Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, surle développement de la pandémie du Sida et l'aide de l'Union européenne dans la lutte contre le Sida, Bruxelles le 28 septembre 2000.

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Circonstance : Table ronde sur la mobilisation contre le Sida à Bruxelles le 28 septembre 2000

Texte intégral

Mesdames, Messieurs les Ministres,
Madame la Directrice de l'OMS,
Mesdames, Messieurs les Commissaires,
Mesdames, Messieurs,
Je tiens tout d'abord à remercier les organisateurs de cette table ronde.
Nous en avions fait l'annonce lors du Congrès de Durban en juillet dernier. Elle constitue
-j'en suis convaincue- une étape essentielle dans la mobilisation contre le VIH-SIDA que nous appelons tous de nos vux.
Je souhaite qu'ensemble responsables politiques, représentants d'organismes internationaux, chercheurs, firmes pharmaceutiques et organisations non gouvernementales, au-delà des déclarations d'intention, nous soyons en mesure à l'issue de cette journée de proposer un programme d'actions concrètes.
Car la réalité, dans son urgence et sa dimension dramatique, nous impose d'être efficace :
*le fléau du VIH-SIDA ne cesse de s'étendre alors que nous disposons aujourd'hui de moyens de plus en plus puissants pour le réduire,
*la tuberculose, maladie presque toujours curable dans les pays développés, continue de décimer les populations les plus vulnérables d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud,
*enfin depuis plusieurs années déjà la communauté internationale et les firmes pharmaceutiques se sont progressivement désengagées de la lutte contre le paludisme, responsable pourtant de centaines de milliers de morts chaque année.
I- Un défi mondial
Cette réalité, nul ne peut la nier. Le développement de la pandémie de SIDA depuis vingt ans est une catastrophe mondiale. La persistance à un niveau épidémique majeur de la tuberculose et du paludisme ne peut plus être ignorée.
Mais face au désespoir que suscitent ces pandémies, nous devons aussi nous rappeler que l'humanité a déjà affronté de pareils défis. Grâce à la science, grâce à la volonté déterminée des hommes d'autres maladies ont été vaincues. Demain, celles-ci également seront vaincues.
A ces défis mondiaux, nous devons opposer des réponses mondiales.
Dans cette mobilisation, le rôle de la communauté européenne doit être essentiel ; les valeurs que l'Europe entend défendre partout dans le monde ne peuvent être crédibles, entendues, respectées que si nous savons répondre à l'urgence de ces situations sanitaires dramatiques.
Si aujourd'hui le VIH-SIDA s'est développé de façon dramatique dans les pays du sud, si la tuberculose et le paludisme restent des drames sanitaires, c'est d'abord parce que ces épidémies se développent sur le terrain de la pauvreté.
Lutter contre ces fléaux, c'est lutter contre la pauvreté. Nous devons en tenir compte dans les conclusions de cette journée de travail.
Personne ne peut oublier le témoignage du juge Edwin Cameron, "blanc, homosexuel, séropositif et magistrat à la cour suprême d'Afrique du Sud" comme il s'est courageusement présenté lui même à l'ouverture de la session plénière du congrès internationale sur le Sida à Durban : il nous a dit avec clairvoyance que seule sa condition sociale lui permettait d'avoir accès à des soins inaccessibles à la majorité de ses compatriotes.
Il est humainement, moralement et politiquement plus que souhaitable de rechercher, avec les pays en développement, des solutions adaptées à leur situation, prenant en compte leurs potentialités et qui leur permettent d'améliorer l'accessibilité à ces traitements.
II - L'aide de l'Union européenne dans la lutte contre le sida
L'Union européenne a pris conscience dès le début des années 80 de la nécessité d'aider très concrètement les pays en développement dans la lutte contre le VIH/SIDA en mettant au centre de ses préoccupations le respect des droits des personnes atteintes, en particulier les droits des personnes et des groupes les plus vulnérables.
L'Union européenne a ainsi participé à la mise en place d'actions dans les domaines de la sécurité transfusionnelle, des campagnes d'information, de sensibilisation des jeunes, de mise en place de centres de documentation et d'information ainsi qu'à des actions de formation et de prise en charge médico-sociale.
Certains pays, en particulier la France, se sont également engagés dans des actions facilitant l'accès aux traitements. Ainsi, les premiers résultats obtenus par les deux programmes d'accès aux médicaments mis en place, dès 1999 en Côte d'Ivoire et au Maroc dans le cadre du Fonds de Solidarité thérapeutique Internationale (FSTI) sont encourageants. De nouveaux programmes débutent au Sénégal, au Vietnam et en Afrique du Sud. Même si ces programmes ne concernent que des effectifs limités comparés aux besoins qui s'expriment en millions de personnes, nous sommes convaincus qu'ils participent à la mobilisation internationale, qu'ils entraînent une amplification de prise en charge partenariale et de partage des savoirs-faire. Leur effet se manifeste déjà dans les programmes de prévention mère-enfant mis en place par l'ONUSIDA et l' UNICEF.
Néanmoins il ne peut s'agir que d'une première étape dans la lutte contre la pandémie VIH/SIDA. Lors du congrès international sur le VIH/SIDA de (DURBAN), en juillet dernier, chercheurs, professionnels de santé, militants d'ONG, responsables politiques ont tous souligné l'urgence de la situation. Le contact avec les professionnels de santé démunis, la détresse résignée des mères d'enfants qu'elles ont elles-mêmes contaminés, la visite d'un hôpital pédiatrique m'ont convaincue, si besoin était, de l'importance du fossé qui se creuse entre les habitants des pays du sud et leurs semblables que le hasard a fait naître dans nos contrées.
III - De nouveaux engagements sont nécessaires
Je crois qu'il convient de l'affirmer avec netteté : le renforcement de l'aide internationale dans la lutte contre le VIH/SIDA est une urgence absolue.
Dans le cadre des stratégies définies au niveau international, en partenariat avec les programmes nationaux de lutte contre le Sida et les autres bailleurs de fonds, la coordination de l'ensemble des moyens à tous les niveaux doit être notre priorité.
Cette démarche doit être globale associant, sans les opposer, la prévention, la recherche, le développement des systèmes de santé et les soins. Mais face à l'urgence, face à ces millions de personnes contaminées et malades, il y a urgence à soigner ; soigner c'est-à-dire favoriser l'accès aux traitements.
Dans le cadre d'une telle pandémie, l'accès aux traitements doit être affirmé comme un droit. Nous ne pouvons accepter que des facteurs économiques soient directement la cause de la mort de millions de personnes malades qui pourraient vivre en ayant accès à ces médicaments. L'inégalité des chances dans l'accès au traitement, intolérable en soi, est aujourd'hui d'autant plus révoltante que l'information circule vite sur notre planète : chacun sait aujourd'hui que ces traitements existent.
En ce qui concerne le VIH, l'accord conclu entre l'OMS, l'ONUSIDA et les firmes pharmaceutiques est une première étape. Il a déjà permis la mise à disposition d'une molécule antirétrovirale utile dans la transmission materno-ftale. Il faut maintenant aboutir à des projets plus ambitieux et en tenant compte des projets pilotes (FSTI, ONUSIDA) étendre et généraliser les programmes de transmission materno-ftale mais aussi permettre un traitement adapté et efficace des adultes infectés.
Les programmes de prévention de la transmission mère - enfant restent essentiels mais il faut également mettre en place massivement des projets d'accès aux traitements de l'infection chronique. Car sinon qui élèvera ces enfants dont nous aurons évité la contamination ?
Face à l'urgence, face aux résistances culturelles, sociales et parfois politiques, nous avons le devoir de faire preuve d'audace et d 'imagination, en bousculant peut-être les habitudes que nous avions prises, en inventant des procédures nouvelles, plus rapides, plus efficaces.
C'est l'objectif de cette journée. C'est un objectif urgent, une démarche qui doit être articulée avec las autres initiatives internationales (conférence japonaise dans le cadre du G8, proposition de session spéciale de l'Assemblée générale des Nations Unies consacrée au sida avant mai 2002).
Les débats du congrès de DURBAN m'ont également convaincu de la nécessité de mettre en place une recherche au bénéfice des habitants des pays du sud, avec les professionnels et les associations de ces pays dans le respect des droits de chacun. Il s'agit d'une démarche difficile car elle bouscule nos habitudes respectives mais elle est essentielle pour établir une véritable solidarité internationale.
Enfin, nous devons réaffirmer le rôle des associations. En Europe, en Amérique du Nord, le SIDA a engendré des remaniements profonds et positifs dans le comportement des malades et dans l'organisation des systèmes de santé.
Aujourd'hui l'ampleur de l'épidémie est telle dans les pays du Sud que les systèmes de soins et de santé sont submergés : la mobilisation des associations et des ONG est indispensable pour la construction de systèmes de santé plus solides et plus sûrs, pour leur réorganisation, pour leur renforcement.
CONCLUSION
La réflexion sur l'accès aux traitements s'est développée depuis quelques temps. Nous savons tous que c'est une voie difficile, mais absolument nécessaire. Elle ne pourra réussir qu'avec la participation de tous : industries pharmaceutiques, bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux, pays concernés. Elle ne pourra triompher que si nous réussissons à faire preuve d'audace et d'originalité, de générosité et de persévérance.
Seul un engagement de longue durée permettra de surmonter l'épidémie. Cet engagement résolu est d 'autant plus nécessaire qu'il serait immoral, dangereux pour le développement et le progrès de l'humanité mais aussi risqué pour l'équilibre mondial et la paix que les avancées récentes ne profitent qu'aux pays les plus riches.
Il serait vain de parler des droits de l'homme, des droits universels si nous nous montrons incapables d'organiser une solidarité mondiale pour un droit élémentaire - le droit à la santé-.
Nous avons ici un devoir d'humanité. Nous ne saurions nous dérober.
(source http://www.sante.gouv.fr, le 30 octobre 2000)