Texte intégral
Monsieur le Garde des sceaux, cher Dominique Perben
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Député,
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Maire,
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Il est des moments d'intense émotion. En cet instant mon émotion est indicible. Et je ne peux me résoudre au silence. Parce que j'entends la voix de mon grand-père, Henri Donnedieu de Vabres, juge français au tribunal international de Nuremberg. Parce que j'entends la voix de Malraux, lors du trentième anniversaire de la libération des camps, devant les rescapées : " là, pour la première fois, l'homme a donné des leçons à l'enfer ". Parce que j'entends la voix de Sabine Zlatin, le 27 mai 1987, devant la cour d'assises du Rhône, lors de la 13e audience du procès de Klaus Barbie : " les enfants, les 44 enfantsQu'est-ce qu'ils étaient ? ". Parce que j'entends la voix de Simone Veil, c'était il y a quelques semaines, dans le froid mordant d'Auschwitz : " ce que je sais, c'est que je pleure encore chaque fois que je pense à tous ces enfants et que je ne pourrai jamais les oublier ". J'entends enfin la voix du Président de la République : " que reste-t-il de ces familles, de ces destinées, de cette humanité anéanties dans la nuit des camps ? ". Et, sous la neige, dans le pavillon français du musée-mémorial d'Auschwitz-Birkenau, ce nom, celui de Georgy Halpern. Georgy Halpern, arrêté à Izieu en ce jour terrible du 6 avril et gazé à son arrivée à Auschwitz le 18 avril 1944. Il avait 9 ans.
Les images vives et glacées de l'immensité funèbre du camp d'extermination nous hantent ici, dans la sérénité de ce qui fut, un temps si bref, pour ceux qui fuyaient la longue nuit de l'Europe, un refuge. Ce voyage à rebours expose l'insondable inhumanité de la barbarie. Ces lieux, dans leur contraste infini, forment le linceul de ces pauvres petites âmes dont nous sommes à jamais chargés. Ce séjour agreste et campagnard, comme l'innommable ordonnancement du camp d'extermination, restent désormais liés en notre souvenir.
Dans leur Maison, les enfants sont ici à l'abri. Mais leur destin est précaire et déjà assombri. Car ils sont soustraits à l'affection des leurs. Point de bras maternels, pas de père pour épancher les chagrins de l'enfance et rien que des questions pour ces orphelins qui ne savent pas qu'ils le sont. Cependant le havre fragile ne serait rien sans ceux qui l'animent. Sans celle qui est devenue pour nous tous la Dame d'Izieu, Sabine Zlatin et son époux Miron.
La barbarie prendra 43 enfants et 7 adultes ; elle ne rendra qu'une seule survivante et une lourde chape d'oubli. Seule la Dame d'Izieu, comme elle s'était dressée contre les nazis, s'attacha à lever la flamme du souvenir. Aujourd'hui, devant cette maison qui fut d'abord une école, avant de devenir un lieu de mémoire, son exemple nous guide. A l'heure où la Maison d'Izieu vient de remettre solennellement au Ministère de la Culture, à la Bibliothèque nationale de France, dont je tiens à saluer le représentant, un nouveau pan de ses archives, je veux souligner le rôle essentiel de ces documents pour le combat quotidien contre l'oubli. Pour la transmission de la mémoire. Pour l'éducation des générations présentes et futures. Mais, si les archives sont tout, elles ne sont rien sans les hommes, sans leurs récits, sans leurs témoignages. C'est l'indispensable complément des immenses gisements documentaires dont nous sommes dépositaires. Ils donnent véritablement tout leur sens aux travaux de conservation et de commémoration dont la puissance publique et le ministère de la culture et de la communication sont investis. Ils rendent vie aux images, aux textes, aux archives. Ces documents humains nous enseignent l'amour et la tolérance, le courage et l'espoir, l'histoire et ses leçons, l'action et la réflexion, en un mot tout ce qui fait de la culture un héritage et un projet. Oui, il nous appartient aujourd'hui de perpétuer le souvenir, de le faire vivre, de transmettre les valeurs de tolérance et de liberté. C'est l'uvre magnifique et nécessaire de la Maison d'Izieu et de tous ses animateurs, de son conseil d'administration, de l'ensemble de l'association depuis dix ans. Je tiens à vous rendre hommage.
C'est le travail des élèves et des enseignants qui se succèdent ici et je suis heureux de l'échange que nous venons d'avoir avec les lycéens de Meylan.
C'est aussi notre responsabilité à tous et Dominique Perben vient d'évoquer l'action de la justice et de la République.
C'est notre devoir. La mémoire est notre patrimoine commun. C'est dans cet esprit que j'ai examiné la demande, exprimée par la communauté israélite et relayée par les élus, de protection du Cimetière juif de Lyon.
Cette demande rejoint nos préoccupations de protection des patrimoines représentatifs de notre histoire et de notre identité, dans leur diversité. Elle exprime également une revendication légitime de reconnaissance et de conservation. C'est pourquoi, j'ai demandé à mes services de l'examiner en priorité, et d'établir l'inventaire des monuments funéraires les plus significatifs qui s'y trouvent.
Je vous annonce que l'examen de cette liste sera, à ma demande, mise par le préfet de région à l'ordre du jour d'une prochaine commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) pour une inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, et ce, avant la fin de l'année 2005.
A Izieu, à Lyon, comme ailleurs, " les souvenirs sont nos forces. Ils dissipent les ténèbres " (Victor Hugo). Ils éclairent notre action. Ils ouvrent la voie de l'avenir. La seule voie qui vaille. Celle de la tolérance, de la justice et de la paix.
N'oublions jamais.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 11 mai 2005)
Monsieur le Préfet,
Monsieur le Recteur,
Monsieur le Député,
Monsieur le Président du Conseil général,
Monsieur le Maire,
Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,
Il est des moments d'intense émotion. En cet instant mon émotion est indicible. Et je ne peux me résoudre au silence. Parce que j'entends la voix de mon grand-père, Henri Donnedieu de Vabres, juge français au tribunal international de Nuremberg. Parce que j'entends la voix de Malraux, lors du trentième anniversaire de la libération des camps, devant les rescapées : " là, pour la première fois, l'homme a donné des leçons à l'enfer ". Parce que j'entends la voix de Sabine Zlatin, le 27 mai 1987, devant la cour d'assises du Rhône, lors de la 13e audience du procès de Klaus Barbie : " les enfants, les 44 enfantsQu'est-ce qu'ils étaient ? ". Parce que j'entends la voix de Simone Veil, c'était il y a quelques semaines, dans le froid mordant d'Auschwitz : " ce que je sais, c'est que je pleure encore chaque fois que je pense à tous ces enfants et que je ne pourrai jamais les oublier ". J'entends enfin la voix du Président de la République : " que reste-t-il de ces familles, de ces destinées, de cette humanité anéanties dans la nuit des camps ? ". Et, sous la neige, dans le pavillon français du musée-mémorial d'Auschwitz-Birkenau, ce nom, celui de Georgy Halpern. Georgy Halpern, arrêté à Izieu en ce jour terrible du 6 avril et gazé à son arrivée à Auschwitz le 18 avril 1944. Il avait 9 ans.
Les images vives et glacées de l'immensité funèbre du camp d'extermination nous hantent ici, dans la sérénité de ce qui fut, un temps si bref, pour ceux qui fuyaient la longue nuit de l'Europe, un refuge. Ce voyage à rebours expose l'insondable inhumanité de la barbarie. Ces lieux, dans leur contraste infini, forment le linceul de ces pauvres petites âmes dont nous sommes à jamais chargés. Ce séjour agreste et campagnard, comme l'innommable ordonnancement du camp d'extermination, restent désormais liés en notre souvenir.
Dans leur Maison, les enfants sont ici à l'abri. Mais leur destin est précaire et déjà assombri. Car ils sont soustraits à l'affection des leurs. Point de bras maternels, pas de père pour épancher les chagrins de l'enfance et rien que des questions pour ces orphelins qui ne savent pas qu'ils le sont. Cependant le havre fragile ne serait rien sans ceux qui l'animent. Sans celle qui est devenue pour nous tous la Dame d'Izieu, Sabine Zlatin et son époux Miron.
La barbarie prendra 43 enfants et 7 adultes ; elle ne rendra qu'une seule survivante et une lourde chape d'oubli. Seule la Dame d'Izieu, comme elle s'était dressée contre les nazis, s'attacha à lever la flamme du souvenir. Aujourd'hui, devant cette maison qui fut d'abord une école, avant de devenir un lieu de mémoire, son exemple nous guide. A l'heure où la Maison d'Izieu vient de remettre solennellement au Ministère de la Culture, à la Bibliothèque nationale de France, dont je tiens à saluer le représentant, un nouveau pan de ses archives, je veux souligner le rôle essentiel de ces documents pour le combat quotidien contre l'oubli. Pour la transmission de la mémoire. Pour l'éducation des générations présentes et futures. Mais, si les archives sont tout, elles ne sont rien sans les hommes, sans leurs récits, sans leurs témoignages. C'est l'indispensable complément des immenses gisements documentaires dont nous sommes dépositaires. Ils donnent véritablement tout leur sens aux travaux de conservation et de commémoration dont la puissance publique et le ministère de la culture et de la communication sont investis. Ils rendent vie aux images, aux textes, aux archives. Ces documents humains nous enseignent l'amour et la tolérance, le courage et l'espoir, l'histoire et ses leçons, l'action et la réflexion, en un mot tout ce qui fait de la culture un héritage et un projet. Oui, il nous appartient aujourd'hui de perpétuer le souvenir, de le faire vivre, de transmettre les valeurs de tolérance et de liberté. C'est l'uvre magnifique et nécessaire de la Maison d'Izieu et de tous ses animateurs, de son conseil d'administration, de l'ensemble de l'association depuis dix ans. Je tiens à vous rendre hommage.
C'est le travail des élèves et des enseignants qui se succèdent ici et je suis heureux de l'échange que nous venons d'avoir avec les lycéens de Meylan.
C'est aussi notre responsabilité à tous et Dominique Perben vient d'évoquer l'action de la justice et de la République.
C'est notre devoir. La mémoire est notre patrimoine commun. C'est dans cet esprit que j'ai examiné la demande, exprimée par la communauté israélite et relayée par les élus, de protection du Cimetière juif de Lyon.
Cette demande rejoint nos préoccupations de protection des patrimoines représentatifs de notre histoire et de notre identité, dans leur diversité. Elle exprime également une revendication légitime de reconnaissance et de conservation. C'est pourquoi, j'ai demandé à mes services de l'examiner en priorité, et d'établir l'inventaire des monuments funéraires les plus significatifs qui s'y trouvent.
Je vous annonce que l'examen de cette liste sera, à ma demande, mise par le préfet de région à l'ordre du jour d'une prochaine commission régionale du patrimoine et des sites (CRPS) pour une inscription à l'inventaire supplémentaire des monuments historiques, et ce, avant la fin de l'année 2005.
A Izieu, à Lyon, comme ailleurs, " les souvenirs sont nos forces. Ils dissipent les ténèbres " (Victor Hugo). Ils éclairent notre action. Ils ouvrent la voie de l'avenir. La seule voie qui vaille. Celle de la tolérance, de la justice et de la paix.
N'oublions jamais.
(Source http://www.culture.gouv.fr, le 11 mai 2005)