Conférence de presse conjointe de MM. Hubert Védrine, ministre des affaires étrangères, et Javier Solana, Haut Représentant pour la PESC, sur la réunion de Charm el-Cheikh (Egypte) entre MM. Arafat et Barak pour mettre fin aux violences entre Israéliens et Palestiniens, Paris le 17 octobre 2000.

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Circonstance : Réunion de Charm el-Cheikh (Egypte) entre MM. Arafat, président de l'Autorité palestinienne, et Barak, Premier ministre israélien, les 16 et 17 octobre 2000, ayant abouti à un accord pour mettre fin aux violences israélo palestiniennes

Texte intégral

Nous venons de faire le point, Javier Solana et moi en détail sur le déroulement, les conclusions et les suites de la rencontre de Charm el-Cheikh et c'est un résultat qui peut avoir une très grande importance si les protagonistes appliquent réellement les différentes mesures qu'ils se sont engagées à appliquer. Nous allons poursuivre nos efforts de la Présidence et du Haut Représentant pour la PESC dans ce sens, c'est cela qui nous paraît la priorité. C'est la mise en oeuvre concrète, rapide qui pourra commencer à changer le climat.
Q - Est ce que vous avez les moyens de faire pression sur les deux parties aujourd'hui pour que vraiment les engagements soient pris sur le terrain ?
R - Vous connaissez la réponse à la question comme nous. Il y a une très grande cohésion de la communauté internationale, de tous ceux, tous les pays, tous les groupes qui étaient représentés à Charm el-Cheikh, même tous ceux qui n'y étaient pas et qui attendent tous que de part et d'autre les protagonistes trouvent les gestes et les mots auxquels ils se sont engagés, pour faire baisser d'urgence la tension avant de reprendre le dialogue sur le fond qui est également très urgent.
Donc vous savez quelle est ma position, ils savent quelle est notre attente et maintenant c'est leur responsabilité immédiate. On peut traduire ces engagements, ce qui est déjà un résultat quand même significatif à condition qu'ils soient concrétisés.
Q - Après cet accord, arrangement, engagement des parties israéliennes et palestiniennes, y a-t-il pour les autorités françaises et pour les autorités européennes un sentiment de confiance sur la fiabilité de ce qui a été conclu à Charm el-Cheikh ?
R - Je dirais plutôt un engagement à Charm el-Cheikh. Après 17 heures de discussion, les Israéliens et les Palestiniens se sont engagés sous l'égide du président Clinton - qui l'a ensuite déclaré en leur nom- à faire tout de suite un certain nombre de gestes, un certain nombre de mots qui sont de nature à arrêter l'escalade, à baisser la température, à rétablir le calme. C'est un engagement quand même, ce n'est pas un accord signé en bonne et due forme, mais ils n'ont pas dit cela, je l'espère, sans mesurer toutes les conséquences que représenterait le fait de ne pas l'appliquer. Donc, nous sommes dans un moment particulièrement décisif, particulièrement sensible ; les prochaines heures vont être très importantes et il incombe aux autorités israéliennes et palestiniennes de tout faire pour qu'un climat de calme se rétablisse au plus tôt pour ensuite reprendre le fil de la discussion si c'est possible. Voilà la priorité, voilà ce que l'Union Européenne leur dit. J'en ai parlé longuement à Paris mardi soir avec Javier Solana. J'en ai parlé au téléphone avec Kofi Annan qui rentrait. Nous avons la même analyse, nous avons le même sentiment de l'urgence sur la concrétisation de ces engagements.
Q - Il y a 13 jours à Paris, Israéliens et Palestiniens avaient pris des engagements relativement semblables et on avait vu sur le terrain que les choses avaient dégénéré malgré eux probablement. Il n'est pas impossible de penser qu'à Gaza, en Cisjordanie la violence reprenne. Déjà hier au soir, des roquettes sur un camp de réfugiés. C'est très difficile, très sensible.
R - Bien sûr la situation sur le terrain reste extrêmement tendue. Il y a quand même une petite différence. Dans les engagements pris après les conversations de Paris, Mme Albright n'avait pas été en mesure d'annoncer des engagements de ce type au nom des participants et des protagonistes. Elle avait avancé dans cette voie mais n'avait pas pu aller jusqu'à ce point. Là, le président Clinton après ce travail fait avec les Israéliens, les Palestiniens, mais aussi les représentants de l'Europe, les Egyptiens, a pu prendre ces engagements. Donc, je veux croire qu'ils représentent une détermination plus grande et une capacité d'agir plus grande de la part des protagonistes. Donc, dans les prochaines heures, voilà quelle va être notre priorité, nous connaissons absolument tous les facteurs de risque et tous les éléments qui peuvent faire que la situation se redégrade naturellement. C'est pour cela qu'il est encore plus important que les Israéliens et les Palestiniens qui ont maintenant leur destin entre leurs mains, fassent ce qu'il faut.
Q - En rentrant de Charm el-Cheikh hier au soir, Ehud Barak annonce qu'il a gagné sur tous les points, Arafat se tait. Est-ce qu'il n'y a pas l'un des deux qui est plus faible, plus affaibli ?
R - Là aussi je voudrais croire que ce n'est pas la bonne analyse. Je voudrais espérer que M. Barak le dit parce qu'il éprouve un besoin urgent de rassurer une population inquiète et que c'est une façon de son côté de calmer la population. C'est peut être une façon de contribuer à la mise en oeuvre des engagements. Et je voudrais croire que Yasser Arafat, s'il n'a pas dit tout de suite des paroles du même type, va donner des instructions nécessaires, va faire passer des messages, même si bien sûr il ne peut pas contrôler complètement les émotions, les sentiments et les comportements de foules, de gamins dans certains cas.
Enfin, ce que l'Union européenne et la France attendent d'eux, espèrent d'eux, c'est qu'ils fassent tout ce qu'ils peuvent, tout ce qui dépend d'eux. Même si c'est très difficile, il y a une grande part qui dépend d'eux malgré tout.
Q - On évoque des clauses secrètes. Les Israéliens en parlent en tout cas concernant les accords de sécurité, les premiers gestes de désengagement militaire de part et d'autre. Est-ce que finalement on ne devrait pas avoir confiance en cela, ce qui demeure confidentiel, plutôt qu'en de grandes paroles qui pourraient signifier une capitulation de part et d'autre ?
R - Non, il ne faut pas opposer les deux. Il y a des discussions sur la sécurité qui, Dieu merci, n'ont jamais totalement disparu, qui existaient avant Paris, qui ont lieu à Paris, qui se sont poursuivies depuis, mais c'est un élément d'un ensemble, cela ne peut pas se substituer aux gestes concrets, visibles de désescalade que doit accomplir chaque partie pour faire baisser la tension. Cela ne peut se substituer aux paroles qui doivent être prononcées par chacune d'elle dans son propre camp et aux paroles que chacun doit prononcer par rapport à l'autre peuple, puisque la coexistence est inéluctable, donc tout cela doit s'additionner pour reformer je l'espère, dès que cela sera possible, la dynamique de la discussion, la dynamique de la négociation, la dynamique de la paix. C'est une espérance qui ne doit jamais s'éteindre./.
(Source http://www.diplomatie.gouv.fr, le 18 octobre 2000)