Déclaration de M. Michel Barnier, ministre des affaires étrangères, sur le partenariat stratégique de l'Union européenne avec la Russie et le programma nucléaire iranien, Moscou le 21 janvier 2005.

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Circonstance : Voyage en Russie de Michel Barnier les 20 et 21 : participation avec Michèle Alliot-Marie à la 4è session du Conseil de coopération sur les questions de sécurité (CCQS), à Moscou (Russie) le 21 janvier 2005

Texte intégral

Vous le voyez, Mesdames et Messieurs, la liste des sujets dont nous avons discuté, bilatéralement hier, et à quatre aujourd'hui, prouve l'importance de cette réunion. Mes premiers mots seront pour dire que, d'abord, j'ai été très heureux de rencontrer pour la première fois Sergueï Ivanov et pour remercier les deux ministres russes, et leurs collaborateurs, de la qualité, de la franchise du dialogue que nous avons eu pendant ces longues heures.
Ce dialogue à quatre est tout à fait unique. Je crois qu'il n'existe avec aucun autre pays et c'est tout à fait une pièce majeure du dialogue stratégique entre la Russie et la France tel que l'ont souhaité nos deux présidents.
Je voudrais faire juste deux observations sur deux points majeurs. D'abord, l'organisation européenne, l'architecture de sécurité en Europe à laquelle nous avons travaillé : nous recherchons et nous voulons trouver la meilleure façon de développer cette association entre la Russie et la Politique européenne de sécurité et de défense commune. Et, comme pour nos partenaires russes notamment, le modèle, c'est le partenariat qui existe avec l'OTAN, nous avons à expliquer que la politique de sécurité de l'Union européenne n'est pas comparable, ni semblable à l'OTAN. Cela n'est pas la même négociation et, donc, je pense que cette approche-là est bien comprise aujourd'hui. Nous sommes persuadés que nous allons trouver une solution pour ce partenariat opérationnel, y compris pour décider ensemble des opérations et les faire ensemble, dans le cadre de la politique européenne de sécurité commune et de ce partenariat avec la Russie.
Nous avons travaillé, naturellement, et c'est mon deuxième point, sur les grandes menaces transversales, qu'il s'agisse du terrorisme ou de la prolifération des armes nucléaires. Sur l'Iran, depuis le début de la démarche de la troïka européenne, nous sommes en contact et nous travaillons en bonne intelligence avec la Russie, en parlant et en agissant dans le même sens. Et contre le terrorisme, nous sommes décidés à renforcer notre coopération bilatérale et à agir ensemble dans les enceintes multilatérales, notamment au niveau des Nations unies. Nous sommes déterminés à apporter une réponse sécuritaire, par tous les moyens dont nous disposons ensemble, à la menace terroriste, et nous sommes aussi soucieux de combattre les racines du terrorisme, ce dont les réseaux terroristes se nourrissent : des guerres, des conflits régionaux, de l'injustice. Voilà d'ailleurs pourquoi nous avons accueilli, de manière très positive, la décision prise par le président Poutine de nommer M. Kozak pour une réflexion sur le développement socio-économique dans le Nord-Caucase. Nous sommes convaincus, je l'ai dit à la tribune des Nations unies, qu'un monde plus sûr, un monde plus libre, sera d'abord un monde plus juste.
Q - Il y a beaucoup de rapports américains ces derniers jours sur le fait que les Américains ont déjà des forces spéciales, des agents sur le terrain iranien pour effectuer une reconnaissance sur les cibles potentielles pour des raids aériens éventuels. Est-ce que premièrement, vous avez des inquiétudes là-dessus, et deuxièmement, est-ce que vous avez consulté les Américains et quelle a été leur réponse ?
R - Ne me demandez pas de faire des commentaires sur les activités de renseignement de tel ou tel pays. Les Américains sont informés régulièrement, je l'ai fait moi-même à Washington il y a quelques semaines en allant voir et Colin Powell et Condoleezza Rice, de l'état de la négociation que nous avons engagée en toute transparence depuis 15 mois. Je parle de l'Allemagne, de la Grande-Bretagne et de la France, qui agissent en bonne intelligence avec nos vingt-deux partenaires européens, en bonne intelligence avec la Russie, qui je l'ai dit tout à l'heure, agit dans le même sens.
Nous avons informé nos amis américains des résultats concrets, positifs, acquis à la mi-novembre dans cette négociation avec l'Iran. C'est une négociation qui est fragile et nous avançons les yeux ouverts, - nos yeux sont ouverts -, avec ce grand pays. Nous voulons aboutir à un accord politique, parce qu'il n'y a pas d'alternative, de notre point de vue, à cet accord politique, qui prévoit à la fois l'arrêt de toutes les activités d'enrichissement et de retraitement à des fins militaires, - il faut que l'Iran renonce à l'arme nucléaire - et naturellement que, dans le même temps, nous puissions aider ce pays à se développer, y compris pour la production d'énergie, dans les domaines du commerce, de l'industrie et dans son rôle politique. Voilà l'économie générale de ce dialogue que nous avons engagé et que nous poursuivons actuellement. Et, encore une fois, nous informons les Américains, qui ont marqué du scepticisme sur cette négociation. Nous voulons nous donner les moyens de réussir et nous sommes sur ce chemin-là.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 24 janvier 2005)