l'égalité de la concurrence entre nos marchés domestiques. Mais le plus grand défi de la concurrence ne vient plus de l'intérieur. Il vient de l'extérieur de l'Union. C'est la raison pour laquelle il est urgent que nos règles actuelles de concurrence soient adaptées à cette évolution fondamentale, et qu'au lieu d'être uniquement centrées sur le marché intérieur, permettent à l'Europe de constituer un ensemble unique, capable d'affronter la concurrence économique du reste du monde, qu'il soit déjà très industrialisé ou émergent.
Autre piste enfin : si l'amélioration de notre cadre réglementaire est une nécessité, nous devons parallèlement agir concrètement et sans délai pour soutenir la croissance. A cet égard, nous avons le devoir impérieux d'atteindre les objectifs de l'initiative de croissance que l'Europe a adoptée le 12 décembre dernier. L'engagement du secteur privé, aux côtés des pouvoirs publics, doit être fortement encouragé. Il nous appartiendra de lever ensemble, le cas échéant, tout obstacle qui pourrait en freiner le développement.
A l'heure où la croissance se profile en Europe, la prise de conscience qui se joue ici est capitale : pour produire nous-mêmes notre croissance, nous devons faire de l'industrie le cur de nos préoccupations. Foyer d'innovation, elle porte l'avenir de notre économie. Les vieilles rengaines sur la société post-industrielle n'ont pas de sens ; la société de demain sera -différemment-, mais tout autant industrielle que celle d'hier. Il nous importe de faire en sorte que l'Allemagne et la France, et l'Europe tout entière, sachent prendre une place de premier rang dans cette industrie d'avance !
Je ne doute pas que nos échanges nous permettront aujourd'hui de tracer des voies, et je souhaite que nos travaux débouchent d'ores et déjà sur des propositions concrètes et constructives, pour atteindre, avec l'ensemble de nos partenaires, cet objectif vital.
Je vous remercie.
(source http://www.industrie.gouv.fr, le 19 janvier 2004)