Texte intégral
Q- J.-P. Raffarin participera à son premier Conseil des ministres, ce matin, depuis son opération de la vésicule biliaire. Il a l'air d'aller mieux, mais en même temps, il a annulé sa participation à des meetings de l'UMP, cette fin de semaine. Alors, petite santé pour J.- P. Raffarin ou pas ?
R- Il a quand même subi une intervention qui est délicate, qui fait très mal comme affectation. Il se remet assez rapidement parce qu'il est costaux, mais enfin, il faut qu'il prenne des précautions, c'est normal...
Q- En politique, on n'a pas droit à une convalescence, il faut être tout de suite au travail ?
R- En tous les cas, ce n'est pas le tarif de la Sécurité sociale.
Q- Vous vous envolerez demain soir pour la Chine, pour un voyage de huit jours, au cours duquel vous rencontrerez plusieurs responsables politiques là-bas. Vous évoquerez avec eux les problèmes que pose l'invasion du textile chinois en Europe, et notamment en France. Qu'allez-vous leur dire ? Que ça suffit, qu'il faut qu'ils arrêtent, qu'ils se maîtrisent un petit peu ?
R- Non, je vais leur dire que la situation est devenue anormale. Que naturellement, depuis dix ans, on pouvait se préparer, et on l'a fait...
Q- Mal...
R- Non, bien, au contraire. Et la France, notamment, s'est très bien préparée à cette échéance. Mais elle s'est préparée à une concurrence normale. Et là, nous sommes souvent dans une concurrence anormale.
Q- En quoi ?
R- Anormale déjà par les quantités. D'un seul coup, vous avez, sur certains produits, des augmentations d'importations de 500 %. Brutalement, du jour au lendemain. Des baisses de prix de 50 % sur certains produits. Ça, c'est anormal. D'autre part, si je regarde les saisies de contrefaçons, qui ont eu lieu l'année dernière en matière textile : sur 550.000 objets saisis en matière textile, 70 % sont d'origine chinoise. La contrefaçon, ce n'est pas normal non plus. Et puis en Chine aussi, très souvent, les entreprises qui produisent du textile sont des entreprises qui vivent dans une sorte d'économie mixte, avec des aides d'Etat qui nous sont interdites, en Europe et en particulier en France. Donc tout ceci évidemment fait que les conditions de la concurrence ne sont pas équitables. Alors, nous nous sommes très bien préparés, ce qui fait que globalement - il faut le dire -, l'augmentation des importations n'est pas si importante que ça, en provenance des produits chinois. Mais en revanche, les produits chinois se substituent à d'autres produits qui viennent du Maghreb. Et le vrai drame - car c'est un drame -, c'est ce qui touche les pays du Sud. Par exemple, l'industrie tunisienne, pour 50 %, repose sur le textile. Elle est touchée de plein fouet. Et on n'aura bientôt plus d'importations de textile tunisien, remplacé par du textile chinois. C'est un drame pour eux, et ça nous touche, naturellement.
Q- En Chine, vous n'allez pas parler de la Tunisie, mais de la France ?
R- Nous allons parler aussi des pays du Sud et du Maghreb, parce que l'Union Européenne a constitué un vaste marché, qui est la zone Euromed, en matière textile, qui comprend quarante-cinq pays - les vingt-cinq pays de l'Union Européenne, et vingt pays du pourtour méditerranéen. Donc nous sommes solidaires. Et encore une fois, dans la mondialisation, il faut parler à des grands pays comme la Chine, qui représente 1,3 milliard d'habitants. Il faut parler au nom de grands ensembles. Il ne faut pas que la France arrive toute seule, solitaire.
Q- Mais qu'attendez-vous de vos interlocuteurs chinois ? Quel type d'engagement doivent-ils prendre auprès de vous ?
R- J'attends une concurrence loyale. Il faut qu'il y ait de la concurrence, parce que c'est bon la concurrence, mais il faut qu'elle soit loyale...
Q- Mais qu'est-ce que vous attendez d'eux ? Qu'ils vous disent qu'ils arrêteront de subventionner leurs usines ?!
R- Alors premièrement, déjà nous allons travailler ensemble sur la contrefaçon. La contrefaçon de produits chinois est une chose très importante. Les Chinois sont d'accord là-dessus. Vous savez, ils sont aussi ouverts, ils sont parfois aussi dépassés même par leur succès. Donc j'attends, de ce point de vue-là, un véritable effort, même si les choses sont bien engagées. Deuxièmement, et je crois que la Chine y est disposée aussi, que nous évoluions sur les questions d'aides d'Etat. Et par exemple, je sais que la Chine a l'intention de privatiser ce qui représente encore de grands conglomérats textiles, dans lesquels la notion de coût de revient n'a absolument pas le même sens qu'elle peut avoir en Europe.
Q- On risque de mourir guéris dans cette histoire, c'est-à-dire qu'avant qu'ils fassent quelque chose, du temps va passer et des emplois auront disparu !
R- Non on ne risque pas de "mourir guéris". Je pense que d'abord, en France, nous avons pris depuis longtemps des mesures préalables. Nous avons lancé par exemple l'innovation dans le domaine technique, et 20 % de la production française, ce sont des textiles techniques - et c'est en croissance de 10 % chaque année, donc il nous faut développer ça. Nous développons aussi la création et c'est un grand talent français. Nous allons doper l'Institut Français de la Mode, qui a été lancé par P. Berger il y a plusieurs années, qui représente toute la créativité française, et qui nous donne un avantage sur le marché. Mais il nous faut protéger aussi notre création. Donc nous avons des tas de choses à faire.
Q- Et pendant ce temps-là, que fait la Commission européenne ? Rien.
R- Non, ce n'est pas vrai non plus !
Q- Pas grand-chose, en tout cas...
R- Elle n'est pas assez rapide, de mon point de vue. La Commission européenne a lancé la procédure de sauvegarde sur neuf produits. Il y en a seize qui rentrent en fait dans les seuils d'alerte. Si on dépasse 100 % d'augmentation des importations, on rentre dans la procédure d'alerte. Il y a seize produits. La Commission s'est bornée à lancer la procédure sur neuf. Ça, je le regrette...
Q- Vous auriez aussi souhaité des mesures d'urgence et elle ne les prend pas...
R- Et en même temps, elle n'est pas rapide naturellement et ça c'est dommage. C'est pour ça qu'il faut changer la Constitution européenne.
Q- Ah, ben voilà !
R- Bien sûr ! Parce qu'elle rendra l'Europe beaucoup plus efficace, en la faisant reposer davantage sur les hommes politiques, plutôt que sur les administrations. Et elle donnera à la France aussi plus de poids. Je rappelle quand même qu'avec la Constitution européenne, la France augmentera ses droits de vote de 40 %.
Q- On va commenter deux nouveaux chiffres qui sont dans l'actualité. On l'a su hier, la production industrielle en France a baissé de 0,5 % en mars. Vous êtes ministre de l'Industrie : ça ne va pas très bien...
R- Ça ne va pas si mal que ça. C'est équilibré. J'ai entendu sur votre antenne ce matin, par exemple Monsieur Hollinger, expliquer le succès que nous avions avec l'attractivité de la France en matière d'investissements et de créations, par des entreprises étrangères en France, de nouveaux emplois. De ce point de vue-là, c'est bien. J'ai entendu également sur votre antenne le succès des médicaments génériques, qui nous permettent d'économiser plus de 300 millions d'euros sur la Sécurité sociale... Vous savez il ne faut pas annoncer que les trains qui n'arrivent pas à l'heure.
Q- C'est bien, pour être optimiste, il faut écouter RTL ! 71 % des Français ont une opinion défavorable de l'action gouvernementale... Ce n'est pas mal non plus, il en reste 29 % qui ont une bonne opinion ?!
R- Eh bien, cela veut dire qu'il faut qu'on travaille davantage !
Q- J'ai vu sur le programme que vous allez visiter la Grande Muraille, pendant ces huit jours en Chine. Bon, c'est bien, il faut en profiter ?
R- Ce n'est pas est pas ce qu'il y a de plus important. C'est un lieu de passage obligé !
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 mai 2005)
R- Il a quand même subi une intervention qui est délicate, qui fait très mal comme affectation. Il se remet assez rapidement parce qu'il est costaux, mais enfin, il faut qu'il prenne des précautions, c'est normal...
Q- En politique, on n'a pas droit à une convalescence, il faut être tout de suite au travail ?
R- En tous les cas, ce n'est pas le tarif de la Sécurité sociale.
Q- Vous vous envolerez demain soir pour la Chine, pour un voyage de huit jours, au cours duquel vous rencontrerez plusieurs responsables politiques là-bas. Vous évoquerez avec eux les problèmes que pose l'invasion du textile chinois en Europe, et notamment en France. Qu'allez-vous leur dire ? Que ça suffit, qu'il faut qu'ils arrêtent, qu'ils se maîtrisent un petit peu ?
R- Non, je vais leur dire que la situation est devenue anormale. Que naturellement, depuis dix ans, on pouvait se préparer, et on l'a fait...
Q- Mal...
R- Non, bien, au contraire. Et la France, notamment, s'est très bien préparée à cette échéance. Mais elle s'est préparée à une concurrence normale. Et là, nous sommes souvent dans une concurrence anormale.
Q- En quoi ?
R- Anormale déjà par les quantités. D'un seul coup, vous avez, sur certains produits, des augmentations d'importations de 500 %. Brutalement, du jour au lendemain. Des baisses de prix de 50 % sur certains produits. Ça, c'est anormal. D'autre part, si je regarde les saisies de contrefaçons, qui ont eu lieu l'année dernière en matière textile : sur 550.000 objets saisis en matière textile, 70 % sont d'origine chinoise. La contrefaçon, ce n'est pas normal non plus. Et puis en Chine aussi, très souvent, les entreprises qui produisent du textile sont des entreprises qui vivent dans une sorte d'économie mixte, avec des aides d'Etat qui nous sont interdites, en Europe et en particulier en France. Donc tout ceci évidemment fait que les conditions de la concurrence ne sont pas équitables. Alors, nous nous sommes très bien préparés, ce qui fait que globalement - il faut le dire -, l'augmentation des importations n'est pas si importante que ça, en provenance des produits chinois. Mais en revanche, les produits chinois se substituent à d'autres produits qui viennent du Maghreb. Et le vrai drame - car c'est un drame -, c'est ce qui touche les pays du Sud. Par exemple, l'industrie tunisienne, pour 50 %, repose sur le textile. Elle est touchée de plein fouet. Et on n'aura bientôt plus d'importations de textile tunisien, remplacé par du textile chinois. C'est un drame pour eux, et ça nous touche, naturellement.
Q- En Chine, vous n'allez pas parler de la Tunisie, mais de la France ?
R- Nous allons parler aussi des pays du Sud et du Maghreb, parce que l'Union Européenne a constitué un vaste marché, qui est la zone Euromed, en matière textile, qui comprend quarante-cinq pays - les vingt-cinq pays de l'Union Européenne, et vingt pays du pourtour méditerranéen. Donc nous sommes solidaires. Et encore une fois, dans la mondialisation, il faut parler à des grands pays comme la Chine, qui représente 1,3 milliard d'habitants. Il faut parler au nom de grands ensembles. Il ne faut pas que la France arrive toute seule, solitaire.
Q- Mais qu'attendez-vous de vos interlocuteurs chinois ? Quel type d'engagement doivent-ils prendre auprès de vous ?
R- J'attends une concurrence loyale. Il faut qu'il y ait de la concurrence, parce que c'est bon la concurrence, mais il faut qu'elle soit loyale...
Q- Mais qu'est-ce que vous attendez d'eux ? Qu'ils vous disent qu'ils arrêteront de subventionner leurs usines ?!
R- Alors premièrement, déjà nous allons travailler ensemble sur la contrefaçon. La contrefaçon de produits chinois est une chose très importante. Les Chinois sont d'accord là-dessus. Vous savez, ils sont aussi ouverts, ils sont parfois aussi dépassés même par leur succès. Donc j'attends, de ce point de vue-là, un véritable effort, même si les choses sont bien engagées. Deuxièmement, et je crois que la Chine y est disposée aussi, que nous évoluions sur les questions d'aides d'Etat. Et par exemple, je sais que la Chine a l'intention de privatiser ce qui représente encore de grands conglomérats textiles, dans lesquels la notion de coût de revient n'a absolument pas le même sens qu'elle peut avoir en Europe.
Q- On risque de mourir guéris dans cette histoire, c'est-à-dire qu'avant qu'ils fassent quelque chose, du temps va passer et des emplois auront disparu !
R- Non on ne risque pas de "mourir guéris". Je pense que d'abord, en France, nous avons pris depuis longtemps des mesures préalables. Nous avons lancé par exemple l'innovation dans le domaine technique, et 20 % de la production française, ce sont des textiles techniques - et c'est en croissance de 10 % chaque année, donc il nous faut développer ça. Nous développons aussi la création et c'est un grand talent français. Nous allons doper l'Institut Français de la Mode, qui a été lancé par P. Berger il y a plusieurs années, qui représente toute la créativité française, et qui nous donne un avantage sur le marché. Mais il nous faut protéger aussi notre création. Donc nous avons des tas de choses à faire.
Q- Et pendant ce temps-là, que fait la Commission européenne ? Rien.
R- Non, ce n'est pas vrai non plus !
Q- Pas grand-chose, en tout cas...
R- Elle n'est pas assez rapide, de mon point de vue. La Commission européenne a lancé la procédure de sauvegarde sur neuf produits. Il y en a seize qui rentrent en fait dans les seuils d'alerte. Si on dépasse 100 % d'augmentation des importations, on rentre dans la procédure d'alerte. Il y a seize produits. La Commission s'est bornée à lancer la procédure sur neuf. Ça, je le regrette...
Q- Vous auriez aussi souhaité des mesures d'urgence et elle ne les prend pas...
R- Et en même temps, elle n'est pas rapide naturellement et ça c'est dommage. C'est pour ça qu'il faut changer la Constitution européenne.
Q- Ah, ben voilà !
R- Bien sûr ! Parce qu'elle rendra l'Europe beaucoup plus efficace, en la faisant reposer davantage sur les hommes politiques, plutôt que sur les administrations. Et elle donnera à la France aussi plus de poids. Je rappelle quand même qu'avec la Constitution européenne, la France augmentera ses droits de vote de 40 %.
Q- On va commenter deux nouveaux chiffres qui sont dans l'actualité. On l'a su hier, la production industrielle en France a baissé de 0,5 % en mars. Vous êtes ministre de l'Industrie : ça ne va pas très bien...
R- Ça ne va pas si mal que ça. C'est équilibré. J'ai entendu sur votre antenne ce matin, par exemple Monsieur Hollinger, expliquer le succès que nous avions avec l'attractivité de la France en matière d'investissements et de créations, par des entreprises étrangères en France, de nouveaux emplois. De ce point de vue-là, c'est bien. J'ai entendu également sur votre antenne le succès des médicaments génériques, qui nous permettent d'économiser plus de 300 millions d'euros sur la Sécurité sociale... Vous savez il ne faut pas annoncer que les trains qui n'arrivent pas à l'heure.
Q- C'est bien, pour être optimiste, il faut écouter RTL ! 71 % des Français ont une opinion défavorable de l'action gouvernementale... Ce n'est pas mal non plus, il en reste 29 % qui ont une bonne opinion ?!
R- Eh bien, cela veut dire qu'il faut qu'on travaille davantage !
Q- J'ai vu sur le programme que vous allez visiter la Grande Muraille, pendant ces huit jours en Chine. Bon, c'est bien, il faut en profiter ?
R- Ce n'est pas est pas ce qu'il y a de plus important. C'est un lieu de passage obligé !
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 12 mai 2005)