Texte intégral
Monsieur le président,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Le projet de loi portant statut général des militaires est un de ces textes fondateurs qui déterminent le caractère et le fonctionnement des institutions de notre pays.
Le statut général des militaires actuellement en vigueur date de 1972.
Trente ans, durant lesquels la société française a changé. Les armées aussi.
La société a profondément évolué : modification du rapport à l'autorité, développement de la société de l'information, entrée massive des femmes dans le monde du travail, multiplication des mouvements associatifs, etc.
Ces évolutions sociales ont conduit naturellement, et légitimement, les militaires à souhaiter à la fois plus de responsabilisation et plus de dialogue.
La professionnalisation a fait apparaître de nouveaux enjeux:
- l'attractivité : pour constituer une armée professionnelle de qualité, il faut recruter des personnels qui sont aussi recherchés par le secteur privé.
- la fidélisation: il faut conserver dans les rangs des armées ceux dont les compétences sont indispensables.
- la cohésion entre militaires de carrière et contractuels. Ces derniers constituent désormais plus de la moitié du personnel.
Les militaires sont aujourd'hui confrontés à des engagements de plus en plus complexes.
Les règles de droit encadrant leurs activités se sont multipliées.
Les situations sont juridiquement floues, entre le temps de paix et le temps de guerre, notamment en opérations extérieures.
La suspension du service national, enfin, a profondément modifié la nature du lien armées-Nation.
Les armées doivent tisser, avec la communauté des citoyens, des liens nouveaux et s'insérer dans la société par d'autres moyens que ceux liés à la conscription.
Je commencerai par vous présenter les réponses qu'apporte le nouveau statut général des militaires à ces évolutions. Il garantit à la fois l'efficacité du métier militaire et l'épanouissement des hommes et des femmes qui l'ont choisi (1).
Je vous ferai ensuite part de quelques remarques sur l'examen du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale (2).
1. Les réponses apportées par le statut.
Les crises sont aussi nombreuses, et peut-être plus exigeantes à l'égard des hommes que dans le passé. Les événements de l'actualité récente sont venus nous le rappeler.
Il s'agissait donc d'inscrire dans le statut des transformations prenant en compte les changements, sans mettre en cause les éléments fondamentaux du métier des armes.
Les caractéristiques des conflits armés demeurent : c'est pourquoi le nouveau statut réaffirme les principes essentiels.
- Ils garantissent l'efficacité du métier militaire.
Le nouveau statut rappelle donc, dès l'article premier, les principes fondamentaux que sont : l'esprit de sacrifice, la discipline, la disponibilité, le loyalisme et la neutralité.
- Héritage de 1972, un autre principe est maintenu, celui de l'unicité du statut militaire.
Il s'applique aux trois armées, à la gendarmerie et aux services communs, qui sont soumis aux mêmes sujétions et bénéficient des mêmes compensations.
L'encadrement des droits civils et militaires est assoupli.
- Certaines obligations étaient devenues anachroniques. Elles ont été supprimées.
Il n'y aura désormais plus besoin de demander une autorisation de mariage avec un étranger, ni de déclarer la profession du conjoint.
- Les militaires auront désormais la liberté d'exercer des responsabilités associatives.
- Les règles régissant les conditions d'expression sont assouplies.
Dans un souci d'harmonisation, les droits des militaires ont été rapprochés des règles applicables aux fonctionnaires, dans la mesure où cela ne remettait pas en cause leur spécificité, liée à leur mission.
La protection et les garanties que l'Etat apporte aux militaires seront renforcées.
- Désormais, les militaires bénéficieront d'une meilleure couverture juridique et sociale.
Les dommages qu'ils pourraient subir, tout au long d'une mission, seront considérés comme imputables au service et leur donneront droit à réparation.
La protection pénale dont bénéficieront nos militaires, indispensable aux nouvelles tâches qu'assument nos armées dans le monde, sera étendue.
Le système de concertation est conforté.
- En temps normal, les conseils de fonction militaire seront présidés par les chefs d'état-major ou directeurs de service.
- Le Conseil supérieur de la fonction militaire est composé de membres désignés par et parmi les Conseils de fonction militaire d'armée.
- La protection des membres de ces instances sera garantie.
- Le droit disciplinaire sera rénové, simplifié et les droits de la défense mieux assis.
Les sanctions disciplinaires et statutaires sont en particulier fusionnées dans une échelle unique.
Pour compléter le dispositif de concertation, une commission indépendante d'évaluation sera chargée de remettre périodiquement un rapport au Président de la République, faisant état de l'évolution de la condition militaire et de la fonction militaire en général.
Les grandes règles de gestion seront modernisées.
- Les protections et les droits des personnels sous contrat seront rapprochés de celles des militaires de carrière.
Les militaires sous contrat ne peuvent pas être considérés, par leur nombre et la durée de leurs services, comme des contractuels de l'Etat ordinaires.
- Les limites d'âge seront rationalisées.
Elles viseront à concilier les conséquences de la réforme des retraites et l'impératif de jeunesse.
- Le dispositif de reconversion sera amélioré, notamment à travers un meilleur accès des militaires à la fonction publique civile.
2. Quelques remarques sur l'examen du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale.
Un débat de qualité marqué par l'ouverture.
Les droits politiques ont été débattus.
De nombreux amendements de l'Assemblée ont été repris dans le projet.
Certains ont fait l'objet d'engagements, en vue d'un examen en deuxième lecture.
Je citerai notamment le souhait que l'interdiction du cumul du congé du personnel naviguant et du congé de reconversion soit progressive.
Quelques points ont été adoptés malgré tout sans l'aval du Gouvernement:
a) Le souhait d'insérer des parlementaires dans le haut comité d'évaluation de la condition militaire.
Ce souhait manifeste un intérêt dont on ne peut que se féliciter, mais pose un problème d'indépendance.
Le destinataire des travaux de cette nouvelle institution, en dehors du Président de la République, sera en effet le Parlement lui-même.
b) La suppression de la possibilité pour les militaires de bénéficier d'indemnités, individuelles ou collectives, en fonction des résultats.
Je tiens à souligner que cet amendement va à l'encontre d'un souhait général du Gouvernement de "dynamiser" l'ensemble des ressources humaines de la fonction publique.
c) Le transfert en 3ème catégorie de deux sanctions: l'abaissement définitif d'échelon et la radiation du tableau d'avancement.
Cela aurait pour conséquence de rigidifier et de déséquilibrer l'édifice disciplinaire envisagé, et de créer une iniquité par rapport aux fonctionnaires civils.
d) La suppression de l'interdiction actuelle dans le statut de 1972 de nominations à titre honoraire, suppression qui risquerait de galvauder les grades.
Le nouveau statut qui vous est présenté ne constitue pas une révolution.
Il contient des adaptations nécessaires aux enjeux du XXIème siècle, aussi bien dans le domaine de l'emploi des forces que dans celui de la gestion des ressources humaines.
Il réaffirme, dans le même temps, les spécificités de l'état militaire.
Il a fait l'objet d'une adhésion de la communauté militaire dans ses grandes lignes, suite aux consultations des instances de concertation à l'occasion desquelles, après des débats sans tabou, nous avons pris en compte certaines demandes fortes.
Il est encore perfectible, d'où l'intérêt de notre collaboration sur ce projet que j'estime majeur
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 24 janvier 2005)
Mesdames et Messieurs les sénateurs,
Le projet de loi portant statut général des militaires est un de ces textes fondateurs qui déterminent le caractère et le fonctionnement des institutions de notre pays.
Le statut général des militaires actuellement en vigueur date de 1972.
Trente ans, durant lesquels la société française a changé. Les armées aussi.
La société a profondément évolué : modification du rapport à l'autorité, développement de la société de l'information, entrée massive des femmes dans le monde du travail, multiplication des mouvements associatifs, etc.
Ces évolutions sociales ont conduit naturellement, et légitimement, les militaires à souhaiter à la fois plus de responsabilisation et plus de dialogue.
La professionnalisation a fait apparaître de nouveaux enjeux:
- l'attractivité : pour constituer une armée professionnelle de qualité, il faut recruter des personnels qui sont aussi recherchés par le secteur privé.
- la fidélisation: il faut conserver dans les rangs des armées ceux dont les compétences sont indispensables.
- la cohésion entre militaires de carrière et contractuels. Ces derniers constituent désormais plus de la moitié du personnel.
Les militaires sont aujourd'hui confrontés à des engagements de plus en plus complexes.
Les règles de droit encadrant leurs activités se sont multipliées.
Les situations sont juridiquement floues, entre le temps de paix et le temps de guerre, notamment en opérations extérieures.
La suspension du service national, enfin, a profondément modifié la nature du lien armées-Nation.
Les armées doivent tisser, avec la communauté des citoyens, des liens nouveaux et s'insérer dans la société par d'autres moyens que ceux liés à la conscription.
Je commencerai par vous présenter les réponses qu'apporte le nouveau statut général des militaires à ces évolutions. Il garantit à la fois l'efficacité du métier militaire et l'épanouissement des hommes et des femmes qui l'ont choisi (1).
Je vous ferai ensuite part de quelques remarques sur l'examen du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale (2).
1. Les réponses apportées par le statut.
Les crises sont aussi nombreuses, et peut-être plus exigeantes à l'égard des hommes que dans le passé. Les événements de l'actualité récente sont venus nous le rappeler.
Il s'agissait donc d'inscrire dans le statut des transformations prenant en compte les changements, sans mettre en cause les éléments fondamentaux du métier des armes.
Les caractéristiques des conflits armés demeurent : c'est pourquoi le nouveau statut réaffirme les principes essentiels.
- Ils garantissent l'efficacité du métier militaire.
Le nouveau statut rappelle donc, dès l'article premier, les principes fondamentaux que sont : l'esprit de sacrifice, la discipline, la disponibilité, le loyalisme et la neutralité.
- Héritage de 1972, un autre principe est maintenu, celui de l'unicité du statut militaire.
Il s'applique aux trois armées, à la gendarmerie et aux services communs, qui sont soumis aux mêmes sujétions et bénéficient des mêmes compensations.
L'encadrement des droits civils et militaires est assoupli.
- Certaines obligations étaient devenues anachroniques. Elles ont été supprimées.
Il n'y aura désormais plus besoin de demander une autorisation de mariage avec un étranger, ni de déclarer la profession du conjoint.
- Les militaires auront désormais la liberté d'exercer des responsabilités associatives.
- Les règles régissant les conditions d'expression sont assouplies.
Dans un souci d'harmonisation, les droits des militaires ont été rapprochés des règles applicables aux fonctionnaires, dans la mesure où cela ne remettait pas en cause leur spécificité, liée à leur mission.
La protection et les garanties que l'Etat apporte aux militaires seront renforcées.
- Désormais, les militaires bénéficieront d'une meilleure couverture juridique et sociale.
Les dommages qu'ils pourraient subir, tout au long d'une mission, seront considérés comme imputables au service et leur donneront droit à réparation.
La protection pénale dont bénéficieront nos militaires, indispensable aux nouvelles tâches qu'assument nos armées dans le monde, sera étendue.
Le système de concertation est conforté.
- En temps normal, les conseils de fonction militaire seront présidés par les chefs d'état-major ou directeurs de service.
- Le Conseil supérieur de la fonction militaire est composé de membres désignés par et parmi les Conseils de fonction militaire d'armée.
- La protection des membres de ces instances sera garantie.
- Le droit disciplinaire sera rénové, simplifié et les droits de la défense mieux assis.
Les sanctions disciplinaires et statutaires sont en particulier fusionnées dans une échelle unique.
Pour compléter le dispositif de concertation, une commission indépendante d'évaluation sera chargée de remettre périodiquement un rapport au Président de la République, faisant état de l'évolution de la condition militaire et de la fonction militaire en général.
Les grandes règles de gestion seront modernisées.
- Les protections et les droits des personnels sous contrat seront rapprochés de celles des militaires de carrière.
Les militaires sous contrat ne peuvent pas être considérés, par leur nombre et la durée de leurs services, comme des contractuels de l'Etat ordinaires.
- Les limites d'âge seront rationalisées.
Elles viseront à concilier les conséquences de la réforme des retraites et l'impératif de jeunesse.
- Le dispositif de reconversion sera amélioré, notamment à travers un meilleur accès des militaires à la fonction publique civile.
2. Quelques remarques sur l'examen du projet de loi en première lecture par l'Assemblée nationale.
Un débat de qualité marqué par l'ouverture.
Les droits politiques ont été débattus.
De nombreux amendements de l'Assemblée ont été repris dans le projet.
Certains ont fait l'objet d'engagements, en vue d'un examen en deuxième lecture.
Je citerai notamment le souhait que l'interdiction du cumul du congé du personnel naviguant et du congé de reconversion soit progressive.
Quelques points ont été adoptés malgré tout sans l'aval du Gouvernement:
a) Le souhait d'insérer des parlementaires dans le haut comité d'évaluation de la condition militaire.
Ce souhait manifeste un intérêt dont on ne peut que se féliciter, mais pose un problème d'indépendance.
Le destinataire des travaux de cette nouvelle institution, en dehors du Président de la République, sera en effet le Parlement lui-même.
b) La suppression de la possibilité pour les militaires de bénéficier d'indemnités, individuelles ou collectives, en fonction des résultats.
Je tiens à souligner que cet amendement va à l'encontre d'un souhait général du Gouvernement de "dynamiser" l'ensemble des ressources humaines de la fonction publique.
c) Le transfert en 3ème catégorie de deux sanctions: l'abaissement définitif d'échelon et la radiation du tableau d'avancement.
Cela aurait pour conséquence de rigidifier et de déséquilibrer l'édifice disciplinaire envisagé, et de créer une iniquité par rapport aux fonctionnaires civils.
d) La suppression de l'interdiction actuelle dans le statut de 1972 de nominations à titre honoraire, suppression qui risquerait de galvauder les grades.
Le nouveau statut qui vous est présenté ne constitue pas une révolution.
Il contient des adaptations nécessaires aux enjeux du XXIème siècle, aussi bien dans le domaine de l'emploi des forces que dans celui de la gestion des ressources humaines.
Il réaffirme, dans le même temps, les spécificités de l'état militaire.
Il a fait l'objet d'une adhésion de la communauté militaire dans ses grandes lignes, suite aux consultations des instances de concertation à l'occasion desquelles, après des débats sans tabou, nous avons pris en compte certaines demandes fortes.
Il est encore perfectible, d'où l'intérêt de notre collaboration sur ce projet que j'estime majeur
(Source http://www.défense.gouv.fr, le 24 janvier 2005)