Déclaration de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du gouvernement, à "RTL" le 18 avril 2005, sur la campagne électorale pour le référendum sur la Constitution européenne et l'intervention de Jacques Chirac lors d'une émission de télévision face à des jeunes.

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Média : Emission L'Invité de RTL - RTL

Texte intégral


Jean-Michel Aphatie - Les déclarations faites par Dominique de Villepin hier soir suscitent déjà beaucoup d'interrogations. "Quel que soit le résultat du référendum - a dit le ministre de l'Intérieur - le sentiment qu'expriment aujourd'hui les Français se traduira sur le plan de la politique nationale. Il faudra plus d'exigence, plus de solidarité, plus de mouvement, pour mieux prendre en compte les sentiments et les frustrations qui s'expriment". S'agit-il de l'annonce d'un changement de politique après le référendum Jean-François Copé ?
R - D'abord, je voudrais dire que Dominique de Villepin a donné hier une interview qui était absolument passionnante. Moi, je partage très largement tout ce qu'il a évoqué sur ce qui doit nous amener - je l'espère - à la victoire du "Oui". C'est-à-dire une campagne qui soit extrêmement active, qu'on aille au fond des choses, qu'on aille chercher les partisans du "Non" sur leur terrain, pour essayer de démonter un à un leurs arguments. C'est un travail de campagne et nous sommes bien dans ce domaine.
Q - Mais il est déjà dans "l'après 29 mai". Que veut-il dire ?
R - Mais attendez, je ne suis pas là pour faire ensuite l'exégèse du reste, comprenez-moi...
Q - Ah bon ? Vous êtes porte-parole du gouvernement quand même...
R - Oui, du gouvernement.
Q - Et c'est un ministre important du gouvernement qui nous dit : "quel que soit le résultat du référendum, ça va changer"...
R - Jean-Michel Apathie, j'arrive... juste un mot, simplement, pour vous dire sur ce sujet qu'aujourd'hui nous sommes dans la campagne et que d'ici au 29 mai, nous avons le nez sur le guidon. Il est tout à fait normal, comme en chaque circonstance électorale comme celle-là, que l'on tire a posteriori toutes les leçons du scrutin...
Q - A posteriori...
R - Une fois que le scrutin a eu lieu, mais là, pour l'instant, nous sommes en campagne...

Q - Vous, vous êtes le nez sur le guidon, Jean-François Copé, et Dominique de Villepin a la tête un peu relevée. Il voit un peu plus loin que vous...
R - Sans doute, mais enfin écoutez : en tout cas en ce qui me concerne, je vous le dis, à la fois les messages qu'il a adressés sont importants sur la manière dont nous devons nous engager dans cette campagne, et pour ce qui concerne cette campagne, je peux vous le dire, les uns et les autres nous n'avons qu'une idée, c'est de faire en sorte que les Français puissent voter en connaissance de cause.
Q - Et que le "Oui" gagne, c'est moi qui le dit vous voyez, parce que vous ne l'avez pas dit...
R - Il n'y a pas d'ambiguïté là-dessus...
Q - Tous ceux qui ont entendu, Dominique de Villepin hier soir pensent que - on ne va pas tourner autour du pot - avec ce genre de déclaration, les jours de Jean-Pierre Raffarin à Matignon sont comptés...
R - Je m'excuse mais, encore une fois...
Q - Tous ceux qui veulent comprendre, ce qu'a voulu dire Dominique de Villepin, pensent que, quand un ministre important, qui dit lui-même qu'il a parlé avec le président de la République le matin de cette émission - c'était sur Europe 1, pour le citer - eh bien ça veut dire que les jours de Jean-Pierre Raffarin à Matignon sont comptés.
R - Jean-Michel Aphatie, ça c'est le rôle du commentateur et il est tout à fait légitime que vous soyez dans ce rôle. Comprenez que moi, aujourd'hui, je suis engagé dans la campagne référendaire, et que ce qui compte aujourd'hui c'est de diffuser les arguments qui vont bien pour convaincre les Français...
Q - Alors, on va prendre le problème autrement. On a entendu jeudi soir l'inquiétude des Français, et c'est bien entendu en partant de là que Dominique de Villepin a dit ce qu'il a dit. On a pu penser que Jean-Pierre Raffarin, sa politique, posait un problème, et que, donc, Dominique de Villepin envoyait un message hier soir. Jean-François Copé, pour vous, ce n'est pas ça...
R - Mais, je crois qu'encore une fois, le message c'est quoi ? C'est de dire que, au lendemain d'une élection quelle qu'elle soit, on en tire les enseignements. Et puis on attend les résultats avant quand même. Et aujourd'hui, on est dans la campagne électorale pour ce référendum. Donc, on peut faire toute l'émission là-dessus si vous le souhaitez, mais pour ce qui me concerne, je vous le dis, aujourd'hui on est le nez sur le guidon, avec un objectif : que le "Oui" l'emporte.
Q - Donc, ce n'est pas le porte-parole du gouvernement qui nous expliquera les propos de Dominique de Villepin hier soir...
R - En tout cas, quand vous tenez à quelque chose, vous savez le faire, mais je peux vous le dire, moi aussi.

Q - D'accord. Donc on va passer à autre chose.
R - C'est vous qui voyez...
Q - Il y a eu trois sondages après l'intervention de Jacques Chirac jeudi soir, et les trois continuent à donner la victoire du "Non". Le chef de l'Etat a du mal à convaincre, comment expliquez-vous ça ?
R - Les études d'opinion ont montré beaucoup d'autres choses. Bon, bien sûr, aujourd'hui le "Non" est en tête, et pour être tout à fait honnête avec vous, j'ai bien un peu le sentiment que le "Non" est "à la mode", et qu'il nous appartient à nous qui sommes partisans du "Oui" de démonter un à un ses arguments. Et c'est ça la difficulté de l'exercice. C'est en ça d'ailleurs que cette campagne est passionnante. Et elle doit être difficile aussi pour ça. Mais, en même temps il y a des points positifs. Et comme les commentateurs ont beaucoup relevé les points négatifs, je vous propose de relever quand même deux ou trois choses. D'abord, cette campagne référendaire, c'est une course d'obstacles. Et chaque obstacle doit être passé l'un après l'autre. Là, il y a eu une première étape qu'ont montrée les études d'opinion. Le président a convaincu sur trois choses : d'abord, il a convaincu sur le fait que les Français comprenaient maintenant que cette Constitution, elle était nécessaire pour avoir un règlement intérieur pour fonctionner à vingt-cinq pays. Et puis, deuxièmement, il a convaincu qu'il y avait une avancée démocratique par rapport au pouvoir technocratique de Bruxelles. Et le troisième point sur lequel il a convaincu, c'est que renégocier un traité avec le "Non", ça deviendra très, très difficile, pour ne pas dire impossible avant longtemps.
Q - Mais le sondage CSA sur ce point disait l'inverse. Que le président de la République n'avait pas convaincu. 46 contre 41.
R - Enfin, en tout cas l'autre sondage que j'ai lu le montrait. Mais écoutez je vous l'accorde si vous le souhaitez...
Q - Ça n'a quand même pas été une émission très réussie. On peut le dire ce matin Jean-François Copé...
R - Mais c'était une émission très difficile...
Q - D'accord, c'était une émission très difficile. A t-elle été réussie de votre point de vue Jean-François Copé ?
R - Mais elle a été réussie sur les trois points au moins que j'indique et qui montrent que, face à ce parcours d'obstacles, il faut dénouer l'une après l'autre les ambiguïtés et les difficultés entretenues par les partisans du "Non", ce qui est normal, c'est leur rôle. Et pour le faire, il faut le faire étape après étape. Nous avons un mois et demi de campagne, cette première étape était très importante. J'ajoute Jean-Michel Aphatie, parce qu'il y a eu tellement de commentaires négatifs avant comme après cette émission, moi j'ajoute une chose...
Q - Pourquoi ? Par militantisme ? Par mauvais esprit ? Tout le monde est à côté de la plaque ?
R - Tout simplement parce que c'était une formule nouvelle. C'était une formule nouvelle, ce n'est pas si fréquent qu'un président de la République choisisse d'entrer en campagne avec un échantillon de 80 jeunes Français représentant la France d'aujourd'hui. Mais ce qui était très intéressant, c'est que cette émission, elle a fait beaucoup d'audience. Qu'il y avait derrière tout cela, avec sept millions et demi de téléspectateurs, des gens qui avaient vraiment envie de voir une confrontation au sens noble du terme. C'est ça le débat politique...
Q - Vous disiez que le "Non" était à la mode Jean-François Copé... Peut-il gagner?
R - En tout cas aujourd'hui on voit qu'il est en tête. Tout l'objectif durant un mois et demi de campagne c'est de faire qu'il ne gagne pas, c'est que le "Oui" l'emporte. Et pour ça il faut, je crois, faire un gros travail de campagne. Mais c'est vrai aussi qu'il faut montrer aux Français quelques-unes des évidences qui n'apparaissent pas aujourd'hui sur les rendez-vous que nous avons à faire. Par exemple, moi je pense que l'une des raisons pour lesquelles on peut avoir envie de voter "Oui", c'est si par exemple, on n'a pas envie que l'avenir de son pays se fasse à Wall Street ou se défasse à Pékin. C'est très simple, mais ça montre aussi que les enjeux c'est qu'on a besoin d'une Europe qui soit organisée. Et tout ce qui est dans cette Constitution c'est des plus, c'est des avantages.
Q - La conclusion de Jacques Chirac lors de son émission : "ce qui me fait le plus de peine", a t-il dit en s'adressant aux jeunes, "c'est le pessimisme : je ne le comprends pas, et cela me fait de la peine". Et cette conclusion a montré un président un peu décalé par rapport aux jeunes.
R - Elle a surtout parfaitement résumé l'état d'esprit dans lequel se trouvent beaucoup de nos concitoyens. On le voit tous les jours, cette obsession de beaucoup de Français aujourd'hui, d'avoir des réponses immédiates à des problèmes qui doivent être traités dans la durée, pour lesquels, d'ailleurs, l'Europe est une des réponses, et sur lesquels, nous, on doit se bouger. Ça montre que l'action politique c'est se remettre en cause tous les jours. C'est effectivement sur tous ces sujets, évaluer les résultats obtenus, et puis aller plus loin évidemment...
Q - Mais on ne peut pas dire qu'après trois années de gouvernement Raffarin, l'optimisme se soit installé dans la société française...
R - Vous savez, on a appris une chose, de gauche comme de droite, avec les années qui passent : c'est que les bilans, ils ne se font pas toujours en instantané. Ils se font au fil du temps. Ce qui importe, c'est que sur toute une série de sujets sur lesquels personne ne voulait bouger, on a fait le travail qui s'imposait !
Q - Jean-François Copé, qui a le nez sur le guidon, ce n'est pas le cas de tout le monde, était l'invité d'RTL ce matin. Bonne journée.
(Source : Premier ministre, Service d'information du Gouvernement, le 18 avril 2005)