Entretien de Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense, dans "Nice Matin" du 8 février 2005, sur la place de la France au sein de l'OTAN et sur les relations entre la Russie, les pays du Maghreb et l'OTAN.

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Circonstance : Réunion informelle des ministres de la défense de l'OTAN, à Nice le 10 février 2005

Média : Le Var Nice matin - Nice matin

Texte intégral

Nice matin : Qu'attendre de cette réunion informelle des ministres de la défense organisée à Nice avant le sommet de l'Otan du 22 février prochain à Bruxelles ?
Michèle Alliot-Marie : Ce rendez-vous revêt une grande importance. Son caractère informel permettra aux ministres qui seront tous présents, d'évoquer les sujets sensibles d'actualité, l'Afghanistan, le Kosovo et la reconstruction de l'Irak. Ce sera donc l'occasion de préparer les orientations du prochain sommet formel.
C'est une première dans notre pays : un symbole d'une volonté de la France d'affirmer son rôle dans cette organisation avec laquelle elle conserve historiquement une certaine indépendance depuis son retrait en 1966 du commandement militaire intégré.
La France est un des membres fondateurs de l'Alliance et est présente au sein de toutes les instances politiques décisionnelles. Elle est parmi les premiers pays en terme de budget et d'effectifs engagés dans les opérations. Les commandements attribués à des officiers généraux français en Afghanistan et au Kosovo témoignent de notre engagement.
Q - Quelles sont d'après vous les nécessaires adaptations de l'OTAN aux nouvelles menaces et en particulier à la lutte contre le terrorisme ?
R - La multiplication des risques appelle aujourd'hui des réponses collectives et efficaces aux niveaux politique et militaire, et également dans le domaine policier et judiciaire : pour avoir davantage de flexibilité et de réactivité, une adaptation des structures de l'OTAN est nécessaire.
Q - Vladimir Poutine vient de se dire " convaincu " que l'élargissement de l'OTAN à d'autres pays n'avait toujours pas de raison d'être. Qu'en pensez-vous ?
R - L'élargissement de l'OTAN, comme de celui de l'Union européenne, contribue à la paix dans le monde. Le risque d'une agression du Pacte de Varsovie n'existe plus aujourd'hui. L'Alliance en a tiré les conséquences en se transformant. Elle intervient en Afghanistan pour permettre la stabilisation de ce pays, autrefois repaire du terrorisme international. La Russie elle-même participe depuis 1993, à l'initiative de la France, au conseil OTAN-Russie dont l'existence même illustre la réalité de la nouvelle Europe.
Q - L'OTAN est-il le bon outil pour favoriser le dialogue méditerranéen alors que le leadership américain est très contesté dans les pays arabes qui pourraient douter alors de la politique française ?
R - La France prend une part active au dialogue méditerranéen. J'ai lancé en décembre dernier à Paris une initiative de sécurité et de défense en Méditerranée occidentale, dans le cadre du dialogue '5+5', regroupant les cinq pays de l'Union du Maghreb arabe (Algérie, Libye, Maroc, Mauritanie et Tunisie) ainsi que cinq pays de l'Union européenne (France, Espagne, Italie, Portugal et Malte).
Il s'agit de conforter d'une part, nos relations bilatérales et d'autre part, les initiatives prises dans le cadre de l'Union européenne avec le processus de Barcelone ou dans le cadre de l'OTAN avec le dialogue méditerranéen. Face aux défis communs que nous devons relever tels que la lutte contre le terrorisme, contre les trafics divers ou les catastrophes de type écologique, l'objectif est de renforcer nos moyens, notamment sur les plans aérien et maritime. L'action de la France est complémentaire de celle engagée par l'OTAN.
Q - Le récent élargissement de l'OTAN en Europe ne se fait-il pas au détriment d'une défense européenne qui tarde à se concrétiser ?
R - La défense est le domaine qui a le plus avancé de la construction européenne et je suis convaincue de la complémentarité entre l'Europe de la défense et l'OTAN. En témoignent les créations des groupements tactiques 1 500, de la Force de gendarmerie européenne ou encore de l'Agence Européenne de Défense.
Q - Pourquoi avoir fait le choix de Nice et quelles sont les raisons ayant conduit à ce choix ?
R - Nice avait déjà été un cadre d'exception pour le Sommet européen de décembre 2000 et son choix s'est donc fait tout naturellement. C'est un symbole fort, doublé d'un réel plaisir pour moi de faire découvrir cette région, que j'apprécie, à mes homologues, auxquels je souhaite communiquer l'envie de revenir.
Q - Vous préparez un livre, son contenu est-il secret défense ou s'agit-il de la stratégie d'un premier ministrable ?.
R - Une réflexion sur les enjeux stratégique des 20 prochaines années. La politique n'a pour moi de vrai sens que lorsqu'elle anticipe et prépare au mieux le futur de notre pays et de nos enfants. C'est aussi une des missions du ministère de la Défense.
(Source http://www.defense.gouv.fr, le 9 février 2005)