Interview de M. Christian Jacob, ministre délégué aux PME, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation, à "France 2" le 22 juillet 2004, sur les relations entre Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy, et sur l'aménagement de la loi des 35 heures.

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Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. Beaudonnet - Nous recevons ce matin, un chiraquien pur et dur. Alors, comment cela se passe-t-il au Gouvernement, depuis le 14 juillet ?
R - "Le Gouvernement continue à travailler, et je crois encore pour quelques jours. Les choses se passent plutôt bien, puisque l'assurance maladie vient d'être votée, la loi de décentralisation devrait l'être avant la fin du mois."
F. Beaudonnet - Le Gouvernement travaille pour quelques jours dites-vous ?
R - "Oui, parce que l'on a tous des congés mérités à prendre. Je ne sais pas encore exactement quand, mais on espère début août."
F. Beaudonnet - Ici même, hier, F. Hollande nous annonçait - pour autant qu'il puisse en savoir - que J.-P. Raffarin ne serait pas là à la fin du mois de septembre.
R - "Monsieur Hollande risque peut-être de prendre ses rêves pour des réalités. Les commentaires de monsieur Hollande, on n'y attache pas beaucoup d'importance."
F. Beaudonnet - Ceci dit, en ce qui concerne un éventuel remaniement, il y a plusieurs choses qui vont dans le même sens. Pensez-vous que le Gouvernement dont vous faites partie sera là en l'état, à l'automne ?
R - "La ligne directrice a été fixée par le président de la République le 14 juillet. A partir de ce moment-là, les décisions de modification du Gouvernement appartiennent à deux personnes : le Premier ministre et le président de la République. Je ne suis pas habilité à parler ni pour l'un ni pour l'autre. Donc, ma seule préoccupation, comme celle de tous les membres du Gouvernement, c'est de continuer notre travail."
F. Beaudonnet - Etiez-vous présent au Conseil des ministres du 15 juillet ?
R - "Oui, je suis présent à tous les Conseils des ministres !"
F. Beaudonnet - Le Canard enchaîné rapporte que J. Chirac aurait dit "vous avez vu comment je me suis payé le petit, en parlant de N. Sarkozy". Est-ce vrai ?
R - "Oh, après F. Hollande, le Canard enchaîné ! Tout cela est d'une sottise ! On sombre dans le ridicule ! laissons cela de côté. Les commentaires du Canard enchaîné, honnêtement... Je pense qu'il y a d'autres commentaires auxquels on peut s'attacher. Encore une fois, une ligne a été définie par le président de la République, point, voilà."
F. Beaudonnet - Au-delà des commentaires, il y a une réalité : votre ministre de tutelle s'appelle N. Sarkozy, vous êtes, vous l'avez toujours affirmé, un chiraquien ; vous dites même de vous-même que vous êtes chiraco-chiraquien...
R - "Non. On me prête beaucoup de commentaires. Vous savez, il y a 43 ministres chiraquiens. On ne peut pas envisager d'être au Gouvernement et de ne pas être en parfaite adéquation avec le président de la République. Donc, de ce point de vue, ces qualificatifs..."
F. Beaudonnet - C'est vous qui avez dit "je ne suis pas UMP, je ne suis pas gaulliste, je suis chiraco-chiraquien"...
R - "Non ! J'ai un très grand respect pour le président de la République et beaucoup d'affection pour lui, comme beaucoup d'autres, et voilà."
F. Beaudonnet - Comment fait-on pour travailler quand on a un ministre de tutelle qui s'appelle N. Sarkozy et quand on est dans l'équipe du gouvernement de J. Chirac ?
R - "Jusqu'à maintenant, les choses se passent plutôt bien. On est en train de travailler dans plusieurs directions. La préparation d'une grande loi sur l'entreprise pour cet automne. On travaille également sur les accidents domestiques. C'est un des sujets de préoccupation puisqu'on est à 20 000 décès par an liés à des causes d'accident domestique. C'est-à-dire pratiquement quatre fois plus que les accidents de la route. C'est la préparation de la réforme de l'apprentissage, ce sont également des mesures sur la préparation d'une aide ou d'un plan à l'export pour les PME. Donc, le travail ne manque pas. Sur une orientation définie par le Président et le Premier ministre et en étroite collaboration avec N. Sarkozy. Il ne faut chercher des difficultés là il n'y en a pas. Il y a une ligne et on continue sur cette ligne fixée."
F. Beaudonnet - Quelle relation personnelle avez-vous avec N. Sarkozy ?
R - "Plutôt bonne et ancienne. Ancienne, parce que j'ai connu N. Sarkozy dans d'autres cadres, quand j'étais président du CNJA, que lui était ministre du Budget et au quotidien, puisque les rencontres sont, sinon quotidiennes, au moins hebdomadaires. Les choses se passent bien et dans une ambiance de travail."
F. Beaudonnet - Vous avez un autre point commun avec N. Sarkozy : vous aussi, vous revendiquez une liberté d'expression et de parole.
R - "Je revendique de dire les choses quand j'ai envie de les dire. C'est la qualité, je pense, de toute personnalité politique, ce que les Français attendent. Le débat que l'on est en train de préparer sur les PME, sur un vrai pacte ou un plan d'accompagnement aux PME, il faut exprimer ses convictions et dans la vie de tous jours, il faut essayer de le faire."
F. Beaudonnet - Une liberté d'expression qui peut aussi se traduire par une opposition, par exemple, quand vous n'êtes pas d'accord avec N. Sarkozy sur l'ouverture des magasins le dimanche, vous n'hésitez à lui dire.
R - "Oui, on en parle ! Cela fait partie de la vie politique, que ce soit sur les magasins le dimanche ou sur d'autres mesures. Nous avons travaillé ensemble. Nous avions d'ailleurs hier encore une réunion avec le premier président de la Cour de cassation, M. Canivet, sur la mise en place d'une table ronde sur la baisse des prix et les mesures d'accompagnement suite au débat qu'il y a eu entre la grande distribution et les grandes marques. Et chacun fait savoir ses avis, ce qui est naturel dans un gouvernement. Ensuite, le Premier ministre tranche, et puis voilà."
F. Beaudonnet - Parlons un peu des 35 heures, particulièrement dans les TPE, les très petites entreprises, celles de moins de 20 salariés - elles ne sont pas toutes concernées par les lois Aubry -, ceci dit, il y a un fort mécontentement vis-à-vis des 35 heures et ces entreprises demandent une modification de la loi sur les 35 heures. Quelle est votre position là-dessus ?
R - "Il y a une attente très forte des PME et des TPE, pour la raison suivante. On a eu tout d'abord une formidable réussite depuis deux ans - c'est une réussite qu'il faut porter au crédit et du président de la République et du Premier ministre -, c'est d'avoir relancé la création d'entreprise en France. On était, il y a deux ans, à moins de 200 000 créations d'entreprises par an, on va finir l'année à 240 000 créations d'entreprises, avec une stabilité des défaillances."
F. Beaudonnet - Il y a un chiffre sur le nombre d'emplois supprimés dans les TPE en 2003 : il y a eu 20 000 emplois supprimés. Les chefs d'entreprise disent que c'est justement en raison des 35 heures.
R - "Le lien avec les 35 heures... Déjà, les entreprises de moins de 20 ne sont pas concernées par les 35 heures. En revanche..."
F. Beaudonnet - Mais faut-ils modifier les 35 heures par la loi ou simplement par la négociation, comme le dit J. Chirac ?
R - "Je crois à la négociation. On le voit à chaque fois que l'on fait l'impasse - c'était d'ailleurs le reproche qu'ont fait les Français à madame Aubry, c'est d'avoir méprisé le dialogue social et la négociation, et c'est pour cela qu'à l'arrivée, il y a ce piège des 35 heures. Il faut donc s'en sortir par la souplesse et la négociation, c'est-à-dire laisser la liberté de travailler à ceux qui souhaitent travailler, conserver le cadre des 35 heures pour ceux qui souhaitent le conserver. Ce que je voulais dire, parallèlement à cela, c'est qu'au-delà des chiffres très favorables de la création, qui sont à porter au crédit du Gouvernement depuis deux ans, il faut, aujourd'hui, sur l'accès au financement, sur la pérennité des entreprises, être capable de réagir lorsqu'une entreprise est confrontée à la première difficulté."
F. Beaudonnet - C'est l'objet d'une loi ?
R - "C'est à la fois l'objet d'une loi mais aussi, plus généralement, peut-être d'un plan qui sera un peu plus large. Tout n'est pas non plus du ressort législatif. On peut, là aussi, faire les choses de manière contractuelle."
F. Beaudonnet - Quand comptez-vous présenter cette loi ?
R - "Je compte la présenter en Conseil des ministres d'ici la fin de l'année, c'est-à-dire au mois de novembre, pour quelle puisse être votée au premier trimestre ou au premier semestre 2005."
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 22 juillet 2004)