Tribune de Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, et de M. Georg Wilhelm Adamowitsch, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'économie et du travail (Allemagne) dans "Les Echos" le 19 janvier 2004 sur la nécessité de mettre en place une politique commune de compétitivité de l'industrie européenne pour faire face à la concurrence internationale et intitulée : " Faire de l'Europe l'ingénieur de sa propre croissance ! ".

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Faire de l'Europe l'ingénieur de sa propre croissance !
Si l'Europe veut rester demain une grande puissance économique et industrielle, elle doit ouvrir les yeux et regarder le monde tel qu'il est. C'est un monde de défis : avec l'émergence de nouveaux géants industriels, comme la Chine et l'Inde ; avec la poursuite de la révolution numérique, l'évolution et le devenir de nos industries chimiques, pharmaceutiques, textiles et sidérurgiques ; enfin l'essor des biotechnologies ! Dans tous les domaines, face à une concurrence exacerbée, la nécessité d'une véritable politique industrielle européenne devient chaque jour plus évidente. Cette politique, il nous reste maintenant à la concevoir et à la mettre en oeuvre tous ensemble.
Avec la stratégie de Lisbonne, nous nous sommes fixé en Europe l'objectif ambitieux de devenir d'ici à la fin de la décennie l'espace économique le plus dynamique du monde. Le cadre du marché unique, à savoir la liberté de circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux, la libre concurrence, l'harmonisation des normes, et avant tout l'euro, offre un environnement propice à une dynamique économique. Aujourd'hui, face à de nouveaux défis, il nous faut améliorer et moderniser davantage ce cadre. Nous ne le ferons pas en recourant à une politique industrielle d'un autre temps ni en renonçant aux principes de concurrence loyale et d'ouverture des marchés. Mais nous n'accepterons pas non plus que cela entraîne des asymétries et des distorsions de concurrence au détriment de nos entreprises.
Attractivité de nos territoires, recherche et innovation, investissements industriels, grands projets technologiques, nous devons mettre les bouchées doubles pour faire de l'Europe l'ingénieur de sa propre croissance ! Nos pays ne sauraient se résigner plus longtemps à attendre la croissance comme on attend le vent d'ouest !
Conscients de cet impératif incontournable, nous avons souhaité organiser aujourd'hui à Paris ces premières " Rencontres franco-allemandes pour la compétitivité de l'industrie " entre les responsables politiques et industriels de nos deux pays et avec la participation de la Commission européenne.
L'objectif en est clair : dégager les pistes de travail, apporter l'éclairage du terrain à nos réflexions stratégiques, envisager toutes les questions européennes à l'aune de la compétitivité (qu'il s'agisse d'environnement, de concurrence, de fiscalité...). C'est ainsi que nous lutterons encore plus efficacement contre la désindustrialisation. Le moyen est simple : permettre aux professionnels des deux rives du Rhin, industriels, chefs d'entreprise de confronter leurs expériences, leurs méthodes, leurs difficultés, mais aussi de se rencontrer pour développer de futurs partenariats.
Car si les mesures transversales sont utiles, il importe - et nous insistons sur ce point avec la plus grande force - de toujours veiller aux spécificités sectorielles pour élaborer la politique industrielle la plus adaptée et donc la plus utile à l'Europe. Nos réflexions n'ont pas vocation à demeurer franco-allemandes ; elles intéressent tous nos partenaires européens. Loin de tout prosélytisme, ce qui nous rassemble ici aujourd'hui, c'est tout simplement le désir profond de contribuer utilement à la construction permanente de l'Europe.
Nous souhaitons que ces rencontres puissent s'organiser régulièrement entre pays de l'Union, de manière bilatérale. Pourraient en naître, là où cela se justifie, des groupes de travail industriels sectoriels ad hoc, aptes à exercer une veille permanente et à nourrir des propositions intéressant l'ensemble des pays européens en matière de compétitivité. Faisons entendre plus clairement la voix de l'industrie en Europe ! Il y va tout simplement du sort de 45 millions de salariés et de notre place dans le monde.
Il est aussi de notre responsabilité de poser certaines questions : à quelles conditions nos réglementations constituent-elles un facteur d'attractivité pour nos pays ? Comment lutter contre l'apparition d'un " dumping environnemental " chez nos concurrents ? Il nous paraît nécessaire d'examiner systématiquement l'impact économique et industriel de nos réglementations, pour en affiner la conception.
Enfin, si l'amélioration de notre cadre réglementaire est une nécessité, nous devons parallèlement agir ensemble pour soutenir la croissance. A cet égard, nous avons le devoir impérieux d'atteindre les objectifs de l'initiative de croissance que l'Europe a adoptée le 12 décembre dernier. L'engagement du secteur privé doit d'ailleurs accompagner celui des pouvoirs publics.
A l'heure où l'Europe donne des signes encourageants d'embellie économique, la prise de conscience qui se joue ici est essentielle : pour contribuer nous-mêmes à amplifier cette croissance, nous devons mettre l'industrie au coeur de nos préoccupations. Foyer d'innovation, elle porte largement l'avenir de notre économie. Les vieilles rengaines sur la " société post-industrielle " n'ont pas de sens ; la société de demain sera - différemment -, mais tout autant, industrielle que celle d'hier. Il nous incombe de faire en sorte que l'Allemagne, la France et l'Europe tout entière, sachent prendre une place de premier rang dans cette industrie d'avance
(source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 20 janvier 2004)