Texte intégral
Monsieur le Président, Cher Henri
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Mon cher Henri, avant toute chose, je voudrais m'adresser à toi, au syndicaliste et à l'ami.
Je voudrais t'exprimer tout le soutien de la FNSEA, et mon soutien personnel, dans l'épreuve injuste que tu traverses.
Et je veux rappeler ici tout ce que tu as fait non seulement pour le secteur des céréales mais aussi pour l'agriculture toute entière.
Tout cela tu l'as fait par esprit de devoir sans songer un seul instant à ton intérêt personnel.
Tu as milité pour le bien commun et l'intérêt général.
Comme tu l'as si bien dit à notre congrès du Grand-Bornand, avec des mots qui ont touché le cur et la raison des congressistes, le procès qui nous est intenté aujourd'hui, est un procès à l'histoire, un procès à la solidarité.
Je le répète, je suis parfaitement serein : laissons la justice faire son travail et la baudruche va se dégonfler.
Le malheur, c'est qu'en attendant, certains en profitent pour calomnier des dirigeants et collaborateurs irréprochables, qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes à notre combat commun. Je sais combien ces attaques injustes les meurtrissent.
À eux tous, je veux redire ici qu'ils n'ont fait que leur devoir, avec droiture, dans le seul souci de défendre les paysans.
Et je veux les assurer, à eux et à leur famille, de notre soutien et de notre amitié.
Si tout ce que nous avons enduré depuis quelques mois a une vertu, c'est de nous rapprocher encore plus, de nous rendre encore plus solidaires. La présence à cette tribune d'Eugène Schaeffer et de Pierre Chevalier en porte témoignage.
En revanche, ce qui me blesse le plus profondément, c'est que le coup nous soit porté par d'autres agriculteurs.
Des gens qui se disent responsables, et qui n'hésitent pas, pour satisfaire leurs ambitions, à salir d'autres responsables, à porter le fer contre Unigrains, contre Sofiprotéol, contre les interprofessions, contre tous ces outils qui constituent l'armature et qui font la solidité de notre agriculture.
On a le droit d'être en désaccord. Je comprends que le débat puisse être rugueux entre des organisations qui n'ont pas la même conception de l'agriculture.
Mais quand avez-vous vu que les syndicats de salariés, pourtant divisés et rivaux, se traînent devant les tribunaux ? Jamais !
Ils se disputent, parfois ils s'invectivent, mais ils respectent un code de bonne conduite qui leur interdit d'aller se faire arbitrer par un juge. Que des syndicalistes poursuivent devant les tribunaux d'autres syndicalistes, ça me fait mal au cur ! Et quelle image donnent-ils de l'agriculture au moment où il faudrait, plus que jamais, se serrer les coudes !
D'autant plus que ces outils qu'ils veulent détruire ont démontré leur efficacité.
[Les outils professionnels]
Lorsque nous nous sommes battus l'an dernier contre les ponctions injustifiables opérées sur les réserves d'Unigrains, nous avions dit que ces réserves étaient essentielles en cas de coup dur économique ou climatique. Le Gouvernement a refusé de nous entendre.
Nous ne pensions pas, hélas, que les faits nous donneraient raison si vite.
Quelques semaines plus tard, s'abattait sur la France une sécheresse exceptionnelle.
Si nous avions eu alors les réserves nécessaires, les Pouvoirs publics n'auraient pas passé des mois à la recherche des quelques fonds indispensables au financement de l'opération Paille.
Voilà pourquoi nous avons besoin d'Unigrains, comme nous avons besoin d'Intercéréales, l'interprofession que vous venez de créer pour promouvoir les céréales, en France comme à l'étranger.
La FNSEA a bataillé à vos côtés pour que les dispositions relatives à la représentativité syndicale ne s'appliquent pas aux interprofessions.
Si nous l'avons fait, c'est pour deux raisons :
- d'abord, il s'agit d'organismes de droit privé, constitués entre des personnes qui ont envie de travailler ensemble, et ce n'est pas à l'État de décider des personnes qu'il faut inviter à une réunion privée ;
- ensuite, le fonctionnement des interprofessions repose sur le principe de l'unanimité. En introduisant des rivalités syndicales en leur sein, on les condamnerait à l'inefficacité.
Vous savez que j'attache une grande importance aux interprofessions. J'ai consacré la majeure partie de ma vie syndicale à mettre en place ces organisations. Et je peux témoigner combien elles permettent de doter l'agriculture d'outils performants.
A condition que monsieur Monti ne nous mette pas des bâtons dans les roues. En condamnant notre action en faveur des producteurs de viande bovine, la Commission fait planer une menace mortelle sur nos actions partenariales.
Pour la Commission, et je cite sa décision, " convenir d'un prix minimum d'achat sort des limites de l'action syndicale légitime ".
Vous le voyez, l'enjeu de notre recours devant le tribunal des communautés européennes va bien au-delà de l'accord d'octobre 2001 sur la viande bovine : l'enjeu, c'est l'existence même de l'action de nos organisations syndicales et l'avenir de nos interprofessions.
Non seulement il faut maintenir mais il faut aussi renforcer ces actions partenariales et développer les politiques contractuelles pour mieux valoriser nos productions.
Je prendrai deux exemples. Celui des biocarburants tout d'abord et celui de la grande distribution ensuite.
[Les biocarburants]
Les agriculteurs, et particulièrement les céréaliers, se sont lancés dans la production d'énergies renouvelables.
Vous avez développé la filière éthanol, vous êtes prêts à en fournir en quantité pour l'incorporer dans les carburants fossiles.
Vous avez démontré les avantages, économiques et environnementaux, de l'éthanol et de l'ensemble des biocarburants.
Ces avantages sont reconnus et bien compris par l'ensemble des citoyens mais aussi par l'Union européenne qui a adopté deux directives favorisant l'utilisation des biocarburants.
Et en France, on attend sans doute que le baril de pétrole atteigne les 100 dollars pour être convaincus de l'utilité des biocarburants !
On nous annonçait depuis quelque temps, une " grande " loi sur l'énergie. Et effectivement, on nous propose une loi d'orientation sur l'énergie.
Mais quelqu'un au ministère de l'Industrie a certainement fait une faute de frappe en présentant le projet qui devrait plutôt s'intituler loi d'orientation sur l'énergie... nucléaire !
Il n'y avait pas une ligne sur les directives européennes et c'est à peine si le mot " biocarburant " apparaissait au détour d'une phrase.
Nous avons mené une action syndicale, nous avons discuté avec les parlementaires. Et l'Assemblée nationale a intégré nos propositions en faveur des biocarburants.
Mais il reste encore à traduire en acte ce qui se limite pour l'instant à de l'incantatoire.
Le développement des biocarburants représente une chance pour l'agriculture, comme il représente une chance pour l'environnement et pour la préservation de notre indépendance énergétique.
Ne renouvelons pas, en matière de biocarburant, l'erreur historique que nous avons faite dans les années 60 en matière de protéines.
Il faut une volonté politique forte pour vaincre certaines résistances, pour mobiliser tous les acteurs, pour faire connaître à l'opinion publique l'importance de ce choix stratégique.
Si organiser une filière, c'est permettre d'avancer sur des dossiers comme celui des biocarburants, c'est aussi ne pas reculer en abandonnant à la Grande distribution la majeure partie de la valeur ajoutée.
[La Grande distribution]
Dans tous les départements, la FNSEA a mobilisé ses militants pour faire barrage contre les pratiques commerciales de la Grande distribution. Mardi 25 mai, de multiples actions ont été menées, certains dans cette salle y ont certainement participé.
Nous avons besoin d'être forts et unis sur cette question. Des sanctions sont prononcées à l'encontre de certaines enseignes mais les pratiques ne cessent pas pour autant, et de nouvelles techniques sont inventées pour pressurer toujours plus les fournisseurs.
Dans cette affaire, ne laissons pas le Gouvernement se concentrer uniquement sur la baisse des prix payés par le consommateur pour améliorer son pouvoir d'achat. La suppression des marges abusives peut permettre, non seulement de réduire les prix payés par le consommateur, mais aussi d'accroître les prix payés aux producteurs.
Même si certains nous le contestent, les problèmes liés à la distribution concernent directement les agriculteurs.
C'est la raison pour laquelle la FNSEA participe aujourd'hui même à une réunion de travail organisée par le ministère de l'Économie et des Finances.
Ce que nous attendons aujourd'hui, au-delà de l'amélioration des pratiques commerciales, c'est que les agriculteurs retrouvent les prix et la valeur ajoutée de leur produits.
[Gaucho, Fipronil et OGM]
Avant de passer à la politique agricole commune, je voudrais évoquer en quelques mots ce dossier du Gaucho mais en le traitant sous un angle général.
Le gaucho, le fipronil, ou encore les OGM préoccupent, à juste titre, les citoyens et les consommateurs.
Et ils sont d'autant plus préoccupés que les médias se font l'écho d'avis scientifiques divergents.
Et force est de constater qu'on donne plus souvent la parole aux plus catastrophistes d'entre eux, comme le fameux professeur Belpomme par exemple, qui fustige les pesticides, les engrais et la chimie en général.
Et si vous m'autorisez un mauvais jeu de mots, je refuse que les agriculteurs soient les bonnes poires de ce monsieur Belpomme.
Il est temps que les Pouvoirs publics se dotent d'outils scientifiques fiables et indépendants pour rendre des décisions politiques incontestables sans avoir à céder aux campagnes médiatiques de tel ou tel groupe de pression.
On pourrait commencer par écouter ce qui disent l'AFSA et l'AFFSE ainsi que l'Agence européenne de sécurité sanitaire.
Car il est inconcevable qu'un produit soit nuisible ici et bénéfique ailleurs. Les abeilles belges méritent les mêmes attentions que les abeilles françaises !
Sans être des prix Nobel de chimie, nous savons que nous devons rester vigilants à la qualité et aux quantités de produits fertilisants et de traitement que nous utilisons.
Nous sommes des paysans. Notre mission c'est d'offrir au consommateur une alimentation qui a du goût et une alimentation dont on est sûr.
Une alimentation qui a du goût, c'est à dire une offre diversifiée, ancrée dans les terroirs, fondée sur des savoir-faire ancestraux.
Une alimentation dont on est sûr. A aucun moment et dans aucun pays nous n'avons disposé d'une nourriture aussi variée, équilibrée et sécurisée qu'en France aujourd'hui.
Les agriculteurs ne doivent pas faire les frais des querelles entre scientifiques.
Ils font déjà assez les frais de la grande saga bureaucratique de la Commission européenne.
[La PAC]
L'an dernier, lors de votre congrès, nous avions discuté ensemble des premiers éléments de la réforme de la PAC. Depuis, la France a choisi une application en 2006 et s'est orientée vers le recouplage partiel.
Les promoteurs de la réforme de la PAC prétendaient qu'elle allait simplifier la vie des paysans.
Le 18 mai dernier, lors de la réunion du CSO (Conseil Supérieur d'Orientation) le ministre de l'Agriculture a présenté les modalités d'application de la réforme de Luxembourg en France.
Ce jour-là, les masques sont tombés.
- Les droits à paiement réussissent le miracle de concilier l'ultra-libéralisme et l'extrême complexité
- La conditionnalité des aides va se traduire par un hymne à la paperasse et des avalanches de contrôle
Cette réforme, à laquelle nous n'avons cessé de nous opposer, risque de conduire à l'élimination des plus fragiles et à la fragilisation des autres.
Chaque détail de l'application de cette réforme doit être évalué avec précision. Il ne faut rien laisser passer.
Nous avons demandé que toutes les marges de manuvre soient explorées et utilisées pour alléger un fardeau déjà bien chargé par les obligations, déclarations et charges en tout genre.
Et ce qui m'inquiète beaucoup, avec cette réforme, ce sont les distorsions de concurrence qu'elle risque d'entraîner. Alors j'ai demandé au ministre de l'Agriculture de mettre en place un observatoire des règles de concurrence.
[L'OMC - Le Mercosur - Les négociations internationales]
Après une mauvaise réforme de la PAC, on pourrait bien connaître de nouveaux déboires si on laissait faire les Laurel et Hardy de l'agriculture, c'est à dire les commissaires Fischler et Lamy
Avec ce couple infernal aux manettes, c'est le marché européen qui est en danger.
En faisant du bilatéral avec le Mercosur avant d'engager le multilatéral à l'OMC, on va payer 2 fois, 3 fois avec Luxembourg.
En éliminant, sans contrepartie, les restitutions, on ouvrira la porte à des productions provenant de pays tiers et on importera des baisses de prix.
En permettant au Mercosur d'envahir l'Europe avec l'éthanol brésilien, on étouffera une filière qui ne demande qu'à prendre son essor.
En ne discutant que des volumes, on oublie les aspects non commerciaux.
L'agriculture européenne aura bien du mal à se relever de ces multiples concessions.
Et les consommateurs européens, eux, n'y gagneront rien. Sinon de trouver dans leur assiette des aliments à l'origine vague, produits dans des conditions environnementales et sociales bien éloignées de celles que nous appliquons.
Monsieur Lamy n'est pas un expert de la négociation, c'est pour moi un expert de la concession.
Peut-être parce que ce que privilégie le " Professeur " Lamy, ce n'est pas la négo, c'est son égo !
[Conclusion]
Monsieur le Président, Cher Henri
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Dans quelques jours, les français vont élire leurs représentants au Parlement européen. La FNSEA est présente dans cette campagne pour expliquer notre vision de l'Europe.
Et surtout pour rappeler la nécessité de défendre le modèle agricole et alimentaire européen. Pour défendre la préférence communautaire. Pour réaffirmer la souveraineté alimentaire.
Les paysans ont été aux avant postes de la construction européenne et ils continuent de croire en ses valeurs.
Reste à l'Europe à continuer de croire en son agriculture.
Mes amis,
En ces temps difficiles, plus que jamais, nous devons agir dans l'unité et dans la solidarité.
Refusons les manuvres et les pièges qui tendent à nous diviser.
Jusqu'à ce jour, nous avons tenu bon, nous sommes restés unis et solidaires.
Je suis sûr que nous continuerons de le faire, grâce à l'ensemble de nos organisations, de nos responsables et de nos militants.
Je vous remercie.
(source http://www.fnsea.fr, le 5 juillet 2004)
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Mon cher Henri, avant toute chose, je voudrais m'adresser à toi, au syndicaliste et à l'ami.
Je voudrais t'exprimer tout le soutien de la FNSEA, et mon soutien personnel, dans l'épreuve injuste que tu traverses.
Et je veux rappeler ici tout ce que tu as fait non seulement pour le secteur des céréales mais aussi pour l'agriculture toute entière.
Tout cela tu l'as fait par esprit de devoir sans songer un seul instant à ton intérêt personnel.
Tu as milité pour le bien commun et l'intérêt général.
Comme tu l'as si bien dit à notre congrès du Grand-Bornand, avec des mots qui ont touché le cur et la raison des congressistes, le procès qui nous est intenté aujourd'hui, est un procès à l'histoire, un procès à la solidarité.
Je le répète, je suis parfaitement serein : laissons la justice faire son travail et la baudruche va se dégonfler.
Le malheur, c'est qu'en attendant, certains en profitent pour calomnier des dirigeants et collaborateurs irréprochables, qui ont donné le meilleur d'eux-mêmes à notre combat commun. Je sais combien ces attaques injustes les meurtrissent.
À eux tous, je veux redire ici qu'ils n'ont fait que leur devoir, avec droiture, dans le seul souci de défendre les paysans.
Et je veux les assurer, à eux et à leur famille, de notre soutien et de notre amitié.
Si tout ce que nous avons enduré depuis quelques mois a une vertu, c'est de nous rapprocher encore plus, de nous rendre encore plus solidaires. La présence à cette tribune d'Eugène Schaeffer et de Pierre Chevalier en porte témoignage.
En revanche, ce qui me blesse le plus profondément, c'est que le coup nous soit porté par d'autres agriculteurs.
Des gens qui se disent responsables, et qui n'hésitent pas, pour satisfaire leurs ambitions, à salir d'autres responsables, à porter le fer contre Unigrains, contre Sofiprotéol, contre les interprofessions, contre tous ces outils qui constituent l'armature et qui font la solidité de notre agriculture.
On a le droit d'être en désaccord. Je comprends que le débat puisse être rugueux entre des organisations qui n'ont pas la même conception de l'agriculture.
Mais quand avez-vous vu que les syndicats de salariés, pourtant divisés et rivaux, se traînent devant les tribunaux ? Jamais !
Ils se disputent, parfois ils s'invectivent, mais ils respectent un code de bonne conduite qui leur interdit d'aller se faire arbitrer par un juge. Que des syndicalistes poursuivent devant les tribunaux d'autres syndicalistes, ça me fait mal au cur ! Et quelle image donnent-ils de l'agriculture au moment où il faudrait, plus que jamais, se serrer les coudes !
D'autant plus que ces outils qu'ils veulent détruire ont démontré leur efficacité.
[Les outils professionnels]
Lorsque nous nous sommes battus l'an dernier contre les ponctions injustifiables opérées sur les réserves d'Unigrains, nous avions dit que ces réserves étaient essentielles en cas de coup dur économique ou climatique. Le Gouvernement a refusé de nous entendre.
Nous ne pensions pas, hélas, que les faits nous donneraient raison si vite.
Quelques semaines plus tard, s'abattait sur la France une sécheresse exceptionnelle.
Si nous avions eu alors les réserves nécessaires, les Pouvoirs publics n'auraient pas passé des mois à la recherche des quelques fonds indispensables au financement de l'opération Paille.
Voilà pourquoi nous avons besoin d'Unigrains, comme nous avons besoin d'Intercéréales, l'interprofession que vous venez de créer pour promouvoir les céréales, en France comme à l'étranger.
La FNSEA a bataillé à vos côtés pour que les dispositions relatives à la représentativité syndicale ne s'appliquent pas aux interprofessions.
Si nous l'avons fait, c'est pour deux raisons :
- d'abord, il s'agit d'organismes de droit privé, constitués entre des personnes qui ont envie de travailler ensemble, et ce n'est pas à l'État de décider des personnes qu'il faut inviter à une réunion privée ;
- ensuite, le fonctionnement des interprofessions repose sur le principe de l'unanimité. En introduisant des rivalités syndicales en leur sein, on les condamnerait à l'inefficacité.
Vous savez que j'attache une grande importance aux interprofessions. J'ai consacré la majeure partie de ma vie syndicale à mettre en place ces organisations. Et je peux témoigner combien elles permettent de doter l'agriculture d'outils performants.
A condition que monsieur Monti ne nous mette pas des bâtons dans les roues. En condamnant notre action en faveur des producteurs de viande bovine, la Commission fait planer une menace mortelle sur nos actions partenariales.
Pour la Commission, et je cite sa décision, " convenir d'un prix minimum d'achat sort des limites de l'action syndicale légitime ".
Vous le voyez, l'enjeu de notre recours devant le tribunal des communautés européennes va bien au-delà de l'accord d'octobre 2001 sur la viande bovine : l'enjeu, c'est l'existence même de l'action de nos organisations syndicales et l'avenir de nos interprofessions.
Non seulement il faut maintenir mais il faut aussi renforcer ces actions partenariales et développer les politiques contractuelles pour mieux valoriser nos productions.
Je prendrai deux exemples. Celui des biocarburants tout d'abord et celui de la grande distribution ensuite.
[Les biocarburants]
Les agriculteurs, et particulièrement les céréaliers, se sont lancés dans la production d'énergies renouvelables.
Vous avez développé la filière éthanol, vous êtes prêts à en fournir en quantité pour l'incorporer dans les carburants fossiles.
Vous avez démontré les avantages, économiques et environnementaux, de l'éthanol et de l'ensemble des biocarburants.
Ces avantages sont reconnus et bien compris par l'ensemble des citoyens mais aussi par l'Union européenne qui a adopté deux directives favorisant l'utilisation des biocarburants.
Et en France, on attend sans doute que le baril de pétrole atteigne les 100 dollars pour être convaincus de l'utilité des biocarburants !
On nous annonçait depuis quelque temps, une " grande " loi sur l'énergie. Et effectivement, on nous propose une loi d'orientation sur l'énergie.
Mais quelqu'un au ministère de l'Industrie a certainement fait une faute de frappe en présentant le projet qui devrait plutôt s'intituler loi d'orientation sur l'énergie... nucléaire !
Il n'y avait pas une ligne sur les directives européennes et c'est à peine si le mot " biocarburant " apparaissait au détour d'une phrase.
Nous avons mené une action syndicale, nous avons discuté avec les parlementaires. Et l'Assemblée nationale a intégré nos propositions en faveur des biocarburants.
Mais il reste encore à traduire en acte ce qui se limite pour l'instant à de l'incantatoire.
Le développement des biocarburants représente une chance pour l'agriculture, comme il représente une chance pour l'environnement et pour la préservation de notre indépendance énergétique.
Ne renouvelons pas, en matière de biocarburant, l'erreur historique que nous avons faite dans les années 60 en matière de protéines.
Il faut une volonté politique forte pour vaincre certaines résistances, pour mobiliser tous les acteurs, pour faire connaître à l'opinion publique l'importance de ce choix stratégique.
Si organiser une filière, c'est permettre d'avancer sur des dossiers comme celui des biocarburants, c'est aussi ne pas reculer en abandonnant à la Grande distribution la majeure partie de la valeur ajoutée.
[La Grande distribution]
Dans tous les départements, la FNSEA a mobilisé ses militants pour faire barrage contre les pratiques commerciales de la Grande distribution. Mardi 25 mai, de multiples actions ont été menées, certains dans cette salle y ont certainement participé.
Nous avons besoin d'être forts et unis sur cette question. Des sanctions sont prononcées à l'encontre de certaines enseignes mais les pratiques ne cessent pas pour autant, et de nouvelles techniques sont inventées pour pressurer toujours plus les fournisseurs.
Dans cette affaire, ne laissons pas le Gouvernement se concentrer uniquement sur la baisse des prix payés par le consommateur pour améliorer son pouvoir d'achat. La suppression des marges abusives peut permettre, non seulement de réduire les prix payés par le consommateur, mais aussi d'accroître les prix payés aux producteurs.
Même si certains nous le contestent, les problèmes liés à la distribution concernent directement les agriculteurs.
C'est la raison pour laquelle la FNSEA participe aujourd'hui même à une réunion de travail organisée par le ministère de l'Économie et des Finances.
Ce que nous attendons aujourd'hui, au-delà de l'amélioration des pratiques commerciales, c'est que les agriculteurs retrouvent les prix et la valeur ajoutée de leur produits.
[Gaucho, Fipronil et OGM]
Avant de passer à la politique agricole commune, je voudrais évoquer en quelques mots ce dossier du Gaucho mais en le traitant sous un angle général.
Le gaucho, le fipronil, ou encore les OGM préoccupent, à juste titre, les citoyens et les consommateurs.
Et ils sont d'autant plus préoccupés que les médias se font l'écho d'avis scientifiques divergents.
Et force est de constater qu'on donne plus souvent la parole aux plus catastrophistes d'entre eux, comme le fameux professeur Belpomme par exemple, qui fustige les pesticides, les engrais et la chimie en général.
Et si vous m'autorisez un mauvais jeu de mots, je refuse que les agriculteurs soient les bonnes poires de ce monsieur Belpomme.
Il est temps que les Pouvoirs publics se dotent d'outils scientifiques fiables et indépendants pour rendre des décisions politiques incontestables sans avoir à céder aux campagnes médiatiques de tel ou tel groupe de pression.
On pourrait commencer par écouter ce qui disent l'AFSA et l'AFFSE ainsi que l'Agence européenne de sécurité sanitaire.
Car il est inconcevable qu'un produit soit nuisible ici et bénéfique ailleurs. Les abeilles belges méritent les mêmes attentions que les abeilles françaises !
Sans être des prix Nobel de chimie, nous savons que nous devons rester vigilants à la qualité et aux quantités de produits fertilisants et de traitement que nous utilisons.
Nous sommes des paysans. Notre mission c'est d'offrir au consommateur une alimentation qui a du goût et une alimentation dont on est sûr.
Une alimentation qui a du goût, c'est à dire une offre diversifiée, ancrée dans les terroirs, fondée sur des savoir-faire ancestraux.
Une alimentation dont on est sûr. A aucun moment et dans aucun pays nous n'avons disposé d'une nourriture aussi variée, équilibrée et sécurisée qu'en France aujourd'hui.
Les agriculteurs ne doivent pas faire les frais des querelles entre scientifiques.
Ils font déjà assez les frais de la grande saga bureaucratique de la Commission européenne.
[La PAC]
L'an dernier, lors de votre congrès, nous avions discuté ensemble des premiers éléments de la réforme de la PAC. Depuis, la France a choisi une application en 2006 et s'est orientée vers le recouplage partiel.
Les promoteurs de la réforme de la PAC prétendaient qu'elle allait simplifier la vie des paysans.
Le 18 mai dernier, lors de la réunion du CSO (Conseil Supérieur d'Orientation) le ministre de l'Agriculture a présenté les modalités d'application de la réforme de Luxembourg en France.
Ce jour-là, les masques sont tombés.
- Les droits à paiement réussissent le miracle de concilier l'ultra-libéralisme et l'extrême complexité
- La conditionnalité des aides va se traduire par un hymne à la paperasse et des avalanches de contrôle
Cette réforme, à laquelle nous n'avons cessé de nous opposer, risque de conduire à l'élimination des plus fragiles et à la fragilisation des autres.
Chaque détail de l'application de cette réforme doit être évalué avec précision. Il ne faut rien laisser passer.
Nous avons demandé que toutes les marges de manuvre soient explorées et utilisées pour alléger un fardeau déjà bien chargé par les obligations, déclarations et charges en tout genre.
Et ce qui m'inquiète beaucoup, avec cette réforme, ce sont les distorsions de concurrence qu'elle risque d'entraîner. Alors j'ai demandé au ministre de l'Agriculture de mettre en place un observatoire des règles de concurrence.
[L'OMC - Le Mercosur - Les négociations internationales]
Après une mauvaise réforme de la PAC, on pourrait bien connaître de nouveaux déboires si on laissait faire les Laurel et Hardy de l'agriculture, c'est à dire les commissaires Fischler et Lamy
Avec ce couple infernal aux manettes, c'est le marché européen qui est en danger.
En faisant du bilatéral avec le Mercosur avant d'engager le multilatéral à l'OMC, on va payer 2 fois, 3 fois avec Luxembourg.
En éliminant, sans contrepartie, les restitutions, on ouvrira la porte à des productions provenant de pays tiers et on importera des baisses de prix.
En permettant au Mercosur d'envahir l'Europe avec l'éthanol brésilien, on étouffera une filière qui ne demande qu'à prendre son essor.
En ne discutant que des volumes, on oublie les aspects non commerciaux.
L'agriculture européenne aura bien du mal à se relever de ces multiples concessions.
Et les consommateurs européens, eux, n'y gagneront rien. Sinon de trouver dans leur assiette des aliments à l'origine vague, produits dans des conditions environnementales et sociales bien éloignées de celles que nous appliquons.
Monsieur Lamy n'est pas un expert de la négociation, c'est pour moi un expert de la concession.
Peut-être parce que ce que privilégie le " Professeur " Lamy, ce n'est pas la négo, c'est son égo !
[Conclusion]
Monsieur le Président, Cher Henri
Mesdames, Messieurs,
Chers Amis,
Dans quelques jours, les français vont élire leurs représentants au Parlement européen. La FNSEA est présente dans cette campagne pour expliquer notre vision de l'Europe.
Et surtout pour rappeler la nécessité de défendre le modèle agricole et alimentaire européen. Pour défendre la préférence communautaire. Pour réaffirmer la souveraineté alimentaire.
Les paysans ont été aux avant postes de la construction européenne et ils continuent de croire en ses valeurs.
Reste à l'Europe à continuer de croire en son agriculture.
Mes amis,
En ces temps difficiles, plus que jamais, nous devons agir dans l'unité et dans la solidarité.
Refusons les manuvres et les pièges qui tendent à nous diviser.
Jusqu'à ce jour, nous avons tenu bon, nous sommes restés unis et solidaires.
Je suis sûr que nous continuerons de le faire, grâce à l'ensemble de nos organisations, de nos responsables et de nos militants.
Je vous remercie.
(source http://www.fnsea.fr, le 5 juillet 2004)