Texte intégral
CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LE DEVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE (TICAD II) DISCOURS D'OUVERTURE DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE, M. CHARLES JOSSELIN
Tokyo - 19.10.1998
Messieurs les chefs d'Etat,
Messieurs les Premiers ministres,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Au moment où s'ouvre cette deuxième conférence de Tokyo sur le développement de l'Afrique, je tiens à remercier très chaleureusement les organisateurs de cette importante manifestation.
Le gouvernement japonais, tout d'abord, qui dans un contexte regrettable de baisse tendancielle de l'aide publique au développement, maintient son effort et consolide sa position de premier donateur mondial en volume, devant la France désormais seconde mais très largement première en Afrique.
Je remercie aussi le PNUD et la Coalition mondiale pour l'Afrique, qui oeuvrent pour que ce continent fasse l'objet de toutes les attentions. Et ceci aujourd'hui ne va pas de soi.
D'abord, parce que la crise financière qui frappe le monde détourne l'attention portée aux problèmes de développement. Ensuite, parce que les conflits qui ont embrasé ou continuent de miner le continent contribuent à la détérioration de l'image de l'Afrique. Mais n'est ce pas précisément à cause de ce contexte peu favorable qu'il était important de nous réunir aujourd'hui pour parler du développement de l'Afrique.
Je le dis parce que l'Afrique fait depuis plusieurs années d'importants efforts pour prendre sa place dans la mondialisation, s'insérer dans le commerce mondial et recevoir des capitaux pour se moderniser et assumer son destin. Mais l'Afrique aspire à entrer dans le champ du partenariat et à quitter celui de l'assistance. Et cette aspiration nouvelle est largement partagée tant par des dirigeants expérimentés que par les nouvelles générations qui arrivent aux affaires en politique, dans l'administration, dans les entreprises.
Je le dis aussi parce que l'Afrique occupe une place particulière en terme d'environnement et de développement durable de la planète : la biodiversité est au sud, les ressources non renouvelables africaines y sont importantes, les problèmes de l'eau s'y posent avec acuité, la gestion des ressources naturelles est sur ce continent un enjeu majeur.
Je le dis, enfin, parce que je suis convaincu que l'Afrique est un continent résolument engagé sur le chemin du changement. J'en veux pour preuve :
- d'abord la croissance qui, en dépit des bouleversements qui secouent la planète, sera en 1998, vraisemblablement supérieure à 4 %, c'est à dire la plus forte au monde ;
- ensuite la gestion plus rigoureuse des finances publiques constatée dans de nombreux Etats ;
- enfin, le renforcement de l'intégration régionale, qui intéresse toutes les parties du continent et qui porte en elle toutes les promesses de développement mais aussi de paix et de sécurité.
Encore faut-il que l'appui de la communauté internationale ne se démente pas :
- que le FMI et la Banque mondiale poursuivent le travail engagé en témoignant d'une meilleure attention aux conséquences sociales des ajustements structurels, surtout dans les jeunes démocraties ;
- que toutes les grandes puissances se retrouvent en Afrique aux côtés de l'Union européenne, qui se prépare à renouveler l'alliance avec les pays ACP.
Encore faut-il que les flux de capitaux privés se dirigent plus massivement vers l'Afrique, où les investissements extérieurs demeurent trop rares, des flux privés qui s'inscrivent dans un système financier international ayant enfin trouvé les voies de la régulation, de la mesure et peut-être de la morale.
Cette Afrique qui a fait le choix de s'intégrer au monde, à son rythme, comme nous l'a rappelé le président Compaore dans son intervention de très haute tenue, je suis heureux qu'elle se montre et s'affirme ici au Japon et en Asie. Parce que si des courants forts existent entre l'Europe et l'Afrique, les échanges Asie-Afrique me paraissent également porteurs d'espoirs. C'est dans cette perspective d'ailleurs que la France, le Japon et la Malaisie comme l'a rappelé à l'instant le Premier ministre Mahathir, se sont engagés à développer une coopération trilatérale en direction de l'Afrique, qui devrait se concrétiser dès le premier trimestre 1999.
Oui je suis optimiste sur le développement de l'Afrique mais je n'en suis pas moins lucide, je sais les obstacles qu'il convient de surmonter. J'aurai l'occasion, demain, de vous faire part de quelques réflexions que m'inspire le thème de la gouvernance. Je veux simplement ce matin rappeler que si le développement de l'Afrique appelle le renforcement d'un secteur privé efficace, il demande dans le même temps le maintien de flux conséquents d'APD vers les secteurs non directement productifs.
Mais je veux ici ajouter et conclure que le maintien de ces flux d'APD n'est pas de la seule responsabilité des donateurs. Il est également de la responsabilité des pays en développement. Car nos actions communes sont jugées par nos opinions publiques respectives en fonction des résultats obtenus. En la matière, Messieurs les chefs d'Etat, les responsabilités seront toujours partagées.
Je vous remercie.
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CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LE DEVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE (TICAD II) INTERVENTION DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE, M. CHARLES JOSSELIN
Tokyo - 19.10.1998
Votre Majesté,
Messieurs les chefs d'Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Le thème de la gouvernance qui se trouve au coeur du plan d'action dont nous débattrons cet après-midi revêt en effet en ces périodes troublées, une importance et une actualité particulières.
D'abord parce que la crise financière qui touche le monde, dans son ensemble, appelle à une réhabilitation du rôle des Etats et par conséquent à une meilleure gouvernance. Cette crise illustre, en effet l'incohérence de ceux qui ont cru que la marche du monde pouvait être confiée aux seuls marchés. Le laisser faire reconnu à quelques uns peut entraîner le laisser aller pour tous les autres. Si je considère que la modernisation est à la fois inéluctable et porteuse de promesses, je crois aussi que les gouvernements doivent être attentifs, ensemble, à en rester des acteurs vigilants, de manière à en réguler le mouvement et les rythmes, et à en atténuer aussi certains effets déstabilisateurs.
C'est d'ailleurs l'un des messages forts du dialogue de haut niveau auquel certains d'entre nous ont participé à New York à la veille de l'ouverture de l'Assemblée générale des Nations unies. Et dans cette perspective je crois au rôle des Etats et de leurs organisations communes.
Pour peu que ces Etats fassent front commun, affichent leur détermination à mettre en place les conditions d'une accélération de la croissance, d'une meilleure répartition des richesses entre les pays et au sein de chacun d'eux entre les différents éléments de la société, les marchés et les flux financiers gagneront en stabilité. Mais ceci appelle des Etats transparents soucieux de l'intérêt commun que nous devons tous en Afrique, nous attacher à servir.
Au demeurant, les mélanges observés trop souvent à l'occasion de la crise dans certains pays asiatiques entre les intérêts de l'Etat et ceux des gouvernants constituent un frein puissant à la mise en oeuvre des remèdes nécessaires.
Par ailleurs, l'initiative individuelle, l'action autonome qui est à la base même de l'économie de marché supposent des citoyens libres et responsables. Elles supposent la démocratie, le pluralisme, l'alternance. Ce sont les règles du jeu mondial, désormais. C'est cela aussi la bonne gouvernance.
Mais la multiplication des conflits, les souffrances subies, les millions de réfugiés jetés sur les chemins, le fardeau des reconstructions ne me paraissent pas étrangers à la mauvaise gestion des Etats en tous cas, au non respect de l'Etat de droit. L'Afrique, l'Europe aussi, certaines régions d'Asie connaissent en ce moment même des conflits graves, meurtriers, où le facteur ethnique exacerbé occulte les autres causes d'affrontement. Je ne nie pas que la cohabitation de peuples d'origines, d'histoire, et de cultures différentes, aux aspirations variées peut ne pas toujours être pacifique mais je crois en même temps aux vertus du dialogue, à la force de la justice, à la primauté du droit.
Tant que des minorités au pouvoir gouverneront à leur seul profit, tant que les aspirations de la société civile seront ignorées voire étouffées, tant que la justice ne sera pas rendue, tant que des valeurs universelles comme les Droits de l'Homme, la liberté d'expression et notamment la liberté religieuse ne seront pas respectées, alors oui il y aura encore place pour des conflits, des guerres, des exactions en tout genre. Pour prévenir ces risques, en diminuer le coût humain et financier, il nous faut progressivement en éliminer les causes. Et je ne dis pas ici qu'il faut mondialiser les modèles démocratiques des pays industrialisés. Je pense, que si certaines valeurs sont universelles, elles peuvent trouver à s'exprimer dans des organisations sociales et politiques différentes, qui sont les témoins de la diversité de nos expériences. Et si mon pays, la France plaide pour la démocratie, c'est qu'elle y voit le moyen le plus sûr d'associer l'ensemble d'une population aux choix qui la concernent, et, ce faisant de mobiliser son énergie et sa volonté pour le bien commun et l'exclusion de la pauvreté.
La pauvreté enfin ne me paraît pas pouvoir durablement être surmontée sans bonne gouvernance. Et en disant cela je ne peux pas ne pas rappeler la déclaration finale sur "la bonne gouvernance et le développement" du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de France et d'Afrique réuni à Ouagadougou en 1996 à l'initiative du président Compaore. Celle-ci invitait, je cite : "à la mise en oeuvre de politiques budgétaires reflétant la priorité donnée à la mise en place des institutions démocratiques, au soutien des programmes de développement social et soucieuses de limiter les dépenses militaires". Ceci est toujours d'actualité et, à l'évidence, plus de dépenses de santé, d'éducation, de ressources en faveur de la justice valent mieux, pour réduire la pauvreté que des dépenses militaires hypertrophiées pour armer et nourrir des soldats trop souvent livrés à eux-mêmes.
En martelant cela je ne veux pas contester le besoin de sécurité tant intérieure qu'extérieure des pays engagés sur les chemins du développement. Je veux, en revanche, souligner qu'il y a des dépenses productives pour le développement et que celles là doivent occuper une place prioritaire dans la stratégie des décideurs. Je veux également attirer l'attention sur l'extrême sensibilité des opinions publiques des pays donateurs sur ces problématiques, partout dans le monde désormais, et dans les pays partenaires du Nord notamment. Je plaide pour que ces sujets soient véritablement pris à bras le corps. Il en va de notre crédibilité et de celle de l'Aide publique au développement. Et je le dis, si nous ne progressions pas sur ce sujet, je crains fort que notre capacité à endiguer la baisse des flux d'APD ne soit durablement atteinte.
Voici Mesdames et Messieurs trop rapidement exposées les quelques réflexions que m'inspirent le thème de notre matinée.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)
Tokyo - 19.10.1998
Messieurs les chefs d'Etat,
Messieurs les Premiers ministres,
Messieurs les Ministres,
Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs,
Au moment où s'ouvre cette deuxième conférence de Tokyo sur le développement de l'Afrique, je tiens à remercier très chaleureusement les organisateurs de cette importante manifestation.
Le gouvernement japonais, tout d'abord, qui dans un contexte regrettable de baisse tendancielle de l'aide publique au développement, maintient son effort et consolide sa position de premier donateur mondial en volume, devant la France désormais seconde mais très largement première en Afrique.
Je remercie aussi le PNUD et la Coalition mondiale pour l'Afrique, qui oeuvrent pour que ce continent fasse l'objet de toutes les attentions. Et ceci aujourd'hui ne va pas de soi.
D'abord, parce que la crise financière qui frappe le monde détourne l'attention portée aux problèmes de développement. Ensuite, parce que les conflits qui ont embrasé ou continuent de miner le continent contribuent à la détérioration de l'image de l'Afrique. Mais n'est ce pas précisément à cause de ce contexte peu favorable qu'il était important de nous réunir aujourd'hui pour parler du développement de l'Afrique.
Je le dis parce que l'Afrique fait depuis plusieurs années d'importants efforts pour prendre sa place dans la mondialisation, s'insérer dans le commerce mondial et recevoir des capitaux pour se moderniser et assumer son destin. Mais l'Afrique aspire à entrer dans le champ du partenariat et à quitter celui de l'assistance. Et cette aspiration nouvelle est largement partagée tant par des dirigeants expérimentés que par les nouvelles générations qui arrivent aux affaires en politique, dans l'administration, dans les entreprises.
Je le dis aussi parce que l'Afrique occupe une place particulière en terme d'environnement et de développement durable de la planète : la biodiversité est au sud, les ressources non renouvelables africaines y sont importantes, les problèmes de l'eau s'y posent avec acuité, la gestion des ressources naturelles est sur ce continent un enjeu majeur.
Je le dis, enfin, parce que je suis convaincu que l'Afrique est un continent résolument engagé sur le chemin du changement. J'en veux pour preuve :
- d'abord la croissance qui, en dépit des bouleversements qui secouent la planète, sera en 1998, vraisemblablement supérieure à 4 %, c'est à dire la plus forte au monde ;
- ensuite la gestion plus rigoureuse des finances publiques constatée dans de nombreux Etats ;
- enfin, le renforcement de l'intégration régionale, qui intéresse toutes les parties du continent et qui porte en elle toutes les promesses de développement mais aussi de paix et de sécurité.
Encore faut-il que l'appui de la communauté internationale ne se démente pas :
- que le FMI et la Banque mondiale poursuivent le travail engagé en témoignant d'une meilleure attention aux conséquences sociales des ajustements structurels, surtout dans les jeunes démocraties ;
- que toutes les grandes puissances se retrouvent en Afrique aux côtés de l'Union européenne, qui se prépare à renouveler l'alliance avec les pays ACP.
Encore faut-il que les flux de capitaux privés se dirigent plus massivement vers l'Afrique, où les investissements extérieurs demeurent trop rares, des flux privés qui s'inscrivent dans un système financier international ayant enfin trouvé les voies de la régulation, de la mesure et peut-être de la morale.
Cette Afrique qui a fait le choix de s'intégrer au monde, à son rythme, comme nous l'a rappelé le président Compaore dans son intervention de très haute tenue, je suis heureux qu'elle se montre et s'affirme ici au Japon et en Asie. Parce que si des courants forts existent entre l'Europe et l'Afrique, les échanges Asie-Afrique me paraissent également porteurs d'espoirs. C'est dans cette perspective d'ailleurs que la France, le Japon et la Malaisie comme l'a rappelé à l'instant le Premier ministre Mahathir, se sont engagés à développer une coopération trilatérale en direction de l'Afrique, qui devrait se concrétiser dès le premier trimestre 1999.
Oui je suis optimiste sur le développement de l'Afrique mais je n'en suis pas moins lucide, je sais les obstacles qu'il convient de surmonter. J'aurai l'occasion, demain, de vous faire part de quelques réflexions que m'inspire le thème de la gouvernance. Je veux simplement ce matin rappeler que si le développement de l'Afrique appelle le renforcement d'un secteur privé efficace, il demande dans le même temps le maintien de flux conséquents d'APD vers les secteurs non directement productifs.
Mais je veux ici ajouter et conclure que le maintien de ces flux d'APD n'est pas de la seule responsabilité des donateurs. Il est également de la responsabilité des pays en développement. Car nos actions communes sont jugées par nos opinions publiques respectives en fonction des résultats obtenus. En la matière, Messieurs les chefs d'Etat, les responsabilités seront toujours partagées.
Je vous remercie.
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CONFERENCE INTERNATIONALE SUR LE DEVELOPPEMENT DE L'AFRIQUE (TICAD II) INTERVENTION DU MINISTRE DELEGUE A LA COOPERATION ET A LA FRANCOPHONIE, M. CHARLES JOSSELIN
Tokyo - 19.10.1998
Votre Majesté,
Messieurs les chefs d'Etat et de gouvernement,
Mesdames et Messieurs les Ministres,
Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
Le thème de la gouvernance qui se trouve au coeur du plan d'action dont nous débattrons cet après-midi revêt en effet en ces périodes troublées, une importance et une actualité particulières.
D'abord parce que la crise financière qui touche le monde, dans son ensemble, appelle à une réhabilitation du rôle des Etats et par conséquent à une meilleure gouvernance. Cette crise illustre, en effet l'incohérence de ceux qui ont cru que la marche du monde pouvait être confiée aux seuls marchés. Le laisser faire reconnu à quelques uns peut entraîner le laisser aller pour tous les autres. Si je considère que la modernisation est à la fois inéluctable et porteuse de promesses, je crois aussi que les gouvernements doivent être attentifs, ensemble, à en rester des acteurs vigilants, de manière à en réguler le mouvement et les rythmes, et à en atténuer aussi certains effets déstabilisateurs.
C'est d'ailleurs l'un des messages forts du dialogue de haut niveau auquel certains d'entre nous ont participé à New York à la veille de l'ouverture de l'Assemblée générale des Nations unies. Et dans cette perspective je crois au rôle des Etats et de leurs organisations communes.
Pour peu que ces Etats fassent front commun, affichent leur détermination à mettre en place les conditions d'une accélération de la croissance, d'une meilleure répartition des richesses entre les pays et au sein de chacun d'eux entre les différents éléments de la société, les marchés et les flux financiers gagneront en stabilité. Mais ceci appelle des Etats transparents soucieux de l'intérêt commun que nous devons tous en Afrique, nous attacher à servir.
Au demeurant, les mélanges observés trop souvent à l'occasion de la crise dans certains pays asiatiques entre les intérêts de l'Etat et ceux des gouvernants constituent un frein puissant à la mise en oeuvre des remèdes nécessaires.
Par ailleurs, l'initiative individuelle, l'action autonome qui est à la base même de l'économie de marché supposent des citoyens libres et responsables. Elles supposent la démocratie, le pluralisme, l'alternance. Ce sont les règles du jeu mondial, désormais. C'est cela aussi la bonne gouvernance.
Mais la multiplication des conflits, les souffrances subies, les millions de réfugiés jetés sur les chemins, le fardeau des reconstructions ne me paraissent pas étrangers à la mauvaise gestion des Etats en tous cas, au non respect de l'Etat de droit. L'Afrique, l'Europe aussi, certaines régions d'Asie connaissent en ce moment même des conflits graves, meurtriers, où le facteur ethnique exacerbé occulte les autres causes d'affrontement. Je ne nie pas que la cohabitation de peuples d'origines, d'histoire, et de cultures différentes, aux aspirations variées peut ne pas toujours être pacifique mais je crois en même temps aux vertus du dialogue, à la force de la justice, à la primauté du droit.
Tant que des minorités au pouvoir gouverneront à leur seul profit, tant que les aspirations de la société civile seront ignorées voire étouffées, tant que la justice ne sera pas rendue, tant que des valeurs universelles comme les Droits de l'Homme, la liberté d'expression et notamment la liberté religieuse ne seront pas respectées, alors oui il y aura encore place pour des conflits, des guerres, des exactions en tout genre. Pour prévenir ces risques, en diminuer le coût humain et financier, il nous faut progressivement en éliminer les causes. Et je ne dis pas ici qu'il faut mondialiser les modèles démocratiques des pays industrialisés. Je pense, que si certaines valeurs sont universelles, elles peuvent trouver à s'exprimer dans des organisations sociales et politiques différentes, qui sont les témoins de la diversité de nos expériences. Et si mon pays, la France plaide pour la démocratie, c'est qu'elle y voit le moyen le plus sûr d'associer l'ensemble d'une population aux choix qui la concernent, et, ce faisant de mobiliser son énergie et sa volonté pour le bien commun et l'exclusion de la pauvreté.
La pauvreté enfin ne me paraît pas pouvoir durablement être surmontée sans bonne gouvernance. Et en disant cela je ne peux pas ne pas rappeler la déclaration finale sur "la bonne gouvernance et le développement" du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement de France et d'Afrique réuni à Ouagadougou en 1996 à l'initiative du président Compaore. Celle-ci invitait, je cite : "à la mise en oeuvre de politiques budgétaires reflétant la priorité donnée à la mise en place des institutions démocratiques, au soutien des programmes de développement social et soucieuses de limiter les dépenses militaires". Ceci est toujours d'actualité et, à l'évidence, plus de dépenses de santé, d'éducation, de ressources en faveur de la justice valent mieux, pour réduire la pauvreté que des dépenses militaires hypertrophiées pour armer et nourrir des soldats trop souvent livrés à eux-mêmes.
En martelant cela je ne veux pas contester le besoin de sécurité tant intérieure qu'extérieure des pays engagés sur les chemins du développement. Je veux, en revanche, souligner qu'il y a des dépenses productives pour le développement et que celles là doivent occuper une place prioritaire dans la stratégie des décideurs. Je veux également attirer l'attention sur l'extrême sensibilité des opinions publiques des pays donateurs sur ces problématiques, partout dans le monde désormais, et dans les pays partenaires du Nord notamment. Je plaide pour que ces sujets soient véritablement pris à bras le corps. Il en va de notre crédibilité et de celle de l'Aide publique au développement. Et je le dis, si nous ne progressions pas sur ce sujet, je crains fort que notre capacité à endiguer la baisse des flux d'APD ne soit durablement atteinte.
Voici Mesdames et Messieurs trop rapidement exposées les quelques réflexions que m'inspirent le thème de notre matinée.
Je vous remercie.
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 3 octobre 2001)