Interview de M. Nicolas Sarkozy, président de l'UMP, dans "Hautes Pyrénées" du 24 février 2005, sur le bilan de son action au ministère de l'intérieur, son soutien au gouvernement, les augmentations d'impôts locaux au niveau des régions, la campagne de l'UMP pour le "oui" à la constitution européenne et son opposition à l'entrée de la Turquie en Europe.

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Média : Hautes Pyrénées

Texte intégral

QUESTION : Depuis que vous n'êtes plus ministre, le Gouvernement estime qu'il travaille de " manière plus collective ". Cela vous irrite d'entendre cela ?
Nicolas SARKOZY : Ne croyez pas tous les ragots ou au moins ne contribuez pas à leur donner une consistance qu'ils n'ont pas. Pour le reste, j'ai suffisamment d'expérience pour ne pas me détourner de mon travail pour si peu.
QUESTION : Dominique de VILLEPIN va jusqu'à revenir sur vos lois sur les attroupements dans les halls d'immeuble, sur la prostitution ; et Jean-Louis Debré constate que la majorité des décrets d'application de la loi sur la sécurité intérieure n'a pas été publiée. Ce sont des procès d'intention politiciens ou bien vos législations sont-elles défaillantes ?
Nicolas SARKOZY : Les chiffres parlent d'eux-mêmes. J'ai été Ministre de l'Intérieur de Mai 2002 à Avril 2004. Ce sont justement les deux années qui ont vu la délinquance reculer après cinq années de hausses consécutives. Peut-être y suis-je pour quelque chose ? Qu'il reste encore beaucoup à faire, j'en suis le premier convaincu, mais ce que j'ai engagé, a porté ses fruits. Quant aux décrets qu'il reste à publier, ce ne doit pas être le plus difficile à faire. Je suis en revanche opposé à toutes remises en cause s'agissant des halls d'immeuble. J'ai toujours pensé qu'il fallait donner priorité aux victimes plutôt qu'aux agresseurs. Je n'accepte pas que l'on doive baisser la tête pour rentrer chez soi, parce que des voyous occupent le hall de votre immeuble. Et je peux vous assurer que l'élu local que je suis reçoit souvent des témoignages de satisfaction à l'égard de la mesure que j'ai fait adopter.
QUESTION : D'une manière générale, comment jugez-vous l'action du Gouvernement depuis votre départ ? sur les 35 heures, la réforme du système scolaire, l'action économique d'Hervé Gaymard ou sociale de Jean-Louis Borloo ?
Nicolas SARKOZY : Sur les 35 heures, j'ai été heureux de voir voter la proposition de l'UMP. La France ne pouvait continuer à être le seul pays à empêcher le travail. Travailler plus pour gagner plus, c'est une liberté qu'il convenait de rendre aux Français. Quant à la réforme de notre système scolaire, qui peut nier qu'elle est nécessaire ? 80.000 enfants qui passent en 6ème sans savoir lire, écrire, compter : cela méritait que l'on réagisse. Ne nous laissons pas intimider par le cortège habituel des conservateurs et des immobiles.
QUESTION : Vous ferraillez avec la gauche sur l'augmentation de la fiscalité des Régions tenues par des présidents socialistes et tout particulièrement Georges Frêches, chez lequel vous devez aller tenir meeting sur le sujet. Au-delà des mots - il vous a traité de " grand mamamouchi aux talons compensés ". Le Président de Languedoc-Roussillon avance toutefois des arguments (construction de lycées, équipement ferroviaire, etc) pour justifier les 54 % d'augmentation de la fiscalité régionale. Qu'en dites-vous et irez-vous réellement à Montpellier ?
Nicolas SARKOZY : Ce type de propos ne mérite aucune réponse. Nous sommes nombreux à droite comme à gauche à n'avoir que peu de considération pour son auteur. Plus sérieux, en revanche, est la hausse proprement ahurissante de 54 % des impôts des contribuables de la Région Languedoc-Roussillon ; qui peut assumer une telle ponction ? C'est injuste pour des habitants qui sont loin d'avoir une telle augmentation de leurs revenus. Pour le reste, aucun transfert dû à la décentralisation ne rentre en application en 2005.
C'est un point qu'il est aisé à vérifier. Ces hausses sont donc injustes et totalement injustifiées.
QUESTION : Vous avez déjà déclaré que si Jacques Chirac vous appelait à Matignon vous iriez ; êtes-vous dans la même disposition d'esprit si il vous appelle après le référendum ?
Nicolas SARKOZY : Je n'ai rien déclaré à ce sujet. Je laisse à d'autres la politique fiction.
QUESTION : Vous avez déclaré que vous soutiendriez le candidat de droite qui serait le mieux placé pour la présidentielle de 2007. Sur quels critères vous baserez-vous ? La désignation par l'UMP ? Les sondages ?
Nicolas SARKOZY : Il est trop tôt pour en parler dans le détail. La situation politique se décantera tout au long des 2 années qui viennent. Sur le principe, je crois à la démocratie et à la loyauté de procédures connues de tous.
QUESTION : Qu'est-ce qui pourrait vous faire renoncer à être candidat contre Chirac en 2007 ?
Nicolas SARKOZY : Il ne s'agit pas d'être contre qui que cela soit. Je suis Président de notre famille politique. Cela me créé plus de devoirs que de droits. Je dois rassembler et combattre la division. Et je dois faire gagner ma famille politique. Je veux être un facteur d'Union. C'est cela qui me guidera.
QUESTION : Vous ne vous impliquez guère jusqu'à présent pour soutenir la Constitution européenne et vous continuez à parler de la Turquie. Finalement n'êtes-vous pas en train de torpiller le " oui " ?
Nicolas SARKOZY : Je ne vois pas ce qui vous permet de dire cela. Je me battrai de toutes mes forces pour que le OUI à la Constitution européenne triomphe, parce qu'en conscience, je suis convaincu qu'il s'agit de l'intérêt de la France. Quant à la Turquie, j'en parle parce que les Français en parlent. Je n'ai pas l'intention de me laisser impressionner par l'habituelle pensée unique. Je ne crois pas que l'entrée de la Turquie en Europe soit souhaitable. C'est un avis que partage l'immense majorité des élus et des adhérents de l'UMP.
QUESTION : Une victoire du " non " ne ferait-elle pas vos affaires en affaiblissant Chirac ?
Nicolas SARKOZY : C'est mal me connaître que d'imaginer que je suis capable de défendre des idées dans lesquelles je ne crois pas. La victoire du " non " créerait les conditions d'une crise grave en Europe. Elle remettrait durablement en cause le rôle leader de la France en Europe. Je le dis aux Français, ne remettons pas en cause 50 années d'union européenne qui nous ont amené la paix et le développement.
QUESTION : Vous manifestez, depuis des années, un intérêt particulier pour notre Région. Vous venez régulièrement pratiquer le ski de fond à Cauterets, rendre visite à votre ami Jacques Chancel au-dessus d'Argelès-Gazost. Justement, vous n'ignorez pas que cette vallée est agitée par un projet de ferroutage vers l'Espagne. Que pensez-vous de ce projet ?
Nicolas SARKOZY : On ne peut pas ignorer les problèmes posés par le développement des échanges et les risques de saturation des réseaux routiers, aussi bien dans les Alpes que dans les Pyrénées. On ne peut pas non plus ignorer l'urgence des enjeux environnementaux et le souhait légitime des habitants des vallées de vivre dans un cadre préservé ! Il faut envisager toutes les alternatives pour concilier ces deux exigences. Avec de l'imagination, de l'intelligence, le développement des technologies nouvelles, je ne peux pas croire qu'on ne parvienne pas à trouver des solutions conformes à tous les intérêts.
QUESTION : Autre sujet qui inquiète les valléens, la réintroduction massive d'ours slovènes dans le Massif pyrénéen. L'Etat, profitant de la légitime émotion suscitée par la mort de Cannelle, dans les conditions que l'on sait, semble avoir choisi le passage en force au détriment de la concertation avec les gens du pays. Qu'en pensez-vous ?
Nicolas SARKOZY : Cette démarche, que je peux comprendre pour réussir doit être consensuelle. Dans le cas contraire, on additionne les inconvénients, et à l'arrivée on échoue.
QUESTION : Vous êtes pour deux jours à Tarbes, vous allez rencontrer les militants de l'UMP, en gros, qu'allez-vous leur dire ?
Nicolas SARKOZY : J'espère que vos lecteurs seront nombreux à participer à cette rencontre, où j'expliquerai pourquoi je n'accepte ni la fatalité, ni le renoncement, ni l'immobilisme. Je crois que la politique, c'est la capacité à agir, à trouver des marges de manuvre, à résoudre les problèmes des Français.
QUESTION : Enfin, dernière question : tous les Présidents, ou présidentiables, ont eu leur attache rurale, Mitterrand c'était Latché dans les Landes voisines, Chirac la Corrèze, et vous, est-ce que vous choisirez les Hautes Pyrénées pour vous venir vous ressourcer ?
Nicolas SARKOZY : Cela serait assurément une bonne idée. J'aime vos paysages, la simplicité et l'authenticité des femmes et des hommes de ce département, le tourisme simple et bon enfant. Cela fait beaucoup de raisons, mais pour l'instant j'ai la chance de profiter de l'hospitalité de l'ami véritable qu'est pour moi Jacques Chancel.
(Source http://www.u-m-p.org, le 24 février 2005)