Interview de M. François Chérèque, secrétaire général de la CFDT, dans "Le Parisien" du 15 janvier 2004, sur l'opposition de la CFDT à la création d'un CDD pour cinq ans.

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Média : Le Parisien

Texte intégral

Le Parisien : Un nouveau " super CDD " permettra-t-il vraiment de créer des emplois comme l'affirme le Medef ?
(Réponse) François Chérèque : Depuis une vingtaine d'années déjà, le patronat affirme qu'en facilitant l'embauche et la débauche on parviendra à améliorer l'emploi. Il a d'ailleurs obtenu de nombreuses facilités en la matière - suppression de l'autorisation administrative de licenciement, multiplication des CDD (une entreprise peut recruter sans difficulté des CDD jusqu'à 18 mois) - sans que le chômage ait significativement reculé. De ce point de vue, l'argument " création d'emploi " n'est que difficilement recevable.
Le Parisien : Le contrat de projet (CDP) ne constitue-t-il pas un risque pour les salariés et pour notre modèle social en partie bâti autour du contrat de travail à durée indéterminée ?
(Réponse) François Chérèque : S'il s'agit du contrat que revendique le Medef, le risque est évident pour les salariés de subir de nouvelles précarités. Voilà pourquoi la CFDT n'acceptera pas un nouveau type de contrat imposé par la loi. Cela ne peut relever que d'une négociation entre partenaires sociaux, à condition que le patronat justifie les raisons économiques de ce contrat en définissant les garanties sociales qui y sont liées pour faire reculer la précarité. Car nous savons pertinemment que dans certains secteurs professionnels comme l'informatique où l'on pratique le " louage " d'ingénieurs ou de techniciens supérieurs, il existe bel et bien un risque réel de voir les CDI transformés en contrat de mission, avec des périodes de chômage entre chaque mission. Cela serait intolérable.
En somme, si le CDP devait servir à réduire l'intérim et des CDD, la CFDT dirait chiche ?
(Réponse) François Chérèque : D'abord, le CDI doit rester le contrat de référence. Et notre objectif est de réduire la précarité. Permettez-moi d'ailleurs de rappeler que la réforme de l'Unedic signée en 2000 prévoyait de telles négociations au niveau des branches professionnelles. Or, quatre ans plus tard, le patronat n'a fait aucune proposition concrète. Le Medef qui demande aujourd'hui l'application immédiate de ce nouveau contrat en entreprise s'emploie à obtenir par la loi ce qu'il n'a pas été capable faire avancer par la négociation. Le Medef a peur de la confrontation avec les syndicats et essaie de décrocher en catimini ce qu'il n'a jamais osé nous demander.
Le Parisien : Qu'allez-vous dire à François Fillon lors de votre prochaine rencontre ?
(Réponse) François Chérèque : Le 26 janvier, nous rappellerons au ministre du Travail que sa loi sur le dialogue social prévoit qu'on laisse négocier les partenaires sociaux avant de légiférer. Or, curieusement, le rapport Virville nous propose l'inverse ! Pour le reste, nous réclamerons une politique de l'emploi tant au niveau français qu'européen. Des actions concrètes et concertées sur la formation, la recherche, les politiques industrielles et le traitement social nous paraissent en effet plus favorables à la création d'emplois que le simple renforcement de la flexibilité.n
(Source http://www.cfdt.fr, le 20 janvier 2004)