Interviews de M. François d'Aubert, ministre délégué à la recherche, à Radio Classique le 5 octobre 2004 et à France 2 le 15, sur le budget de la recherche pour 2005, notamment le milliard d'euros supplémentaire pour la recherche publique et privée, le crédit impôt recherche et la recherche développement.

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Média : France 2 - Radio Classique - Télévision

Texte intégral

Radio Classique le 5 octobre 2004
Q- C'est le ministre délégué à la Recherche qui est l'invité de Radio Classique ce matin. Bonjour F. d'Aubert.
R- Bonjour.
Q-Alors, évacuons peut-être au début les choses qui fâchent. Un mot de D. Julia, le député de Seine et Marne qui a mené la mission diplomatique parallèle pour tenter d'obtenir la libération de Chesnot et Malbrunot en Irak, D. Julia est rentré hier à Paris et Libé relance la polémique ce matin : " Oui, l'Elysée et Matignon étaient au courant ".
R- Ecoutez, moi je ne veux pas entrer dans la polémique. Je me réfère à ce qui a été dit et ce qui est de la position du gouvernement, c'est que personne n'était informé sur la mission de monsieur Julia. Il y a beaucoup de fantaisie, souvent, dans ce style de " diplomatie parlementaire ", et je crois qu'il faut faire attention, la vie des otages et en jeu et dans ce genre de sujet, il vaut mieux faire les choses discrètement et faire preuve de prudence.
Q-Donc l'Elysée et Matignon n'étaient pas informés de cette mission.
R- Moi, je vous dis simplement qu'il faut faire preuve de prudence. C'est vrai qu'il y a eu beaucoup d'imprudences de commises du côté de monsieur Julia.
Q-Est-ce que monsieur Julia sera sanctionné au sein de l'UMP ?
R- Ecoutez, je suis membre du Gouvernement. Je ne suis plus membre du groupe parlementaire UMP.
Q-Alors, justement, F. d'Aubert, la rentrée parlementaire c'est pour aujourd'hui, députés et ministre regagnent leurs bancs dès cet après midi et puis il y a le fameux budget 2005, un milliard d'euros supplémentaire consacré à la recherche. Le Gouvernement affirme avoir entendu la mobilisation des chercheurs français ; les principaux concernés et les syndicats, eux, ne l'entendent pas de cette oreille.
R- Il y a un milliard supplémentaire d'euros par rapport à l'année dernière, ce qui est une somme considérable puisque ça représente une augmentation de 10 % de moyens publics consacrés à la recherche publique et, ne l'oublions pas, aussi, pour un tiers environ à la recherche privée car il est logique que l'on marche sur deux pieds.
Q-Privée..., ça va aux entreprises.
R- Oui, ça va... c'est simplement au travers du crédit impôt recherche, qui est non pas un cadeau fait aux entreprises, comme quelquefois je l'entends dire, mais qui est simplement le fait que des entreprises engagent un programme de recherche et que, après, elles peuvent déclarer une partie - c'est d'ailleurs plafonné pour les grandes entreprises, et 8 millions d'euros -, une partie de leurs dépenses au titre du crédit impôt recherche qui vient donc se défalquer de l'impôt sur les sociétés. D'autre part, pour le reste, il y a effectivement les deux tiers qui sont consacrés à la recherche publique au travers des 356 millions budgétaires purs et puis des 350 millions de l'Agence Nationale Future de la Recherche, 350 millions qui viennent de crédits des privatisations, c'est donc bel et bien de l'argent public et c'est, pour l'essentiel, pour des actions nouvelles et donc supplémentaires par rapport à l'année dernière.
Q-Alors, la recherche, le privé, le public et les entreprises, vous allez faire plaisir à monsieur J.-L. Beffa, le président directeur général de Saint-Gobain, qui le déclare : la France doit développer l'industrie à potentiel technologique.
R- Absolument, mais pas uniquement. C'est vrai que la recherche technologique, la recherche finalisée, qui aboutit à des produits, qui aboutit à des nouveaux services, qui aboutit à de la véritable innovation, est indispensable, si on veut tenir la route, dans l'immense défit international, de la compétition internationale, parce que la compétition se joue aussi sur l'efficacité de nos systèmes d'innovation et de recherche et ça c'est tout à fait essentiel parce qu'il y a des puissances montantes, aujourd'hui, en particulier les puissances asiatiques qui ont désormais, déjà, un fort potentiel de recherche et surtout de développement. Il y a les Américains qui consacrent effectivement beaucoup plus que l'Europe à la recherche-développement et il y a l'Europe qui doit réagir au travers, évidemment, de ses principaux piliers en matière de recherche, ce sont les pays comme la France, naturellement, mais aussi l'Allemagne et l'Angleterre.
Q-Monsieur le ministre, vous parliez à l'instant de l'Asie. Le président Chirac s'envole pour l'Asie pour huit jours aujourd'hui, la Chine notamment, c'est l'une de ses grandes étapes. La recherche, la Chine, la médecine, tout ça, vous réfléchissez à ces relations internationales ?
R- Je crois surtout qu'il faut maintenir et renforcer l'attractivité de l'Europe et de la France pour installer des laboratoires de recherche, pour avoir des laboratoires de recherche. Ça se joue sur plusieurs plans, d'abord naturellement sur des injections de fonds publics, ça je crois que c'est indispensable, parce qu'il y a toute cette partie, toute la recherche fondamentale qui, en toute logique, doit être financée - pour l'essentiel de l'essentiel, quasiment à 90 %, 95 % -, par de l'argent public et puis il y a la nécessité de proposer, en particulier aux jeunes chercheurs, des carrières qui soient vraiment attractives, avec des moyens - c'est la grande différence, en fait, entre notre système et le système américain, c'est que aux Etats-Unis on offre une sorte de package aux chercheurs de qualité, qui leur permettent de recruter autour d'eux des équipes. Ça ne se fait pas assez en France, dans nos grands organismes, ça va se faire davantage au travers des sujets, des projets, sur lesquels nous travaillons.
Q-Bon, alors, dans un entretien à La Tribune ce matin, le professeur E.-E. Baulieu, qui préside l'Académie des Sciences et co-préside le C.I.P, le Comité d'Initiatives et de Propositions, commente les grandes orientations du Gouvernement. Il le dit haut et fort : il faut injecter six milliards d'euros pour les chercheurs d'ici à 2007. Que répondez-vous au professeur Baulieu ?
R- Ecoutez, le calcul est assez facile à faire et c'est un calcul que moi-même j'ai déjà fait, et qui a déjà été enclenché cette année puisque nous mettons un milliard supplémentaire qui sera naturellement reconduit - puisque c'est une base -, l'année prochaine, et dans deux ans. Si on rajoute un milliard supplémentaire l'année prochaine et qu'il est reconduit pendant un an encore, après, si on rajoute la troisième année, un milliard supplémentaire, effectivement on arrive aux six milliards. C'est un mode de calcul qui n'est pas tout à fait celui du ministère des Finances, mais c'est un mode de calcul qui me paraît légitime, et une demande de calcul qui me paraît légitime si l'on veut effectivement arriver à ce pourcentage de 3 % qui est une ambition forte, européenne, définie à Lisbonne puis à Barcelone.
Q-Donc vous rencontrez le professeur Baulieu, je crois, le 4 novembre, il vous remettra les conclusions des chercheurs, du Comité d'Initiatives et de Propositions. Vous irez dans le sens de ces propositions. Vous accéderez aux demandes du professeur
Baulieu ?
R- Ecoutez, il n'y a pas uniquement des propositions quantitatives, il y a beaucoup de qualitatif à faire, en particulier sur la recherche universitaire, sur l'évaluation de notre système de recherches, sur l'évaluation des laboratoires, voire sur l'évaluation des chercheurs, sur les carrières des chercheurs. Donc il y a énormément de sujets qui vont être évoqués à ce moment là en vue de la loi d'orientation et deprogrammation qui devrait intervenir au cours du premier semestre 2005.
Q-Et puis il y a la création de l'ANR, l'Agence Nationale pour la Recherche, normalement. Elle est sensée être opérationnelle au 1er janvier prochain.
R- Nous avons voulu mettre dedans 350 millions d'euros supplémentaires, c'est-à-dire que les programmes qui étaient aujourd'hui financés par le fonds de la recherche et le fonds de la technologie, vont continuer, pour ceux qui ont été engagés, à être financés par ces deux fonds qui vont subsister pendant un certain temps. Et avec ces 350 millions nouveaux, qui retomberont, qui reviendront, chaque année, on pourra lancer des programmes incitatifs, dans des domaines qui seront sans doute, non pas vraiment ciblés, mais par exemple, c'est-à-dire en 2005, nous souhaitons travailler en matière de recherche biomédicale sur trois ou quatre sujets qui sont de grande importance. Naturellement, sur le cancer, sur les neurosciences, mais aussi sur les maladies métaboliques, sur les maladies orphelines, c'est déjà pas mal, mais c'est-à-dire que nous allons mettre l'accent sur ces domaines sans pour autant faire un pilotage public de la recherche parce que naturellement la liberté du chercheur est quelque chose de fondamental.
Q-Ce sont les véritables nouveautés du budget que vous offrez à travers le budget 2005 ?
R- Ecoutez, on offre également...
Q-Qu'est-ce qu'il a de nouveau, ce budget ?
R- Alors, les nouveautés, dedans il y a d'abord des postes d'accueil, il y a 200 postes d'accueil qui sont créés et qui sont des postes sous contrat, mais qui vont permettre d'attirer des jeunes, des chercheurs étrangers, parce qu'il faut beaucoup de brassage dans la recherche, et qui apporteront, probablement, des hommes ou des femmes, de grande qualité, dans les laboratoires. Il y a des mesures qui sont prises en faveur de l'innovation, puisque les pôles de compétitivité qui vont donner lieu à des abaissements de charges et d'impôts sont compris dans les, je disais tout à l'heure, 300 millions pour le crédit d'impôt recherche, en réalité à l'intérieur il y a 235 pour le crédit d'impôt recherche et 65 millions pour les pôles de compétitivité. Les pôles de compétitivité c'est indispensable, de pouvoir faire travailler mieux ensemble les universités, les établissements de recherche et naturellement les entreprises.
Q-Alors, dans un tout autre domaine, il y a un dossier qui fait l'actualité, c'est peut-être un pôle de compétitivité aussi, du côté du Sud Est, c'est le projet ITER, le réacteur de fusion nucléaire. Le site de Cadarache, dans le Sud, est sur les rangs pour l'accueillir, " il tient la corde ", avez, vous-même, déclaré la semaine dernière, froissant au passage le Japon qui est lui aussi candidat. En quoi le site de Cadarache tient-il la corde, F. d'Aubert ?
R- Premièrement, objectivement, et ça a été démontré par un rapport technique, il est nettement meilleur que le site japonais. Sur neuf critères il y en a huit qui sont en faveur du site de Cadarache.
Q-Des critères objectifs ?
R- Ah, oui, des critères techniques, je veux dire, vraiment, sérieusement. En plus, à Cadarache, il y a une grande habitude de gérer ce genre de questions puisque c'est déjà un grand centre français et européen. La deuxième condition favorable, aujourd'hui, c'est qu'il y a un accord européen très fort avec les Russes et les Chinois, pour élargir cette coopération internationale, parce que ITER c'est une opération internationale, puisque, en plus, l'Inde, le Brésil et la Suisse, sont prêts
à nous rejoindre...
Q-Alors, la France est soutenue par l'Union européenne, évidemment, la Chine, la Russie... Pour sa part, le Japon, lui, a pour partenaires les Américains.
R- Oui, mais ça reste ouvert...
Q-C'est une autre paire de manches.
R-... c'est-à-dire que la commission a reçu un mandat, et c'est pour ça que c'est important, jusqu'à la fin du mois de novembre, pour refaire un tour de piste auprès du Japon, des Etats Unis et de la Corée, et puis si ce tour de piste s'avère négatif, à ce moment là il y aura une décision définitive qui sera prise à la fin novembre, au prochain Conseil compétitivité, pour ITER à Cadarache. C'est pour ça que ça me permet d'être confiant.
Q-Confiant, très confiant. Eh bien on aura certainement l'occasion d'en reparler. Rapidement, monsieur le ministre, pour terminer, dans deux heures environ vous vous rendrez avec le ministre de la Santé, P. Douste-Blazy, à l'unité de fécondation in vitro dirigée notamment par le professeur Friedmann à l'hôpital Antoine Béclère de Clamart. Qu'allez-vous faire là-bas ? Il y a du nouveau du côté de la recherche, notamment autour de la loi sur la bioéthique.
R- Alors, la loi sur la bioéthique demande un certain nombre de décrets d'application ou d'arrêtés d'applications. Avec P. Douste-Blazy, nous venons d'en prendre un ensemble sur la recherche et à propos des cellules souches embryonnaires dans un cadre très limité qui est une possibilité d'importation de ces souches pendant 5 ans. Donc là, nous allons voir, non pas des souches embryonnaires humaines mais des souches embryonnaires animales, uniquement pour faire de la recherche. En même temps va être mise en place la commission biomédecine, qui, au cas par cas, donnera ou ne donnera pas les autorisations d'importation et placera tout cela sous surveillance dans le cadre de la loi bioéthique qui, je le rappelle, interdit totalement le clonage reproductif qui est un crime, et le clonage thérapeutique, c'est un délit.
Merci beaucoup, F. d'Aubert, ministre délégué à la Recherche. Bonne journée.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 6 octobre 2004)
France 2 le 15 octobre 2004
Q- Avec F. d'Aubert ce matin, nous allons parler de fête et nous allons parler de science, puisque ce week-end se termine la Fête de la science - "Science en fête", dans la version précédente. Alors qu'est-ce qui va se passer tout au long de ces jours de fin de semaine ?
R- C'est un grand moment il y a des centaines de milliers, peut-être des millions, mais surtout des centaines de milliers de personnes, d'enfants, de tous les âges qui vont aller dans les villages de la science, qui vont aller dans des laboratoires qui sont ouverts, des laboratoires universitaires, des laboratoires du CNRS, de l'INSERM, des Observatoires, des lieux où se fait la science tous les jours. Et ils pourront discuter avec des chercheurs, se faire expliquer comment cela marche, d'où on vient, où on va, parce que c'est aussi ça la science...
Q- Oui, quelles sont les grandes questions, l'effet de serre, des choses comme ça !
R- C'est naturellement la préparation de l'avenir, les grandes questions et les avancées de la science. Et puis en même temps, il y a un côté très ludique. Par exemple, au Jardin du Luxembourg, il y a le grand village de la science à Paris. Il va y avoir un appareil qui permet de simuler le vol d'un A380, donc on va pouvoir s'amuser aussi.
Q- Les enfants pourront monter dans le simulateur de vol ?
R- Oui, oui absolument.
Q- Ah oui, cela va avoir beaucoup de succès ça. Il y a en effet une sensibilité, un souci particulier dans les écoles autour de la science avec toutes ces nouvelles matières que l'on apprend maintenant ?
R- Il y a un sondage qui dit qu'à dix ans, vous avez à peu près 50 % des enfants qui ont envie ou qui rêvent d'être chercheur...
Q- Ou cosmonaute !
R- Oui, cosmonaute, enfin, dans la technologie, etc. Et puis à 18 ans, vous n'en avez plus que 5 %.
Q- Mais alors c'est un principe de réalité, c'est parce que c'est trop
dur ?
R- ...Je ne sais pas, je crois qu'il faut que la culture scientifique se diversifie, que la science se montre autrement. Et puis en même temps, par rapport aux progrès, c'est vrai qu'il y a des interrogations beaucoup plus fortes qu'il y a quelques années. Donc, il ne faut non pas lever les doutes en ayant des explications à l'emporte pièce, mais bien montrer que la science est quelque chose de subtil. Ce sont des progressions de la connaissance qui se font souvent lentement et puis, il peut y avoir tout d'un coup, un saut technologique. Cela bouleverse, cela bouscule les habitudes quand elle est appliquée. Donc tout ça il faut l'expliquer, et donner une image encore plus positive de la science, parce que c'est indispensable. La science, après c'est l'innovation, c'est en même temps, c'est le progrès de la connaissance, donc cela ne peut que rendre heureux les sciences, normalement.
Q- F. d'Aubert l'an dernier on a assisté à quelques mouvements de contestation, d'émotion des chercheurs français qui se plaignaient beaucoup...
R- Oui, en début d'année, encore !
Q- Oui, en début d'année encore qui se plaignaient beaucoup de voir leur budget grignoté, mangé, insuffisant, qui trouvaient qu'ils n'avaient pas les moyens de travailler tout simplement et qui avaient le sentiment que l'on remettait en cause un peu leur travail. Alors où en est-on de tout ça, est-ce que vous êtes arrivé, d'abord à récupérer suffisamment d'argent dans ce budget et puis, à assurer le dialogue avec les chercheurs ?
R- J.-P. Raffarin avait promis qu'il y aurait 1 milliard d'euros de plus dans le budget 2005 pour la science et que ce ne serait qu'un premier pas, puisqu'il y aura 3 milliards supplémentaires en trois ans. C'est ce qui est dans le budget 2005. Il y a 1 milliard de plus qui va permettre aux laboratoires d'avoir des moyens supplémentaires, amplifiés, en moyenne plus 7 % pour chaque laboratoire. On crée également une Agence nationale de la recherche qui va permettre de financer des projets dans des domaines qui sont très importants : sur la santé, sur les thérapeutiques, mais sur ce qu'on appelle aussi les " Stics " c'est-à-dire tout ce qui est télécommunication, informatique, c'est un peu les locomotives de la croissance tout ça.
Q- Et ces projets là seront des projets publics, privés par exemple ?
R- Les deux tiers du milliard supplémentaire vont aller sur des laboratoires publics. Mais cela n'empêche pas qu'il puisse y avoir des entreprises - ça c'est le troisième tiers - qui fassent également faire de la science dans des laboratoires publics et aussi évidemment en interne chez elles. Donc ça aussi on en a besoin, on a besoin que nos entreprises s'investissent davantage dans la recherche, c'est peut-être aussi une de nos faiblesses par rapport à la compétition mondiale qui est gigantesque.
Q- Parce que les entreprises à l'étranger font beaucoup effectivement de budgets de recherche et développement.

pays asiatiques qui sont en train, vraiment d'émerger en science et en
technologie, même des pays comme la Corée, comme Singapour. L'Allemagne par exemple, les entreprises allemandes investissent plus dans la recherche que les entreprises françaises.
Q- Il y avait eu à l'époque une sorte de polémique aussi sur l'efficacité de certaines recherches, notamment au CNRS. Les chercheurs dans certaines matières s'étaient sentis un peu mal aimés. Il va y avoir dans le projet d'états généraux qui discutent effectivement, une évaluation des performances de chacun, ou ce n'est pas l'idée ?
R- La France est un grand pays de recherches, donc il est normal que l'on couvre l'ensemble du spectre : c'est des sciences humaines, mais c'est aussi les sciences dites dures, la physique, la chimie, les biotechnologies etc. Ce qui est important dans la compétition mondiale et pour la crédibilité de la science et de la recherche, c'est d'avoir un niveau d'excellence dans le plus de domaines possible, dans le plus de laboratoires possible. Et en même temps, pour que cette excellence soit objective en quelque sorte, qu'il y ait une évaluation qui soit faite en permanence, des chercheurs, des laboratoires et des systèmes de recherche et d'innovation.
Q- Donc ça, vous arriverez à ces conclusions quand, à peu près ?
R- Il y a les états généraux qui se préparent entre chercheurs. A Grenoble, il va y avoir une grande journée, un grand week-end à la fin du mois d'octobre, des conclusions et le rapport des professeurs Brézin...
Q- Et Baulieu !
R- Voilà...et qui vont servir de base à la réflexion gouvernementale, au texte gouvernemental. Il y aura peut-être des compléments à apporter, nous pensons en particulier que sur l'Europe, il faut vraiment insister, sur la dimension européenne de la recherche et puis aussi sur la recherche technologique et sur les relations entre la recherche privée et la recherche publique.
Q- Alors justement, la dimension européenne, on est au cur du débat avec la grande question autour de ITER, le nouveau réacteur à fusion thermonucléaire. Vous me direz à quoi cela sert dans quelques instants. L'idée c'est de savoir si oui ou non on l'installe en France, à Cadarache, le Japon est candidat. Il y avait un peu tension entre les deux pays. Aujourd'hui on a le sentiment et vous l'avez dit, que la Communauté scientifique est plutôt pour le site de Cadarache c'est ça ?
R- Oui, très nettement, c'est une communauté d'à peu près 4.000
chercheurs dans le monde.
Q- Oui, parce que la fusion thermonucléaire, il n'y a pas grand monde qui la pratique couramment.
R- Oui, c'est une spécialité, mais cela veut dire quoi ? Cela veut dire que c'est l'énergie d'après demain, c'est la nouvelle électricité de 2030 ou de 2040, mais j'ai l'impression qu'on a besoin d'anticiper.
Q- C'est quoi c'est un réacteur dans lequel on met...
R- En gros, c'est deux atomes d'hydrogène qui s'entrechoquent, qui dégagent de l'énergie, donc tout ça est très bien maîtrisé, c'est très peu polluant et en même temps cela peut donner l'équivalent d'énergie du choc de deux étoiles, vous voyez ! Donc il y a beaucoup de choses à maîtriser encore, y compris sur le plan technologique, des matériaux etc. Cadarache c'est bien parti. Il y a une forte position européenne en faveur de Cadarache de la part de la Russie et de la Chine aussi. Donc on a une coopération internationale forte qui se dessine...
Q- Mais on dit que les Américains pourraient freiner un peu le projet.
R- Alors il y a les Japonais, les Américains et les Coréens qui sont mis un petit peu à part puisqu'ils défendent ce site japonais - mais ce site objectivement, il n'y a pas photo, est moins bon que Cadarache sur des tas de questions techniques... Donc on voudrait qu'ils reviennent, que les Japonais, les Américains et les Coréens reviennent sur Cadarache.
Q- Certains esprits mal intentionnés, direz-vous, disent que si on acceptait de retraiter le plutonium américain qui arrive et qui fait jaser, c'est justement disons, pour obtenir une sorte de marché avec les Américains. On retraite leur plutonium, en échange de quoi ils nous laissent Cadarache.
Honnêtement il n'y a pas de liens. Ce n'est pas la même chose dans le temps. Cadarache, ITER, c'est vraiment de la coopération scientifique qui va durer pendant très longtemps. L'affaire du plutonium, là, c'est de la reconversion de plutonium militaire pour le mettre dans des centrales actuelles ou un peu plus évoluées aux Etats-Unis. Donc il n'y a pas vraiment de lien.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 15 octobre 2004)