Déclaration de M. Michel Duffour, secrétaire d'Etat au patrimoine et à la décentralisation culturelle, sur la décentralisation culturelle, notamment le développement culturel local et la politique de lecture publique, Bonneuil sur Marne le 21 octobre 2000.

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Circonstance : Inauguration de la médiathèque de Bonneuil sur Marne le 21 octobre 2000

Texte intégral

Monsieur le préfet,
Monsieur le maire,
Mesdames et Messieurs,
Vous dire mon plaisir d'être parmi vous pour l'inauguration de la médiathèque à laquelle, ensemble, nous allons procéder serait bien peu dire.
Je ne peux pas non plus vous dire que je ne trouve pas les mots pour exprimer l'admiration et l'enthousiasme qui sont les miens en m'apprêtant à pénétrer dans cette réalisation dont votre ville, monsieur le Maire, aura été la militante et le maître d'uvre.
La médiathèque de Bonneuil-sur-Marne est une ambition politique et urbaine. Ce qui est en jeu ici, en effet, est l'inscription d'une conviction selon laquelle l'écrit en toutes ses formes est, pour reprendre la formule de la présentation du projet architectural, " à l'épicentre de la ville ", à l'articulation des quartiers et des équipements publics, à proximité d'un jardin public, aux abords - républicains - du futur hôtel de ville.
Bonneuil-sur-Marne voit sa population augmenter, ceci tient à cette politique active de développement culturel et d'équipements que conduit votre municipalité, et plutôt que de subir sa croissance, Bonneuil l'anticipe et s'organise pour accueillir la population présente et à venir.
On aimerait que ce souci d'anticipation soit plus souvent partagé dans les collectivités publiques qu'il ne l'est encore aujourd'hui.
Nous en parlons tous beaucoup, Bonneuil-sur-Marne le fait !
Bonneuil-sur-Marne fait. J'aimerais ici retracer le parcours de ce beau projet. Vous prolongez en effet, par la médiathèque, une démarche volontaire et résolue qui vous a permis des avancées significatives dans les domaines du cinéma, du spectacle vivant et du patrimoine : je pense notamment à la salle Gérard Philippe, au café-musique de la ferme de Bonneuil. Et aujourd'hui, pierre angulaire de l'édifice culturel que vous avez construit : la médiathèque.
15 000 habitants à Bonneuil-sur-Marne, une médiathèque de plus de 2300 m2. Ce simple rapport nombre d'habitants - surface de l'équipement est spectaculaire et tellement signifiant de la hauteur de l'enjeu culturel que vous portez. Permettez-moi de rappeler ici que c'est aussi là que l'Etat a fait en sorte de vous rejoindre et d'épauler cette démarche exemplaire, en participant au tiers environ du coût de la construction.
Ce que je sais de l'organisation spatiale de la médiathèque et que nous allons découvrir tout à l'heure en compagnie des ses deux concepteurs que je voudrais saluer dès maintenant, Patricia Leboucq - architecte du projet- et de Catherine Auger - conservateur de bibliothèque - démontre que les lieux sont appropriables parce qu'ils sont lisibles ...
Tout simplement lisibles.
Ni austères, ni froids et donc d'accès simple et accueillant.
Si respect et émerveillement sont dus au texte, à l'image, au son, en revanche, lire, regarder et écouter sont des actes simples de la volonté de savoir faits de curiosité, de désir et d'envie.
La médiathèque ouvre sur l'accueil et sur l'envie. Dans la conception des espaces d'accueil ou de consultation, rien qui sépare, cloisonne et ferme, ni dans les types de consultations, ni dans les tranches d'âge ou de centres d'intérêt.
Comment alors ne pas saluer là l'illustration réussie de la décentralisation culturelle telle qu'elle a été entreprise il y a moins de 20 ans, avec, pour figure de proue, la lecture publique ?
L'impact de la politique de lecture publique sur l'ensemble du territoire résonne toujours et cela n'aurait pas été possible sans la détermination, parfois opiniâtre, des collectivités locales à l'instar de la vôtre, monsieur le Maire.
J'ai déjà eu l'occasion de dire en région combien me semblait nécessaire et précieux de s'emparer du défi de la rencontre des nouvelles technologies avec l'écrit.
L'écrit n'appartient pas à une époque révolue de la culture et nous ne sommes pas, collectivités locales et Etat, dans une démarche morbide de conservation figée. Non, l'écrit n'est pas en recul et pas plus qu'il ne faut accepter ce fatalisme du pédagogue pour lequel (de tout temps d'ailleurs) " le niveau baisse ", il ne faut craindre pour l'avenir de l'écrit, pour le livre.
Le livre renouvelle radicalement ses formes et cela, pour jouer le rôle qu'aucun autre registre du champ culturel ne peut jouer à sa place : la circulation pluraliste des idées, aiguiser le sens critique, faciliter l'appropriation des savoirs les plus neufs, ouvrir sur le bonheur de l'imaginaire.
Certains, c'est vrai, s'interrogent sur l'arrière-plan de cette révolution de l'écrit. Il faut les entendre.
La responsabilité publique est de s'opposer à toute entreprise ou attitude qui ferait du livre une marchandise comme une autre. Traiter du livre en produit standardisé, c'est se priver radicalement de ces bienfaits que j'évoquais et qui sont - je crois - parmi les fondamentaux individuels de la démocratie. Cette menace peut-être écartée et j'ai eu l'occasion de le rappeler à Strasbourg le 30 septembre dernier, lors du colloque européen consacré au livre.
Voilà pourquoi aussi Catherine Tasca a réaffirmé l'attachement de la France à la garantie que constitue le prix unique pour la chaîne économique du livre dont chacun doit mesurer et assumer la fragilité.
De plus, pour Catherine Tasca et pour moi-même, il ne saurait être question de revenir sur l'acquis du prêt gratuit dans les bibliothèques. Comment, en effet, envisager, fût-ce un moment, de supprimer un principe auquel la politique de lecture publique doit tout ? ! Cet attachement fondamental au non-paiement à l'acte doit, bien évidemment, trouver son corollaire : l'élaboration des solutions techniques qui garantissent la juste rétribution des auteurs, des maisons d'édition et des librairies, singulièrement les plus fragiles d'entre elles.
Je dois vous avouer que lors de la signature du contrat ville-lecture à Tournefeuille en Haute-Garonne, j'ai qualifié la décentralisation de la lecture publique de " coup de maître ". Avec vous aujourd'hui, je veux récidiver.
C'est qu'en effet chaque jour je mesure combien la lecture publique peut être une source précieuse d'inspiration. Pas un modèle mais une approche dynamique dans la réflexion que j'ai engagée en mettant en place les " protocoles de décentralisation culturelle " avec les élus des collectivités territoriales et les services extérieurs comme les directions du ministère de la culture. Il s'agit à bien des égards d'aborder la décentralisation culturelle et le rôle des partenaires, Etat compris, d'une façon pragmatique quant à la méthode, ambitieuse quant aux objectifs : ni moins, ni plus d'Etat mais mieux d'Etat.
Il me semble qu'à Bonneuil-sur-Marne, ce qui a présidé aux entreprises de développement culturel, singulièrement dans la décision, la conception et la réalisation de la médiathèque, c'est bien le mieux autour d'un bien public : la culture.
Merci à vous.

(source http://www.culture.gouv.fr, le 23 octobre 2000)