Interview de M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication, à France 2 le 31 mars 2005, sur l'installation de la télévision numérique terrestre (TNT), notamment l'offre de programmes et le statut des intermittents du spectacle.

Prononcé le

Média : France 2 - Télévision

Texte intégral

F. Laborde - Avec R. Donnedieu de Vabres, nous allons parler, oh joie ! oh surprise ! de la TNT puisqu'elle arrive aujourd'hui dans vos foyers, enfin dans presque tous les foyers, monsieur le ministre, puisqu'il n'y a qu'une partie en fait du territoire qui est couverte pour l'instant.
R - Oui, c'est un grand jour pour la télévision française, et c'est un grand jour pour les Français, parce que c'est tout simplement la multiplication, grâce à la technologie, d'une télévision de qualité gratuite. Alors je pense qu'il faut être pratique et dire aux Françaises et aux Français qui nous écoutent, qu'ils n'ont pas besoin de changer de poste de télévision, qu'ils n'ont pas besoin - sauf dans les immeubles collectifs où il faut les adapter - de changer d'antenne.
Q - On garde les bons vieux râteaux...
R - Il faut qu'ils achètent un adaptateur, et ils auront une offre de programmes évidemment renouvelée, et ils auront surtout une qualité de son et d'image tout à fait exceptionnelle. Donc c'est la technologie qui est mise à la disposition du plus grand nombre. Moi je suis très fier, pourquoi ? Parce que vous savez, dans les temps de repentance absolue où il faut s'excuser de tout, eh bien l'Etat, le Gouvernement, et le CSA, ont travaillé ensemble, sont au rendez-vous. Il y avait des débats extraordinairement difficiles à trancher, il y avait des pressions qui se sont exercées...
Q - Des disputes sur les systèmes techniques...
R - Des problèmes d'arbitrages techniques et technologiques, nous avons rendu possible à la date l'entrée en vigueur de cette nouvelle offre télévisuelle. Vous savez, c'est un peu comme le jour où il y a eu la bande FM, c'est-à-dire une multiplication de stations de radio et une qualité renforcée, c'est bien de cela qu'il s'agit. Alors, il faut avoir la franchise de le dire, ce que je fais tout de suite, c'est que l'entrée en vigueur et en service va être progressive. Aujourd'hui, c'est 35 % des Français qui vont être desservis...
Q - Paris, l'arc Atlantique, quand on voit à peu près sur...
R - Pas uniquement parce qu'il y a aussi Lyon, il y a aussi Marseille, il y a un certain nombre d'agglomérations qui vont être desservies, parce que tout ça est quand même technologiquement compliqué, il faut qu'il y ait des relais, le ciel n'est pas si dégagé que ça pour pouvoir transmettre les ondes...
Q - Par exemple en Touraine.
R - Alors je suis obligé de dire à mes amis de Tours, ma ville, eh bien que pour eux ce sera la fin de l'année.
Q - Ce qui prouve qu'il n'y a pas de régime de faveur, si je puis dire.
R - Non, non, voyez, on est dans une République équilibrée, mais qu'ils ne se disent pas que pour autant leur ministre ne leur sert à rien. Fin de l'année, un Français sur deux, printemps 2006 65 % des Français, automne 85 % des Français.
Q - Mais alors, pour revenir à Tours justement, il y a une raison technique au fait que ça ne soit pas à disposition ?
R - Bien sûr, parce que le passage des fréquences n'est pas si évident que ça à tracer et à mettre en uvre, et donc il y a des endroits où il y a un certain nombre de difficultés qui seront tranchées. Il y a un aspect très important parce que nous pensons aux usagers qui se disent, "hou la la, mais en quoi ça va consister, tout ça est très compliqué". Eh bien, dans la journée, sera mis en place un numéro d'appel... C'est aussi quelque chose de très exceptionnel parce que c'est une coopération entre les pouvoirs publics, les entreprises publiques et les entreprises privées, enfin la plupart des entreprises privées.
[...]
Q - ...14 chaînes donc, une partie des chaînes qu'on connaît déjà, qui sont les chaînes que l'on recevait par réseau analogique, et puis de petites nouvelles avec beaucoup de musique. Comment vous la caractérisez, cette nouvelle offre de chaînes ?
R - Ecoutez, j'espère, ça sera une offre de qualité, une offre culturelle notamment, et l'Etat a donné à FranceTélévisions, à Arte, les moyens pour le lancement de cette TNT et d'une offre programmes renouvelée. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'il y a un certain nombre de contenus nouveaux, il y a France4 qui va voir le jour au sein du groupe FranceTélévisions, vous avez France5 qui va être diffusée 24 heures sur 24, comme va l'être maintenant Arte. Cela veut dire que je souhaite qu'il y ait le maximum de place pour toutes les formes d'expressions culturelles à la télévision globalement, et bien sûr dans l'audiovisuel public dont j'ai la charge et que les Français financent grâce à la redevance. Et de ce point de vue-là, je considère qu'il y a eu des grandes avancées qui ont été faites par FranceTélévisions ces derniers mois, et que je tiens à saluer, parce que parfois on est injuste, et moi je ne serai pas un ministre injuste, je ne finance pas à 100 % l'audiovisuel public parce que vous avez aussi les recettes de la publicité, mais il y a des novations, elles doivent continuer parce que c'est très important pour soutenir aussi le rayonnement de notre culture, de notre fierté et le travail des artistes et des techniciens. Et puis, vous savez de temps en temps on se dit, mais au fond la qualité et la culture ça ne va pas de paire avec le nombre. Eh bien c'est faux. Vous savez très bien qu'il y a quelques semaines il y a eu "La nuit de la chanson française", et vous avez battu de 12 points une chaîne concurrente, traditionnellement qui est en bagarre avec vous, en l'occurrence TF1. Eh bien je crois tout simplement que s'il y a des initiatives nouvelles de la créativité - je ne suis pas directeur des programmes - mais je tiens à saluer un certain nombre d'initiatives qui sont menées et qui vont dans le bon sens. Le bon sens c'est quoi ? C'est donner le goût aux Français, grâce à la télévision, de découvrir un certain nombre d'uvres, qu'il s'agisse de musique, de théâtre, de cinéma, de livres...
Q - ... Bientôt avec " Les rois maudits " d'ailleurs.
R - Et puis de fierté pour notre pays, pour notre patrimoine, et c'est ce que vous êtes en train de mettre en uvre, je crois que c'est une très bonne chose, il faut veiller bien sûr à le faire aux heures de plus grande écoute, et ça c'est très important. Vous avez évoqué "Les rois maudits". Pourquoi c'est pour moi un sujet auquel j'attache la plus grande importance ? C'est qu'il y a eu une relocalisation en France d'une partie du tournage, et là c'est aussi la bataille de l'emploi. ...
Q - Justement, hier, vous avez reçu les intermittents du spectacle, que vous leur avez promis un nouveau régime d'assurance chômage à partir du 1er janvier 2006, et qu'on a vu d'ailleurs dans les journaux, dans Le Monde notamment, qu'il y avait une partie d'ailleurs qui commençait à toucher, si je puis dire, les dividendes du nouveau régime, et donc tout ça se met en place.
R - D'abord, moi je soutiens l'emploi, ça veut dire si vous voulez je soutiens le travail des artistes et des techniciens. Quand je me bats sur le front de la relocalisation des tournages, quand je me bats pour avoir le courage de parler de la piraterie et donc de la filière musicale, quand, non pas je me bats, mais j'obtiens, et je l'en remercie, du Premier ministre, des crédits supplémentaires, qui sont ensuite affectés à l'audiovisuel public, au mois de décembre, en plus de la redevance - 15 millions d'euros pour FranceTélévisions, 2 millions d'euros pour Arte et 3 pour Radio France - c'est pour faire en sorte qu'il y ait des nouveaux contenus, et que l'emploi soit soutenu, et que de ce point de vue-là, chacun balaye devant sa porte, parce que Etat, collectivités territoriales, entreprises publiques et entreprises privées, parfois nous employons des techniciens et des artistes qui devraient avoir un contrat de travail modifié, et qu'ils ne l'ont pas parce qu'il y a eu ce recours parfois abusif à l'intermittence. Donc je me bats sur le front de l'emploi, pour soutenir la création, sous toutes ses formes. Et puis, il faut qu'il y ait un nouveau système d'indemnisation du chômage. Le protocole de 2003 avait des effets injustes, un certain nombre d'artistes et de techniciens ont été réintégrés dans leurs droits grâce aux mesures prises par l'Etat pour 2005. Eh bien au-delà de 2005 il y a 2006 - c'est de Lapalissade s'il en est, ok - j'ai pris l'engagement qu'il y aurait un nouveau système qui doit reposer sur la solidarité interprofessionnelle. Je souhaite, puisque j'ai réparti clairement les responsabilités entre d'un côté l'Unedic, qui a la charge de l'assurance chômage, de l'autre côté l'Etat, les collectivités territoriales et les entreprises, la charge du soutien à l'emploi, que les négociations et les discussions commencent avant l'été. Je ne vois pas ce qui s'y oppose, il y a un projet de charte sur l'emploi, j'espère qu'il sera signé par le plus grand nombre. Le rendez-vous est pris pour le 15 avril. A partir du 15 avril, je souhaite que s'ouvre la discussion parce qu'elle est légitime et l'Etat prendra bien sûr toutes ses responsabilités pour aider à la discussion afin qu'on bâtisse un système pérenne, applicable et opérationnel au 1er janvier 2006, c'est très important, et à ce moment là, on pourrait parler définitivement de sortie de crise.
Q - Alors, tout dernier mot sur la constitution, vous n'êtes pas directement concerné...
R - Comment je ne suis pas directement concerné !
Q - Encore que l'Europe de la culture, ce n'est pas rien et c'est peut-être celle qui avance le plus d'ailleurs.
R - C'est très important dans cet univers où nos concitoyens craignent de disparaître, [...] craignent l'uniformisation, la standardisation, d'être dominés par d'autres formes d'expressions culturelles et artistiques, de perdre leur capacité de rayonnement et d'influence, la culture est un point essentiel d'attractivité pour notre pays, d'emplois, de rayonnement, et il faut qu'on protège la diversité de notre patrimoine, et la culture j'en ai une vision très vaste, comme du patrimoine. La façade d'un café dans une commune rurale, jusqu'à la cathédrale de Chartres, la plus emblématique, jusqu'au musée ou à l'uvre d'art la plus incroyable, tout ça fait partie d'un patrimoine que nous devons protéger, mettre en valeur. L'Europe, de ce point de vue-là, est un espace de protection, de diversités. Cette Constitution elle prend acte de la réunification. Qui, aujourd'hui, va vouloir tourner le dos à ce qui a été fantastique, c'est-à-dire une victoire de la liberté sur le monde communiste ? Nous sommes maintenant 25, il faut qu'on s'organise...
Q - Il faut qu'on puisse travailler ensemble.
R - Il faut qu'on puisse travailler ensemble, c'est comme d'une certaine manière une sorte de règlement de copropriété, et c'est la définition d'objectifs de principes et de valeurs. Dans ce monde violent, dans ce monde de terreur, dans ce monde de concurrence économique, on a intérêt à avoir des pays qui ont des objectifs en commun, des valeurs en commun. Que chacun lise, parce que si vous voulez, qu'on arrête les fantasmes, c'est l'organisation de cette Europe à 25, c'est la définition d'un certain nombre de principes et de valeurs, je souhaite véritablement que cette information soit la plus largement possible diffusée, et moi je suis prêt à tous les débats, à toutes les rencontres. Je souhaite qu'un certain nombre de gens, qui ont exercé des responsabilités éminentes, soit comme Premier ministre, soit comme ministre dans un certain nombre de gouvernements...
Q - L. Fabius, au hasard.
R - Qui ont participé...
Q - Chevènement.
R - ... Au-delà des clivages partisans, à la construction européenne, eh bien aient le souci de continuer le chemin.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 31 mars 2005)