Déclaration de M. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, en réponse à des questions d'actualité sur la situation en Tchétchénie et dans les Balkans notamment au Kosovo, à l'Assemblée nationale le 22 février 2000.

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Circonstance : Réponse aux questions d'actualité à l'Assemblée nationale, Paris le 22 février 2000

Texte intégral

Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Monsieur le Député,
Vous vous étonnez de l'insuffisance des réactions internationales et je dois dire que je partage votre étonnement.
Chaque fois que la France s'est exprimée, chaque fois que les autorités françaises, que le gouvernement français se sont exprimés, soit pour qualifier les massacres, soit pour exiger la solution politique, soit pour exiger l'accès immédiat des organisations humanitaires, soit pour demander l'arrêt immédiat des exactions lors de la reprise de Grozny et les représailles qui s'en sont suivies, vous avez pu noter, vous le disiez vous-même, que la voix de la France s'était élevée relativement seule par rapport à cela. Il faut que j'apporte à l'Assemblée des éléments d'analyses sur ce point.
Une partie de nos partenaires occidentaux reprennent à leur compte l'argumentation selon laquelle il est nécessaire d'empêcher " l'Afghanisation " de l'ensemble de la région, considérant qu'il n'y a pas simplement la lutte d'un peuple tchétchène mais aussi, une question qui relève du terrorisme international dans cette région, en liaison avec l'Afghanistan. Je vous le donne comme une information pour l'analyse.
Une autre partie de nos partenaires considèrent qu'employer des moyens comme des sanctions économiques n'aboutirait qu'à, soit empêcher la Russie de nous rembourser les dettes qu'elle nous doit, soit aggraver la situation de la population. C'est ce que nos partenaires nous répondent lorsque nous avons ce type de discussions avec eux. Ils considèrent que cela n'aurait pas d'autre effet que d'aggraver encore la situation, la politique, le comportement de ce pays qui a beaucoup de mal à devenir un grand pays moderne, démocratique et pacifique à partir des ruines de l'Union soviétique qui était ce que l'on sait.
Cela n'a pas empêché la France de dire ce qu'elle pensait, cela ne l'a pas empêché d'être en pointe, car nous pensons que nous avons le devoir d'avoir à la fois une vraie politique à long terme, franco-russe, euro-russe, parce que c'est notre intérêt et en même temps, nous devons dire très clairement ce qu'il faut dire et exiger des Russes : l'arrêt de ce comportement en Tchétchénie. Et nous sommes, je crois, le seul pays qui arrive à faire les deux de cette façon./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2000)
La France s'est exprimée, dès le début de cette guerre épouvantable, avec plus de force et de clarté que tous ses partenaires occidentaux. Nous avons été les premiers à dire que la Russie se fourvoyait et à exiger une solution politique - non pas nécessairement par la négociation, car il est trop facile aux autorités russes de répondre qu'elles ne savent pas avec qui négocier ; mais cela ne les empêche pas de définir, au sein de la Fédération de Russie, un avenir pour la Tchétchénie qui réponde aux légitimes aspirations de ses habitants. Nous avons été les premiers à parler de massacres.
J'ai été le seul à dire que cette guerre présentait les caractères d'une guerre coloniale. Nous avons exigé - c'est notre politique constante - le libre accès au territoire tchétchène pour les organismes humanitaires, l'OSCE, les médias et, ce qui est le plus urgent, l'arrêt de la répression et des représailles, qui semblent se poursuivre depuis la reprise de Grozny. Voilà ce que je réaffirme solennellement aujourd'hui./.
(Source : site Internet de l'Assemblée nationale)
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2000)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés,
Monsieur le Député,
Quand nous nous sommes engagés, tous les membres de l'Alliance atlantique, tous les Européens membres de l'Alliance ainsi que les pays européens voisins de l'ex-Yougoslavie qui approuvaient cette démarche, c'était un engagement sérieux, réfléchi, qui ne tenait pas forcément à la conjoncture et nous savions que cela allait être très difficile, avec les moyens militaires, d'arrêter cette machine de guerre serbo-yougoslave, très difficile ensuite de construire la paix. C'était sans illusion excessive, sans optimisme prématuré, mais c'était avec une détermination politique et démocratique. Nous savions ce qu'étaient les Balkans, nous savions quelle était la vie au Kosovo, nous savions qu'il ne s'agissait pas de rétablir un état de coexistence démocratique qui n'avait jamais existé avant. Nous sommes engagés maintenant durablement, la France est très engagée avec 4.000 soldats, des gendarmes et des policiers, mais aussi de nombreux civils. Il ne faut pas comparer cela avec des pays qui ne peuvent envoyer que des policiers bien entendu. Nous sommes engagés dans un effort résumé par la résolution 1244, qui exprimait à un moment donné l'accord des membres permanents du Conseil de sécurité. Nous devons garder ce fil. Dans un premier temps, il fallait rétablir la coexistence possible entre tous. Il n'est pas étonnant qu'à Mitrovica, où se trouve concentrée la moitié des Serbes qui sont restés au Kosovo quelques 40.000 environ dans cette zone, il y ait un maximum de tension et que les extrémistes des deux bords qui veulent faire échouer, faire capoter l'action de la communauté internationale, de la KFOR et de la MINUK s'emploient à faire jaillir un incident de cette poudrière dont nous voudrions, justement reprendre le contrôle, ce qui est fait avec beaucoup de courage par les hommes de la KFOR y compris les soldats français, dont les responsables de toutes nationalités ont salué le courage.
Il fallait s'attendre à ce que ces tensions aient lieu. Il y a des provocations, il faut y résister et je crois qu'à ce stade, la priorité absolue, c'est de tenir bon, tenir bon et exprimer notre soutien de toutes les façons à la KFOR et à la MINUK.
Pour le reste, je crois que l'organisation d'élections au niveau local, dès que des conditions correctes seront rassemblées, est une étape nécessaire dans la préparation de l'avenir du Kosovo, d'une démocratie qui devra se construire pas à pas, le premier pas étant des élections locales. Il faut d'abord surmonter la question de Mitrovica et, ensuite, avancer vers ces élections. Il appartiendra aux membres permanents du Conseil de sécurité qui ont fait la résolution 1244 d'indiquer quelle est la bonne marche à suivre pour les étapes suivantes./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 25 février 2000)