Texte intégral
Madame la Présidente,
Mesdames et messieurs les députés
Je suis honorée de venir devant vous, comme Présidente du Conseil des ministres de la santé, vous présenter les priorités de la Présidence dans le domaine de la santé publique pour ce semestre qui nous incombe.
La qualité du dialogue entre le conseil et le parlement me semble fondamentale pour construire cette Europe de la santé que nous appelons tous de nos voeux.
Je connais l'importance du travail réalisé au sein du Parlement européen et comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de ma dernière entrevue avec votre Présidente, je m'emploierai au cours de ce semestre à entretenir des relations fournies avec vous.
Depuis un an, responsable de la santé publique en France, j'ai eu l'occasion de rencontrer la plupart de mes homologues européens. Au-delà de nos sensibilités propres, par delà la diversité de nos systèmes de santé et de soins, j'ai pu me rendre compte qu'ils sont, comme moi, convaincus que l'Europe peut être le meilleur vecteur pour faire avancer, dans chacun de nos pays, des politiques ambitieuses en matière de santé.
En terme de politiques communautaires, la Santé publique n'occupe pas encore une place suffisante sur l'agenda politique et dans les discussions budgétaires : il faut la promouvoir. C'est ce que nous demandent nos concitoyens pour qui les questions de santé sont une préoccupation majeure. Ils sont de plus en plus vigilants sur la qualité de leur environnement, sur la sécurité sanitaire et sur la qualité des soins. Ils ont raison car la santé touche, nous touchent, tous, dans ce que nous avons de plus précieux.
La santé publique est un ciment pour la société ; elle doit être un facteur d'intégration et de progrès social. D'ailleurs, ceux qui sont en marge, les exclus, sont aussi ceux dont l'état de santé est le plus précaire. Dans cette Europe que nous voulons forte économiquement mais aussi riche de ses valeurs sociales, la santé doit gagner une dimension permanente, devenir un angle d'approche incontournable.
Nous souhaitons une Europe de la Santé : le traité d'Amsterdam va dans ce sens.
Je sais qu'au Parlement européen et plus particulièrement au sein de votre commission, on est convaincu de cette nécessité pour l'Europe, telle qu'elle est aujourd'hui, mais aussi et au moins autant, pour l'Europe élargie de demain.
Nous savons tous que d'importants problèmes de santé publique dépassent largement le cadre des nations - à titre d'exemple, j'évoquerai la nutrition et la sécurité sanitaire qui ne peuvent plus être seulement résolues au seul niveau national.
Le développement de politiques de santé publique à l'échelle communautaire est désormais d'une urgente nécessité.
Enfin, forts de notre expérience et de notre niveau de développement, nous devons également être capables de nous mobiliser au-delà de la communauté.
Je pense en particulier à la lutte contre le tabagisme, et à l'importante implication des pays membres dans les travaux de l'OMS ainsi qu'à celle contre la pandémie du VIH/SIDA qui ne peut laisser indifférents les pays du Nord et sur lesquelles je reviendrai dans quelques instants.
Avant de vous présenter nos priorités, je tiens à rendre hommage à la présidence portugaise qui a effectué un important travail. Je pense en particulier :
*à la négociation de la directive sur le tabac où son action a permis d'adopter en quelques mois une position commune. Cet excellent résultat obtenu après des négociations difficiles, constituera un facteur certain d'amélioration de la santé au sein de l'Union européenne.
*de même, la démarche suivie par la Présidence portugaise pour la négociation de la convention OMS sur la lutte anti-tabac a permis une avancée notable.
*enfin, la Présidence a permis la mise en place de débats sur la stratégie en santé et le programme d'action en santé publique.
J'en viens maintenant plus précisément aux objectifs de la présidence française.
Je ne vais pas dans cet exposé rentrer dans tous les détails de nos propositions (que vous retrouverez dans les documents que nous avons rédigés à cet effet). J'ai déjà évoqué, il y a quelques semaines, nos priorités avec votre Présidente, Mme JACKSON et je sais qu'elle vous a informé de la teneur de cet échange.
Je me contenterai de vous rappeler les grandes lignes de notre programme et nous pourrons aborder plus précisément certains thèmes d'ici cette fin d'année 2000.
Quatre grandes priorités guideront la présidence française dans le domaine de la santé au cours de ce semestre.
1 -Définir une stratégie générale de santé publique où les exigences de protection de la santé soient prises en compte dans toutes les politiques nationales et européennes et mettre en place le programme de santé publique.
2 -Protéger et améliorer la santé des populations.
3 -Renforcer l'action des Etats membres dans la prévention des dépendances liées à l'usage des drogues.
4 -Mobiliser l'Europe sur les fléaux qui touchent durement les autres continents, en premier lieu VIH/SIDA bien sûr mais également tuberculose et paludisme.
De même, nous aurons à coeur de faire avancer d'autres thèmes qui nous semblent prioritaires, je pense en particulier aux dossiers sur la sécurité sanitaire, sur la santé mentale et sur la prévention du suicide chez les jeunes.
Premièrement -Définir une stratégie générale de santé publique.
Je ne retracerai pas l'historique du programme d'action dans le domaine de la santé. Depuis avril 1998, votre assemblée et le Conseil se sont exprimés sur la communication préparatoire de la commission.
Depuis la mi-mai, nous disposons du projet de la Commission pour un programme d'actions dans le domaine de la santé. Le Conseil du 29 juin, sous la présidence portugaise, a confirmé largement son accord sur la philosophie globale du projet et sur les trois priorités proposées que sont :
l'amélioration de l'information et des connaissances en matière de santé la réaction rapide aux menaces pour la santé l'action sur les déterminants de la santé.
La Présidence va travailler activement sur cette proposition avec votre rapporteur en liaison avec la Commission. Je souhaite qu'un accord se dégage sur les éléments essentiels de ce projet d'ici à la fin de l'année. Je le crois possible et j'y emploierai toute ma disponibilité.
Nous devons également rendre rapidement ce programme d'actions réellement opérationnel. L'expérience du programme "health monitoring" et du réseau de surveillance des maladies transmissibles a montré les difficultés pratiques auxquelles se heurtent ces actions. La mise en réseau d'institutions nationales, la définition de standards de fonctionnement, l'harmonisation des données recueillies et surtout leur exploitation exigent technicité et continuité dans l'action.
C'est pour cela, et en particulier pour les maladies transmissibles -où l'enjeu est très clairement communautaire- que nous souhaitons que soit étudiée la possibilité de créer un centre pour la surveillance de la santé et des maladies transmissibles.
Il s'agit également d'élaborer un système de gestion des priorités et de mieux articuler les actions communautaires et l'engagement des Etats membres.
La Commission vient également de nous proposer une décision de prolongation de deux ans des programmes qui se terminent cette année ou l'année prochaine. Je m'en félicite car une prolongation est en effet nécessaire pour éviter toute rupture et il nous faut en décider ensemble très vite : on ne doit pas interrompre brutalement les travaux en cours. Mais cette période ne peut être que transitoire, elle doit être évaluée à sa juste mesure et je souhaite que la mise en place du programme d'action dans le domaine de la santé reste la priorité au delà d'un délai raisonnable de prudence et de continuité.
Deuxièmement -Protéger et améliorer la santé des populations.
2 - 1 : Et tout d'abord lutter contre le tabagisme.
L'impact du tabagisme sur la santé est considérable. La mobilisation des professionnels et des institutions internationales dans la lutte contre le tabagisme et ses conséquences sur la santé est maintenant indispensable. L'Europe se doit d'être en première ligne dans cette mobilisation. La directive sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac me semble une étape fondamentale. Après la première lecture, des divergences persistent, mais nous mettons tout en oeuvre pour les réduire. Ce projet est une avancée importante et je souhaite que nous trouvions des solutions qui manifestent clairement notre détermination à défendre la santé de nos citoyens.
Mais au-delà, je souhaite également que nos travaux puissent bénéficier à l'ensemble des pays -je pense bien entendu aux pays candidats à l'Union mais aussi aux pays en voie de développement où le tabagisme doit être considéré comme un important problème de santé publique.
Dans cette même démarche, nous suivrons attentivement la négociation de la Convention cadre relative à la lutte anti-tabac avec l'OMS. Cette démarche illustre les dimensions de ce dossier et je souhaite que cela constitue les premiers pas d'une coopération fructueuse de la communauté avec l'OMS sur ces graves problèmes de santé publique.
Enfin, en appui de ces dispositions, nous ne devons pas relâcher nos efforts en terme de promotion et d'éducation pour la santé: c'est un des objectifs les plus importants du programme cadre de santé dont je viens de parler et nous devons nous fixer des objectifs chiffrés pour que le tabagisme diminue significativement, en particulier chez les jeunes.
2 - 2 :Améliorer la santé nutritionnelle.
Qu'une mauvaise nutrition soit à l'origine des principales pathologies qui touchent actuellement les Européens est un fait : maladies cardio-vasculaires, obésité, cancer, ostéoporose. Ce thème concerne directement les responsables de la santé de nos différents pays. Mais, il implique bien d'autres domaines de responsabilité : une bonne nutrition résulte à la fois d'une bonne information du citoyen, d'une formation à l'équilibre nutritionnel, de la prise en compte des spécificités culturelles et d'une disponibilité suffisante des produits, quel que soit le niveau de ressources.
En quelques années, la sécurité et la qualité de l'alimentation sont devenues des préoccupations majeures de nos citoyens. En terme de sécurité, nous avons des obligations de résultats. Des attentes importantes ont été suscitées par le livre blanc de la Commission. Marylise LEBRANCHU développera plus spécifiquement ce point dans quelques instants.
J'aimerai quant à moi insister sur l'importance de la nutrition comme déterminant de santé.
Pour faire reconnaître le caractère prioritaire de ce dossier, nous espérons faire adopter sous présidence française une résolution qui tracera les grandes lignes d'un projet européen de santé nutritionnelle.
Cette initiative, à laquelle travaillent depuis plus d'un an de nombreux experts européens de chaque Etat membre, permettra d'envisager : une harmonisation des outils de suivi de l'état nutritionnel et de la consommation alimentaire au plan européen ; la mise en place d'actions pour encourager les comportements bénéfiques pour la santé (consommation de fruits et de légumes, promotion de l'allaitement maternel) ; l'amélioration de la formation des professionnels de santé et la mise en place d'une réflexion au niveau européen sur les métiers afférents à la nutrition. une réflexion sur la publicité directe et indirecte à destination des enfants ; un meilleur contrôle de la qualité de la restauration collective ; ou encore, la meilleure façon de mettre à la disposition du public des conseils actualisées et validés au plan scientifique pour les guider dans leurs choix nutritionnels et leur permettre d'acquérir de bon réflexes.
Le document qui propose ces pistes d'action à mener au plan communautaire sera rendu public dans les prochaines semaines et fera l'objet de discussions. Après ces débats, un projet de résolution sera proposé au conseil santé de décembre prochain.
Troisièmement -Renforcer l'action des Etats membres dans la prévention des dépendances liées à l'usage des drogues.
Une convergence dans les politiques publiques à l'égard des drogues se dessine dans l'ensemble de l'Europe. Les pratiques de consommation des substances psychoactives se sont profondément transformées, notamment chez les jeunes. Elles se caractérisent par la banalisation du cannabis, l'augmentation des états d'ivresse recherchés et répétés, le maintien de la consommation de tabac à un niveau élevé, la baisse de la consommation d'héroïne, l'arrivée massive des drogues de synthèse, le développement des pratiques dopantes, le recours de plus en plus fréquent aux médicaments et surtout l'association régulière de plusieurs produits licites ou illicites consommés en même temps ou successivement.
Dans ce contexte, nous sommes déterminés à agir selon une approche de plus en plus globale et intégrée.
L'Union européenne a adopté une stratégie et un plan d'action anti-drogue pour la période 2000-2004.
Dans ce cadre, nous souhaitons pendant notre présidence favoriser la réflexion collective sur certains points, en particulier la recherche en matière de drogues, la formation des professionnels, la connaissance et la prévention des conduites à risque des jeunes dans leurs pratiques sportives.
Différentes actions concrètes sont prévues, notamment trois manifestations qui aborderont :
les problèmes soulevés par l'arrivée constante sur le marché de nouveaux produits de synthèse, les liens entre pratiques sportives et consommations à risque chez les jeunes, enfin la coordination entre les structures diverses qui traitent au sein de l'Union européenne des drogues et des dépendances.
Quatrièmement -la lutte contre le VIH/SIDA et les autres épidémies qui affectent les autres continents.
La Commission européenne propose une action accélérée de la Communauté pour faire face aux trois maladies transmissibles les plus fréquentes dans le monde : la tuberculose, le paludisme et le SIDA. La présidence française soutient pleinement cette initiative, et en particulier l'organisation prochaine par la Commission d'une table ronde internationale visant une concertation élargie sur ce sujet.
Cette stratégie représente un progrès majeur dans l'approche communautaire de la santé et de la pauvreté dans les pays en développement. Elle aborde de manière intégrée les questions essentielles posées pour lutter contre le fléau que constituent ces maladies et en particulier le SIDA. Cette stratégie cible des interventions tant au niveau des pays qu'au niveau mondial. Elle permettra d'améliorer l'accès des populations les plus pauvres aux services et aux produits de santé dont elles ont besoin. A cette fin, nous devons travailler avec le programme conjoint des Nations Unies sur le SIDA et l'OMS. C'est une urgence absolue, comme j'ai eu l'occasion de le dire à la tribune de la conférence mondiale sur le SIDA de DURBAN en juillet dernier.
Cinquièmement - D'autres dossiers importans sont en cours, j'insisterai en particulier sur cinq d'entre eux.
a - D'abord le travail en cours sur les médicaments pédiatriques
Adapter les médicaments à leur administration en pédiatrie constitue un enjeu méconnu et pourtant majeur de santé publique. Selon les Etats membres, 50 à 90 % des médicaments utilisés en pédiatrie n'ont fait l'objet d'aucune étude sur les tranches d'âge correspondantes, d'aucune information sur les doses et les conditions d'utilisation. Les conséquences en terme d'effets indésirables ou d'échecs thérapeutiques sont mal connues mais peuvent être importantes.
Dans la même logique que celle qui a permis l'élaboration de la réglementation que vous avez récemment adoptée sur les médicaments orphelins, nous proposerons au conseil santé de décembre un projet de résolution sur les médicaments pédiatriques.
b -Un projet de directive sur la sécurité et la qualité des produits du sang devrait nous être remis dans les semaines qui viennent par la Commission. La Présidence, comme vous sans doute, y travaillera sans attendre.
c -Un projet de recommandation de la Commission sur la résistance aux antibiotiques (santé humaine) devrait nous parvenir également. Je suis convaincue de l'importance de ce sujet et de l'importance de le traiter à quinze. Je serai favorable à ce que votre Assemblée soit consultée sur ce projet.
d -Le suicide des jeunes est une des principales causes de décès, pourtant évitable, pour cette catégorie de population. C'est une situation inacceptable. Mon pays et quelques autres en souffrent plus particulièrement. Ma collègue finlandaise, Mme BIAUDET nous avait sensibilisés sur les enjeux de la santé mentale. Elle m'a convaincue. En coopération avec la Finlande, nous organisons les 19 et 20 septembre prochains une conférence européenne pour réfléchir et échanger sur les meilleures pratiques en matière de prévention et de prise en charge des suicidants et de leur entourage.
e -La mobilisation contre les conséquences du vieillissement pathologique doit être poursuivie. C'est dans ce cadre que nous organiserons les 7 et 8 décembre prochains un colloque européen sur l'état de la recherche dans la maladie d'Alzheimer, en particulier les moyens de la dépister, de la prévenir.
Enfin, en ce qui concerne la difficile question de la maladie de la vache folle, des EEST, l'objectif que je poursuis avec vous est d'enrayer aussi vite et aussi complètement que possible la circulation de l'agent infectieux dans le cheptel, d'éviter qu'il n'entre dans l'alimentation humaine et de se prévenir d'une éventuelle transmission inter humaine.
Des mesures doivent être prises tant au plan national qu'au plan européen :
Au plan européen, il me paraît essentiel que les dispositifs de surveillance de l'ESB, de retrait des matériaux à risque spécifiés de la chaîne alimentaire et de traçabilité des troupeaux soient parfaitement efficaces, constamment réévalués et adaptés au risque que représente cette épizootie pour la santé humaine. Elles doivent être régulièrement adaptées et actualisées à l'évolution des connaissances scientifiques. Ce dossier nécessite un travail interministériel approfondi entre les autorités responsables de l'agriculture, de la sécurité des consommateurs et de la santé.
D'autres questions importantes, comme la question de l'alcool chez les jeunes, sur lesquelles les propositions envisagées n'ont pu être produites, ne pourront être traitées à ce stade. Nous nous engageons avec la future Présidente suédoise à suivre attentivement ce grave problème de santé publique.
Madame la présidente, Mesdames et messieurs, je m'en tiendrai à cette brève présentation des travaux en cours.
Il me tient à coeur, que la France puisse, à l'occasion de sa présidence, apporter sa contribution à la promotion d'une Europe de la santé plus proche des citoyens, plus volontaire, plus visible et plus efficace.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
(source http://www.presidence-europe.fr, le 14 septembre 2000)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés européens,
Mesdames et Messieurs les commissaires,
Mesdames, Messieurs,
I -Contexte
La pandémie du SIDA touche actuellement 33,6 millions de personnes dont la majorité vit dans les pays en voie de développement. ONUSIDA notifie 5,6 millions de nouveaux cas en 1999 et 2,6 millions de décès dont 50% de femmes.
Cette épidémie a déjà réduit à néant les acquis de trente années d'aide au développement dans les pays les plus touchés. L'Afrique en vit les conséquences les plus dramatiques.
Le continent africain disposait enfin des cadres et des experts qui lui faisaient tant défaut au moment des indépendances. Or ces adultes formés, actifs, ont payé le premier tribut à la maladie.
Nous ne pouvons ignorer l'immense perte d'investissement humain que représente cette première génération de victimes, perte qui vient amplifier le drame personnel vécu par les victimes et leurs familles. Nous n'oublions pas les pauvres qui sont encore plus exclus des soins. Personne ne peut oublier le témoignage du juge Edwin Cameron, "blanc, homosexuel, séropositif et magistrat à la cour suprême d'Afrique du Sud" comme il s'est courageusement présenté lui même à l'ouverture de la session plénière du congrès internationale sur le Sida à Durban et dont seule la condition sociale lui permet d'avoir accès à des soins inaccessibles à la majorité de ses compatriotes.
Depuis une dizaine d'années, l'Afrique s'est lancée, avec courage, dans un difficile exercice de réforme et d'ajustement structurel. Cependant, en pesant lourdement sur le système de soins, l'épidémie rend encore plus difficile la modernisation du secteur de la santé. Au moment où l'on cherche à mettre en place des modes de financement garantissant la pérennité et l'amélioration des services, le fardeau du Sida apparaît bien lourd pour des solidarités déjà fort sollicitées du fait de la crise économique, du retard de développement, du déficit des structures sanitaires et de l'absence de système de prise en charge collective de la protection sociale.
La question du VIH/SIDA est donc au coeur même du développement durable : elle décime les sociétés, elle menace les générations à venir, elle compromet l'essor économique. Elle est dorénavant considérée comme un sujet de sécurité par les membres du Conseil de Sécurité de l'ONU.
Au delà de l'Afrique, cette pandémie explose de par le monde.
Ce sont 35 millions de personnes qui vivent avec le virus - mais moins de 500 000 qui ont accès aux traitements anti-rétroviraux-. Nous devons constater que, là aussi, le fossé s'est creusé entre pays riches et pays pauvres. L'inégalité des chances dans l'accès au traitement, intolérable en soi, est aujourd'hui d'autant plus révoltante que l'information circule vite sur notre planète : chacun sait aujourd'hui que ces traitements existent.
Il est humainement, moralement et politiquement plus que souhaitable de rechercher, avec les pays en développement, des solutions adaptées à leur situation, prenant en compte leurs potentialités, qui leur permettent d'améliorer l'accessibilité à ces traitements, tout en poursuivant les coopérations par la prévention, l'éducation par la santé et la formation des acteurs de santé locaux.
II -L'aide de l'Union européenne dans la lutte contre le sida
L'Union européenne a pris conscience dès le début des années 80 de la nécessité d'aider très concrètement les pays en développement dans la lutte contre le VIH/SIDA en mettant au centre de ses préoccupations le respect des droits des personnes atteintes, en particulier les droits des personnes et des groupes les plus vulnérables.
L'Union européenne a ainsi participé à la mise en place d'actions dans les domaines de la sécurité transfusionnelle, des campagnes d'information, de sensibilisation des jeunes, de mise en place de centres de documentation et d'information ainsi qu'à des actions de formation et de prise en charge médico-sociale.
Certains pays, en particulier la France, se sont également engagés dans des actions facilitant l'accès aux traitements. Ainsi, les premiers résultats obtenus par les deux programmes d'accès aux médicaments mis en place, dès 1999 en Côte d'Ivoire et au Maroc dans le cadre du Fonds de Solidarité thérapeutique Internationale (FSTI) sont encourageants. De nouveaux programmes débutent au Sénégal, au Vietnam et en Afrique du Sud. Même si ces programmes ne concernent que des effectifs limités comparés aux besoins qui s'expriment en millions de personnes, nous sommes convaincus qu'ils participent à la mobilisation internationale, qu'ils entraînent une amplification de prise en charge partenariale et de partage des savoirs-faire. Leur effet se manifeste déjà dans les programmes de prévention mère-enfant mis en place par l'ONUSIDA et l'UNICEF.
III -Evolution du contexte international
Le contexte international évolue.
a) Les Nations-Unies et ses agences, la Banque mondiale se mobilisent pour renforcer la solidarité internationale thérapeutique.
b) Un important accord a été conclu entre l'OMS, ONUSIDA et cinq firmes pharmaceutiques. Il rend possible une baisse conséquente du prix des médicaments utiles dans le traitement de l'infection VIH/SIDA. De même, la récente décision de mise à disposition gratuite d'une molécule anti rétro virale, la névirapine, dans la prévention de la transmission mère enfant vient crédibiliser l'intérêt de cet accord car elle prouve qu'au-delà des effets d'annonce, l'industrie pharmaceutique peut réellement agir concrètement.
c) De nombreux pays prennent conscience que l'endettement des pays en développement pèse de façon insupportable sur leur économie et freine leur capacité à lutter efficacement contre la pauvreté et notamment la pandémie. La France a décidé des mesures concrètes afin d'annuler ces dettes tout en favorisant le développement de l'éducation et la santé.
Ces initiatives traduisent une mobilisation renforcée de la communauté internationale qui ne doit pas se relâcher.
Néanmoins il ne peut s'agir que d'une première étape dans la lutte contre la pandémie VIH/SIDA. Lors du congrès international sur le VIH/SIDA s'est tenu sur le territoire africain (DURBAN, Afrique du Sud), en juillet dernier, chercheurs, professionnels de santé, militants d'ONG, responsables politiques ont tous souligné l'urgence de la situation. Le contact avec les professionnels de santé démunis, la détresse résignée des mères d'enfants qu'elles ont elles-mêmes contaminés, l'impuissance des autorités sanitaires à agir, la visite d'un hôpital pédiatrique m'ont convaincue, si besoin était, de l'importance du fossé qui se creuse entre les habitants des pays du sud et leurs semblables que le hasard a fait naître dans nos contrées.
IV - De nouveaux engagements sont nécessaires
Le renforcement de l'aide internationale dans la lutte contre le VIH/SIDA est une urgence absolue.
Dans le cadre des stratégies définies au niveau international, en partenariat avec les programmes nationaux de lutte contre le Sida et les autres bailleurs de fonds, la coordination de l'ensemble des moyens à tous les niveaux reste une des premières priorités de l'aide internationale.
Il est urgent de renforcer les programmes de prévention, d'améliorer les efforts de recherches destinés aux pays en voie de développement et de permettre un accès réel aux traitements de tous les malades.
Outre la mise à disposition des médicaments anti-rétroviraux à un prix réaliste pour les systèmes de santé locaux, l'accès aux traitements nécessite de renforcer les actions de formation, l'aide aux structures et le soutien aux associations des personnes concernées.
Certes les programmes de prévention de la transmission mère - enfant restent essentiels mais il faut également mettre en place massivement des projets d'accès aux traitements de l'infection chronique. Car sinon qui élèvera ces enfants dont nous aurons évité la contamination ?
L'accès aux médicaments pose des problèmes socio-économiques, éthiques et médicaux complexes, voire politiques et culturels que nous devons nous efforcer de dépasser en respectant nos interlocuteurs et en les considérant comme des partenaires avec qui coopérer.
Une concertation importante doit se mette en place entre bailleurs, récipiendaires, industries pharmaceutiques et associations pour élaborer des dispositifs opérationnels d'accès aux traitements. Plusieurs initiatives ont été lancées :
* table ronde de la commission en septembre sur le SIDA, la tuberculose et le paludisme,
*conférence japonaise dans le cadre du G8 cet automne sur ces trois maladies,
*proposition de session spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies consacrée au sida avant mai 2002.
La présidence soutiendra les initiatives permettant de trouver des solutions durables au problème de la prise en charge globale et respectueuse des personnes malades, au moyen de projets concrets et d'accords de partenariat avec les pays concernés.
Garantir les chances de chacun à des soins de qualité, à l'information et aux ressources nécessaires doit être l'objectif de la CE.
Conclusion
La réflexion sur l'accès aux traitements n'est pas nouvelle. Cette voie est difficile, mais nécessaire. Elle ne pourra réussir sans la participation de tous : industries pharmaceutiques, bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, pays concernés.
Nous savons désormais que seul un engagement de longue durée permettra de surmonter l'épidémie. Convainquons-nous que cet engagement est d'autant plus nécessaire qu'il serait immoral, dangereux pour le développement et le progrès de l'humanité mais aussi risqué pour l'équilibre mondial et la paix que les avancées récentes ne profitent qu'aux pays les plus riches.
(source http://www.presidence-europe.fr, le 15 septembre 2000)
Mesdames et messieurs les députés
Je suis honorée de venir devant vous, comme Présidente du Conseil des ministres de la santé, vous présenter les priorités de la Présidence dans le domaine de la santé publique pour ce semestre qui nous incombe.
La qualité du dialogue entre le conseil et le parlement me semble fondamentale pour construire cette Europe de la santé que nous appelons tous de nos voeux.
Je connais l'importance du travail réalisé au sein du Parlement européen et comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de ma dernière entrevue avec votre Présidente, je m'emploierai au cours de ce semestre à entretenir des relations fournies avec vous.
Depuis un an, responsable de la santé publique en France, j'ai eu l'occasion de rencontrer la plupart de mes homologues européens. Au-delà de nos sensibilités propres, par delà la diversité de nos systèmes de santé et de soins, j'ai pu me rendre compte qu'ils sont, comme moi, convaincus que l'Europe peut être le meilleur vecteur pour faire avancer, dans chacun de nos pays, des politiques ambitieuses en matière de santé.
En terme de politiques communautaires, la Santé publique n'occupe pas encore une place suffisante sur l'agenda politique et dans les discussions budgétaires : il faut la promouvoir. C'est ce que nous demandent nos concitoyens pour qui les questions de santé sont une préoccupation majeure. Ils sont de plus en plus vigilants sur la qualité de leur environnement, sur la sécurité sanitaire et sur la qualité des soins. Ils ont raison car la santé touche, nous touchent, tous, dans ce que nous avons de plus précieux.
La santé publique est un ciment pour la société ; elle doit être un facteur d'intégration et de progrès social. D'ailleurs, ceux qui sont en marge, les exclus, sont aussi ceux dont l'état de santé est le plus précaire. Dans cette Europe que nous voulons forte économiquement mais aussi riche de ses valeurs sociales, la santé doit gagner une dimension permanente, devenir un angle d'approche incontournable.
Nous souhaitons une Europe de la Santé : le traité d'Amsterdam va dans ce sens.
Je sais qu'au Parlement européen et plus particulièrement au sein de votre commission, on est convaincu de cette nécessité pour l'Europe, telle qu'elle est aujourd'hui, mais aussi et au moins autant, pour l'Europe élargie de demain.
Nous savons tous que d'importants problèmes de santé publique dépassent largement le cadre des nations - à titre d'exemple, j'évoquerai la nutrition et la sécurité sanitaire qui ne peuvent plus être seulement résolues au seul niveau national.
Le développement de politiques de santé publique à l'échelle communautaire est désormais d'une urgente nécessité.
Enfin, forts de notre expérience et de notre niveau de développement, nous devons également être capables de nous mobiliser au-delà de la communauté.
Je pense en particulier à la lutte contre le tabagisme, et à l'importante implication des pays membres dans les travaux de l'OMS ainsi qu'à celle contre la pandémie du VIH/SIDA qui ne peut laisser indifférents les pays du Nord et sur lesquelles je reviendrai dans quelques instants.
Avant de vous présenter nos priorités, je tiens à rendre hommage à la présidence portugaise qui a effectué un important travail. Je pense en particulier :
*à la négociation de la directive sur le tabac où son action a permis d'adopter en quelques mois une position commune. Cet excellent résultat obtenu après des négociations difficiles, constituera un facteur certain d'amélioration de la santé au sein de l'Union européenne.
*de même, la démarche suivie par la Présidence portugaise pour la négociation de la convention OMS sur la lutte anti-tabac a permis une avancée notable.
*enfin, la Présidence a permis la mise en place de débats sur la stratégie en santé et le programme d'action en santé publique.
J'en viens maintenant plus précisément aux objectifs de la présidence française.
Je ne vais pas dans cet exposé rentrer dans tous les détails de nos propositions (que vous retrouverez dans les documents que nous avons rédigés à cet effet). J'ai déjà évoqué, il y a quelques semaines, nos priorités avec votre Présidente, Mme JACKSON et je sais qu'elle vous a informé de la teneur de cet échange.
Je me contenterai de vous rappeler les grandes lignes de notre programme et nous pourrons aborder plus précisément certains thèmes d'ici cette fin d'année 2000.
Quatre grandes priorités guideront la présidence française dans le domaine de la santé au cours de ce semestre.
1 -Définir une stratégie générale de santé publique où les exigences de protection de la santé soient prises en compte dans toutes les politiques nationales et européennes et mettre en place le programme de santé publique.
2 -Protéger et améliorer la santé des populations.
3 -Renforcer l'action des Etats membres dans la prévention des dépendances liées à l'usage des drogues.
4 -Mobiliser l'Europe sur les fléaux qui touchent durement les autres continents, en premier lieu VIH/SIDA bien sûr mais également tuberculose et paludisme.
De même, nous aurons à coeur de faire avancer d'autres thèmes qui nous semblent prioritaires, je pense en particulier aux dossiers sur la sécurité sanitaire, sur la santé mentale et sur la prévention du suicide chez les jeunes.
Premièrement -Définir une stratégie générale de santé publique.
Je ne retracerai pas l'historique du programme d'action dans le domaine de la santé. Depuis avril 1998, votre assemblée et le Conseil se sont exprimés sur la communication préparatoire de la commission.
Depuis la mi-mai, nous disposons du projet de la Commission pour un programme d'actions dans le domaine de la santé. Le Conseil du 29 juin, sous la présidence portugaise, a confirmé largement son accord sur la philosophie globale du projet et sur les trois priorités proposées que sont :
l'amélioration de l'information et des connaissances en matière de santé la réaction rapide aux menaces pour la santé l'action sur les déterminants de la santé.
La Présidence va travailler activement sur cette proposition avec votre rapporteur en liaison avec la Commission. Je souhaite qu'un accord se dégage sur les éléments essentiels de ce projet d'ici à la fin de l'année. Je le crois possible et j'y emploierai toute ma disponibilité.
Nous devons également rendre rapidement ce programme d'actions réellement opérationnel. L'expérience du programme "health monitoring" et du réseau de surveillance des maladies transmissibles a montré les difficultés pratiques auxquelles se heurtent ces actions. La mise en réseau d'institutions nationales, la définition de standards de fonctionnement, l'harmonisation des données recueillies et surtout leur exploitation exigent technicité et continuité dans l'action.
C'est pour cela, et en particulier pour les maladies transmissibles -où l'enjeu est très clairement communautaire- que nous souhaitons que soit étudiée la possibilité de créer un centre pour la surveillance de la santé et des maladies transmissibles.
Il s'agit également d'élaborer un système de gestion des priorités et de mieux articuler les actions communautaires et l'engagement des Etats membres.
La Commission vient également de nous proposer une décision de prolongation de deux ans des programmes qui se terminent cette année ou l'année prochaine. Je m'en félicite car une prolongation est en effet nécessaire pour éviter toute rupture et il nous faut en décider ensemble très vite : on ne doit pas interrompre brutalement les travaux en cours. Mais cette période ne peut être que transitoire, elle doit être évaluée à sa juste mesure et je souhaite que la mise en place du programme d'action dans le domaine de la santé reste la priorité au delà d'un délai raisonnable de prudence et de continuité.
Deuxièmement -Protéger et améliorer la santé des populations.
2 - 1 : Et tout d'abord lutter contre le tabagisme.
L'impact du tabagisme sur la santé est considérable. La mobilisation des professionnels et des institutions internationales dans la lutte contre le tabagisme et ses conséquences sur la santé est maintenant indispensable. L'Europe se doit d'être en première ligne dans cette mobilisation. La directive sur la fabrication, la présentation et la vente des produits du tabac me semble une étape fondamentale. Après la première lecture, des divergences persistent, mais nous mettons tout en oeuvre pour les réduire. Ce projet est une avancée importante et je souhaite que nous trouvions des solutions qui manifestent clairement notre détermination à défendre la santé de nos citoyens.
Mais au-delà, je souhaite également que nos travaux puissent bénéficier à l'ensemble des pays -je pense bien entendu aux pays candidats à l'Union mais aussi aux pays en voie de développement où le tabagisme doit être considéré comme un important problème de santé publique.
Dans cette même démarche, nous suivrons attentivement la négociation de la Convention cadre relative à la lutte anti-tabac avec l'OMS. Cette démarche illustre les dimensions de ce dossier et je souhaite que cela constitue les premiers pas d'une coopération fructueuse de la communauté avec l'OMS sur ces graves problèmes de santé publique.
Enfin, en appui de ces dispositions, nous ne devons pas relâcher nos efforts en terme de promotion et d'éducation pour la santé: c'est un des objectifs les plus importants du programme cadre de santé dont je viens de parler et nous devons nous fixer des objectifs chiffrés pour que le tabagisme diminue significativement, en particulier chez les jeunes.
2 - 2 :Améliorer la santé nutritionnelle.
Qu'une mauvaise nutrition soit à l'origine des principales pathologies qui touchent actuellement les Européens est un fait : maladies cardio-vasculaires, obésité, cancer, ostéoporose. Ce thème concerne directement les responsables de la santé de nos différents pays. Mais, il implique bien d'autres domaines de responsabilité : une bonne nutrition résulte à la fois d'une bonne information du citoyen, d'une formation à l'équilibre nutritionnel, de la prise en compte des spécificités culturelles et d'une disponibilité suffisante des produits, quel que soit le niveau de ressources.
En quelques années, la sécurité et la qualité de l'alimentation sont devenues des préoccupations majeures de nos citoyens. En terme de sécurité, nous avons des obligations de résultats. Des attentes importantes ont été suscitées par le livre blanc de la Commission. Marylise LEBRANCHU développera plus spécifiquement ce point dans quelques instants.
J'aimerai quant à moi insister sur l'importance de la nutrition comme déterminant de santé.
Pour faire reconnaître le caractère prioritaire de ce dossier, nous espérons faire adopter sous présidence française une résolution qui tracera les grandes lignes d'un projet européen de santé nutritionnelle.
Cette initiative, à laquelle travaillent depuis plus d'un an de nombreux experts européens de chaque Etat membre, permettra d'envisager : une harmonisation des outils de suivi de l'état nutritionnel et de la consommation alimentaire au plan européen ; la mise en place d'actions pour encourager les comportements bénéfiques pour la santé (consommation de fruits et de légumes, promotion de l'allaitement maternel) ; l'amélioration de la formation des professionnels de santé et la mise en place d'une réflexion au niveau européen sur les métiers afférents à la nutrition. une réflexion sur la publicité directe et indirecte à destination des enfants ; un meilleur contrôle de la qualité de la restauration collective ; ou encore, la meilleure façon de mettre à la disposition du public des conseils actualisées et validés au plan scientifique pour les guider dans leurs choix nutritionnels et leur permettre d'acquérir de bon réflexes.
Le document qui propose ces pistes d'action à mener au plan communautaire sera rendu public dans les prochaines semaines et fera l'objet de discussions. Après ces débats, un projet de résolution sera proposé au conseil santé de décembre prochain.
Troisièmement -Renforcer l'action des Etats membres dans la prévention des dépendances liées à l'usage des drogues.
Une convergence dans les politiques publiques à l'égard des drogues se dessine dans l'ensemble de l'Europe. Les pratiques de consommation des substances psychoactives se sont profondément transformées, notamment chez les jeunes. Elles se caractérisent par la banalisation du cannabis, l'augmentation des états d'ivresse recherchés et répétés, le maintien de la consommation de tabac à un niveau élevé, la baisse de la consommation d'héroïne, l'arrivée massive des drogues de synthèse, le développement des pratiques dopantes, le recours de plus en plus fréquent aux médicaments et surtout l'association régulière de plusieurs produits licites ou illicites consommés en même temps ou successivement.
Dans ce contexte, nous sommes déterminés à agir selon une approche de plus en plus globale et intégrée.
L'Union européenne a adopté une stratégie et un plan d'action anti-drogue pour la période 2000-2004.
Dans ce cadre, nous souhaitons pendant notre présidence favoriser la réflexion collective sur certains points, en particulier la recherche en matière de drogues, la formation des professionnels, la connaissance et la prévention des conduites à risque des jeunes dans leurs pratiques sportives.
Différentes actions concrètes sont prévues, notamment trois manifestations qui aborderont :
les problèmes soulevés par l'arrivée constante sur le marché de nouveaux produits de synthèse, les liens entre pratiques sportives et consommations à risque chez les jeunes, enfin la coordination entre les structures diverses qui traitent au sein de l'Union européenne des drogues et des dépendances.
Quatrièmement -la lutte contre le VIH/SIDA et les autres épidémies qui affectent les autres continents.
La Commission européenne propose une action accélérée de la Communauté pour faire face aux trois maladies transmissibles les plus fréquentes dans le monde : la tuberculose, le paludisme et le SIDA. La présidence française soutient pleinement cette initiative, et en particulier l'organisation prochaine par la Commission d'une table ronde internationale visant une concertation élargie sur ce sujet.
Cette stratégie représente un progrès majeur dans l'approche communautaire de la santé et de la pauvreté dans les pays en développement. Elle aborde de manière intégrée les questions essentielles posées pour lutter contre le fléau que constituent ces maladies et en particulier le SIDA. Cette stratégie cible des interventions tant au niveau des pays qu'au niveau mondial. Elle permettra d'améliorer l'accès des populations les plus pauvres aux services et aux produits de santé dont elles ont besoin. A cette fin, nous devons travailler avec le programme conjoint des Nations Unies sur le SIDA et l'OMS. C'est une urgence absolue, comme j'ai eu l'occasion de le dire à la tribune de la conférence mondiale sur le SIDA de DURBAN en juillet dernier.
Cinquièmement - D'autres dossiers importans sont en cours, j'insisterai en particulier sur cinq d'entre eux.
a - D'abord le travail en cours sur les médicaments pédiatriques
Adapter les médicaments à leur administration en pédiatrie constitue un enjeu méconnu et pourtant majeur de santé publique. Selon les Etats membres, 50 à 90 % des médicaments utilisés en pédiatrie n'ont fait l'objet d'aucune étude sur les tranches d'âge correspondantes, d'aucune information sur les doses et les conditions d'utilisation. Les conséquences en terme d'effets indésirables ou d'échecs thérapeutiques sont mal connues mais peuvent être importantes.
Dans la même logique que celle qui a permis l'élaboration de la réglementation que vous avez récemment adoptée sur les médicaments orphelins, nous proposerons au conseil santé de décembre un projet de résolution sur les médicaments pédiatriques.
b -Un projet de directive sur la sécurité et la qualité des produits du sang devrait nous être remis dans les semaines qui viennent par la Commission. La Présidence, comme vous sans doute, y travaillera sans attendre.
c -Un projet de recommandation de la Commission sur la résistance aux antibiotiques (santé humaine) devrait nous parvenir également. Je suis convaincue de l'importance de ce sujet et de l'importance de le traiter à quinze. Je serai favorable à ce que votre Assemblée soit consultée sur ce projet.
d -Le suicide des jeunes est une des principales causes de décès, pourtant évitable, pour cette catégorie de population. C'est une situation inacceptable. Mon pays et quelques autres en souffrent plus particulièrement. Ma collègue finlandaise, Mme BIAUDET nous avait sensibilisés sur les enjeux de la santé mentale. Elle m'a convaincue. En coopération avec la Finlande, nous organisons les 19 et 20 septembre prochains une conférence européenne pour réfléchir et échanger sur les meilleures pratiques en matière de prévention et de prise en charge des suicidants et de leur entourage.
e -La mobilisation contre les conséquences du vieillissement pathologique doit être poursuivie. C'est dans ce cadre que nous organiserons les 7 et 8 décembre prochains un colloque européen sur l'état de la recherche dans la maladie d'Alzheimer, en particulier les moyens de la dépister, de la prévenir.
Enfin, en ce qui concerne la difficile question de la maladie de la vache folle, des EEST, l'objectif que je poursuis avec vous est d'enrayer aussi vite et aussi complètement que possible la circulation de l'agent infectieux dans le cheptel, d'éviter qu'il n'entre dans l'alimentation humaine et de se prévenir d'une éventuelle transmission inter humaine.
Des mesures doivent être prises tant au plan national qu'au plan européen :
Au plan européen, il me paraît essentiel que les dispositifs de surveillance de l'ESB, de retrait des matériaux à risque spécifiés de la chaîne alimentaire et de traçabilité des troupeaux soient parfaitement efficaces, constamment réévalués et adaptés au risque que représente cette épizootie pour la santé humaine. Elles doivent être régulièrement adaptées et actualisées à l'évolution des connaissances scientifiques. Ce dossier nécessite un travail interministériel approfondi entre les autorités responsables de l'agriculture, de la sécurité des consommateurs et de la santé.
D'autres questions importantes, comme la question de l'alcool chez les jeunes, sur lesquelles les propositions envisagées n'ont pu être produites, ne pourront être traitées à ce stade. Nous nous engageons avec la future Présidente suédoise à suivre attentivement ce grave problème de santé publique.
Madame la présidente, Mesdames et messieurs, je m'en tiendrai à cette brève présentation des travaux en cours.
Il me tient à coeur, que la France puisse, à l'occasion de sa présidence, apporter sa contribution à la promotion d'une Europe de la santé plus proche des citoyens, plus volontaire, plus visible et plus efficace.
Je suis à votre disposition pour répondre à vos questions.
(source http://www.presidence-europe.fr, le 14 septembre 2000)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs les Députés européens,
Mesdames et Messieurs les commissaires,
Mesdames, Messieurs,
I -Contexte
La pandémie du SIDA touche actuellement 33,6 millions de personnes dont la majorité vit dans les pays en voie de développement. ONUSIDA notifie 5,6 millions de nouveaux cas en 1999 et 2,6 millions de décès dont 50% de femmes.
Cette épidémie a déjà réduit à néant les acquis de trente années d'aide au développement dans les pays les plus touchés. L'Afrique en vit les conséquences les plus dramatiques.
Le continent africain disposait enfin des cadres et des experts qui lui faisaient tant défaut au moment des indépendances. Or ces adultes formés, actifs, ont payé le premier tribut à la maladie.
Nous ne pouvons ignorer l'immense perte d'investissement humain que représente cette première génération de victimes, perte qui vient amplifier le drame personnel vécu par les victimes et leurs familles. Nous n'oublions pas les pauvres qui sont encore plus exclus des soins. Personne ne peut oublier le témoignage du juge Edwin Cameron, "blanc, homosexuel, séropositif et magistrat à la cour suprême d'Afrique du Sud" comme il s'est courageusement présenté lui même à l'ouverture de la session plénière du congrès internationale sur le Sida à Durban et dont seule la condition sociale lui permet d'avoir accès à des soins inaccessibles à la majorité de ses compatriotes.
Depuis une dizaine d'années, l'Afrique s'est lancée, avec courage, dans un difficile exercice de réforme et d'ajustement structurel. Cependant, en pesant lourdement sur le système de soins, l'épidémie rend encore plus difficile la modernisation du secteur de la santé. Au moment où l'on cherche à mettre en place des modes de financement garantissant la pérennité et l'amélioration des services, le fardeau du Sida apparaît bien lourd pour des solidarités déjà fort sollicitées du fait de la crise économique, du retard de développement, du déficit des structures sanitaires et de l'absence de système de prise en charge collective de la protection sociale.
La question du VIH/SIDA est donc au coeur même du développement durable : elle décime les sociétés, elle menace les générations à venir, elle compromet l'essor économique. Elle est dorénavant considérée comme un sujet de sécurité par les membres du Conseil de Sécurité de l'ONU.
Au delà de l'Afrique, cette pandémie explose de par le monde.
Ce sont 35 millions de personnes qui vivent avec le virus - mais moins de 500 000 qui ont accès aux traitements anti-rétroviraux-. Nous devons constater que, là aussi, le fossé s'est creusé entre pays riches et pays pauvres. L'inégalité des chances dans l'accès au traitement, intolérable en soi, est aujourd'hui d'autant plus révoltante que l'information circule vite sur notre planète : chacun sait aujourd'hui que ces traitements existent.
Il est humainement, moralement et politiquement plus que souhaitable de rechercher, avec les pays en développement, des solutions adaptées à leur situation, prenant en compte leurs potentialités, qui leur permettent d'améliorer l'accessibilité à ces traitements, tout en poursuivant les coopérations par la prévention, l'éducation par la santé et la formation des acteurs de santé locaux.
II -L'aide de l'Union européenne dans la lutte contre le sida
L'Union européenne a pris conscience dès le début des années 80 de la nécessité d'aider très concrètement les pays en développement dans la lutte contre le VIH/SIDA en mettant au centre de ses préoccupations le respect des droits des personnes atteintes, en particulier les droits des personnes et des groupes les plus vulnérables.
L'Union européenne a ainsi participé à la mise en place d'actions dans les domaines de la sécurité transfusionnelle, des campagnes d'information, de sensibilisation des jeunes, de mise en place de centres de documentation et d'information ainsi qu'à des actions de formation et de prise en charge médico-sociale.
Certains pays, en particulier la France, se sont également engagés dans des actions facilitant l'accès aux traitements. Ainsi, les premiers résultats obtenus par les deux programmes d'accès aux médicaments mis en place, dès 1999 en Côte d'Ivoire et au Maroc dans le cadre du Fonds de Solidarité thérapeutique Internationale (FSTI) sont encourageants. De nouveaux programmes débutent au Sénégal, au Vietnam et en Afrique du Sud. Même si ces programmes ne concernent que des effectifs limités comparés aux besoins qui s'expriment en millions de personnes, nous sommes convaincus qu'ils participent à la mobilisation internationale, qu'ils entraînent une amplification de prise en charge partenariale et de partage des savoirs-faire. Leur effet se manifeste déjà dans les programmes de prévention mère-enfant mis en place par l'ONUSIDA et l'UNICEF.
III -Evolution du contexte international
Le contexte international évolue.
a) Les Nations-Unies et ses agences, la Banque mondiale se mobilisent pour renforcer la solidarité internationale thérapeutique.
b) Un important accord a été conclu entre l'OMS, ONUSIDA et cinq firmes pharmaceutiques. Il rend possible une baisse conséquente du prix des médicaments utiles dans le traitement de l'infection VIH/SIDA. De même, la récente décision de mise à disposition gratuite d'une molécule anti rétro virale, la névirapine, dans la prévention de la transmission mère enfant vient crédibiliser l'intérêt de cet accord car elle prouve qu'au-delà des effets d'annonce, l'industrie pharmaceutique peut réellement agir concrètement.
c) De nombreux pays prennent conscience que l'endettement des pays en développement pèse de façon insupportable sur leur économie et freine leur capacité à lutter efficacement contre la pauvreté et notamment la pandémie. La France a décidé des mesures concrètes afin d'annuler ces dettes tout en favorisant le développement de l'éducation et la santé.
Ces initiatives traduisent une mobilisation renforcée de la communauté internationale qui ne doit pas se relâcher.
Néanmoins il ne peut s'agir que d'une première étape dans la lutte contre la pandémie VIH/SIDA. Lors du congrès international sur le VIH/SIDA s'est tenu sur le territoire africain (DURBAN, Afrique du Sud), en juillet dernier, chercheurs, professionnels de santé, militants d'ONG, responsables politiques ont tous souligné l'urgence de la situation. Le contact avec les professionnels de santé démunis, la détresse résignée des mères d'enfants qu'elles ont elles-mêmes contaminés, l'impuissance des autorités sanitaires à agir, la visite d'un hôpital pédiatrique m'ont convaincue, si besoin était, de l'importance du fossé qui se creuse entre les habitants des pays du sud et leurs semblables que le hasard a fait naître dans nos contrées.
IV - De nouveaux engagements sont nécessaires
Le renforcement de l'aide internationale dans la lutte contre le VIH/SIDA est une urgence absolue.
Dans le cadre des stratégies définies au niveau international, en partenariat avec les programmes nationaux de lutte contre le Sida et les autres bailleurs de fonds, la coordination de l'ensemble des moyens à tous les niveaux reste une des premières priorités de l'aide internationale.
Il est urgent de renforcer les programmes de prévention, d'améliorer les efforts de recherches destinés aux pays en voie de développement et de permettre un accès réel aux traitements de tous les malades.
Outre la mise à disposition des médicaments anti-rétroviraux à un prix réaliste pour les systèmes de santé locaux, l'accès aux traitements nécessite de renforcer les actions de formation, l'aide aux structures et le soutien aux associations des personnes concernées.
Certes les programmes de prévention de la transmission mère - enfant restent essentiels mais il faut également mettre en place massivement des projets d'accès aux traitements de l'infection chronique. Car sinon qui élèvera ces enfants dont nous aurons évité la contamination ?
L'accès aux médicaments pose des problèmes socio-économiques, éthiques et médicaux complexes, voire politiques et culturels que nous devons nous efforcer de dépasser en respectant nos interlocuteurs et en les considérant comme des partenaires avec qui coopérer.
Une concertation importante doit se mette en place entre bailleurs, récipiendaires, industries pharmaceutiques et associations pour élaborer des dispositifs opérationnels d'accès aux traitements. Plusieurs initiatives ont été lancées :
* table ronde de la commission en septembre sur le SIDA, la tuberculose et le paludisme,
*conférence japonaise dans le cadre du G8 cet automne sur ces trois maladies,
*proposition de session spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies consacrée au sida avant mai 2002.
La présidence soutiendra les initiatives permettant de trouver des solutions durables au problème de la prise en charge globale et respectueuse des personnes malades, au moyen de projets concrets et d'accords de partenariat avec les pays concernés.
Garantir les chances de chacun à des soins de qualité, à l'information et aux ressources nécessaires doit être l'objectif de la CE.
Conclusion
La réflexion sur l'accès aux traitements n'est pas nouvelle. Cette voie est difficile, mais nécessaire. Elle ne pourra réussir sans la participation de tous : industries pharmaceutiques, bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, pays concernés.
Nous savons désormais que seul un engagement de longue durée permettra de surmonter l'épidémie. Convainquons-nous que cet engagement est d'autant plus nécessaire qu'il serait immoral, dangereux pour le développement et le progrès de l'humanité mais aussi risqué pour l'équilibre mondial et la paix que les avancées récentes ne profitent qu'aux pays les plus riches.
(source http://www.presidence-europe.fr, le 15 septembre 2000)