Déclaration de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, sur le plan national de lutte contre le cancer, notamment les mesures destinées à généraliser le dispositif de dépistage du cancer colo-rectal, Paris le 5 avril 2005.

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Circonstance : XXIXèmes Journées Francophones de Pathologie Digestive à Paris du 2 au 6 avril 2005

Texte intégral

Monsieur le Président,
Monsieur le Secrétaire Général,
Mesdames et Messieurs,
Chers Amis,
Je suis très heureux de participer aujourd'hui aux Journées francophones de pathologie digestive et de pouvoir vous exprimer tout l'intérêt que je porte à cette spécialité en plein développement. Je tiens à vous remercier pour votre invitation, et à saluer les professeurs Denis Sautereau et Etienne Dorval.
C'est grâce au dynamisme de vos sociétés savantes et de vos structures professionnelles que des progrès considérables ont été accomplis ces dernières années en gastro-entérologie et en hépatologie, tant sur le plan diagnostique, que thérapeutique. Permettez-moi de vous en féliciter.
Les groupes de réflexion auxquels vous êtes nombreux à participer, les axes de collaboration entre les secteurs public et privé que vous avez su développer, tout comme les travaux que vous menez sur la qualité et la sécurité de vos pratiques témoignent - s'il en était besoin - de votre engagement exemplaire au service des malades.
Les pathologies contre lesquelles vous avez à lutter sont souvent graves et difficiles à surmonter. Je pense en particulier aux cancers digestifs, bien sûr, mais aussi aux maladies hépatiques et en particulier aux hépatites B ou C, ou encore aux maladies inflammatoires chroniques de l'intestin.
Mais j'aimerais aujourd'hui vous parler surtout d'un enjeu majeur de santé publique : le dépistage du cancer colo-rectal.
Le développement de l'endoscopie digestive et les améliorations constantes que vous avez su lui apporter, en termes de qualité des pratiques et de sécurité sanitaire, vous ont permis de réaliser des avancées remarquables en matière de diagnostic et de dépistage de ce type de cancer. Il en est de même pour son implication thérapeutique, lorsque la tumeur a pu être détecté à un stade précoce.
C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à accéder à votre demande, pour la Classification commune des actes médicaux qui a été mise en place la semaine dernière. J'ai décidé de maintenir les tarifs qui étaient fixés jusqu'à maintenant pour la coloscopie totale et pour l'sophago-gastro-duedonoscopie.
Comme vous le savez, le Président de la République a lancé, il y a tout juste deux ans, un plan de mobilisation national contre le Cancer, qui est l'un des trois chantiers prioritaires de son quinquennat.
En effet, le cancer provoque, chaque jour, le décès de 400 de nos compatriotes. Plus de 10 % des Français seront un jour concernés par cette maladie. Nous ne pouvons l'accepter sans mettre tout en uvre pour combattre ce fléau. L'enjeu est de taille, il concerne l'ensemble de notre système de santé : la prévention, l'organisation des soins, la prise en charge médicale et sociale.
Pour relever ce défi, il nous a fallu mettre en place un plan global, cohérent, ne laissant aucun secteur sous silence, réorganisant toute la prise en charge en la centrant autour du patient, et donner pour sa réalisation des moyens sans précédent.
C'est pourquoi nous avons créé l'Institut national du cancer, que préside avec talent le Pr. David Khayat.
Ce plan apporte déjà des avancées remarquables dans les domaines de la prévention, de l'organisation des soins et de la nécessaire coordination ville-hôpital, de la recherche - par la mise en place des cancéropoles en particulier - ou encore des soins palliatifs.
En matière de dépistage, le plan a permis de rendre effective la généralisation du dépistage organisé du cancer du sein sur tout le territoire national, Outre-Mer comprise. Il aura fallu douze ans douze longues années entre les premières discussions que nous avions engagées en 1993 avec Simone Veil - et je m'en souviens particulièrement bien, vous l'imaginez aisément - et la généralisation de ce dépistage.
Que d'obstacles techniques et culturels, que de difficultés administratives et financières il nous a fallu franchir ! Mais quelle satisfaction de constater que notre pays a su proposer un système organisé, non exclusif, laissant sa place au dépistage individuel, qui permet de réduire la mortalité due au cancer du sein.
C'est parce que chacun a apporté sa compétence et s'est investi que la mise en place de ce dispositif a pu réussir : les radiologues ont mis à niveau leurs équipements et accepté de se former, les caisses d'assurance maladie ont assuré la gestion des fichiers qui concernent plus de 8 millions de femmes, les collectivités locales, enfin, ont accepté de financer certaines opérations.
Mais au-delà de la technique, de la formation des professionnels et de la mise en place des structures de gestion, il nous reste encore à convaincre les femmes puisque moins de 40 % participent à ce dépistage.
Dans un pays où la santé publique, la prévention et l'éducation à la santé n'ont acquis leurs lettres de noblesse que récemment, où nous avons collectivement donné la priorité aux soins, le chemin est encore long pour banaliser le concept de dépistage systématique et répondre ainsi à des principes d'organisation, de mise en place et de fonctionnement modélisés.
C'est pourquoi la loi du 9 août 2004 relative à la politique de Santé publique marque un véritable tournant dans la prévention des maladies, notamment celle du cancer.
Certains d'entre vous doivent se demander pourquoi j'explique l'histoire de la mise en place du dépistage du cancer du sein à la tribune des Journées francophones de gastro-entérologie ?
La réponse est simple. C'est parce qu'un autre dépistage me préoccupe particulièrement et vous concerne en premier lieu, c'est celui du cancer colo-rectal. J'entends faire en sorte que l'expérience du dépistage du cancer du sein nous serve d'exemple et nous permette de gagner du temps pour généraliser le dispositif de dépistage du cancer colo-rectal.
Le Plan Cancer prévoit la définition d'une stratégie nationale de dépistage de ce cancer. Vingt-trois départements pilotes, recrutés sur appel à candidature, ont déjà mis en place un dépistage organisé à l'aide du test Hemoccult. Cette expérimentation est en cours d'évaluation par le groupe technique national placé auprès du directeur général de la santé. J'ai néanmoins demandé au Pr. Jean Faivre, président de ce groupe d'experts, de dégager, avant la fin du mois, les premiers enseignements quant à l'organisation, l'acceptabilité et les modalités de déploiement de ce dépistage.
En effet, il ne s'agit pas de démontrer à nouveau l'intérêt du dépistage, qui repose actuellement sur le test Hemoccult de recherche de sang dans les selles, suivi d'une coloscopie en cas de positivité de ce test. Il est déjà formellement établi que ce dépistage permet de diminuer, d'environ 30 %, la mortalité par cancer du colon chez les personnes de plus de 50 ans qui le pratiquent régulièrement.
De même, il est acquis qu'un risque héréditaire pour ce type de cancer doit impérativement conduire au recours direct à la coloscopie.
J'ai décidé d'accélérer la montée en charge de ce dispositif et de lancer un appel à candidature auprès de nouveaux départements volontaires. Le cahier des charges intègrera les recommandations formulées par le groupe d'experts.
Je souhaite atteindre, avant la fin de cette année, une couverture de 50 % des départements. Mon objectif est d'obtenir une généralisation du dépistage du cancer colo-rectal en 2007.
Je sais que la participation dans certains départements pilotes n'est pas toujours excellente. L'adhésion à cette démarche ne peut venir que progressivement et j'ai la conviction que la généralisation du test va créer la dynamique nationale qui actuellement fait défaut.
A cette fin, je souhaite donc mettre en place, avec votre collaboration et celle de l'Institut National du Cancer, une communication d'envergure auprès des médecins généralistes, afin d'une part, de les sensibiliser à la pratique de ce dépistage, avant la fin de cette année et, d'autre part, d'amplifier leur formation, à l'instar de celle qui est déjà effectuée par les sociétés savantes de gastro-entérologie.
Bien entendu, nous resterons particulièrement attentifs aux évolutions des techniques, afin de modifier le schéma actuel du dépistage et le type de test utilisé si nécessaire.
Je sais ainsi que l'équipe de Guy Launoy compare l'intérêt respectif de l'Hemoccult et d'un test immunologique quantitatif détectant, lui aussi, la présence de sang dans les selles, l'Hemeselect. Cette étude est actuellement réalisée, en Normandie, auprès de 180 000 personnes âgées de 50 à 74 ans. C'est grâce à l'existence d'un registre des cancers dans cette région qu'une première évaluation a pu être menée à bien.
Demain, nous disposerons probablement de tests reposant sur des techniques de biologie moléculaire, à la fois plus sensibles et plus spécifiques. J'encourage vivement les chercheurs et les industriels à poursuivre leurs travaux et le développement de ces nouveaux types de tests.
La positivité du test de dépistage est une indication à pratiquer une endoscopie. Je souhaite que vous mettiez vous-mêmes en place une charte de qualité, en relation avec les établissements au sein desquels vous exercez. Cette charte permettrait de garantir, sur l'ensemble du territoire, une homogénéisation des pratiques et des moyens des plateaux techniques, source d'accréditation.
C'est à ce prix que nous gagnerons, ensemble, la bataille du cancer colo-rectal.
Par ailleurs, je voudrais vous parler d'un tout autre sujet, qui concerne tout aussi directement votre activité professionnelle. En effet, je me suis engagé, il y a quelques mois, sur le délicat dossier de la vérification des connaissances des aides-opératoires, afin de leur permettre de poursuivre leur activité, si celle-ci était antérieure à 1993.
C'est grâce à la détermination du Syndicat national des médecins français spécialistes de l'appareil digestif, le SYNMAD, et en particulier de son président, le Dr Jean-François Rey - que je salue - que je peux vous annoncer qu'un texte législatif prolonge ces possibilités de vérification des connaissances jusqu'au 31 décembre 2005. Ce texte sera complété par un décret et un arrêté d'application. Ils permettront aux DRASS d'organiser les épreuves d'évaluation qui auront lieu au plus tard en septembre.
Cela concerne les aides opératoires bénévoles ou en activité libérale, mais également les aides- endoscopistes dont la formation a été favorisée par le SYNMAD.
J'espère, sur ce dossier, non réglé depuis 1999, avoir répondu à votre souhait bien compréhensible de pouvoir continuer à travailler avec les personnes que vous aviez spécifiquement formées.
Voici, Mesdames et Messieurs, les informations et les messages que je souhaitais vous transmettre.
Ces derniers mois ont été riches en réformes en matière de santé, puisque pas moins de 6 lois ont été votées. Elles ont toute un dénominateur commun : la responsabilisation des acteurs.
Responsabilisation des patients, responsabilisation des professionnels de santé, responsabilisation des partenaires sociaux.
Je sais pouvoir compter sur vous pour participer à l'évolution de notre système de santé, pour le rendre plus performant encore, afin de mieux répondre aux besoins des malades, en les faisant bénéficier équitablement de la prévention et des progrès de la médecine sur tout notre territoire.
Je vous remercie.

(Source http://www.sante.gouv.fr, le 7 avril 2005)