Texte intégral
Chers amis
Chers camarades,
Merci à vous qui êtes venus nombreux à notre rendez-vous. Au rendez-vous de la CFDT avec l'Europe, avec notre avenir. Vous êtes venus nombreux parce que, mieux que d'autres, vous en percevez l'importance historique. Vous êtes venus nombreux parce que vous avez conscience que le choix qui nous est proposé est un choix décisif pour l'ensemble des travailleurs européens.
L'Europe nous a toujours réunis parce qu'elle est un élément fondateur de notre identité.
Ce qui nous mobilise aujourd'hui, c'est la nécessité de donner à notre conviction la force des arguments, pour qu'elle se répande au-delà de notre organisation.
L'heure est à la volonté de conquête, pas au repli sur soi.
L'heure est à la poursuite de nos avancées, pas à la marche arrière.
L'Europe n'est pas et ne sera jamais un chemin tracé d'avance.
L'Europe est la trace de nos pas, des pas du syndicalisme européen qui, depuis des années, se bat pour construire l'Europe sociale.
Le mouvement syndical européen, uni dans cette bataille, a réussi à marquer de son empreinte la constitution, pour qu'à côté des droits politiques, civils et économiques, les droits sociaux soient enfin reconnus,
Cet acquis n'est pas rien et les syndicats européens dans leur immense majorité veulent engranger ces avancées sociales.
-Pour que demain les droits fondamentaux reconnus par la constitution soient le socle commun de la défense de tous les travailleurs européens.
-Pour que demain, les salariés des pays entrants jouissent des mêmes droits sociaux
-Pour que demain, les salariés français bénéficient ainsi d'une meilleure protection contre le dumping social.
La CFDT n'est pas le seul syndicat à soutenir ce traité.
C'est le " non " qui est isolé dans le syndicalisme européen.
La CFDT est déterminée à défendre ces nouveaux acquis des salariés. Elle ne laissera pas la surenchère gratuite et les contrevérités dangereuses anéantir le fruit de notre combat syndical.
Alors oui, la CFDT ne doit pas seulement parler pour elle-même. Elle doit contribuer à un débat démocratique plus vaste dont dépend notre destin collectif.
Soyons clairs : la confédération n'a pas vocation à distribuer des consignes de vote. Chacun choisira le moment venu en son âme et conscience. Mais le rôle d'une organisation représentative du salariat n'est pas de se réfugier dans une neutralité feinte alors que le choix proposé engage notre avenir à tous.
Il ne s'agit pas de choisir un homme, une femme, une équipe ou une orientation politique.
Il s'agit de se prononcer sur un texte qui intéresse le présent et l'avenir des salariés.
Et dans ce cas, comme toujours, la CFDT s'exprime, donne son avis et s'engage.
Ni neutre ni partisane mais porteuse d'une certaine vision de la société et du monde, la CFDT a pour responsabilité d'éclairer les enjeux de ce choix, le plus nettement possible, et de dire ce qui lui semble bon pour les salariés.
Le 29 mai, nous irons donc voter sur l'avenir de l'Europe, sur notre avenir.
Cette Europe, nous l'avons voulue.
Nous l'avons voulue pour construire une paix durable avec nos voisins, sur un continent si longtemps déchiré par la guerre et la destruction.
Cette Europe, nous l'avons voulue quand, aux côtés de nos camarades polonais, nous luttions contre le totalitarisme et pour un continent uni dans la démocratie et le respect des droits de l'homme.
Est-il étonnant que les organisations qui disent non aujourd'hui, étaient hier déjà, les grandes absentes de ce combat pour la démocratie en Europe ?
Cette Europe, nous l'avons voulue quand il s'est agi d'ouvrir les frontières nationales à la libre circulation des citoyens sur un continent où tant de barrières avaient été dressées par le passé.
Cette Europe, nous l'avons voulue quand il s'est agi d'accueillir le Portugal, l'Espagne et la Grèce à peine remis de décennies de dictature.
Cette Europe, nous l'avons voulue quand il s'est agi de mettre sur pied les instruments d'une politique économique commune et d'une prospérité partagée.
Cette Europe, nous l'avons voulue quand il s'est agi de créer une monnaie commune capable de protéger le pouvoir d'achat des travailleurs européens.
J'entends dire qu'elle avance trop lentement. Peut-être.
Mais il suffit de regarder en arrière pour mesurer le chemin parcouru.
- le chemin parcouru depuis la Communauté européenne du charbon et de l'acier,
- le chemin parcouru depuis notre congrès confédéral de 1965 où nous disions que " le problème pour les syndicalistes ouvriers n'est pas le choix pour ou contre l'Europe, mais le choix d'une conception démocratique de l'Europe, sur le plan social, économique et politique ".
Est-ce au moment de cueillir les fruits politiques d'une histoire de plus de 40 ans qu'il faudrait s'arrêter ?
Ce serait plus qu'une erreur, plus qu'une faute : ce serait renier ce que nous avons voulu, ce à quoi nous croyons.
Le choix du 29 mai prochain porte sur une question précise et simple :
Voulons-nous, oui ou non, avoir en Europe, des institutions communes capables de porter et de mettre en uvre une volonté politique ? L'enjeu n'est pas aujourd'hui de définir le contenu de ces politiques mais bien de nous doter d'un instrument, d'un outil sans lequel la discussion sur le projet politique lui-même est vaine et sans objet. Voulons-nous oui ou non saisir cette chance ? Voilà la question qui nous est posée.
J'insiste sur ce point car beaucoup, ces derniers temps, on tenté d'embrouiller l'enjeu de la constitution.
Non, il ne s'agit pas de se prononcer sur la directive Bolkestein.
-Non, il ne s'agit pas de se prononcer sur l'adhésion de la Turquie.
-Non, il ne s'agit pas de sanctionner les errements du gouvernement Raffarin.
-Non, il ne s'agit pas de sélectionner le futur candidat du Parti socialiste à la présidentielle de 2007.
La directive Bolkestein, nous n'en voulons pas. Nous l'avons dit le 19 mars avec la CES, avec tous les syndicats européens. Le Parlement européen n'en aurait pas voulu non plus. Cette directive a été repoussée, et elle sera réécrite. Alors ne jouons pas à nous faire peur d'autant moins qu'avec la constitution, le parlement sera désormais préalablement saisi. Nous resterons vigilants et nous nous mobiliserons à nouveau s'il le faut le moment venu. Et, à nouveau, nous serons nombreux.
Mais encore une fois ce n'est pas le sujet du jour. On peut être contre cette directive et pour le traité constitutionnel. C'est le cas des syndicats allemands. C'est le cas des syndicats suédois.
C'est le cas de quasiment tous les syndicats à travers l'Europe, qui comme la CFDT, ont choisi la construction de l'avenir et pas la politique de la peur.
L'adhésion de la Turquie n'est pas non plus le sujet du jour. Cette question se posera dans plusieurs années et donnera lieu à de nouveaux débats. Nous y prendrons part et comme toujours, nous ne transigerons pas sur les libertés démocratiques comme nous n'avons pas transigé dans les années noires où nous avons soutenu le syndicalisme turc et ses militants victimes de la dictature militaire. Toute l'histoire de la CFDT témoigne de notre vigilance sur ce terrain.
De la résistance contre le nazisme, de la guerre d'Algérie aux libertés fondamentales partout dans le monde comme en Pologne, au Chili, au Brésil mais aussi en Turquie, la CFDT a toujours choisi le camp de la démocratie.
S'agissant des errements du gouvernement Raffarin, ils sont réels, nous les dénonçons et nous les combattons. Nous étions à l'initiative le 5 février et le 10 mars avec les autres syndicats pour défendre l'emploi et le pouvoir d'achat des salariés, pour dénoncer les offensives idéologiques de la majorité parlementaire contre les 35 heures.
Nous avons durement critiqué sa politique à contre-emploi qui a laissé progresser le chômage, l'exclusion et les inégalités.
Nous n'avons cessé de le mettre en garde et de tirer la sonnette d'alarme sur sa politique à l'égard des fonctionnaires et des services publics.
La CFDT ne laisse rien de côté, ni sa critique, ni ses revendications.
L'emploi, le chômage et la lutte contre l'exclusion ne tolèrent aucune pause pour notre action syndicale. Mais, ne nous trompons pas de bataille. Ne mélangeons pas les difficultés nationales et les questions européennes.
Faisons de notre soutien clair et déterminé à la constitution, de notre cohérence d'action, une force supplémentaire pour affirmer nos propositions face aux politiques menées par le gouvernement. De nombreux syndicats européens sont eux aussi vigoureusement opposés aux politiques menées dans leur pays - je pense notamment à nos camarades italiens -, mais cela ne les conduit pas à s'opposer au traité constitutionnel. Ils ne confondent pas l'Europe et leurs débats nationaux. Ils ne confondent pas l'avenir - notre avenir - et les difficultés avec leur gouvernement. Qui peut accuser nos camarades italiens de soutenir Berlusconi quand ils défendent toutes confédérations réunies, la constitution européenne ?
L'autonomie dont ils font preuve est aussi la nôtre, celle que nous avons chèrement payée pour qu'aucun parti ne puisse décider en notre sein.
Alors oui, le contexte économique et social pèse sur cette échéance. Nous en connaissons les causes : aggravation du chômage, progression de l'exclusion, accroissement des inégalités et fort sentiment d'injustice. Nous comprenons, sans la partager, l'attitude de ceux qui, pour exprimer leur ras le bol ou leur désarroi, sont tentés de dire non.
Nous leur disons que cela ne doit pas les inciter à rejoindre la coalition des " non " :
- Le non des éternels protestataires toujours partisans de l'impasse contre le mouvement.
- Le non des souverainistes de tous bords alimentés au carburant douteux des nostalgies qu'a justement combattu l'Europe depuis 50 ans.
- Le non des opportunistes candidats à la candidature suprême peu soucieux d'amplifier encore le discrédit des politiques.
C'est bien, dans la création d'un rapport de force, d'un rassemblement plus nombreux dans le syndicalisme, y compris européen, que nous continuerons à nous battre pour l'emploi, pour le pouvoir d'achat, pour les services publics et pour les 35 heures. Et pour cela il nous faut aussi une Europe forte.
Il s'agit de donner à l'Europe des bras et des mains politiques. Ce que nous en ferons est une autre question. Mais ce qui est sûr, c'est que sans ces bras, sans ces mains,
- Nous ne construirons pas l'Europe que nous voulons : nous la subirons.
- Nous ne réduirons pas son déficit démocratique : nous le laisserons se creuser.
- Nous ne lutterons pas contre le libéralisme : nous le laisserons prospérer à son aise.
Car le libéralisme s'accommode très bien de l'absence de volonté et de projet politiques. C'est même d'une certaine manière son idéal. L'absence de règles est son meilleur terreau. Il prospère ainsi à l'écart des remises en cause et du débat démocratique, à l'écart des interventions de la puissance publique, à l'écart des régulations sociales. Ne laissons pas les " lois du marché " s'épanouir sans difficulté, à l'ombre d'une Europe désunie et paralysée par le traité de Nice.
Il faut que tous les syndicalistes de ce pays le comprennent et le fassent comprendre aux électeurs : si le " non " l'emporte, c'est le libéralisme qui marque un point de plus, pas l'inverse.
Le " non " ne fait pas peur aux libéraux, d'autant moins peur que ses défenseurs sont incapables de proposer un quelconque scénario de rechange.
-Avec quel mandat feront-ils l'Europe, celui des souverainistes de droite ou de gauche, celui des anti-mondialistes, anti-européens de toujours ?
-Avec qui feront-ils l'Europe de demain ? Avec quelle majorité au parlement européen ?
-Avec les Allemands qui auront probablement ratifié le traité par la voie parlementaire ? Avec les Espagnols qui ont déjà dit oui ? Avec les Italiens ou les Suédois qui s'apprêtent à faire de même ?
Il ne suffit pas de faire de grands gestes du haut des tribunes. Il ne suffit pas de se draper dans l'héroïsme du refus. Il faut préparer l'avenir. Le " non " ne propose aucun avenir. Certains de ses détracteurs brandissent le projet de constitution comme une fin figeant définitivement les politiques de l'Europe. La vérité est que ce projet de constitution confirme et organise des choix auxquels nous avons donné notre accord par référendum ou par la voie parlementaire et qu'il y ajoute des dispositions nouvelles. Ce sont ces dispositions qu'il faut mettre au cur du débat. Et ces dispositions nouvelles sont une avancée sur le chemin d'une Europe politique, un pas supplémentaire en direction d'une Europe capable de se gouverner elle-même et de choisir son destin. C'est un pas, peut-être insuffisant, mais un pas important car sans lui nous ne ferons pas les suivants.
Que fait l'Europe aujourd'hui ? Elle contrôle, plus ou moins bien, l'inflation, les déficits budgétaires et la libre concurrence. C'est indispensable à la consolidation de l'économie européenne mais ce n'est pas suffisant pour construire l'Europe que nous voulons.
Nous voulons une Europe sociale et solidaire
Nous voulons une Europe de la croissance et l'emploi.
Nous voulons une Europe de la régulation et de la protection.
Pour cela, il nous faut une Europe plus politique et mieux gouvernée.
Quoiqu'il arrive le 29 mai, la mondialisation sera toujours là, y compris dans ses effets les plus négatifs. Alors est-on plus fort avec ou sans le Traité pour la réguler ? C'est la question à laquelle nous devons répondre.
-Pour retrouver des prises et des leviers sur le capitalisme que les Etats-nations n'arrivent plus à contrôler et créer de nouvelles protections pour les salariés, nous avons besoin de l'Europe.
-Pour lutter contre le dumping fiscal et social et construire de nouvelles solidarités, nous avons besoin de l'Europe
L'Europe n'est pas le problème, elle est notre solution.
En adoptant la constitution nous nous donnerons des moyens supplémentaires. En la rejetant nous laisserons les problèmes en l'état. Avec elle, je ne vous dis pas que tout ira mieux spontanément demain. Je vous dis que nous aurons de nouveaux outils. Il restera à les utiliser. Ce sera le début de la bataille politique.
Avec la constitution, nous aurons des instruments supplémentaires pour avancer en direction d'une Europe plus sociale. Nous savons ce que nous voulons en plus :
-Nous voulons plus de régulation économique au service de la croissance et de l'emploi
-Nous voulons plus de dialogue social et de négociation au niveau général comme dans les branches
-Nous voulons une affirmation plus nette des services publics
-Nous voulons plus d'harmonisation fiscale.
Ce que nous voulons en plus, nous ne l'obtiendrons que par la confirmation de ce qui est aujourd'hui proposé.
Nous ne l'obtiendrons pas sur les décombres de ce qui a déjà été construit hier.
Dans ce traité, ce qui est en jeu pour nous syndicalistes,
c'est le modèle social européen, c'est l'affirmation de nos valeurs, la reconnaissance des droits fondamentaux et du dialogue social, c'est l'équilibre entre un développement économique et un développement social solidaire. Nous le savons le modèle social européen pour lequel nous nous battons depuis des années est plus qu'une référence. Il est partie intégrante de notre conception du syndicalisme qui mène de front la critique sociale, l'ambition de transformation et la conquête de résultats. Il est un point d'appui central pour construire le Monde que nous voulons.
Alors, je voudrais adresser un message à tous les salariés, à toutes les organisations syndicales, aux responsables politiques comme aux membres du gouvernement. La France a rendez-vous avec l'Europe le 29 mai. Toute l'Europe nous regarde, et avec elle tous ceux qui dans le monde aspirent à une mondialisation régulée, à un nouvel équilibre Nord-Sud, à un renforcement des droits sociaux fondamentaux. Tous les syndicats européens attendent que nous confirmions notre attachement à cette Europe qu'ensemble pas à pas nous avons construite.
Nous ne pouvons pas manquer ce rendez-vous. Nous ne pouvons pas manquer la chance de faire progresser les droits sociaux. Les salariés ont besoin de l'Europe, d'une Europe politique, d'une Europe sociale. Le Monde que nous voulons a besoin de l'Europe, d'une Europe forte, d'une Europe solidaire, d'une Europe qui mette sa puissance au service d'un développement équilibré, durable et qui profite à tous.
C'est à vous militants CFDT que je veux m'adresser en conclusion.
Réformistes et européens, déterminés et impatients, nous avons manifesté ensemble à Luxembourg en 1997, nous avons manifesté ensemble à Porto en 2000, nous étions ensemble à Bruxelles en 2001, à Barcelone en 2002.
Nous avons manifesté ensemble :
- pour une Europe du plein emploi,
- pour une Europe sans discrimination,
- pour une Europe de l'égalité et de la tolérance,
- pour une Europe des droits sociaux.
Ensemble avec nos camarades de la CES, nous nous sommes battus pour que les droits fondamentaux de tous les travailleurs européens soient enfin reconnus au plus haut niveau de nos règles collectives.
Ensemble, nous avons obtenu que la charte des droits fondamentaux soit au cur de la constitution européenne.
Ce résultat est le nôtre, ce résultat est le vôtre.
Ne laissons personne le dilapider.
Ensemble aujourd'hui, et demain dans tous les lieux de travail, allons convaincre les salariés, agissons pour que cet acquis social devienne le bien commun de tous les salariés d'Europe.
(Source http://www.c fdt.fr, le 11 avril 2005)
Chers camarades,
Merci à vous qui êtes venus nombreux à notre rendez-vous. Au rendez-vous de la CFDT avec l'Europe, avec notre avenir. Vous êtes venus nombreux parce que, mieux que d'autres, vous en percevez l'importance historique. Vous êtes venus nombreux parce que vous avez conscience que le choix qui nous est proposé est un choix décisif pour l'ensemble des travailleurs européens.
L'Europe nous a toujours réunis parce qu'elle est un élément fondateur de notre identité.
Ce qui nous mobilise aujourd'hui, c'est la nécessité de donner à notre conviction la force des arguments, pour qu'elle se répande au-delà de notre organisation.
L'heure est à la volonté de conquête, pas au repli sur soi.
L'heure est à la poursuite de nos avancées, pas à la marche arrière.
L'Europe n'est pas et ne sera jamais un chemin tracé d'avance.
L'Europe est la trace de nos pas, des pas du syndicalisme européen qui, depuis des années, se bat pour construire l'Europe sociale.
Le mouvement syndical européen, uni dans cette bataille, a réussi à marquer de son empreinte la constitution, pour qu'à côté des droits politiques, civils et économiques, les droits sociaux soient enfin reconnus,
Cet acquis n'est pas rien et les syndicats européens dans leur immense majorité veulent engranger ces avancées sociales.
-Pour que demain les droits fondamentaux reconnus par la constitution soient le socle commun de la défense de tous les travailleurs européens.
-Pour que demain, les salariés des pays entrants jouissent des mêmes droits sociaux
-Pour que demain, les salariés français bénéficient ainsi d'une meilleure protection contre le dumping social.
La CFDT n'est pas le seul syndicat à soutenir ce traité.
C'est le " non " qui est isolé dans le syndicalisme européen.
La CFDT est déterminée à défendre ces nouveaux acquis des salariés. Elle ne laissera pas la surenchère gratuite et les contrevérités dangereuses anéantir le fruit de notre combat syndical.
Alors oui, la CFDT ne doit pas seulement parler pour elle-même. Elle doit contribuer à un débat démocratique plus vaste dont dépend notre destin collectif.
Soyons clairs : la confédération n'a pas vocation à distribuer des consignes de vote. Chacun choisira le moment venu en son âme et conscience. Mais le rôle d'une organisation représentative du salariat n'est pas de se réfugier dans une neutralité feinte alors que le choix proposé engage notre avenir à tous.
Il ne s'agit pas de choisir un homme, une femme, une équipe ou une orientation politique.
Il s'agit de se prononcer sur un texte qui intéresse le présent et l'avenir des salariés.
Et dans ce cas, comme toujours, la CFDT s'exprime, donne son avis et s'engage.
Ni neutre ni partisane mais porteuse d'une certaine vision de la société et du monde, la CFDT a pour responsabilité d'éclairer les enjeux de ce choix, le plus nettement possible, et de dire ce qui lui semble bon pour les salariés.
Le 29 mai, nous irons donc voter sur l'avenir de l'Europe, sur notre avenir.
Cette Europe, nous l'avons voulue.
Nous l'avons voulue pour construire une paix durable avec nos voisins, sur un continent si longtemps déchiré par la guerre et la destruction.
Cette Europe, nous l'avons voulue quand, aux côtés de nos camarades polonais, nous luttions contre le totalitarisme et pour un continent uni dans la démocratie et le respect des droits de l'homme.
Est-il étonnant que les organisations qui disent non aujourd'hui, étaient hier déjà, les grandes absentes de ce combat pour la démocratie en Europe ?
Cette Europe, nous l'avons voulue quand il s'est agi d'ouvrir les frontières nationales à la libre circulation des citoyens sur un continent où tant de barrières avaient été dressées par le passé.
Cette Europe, nous l'avons voulue quand il s'est agi d'accueillir le Portugal, l'Espagne et la Grèce à peine remis de décennies de dictature.
Cette Europe, nous l'avons voulue quand il s'est agi de mettre sur pied les instruments d'une politique économique commune et d'une prospérité partagée.
Cette Europe, nous l'avons voulue quand il s'est agi de créer une monnaie commune capable de protéger le pouvoir d'achat des travailleurs européens.
J'entends dire qu'elle avance trop lentement. Peut-être.
Mais il suffit de regarder en arrière pour mesurer le chemin parcouru.
- le chemin parcouru depuis la Communauté européenne du charbon et de l'acier,
- le chemin parcouru depuis notre congrès confédéral de 1965 où nous disions que " le problème pour les syndicalistes ouvriers n'est pas le choix pour ou contre l'Europe, mais le choix d'une conception démocratique de l'Europe, sur le plan social, économique et politique ".
Est-ce au moment de cueillir les fruits politiques d'une histoire de plus de 40 ans qu'il faudrait s'arrêter ?
Ce serait plus qu'une erreur, plus qu'une faute : ce serait renier ce que nous avons voulu, ce à quoi nous croyons.
Le choix du 29 mai prochain porte sur une question précise et simple :
Voulons-nous, oui ou non, avoir en Europe, des institutions communes capables de porter et de mettre en uvre une volonté politique ? L'enjeu n'est pas aujourd'hui de définir le contenu de ces politiques mais bien de nous doter d'un instrument, d'un outil sans lequel la discussion sur le projet politique lui-même est vaine et sans objet. Voulons-nous oui ou non saisir cette chance ? Voilà la question qui nous est posée.
J'insiste sur ce point car beaucoup, ces derniers temps, on tenté d'embrouiller l'enjeu de la constitution.
Non, il ne s'agit pas de se prononcer sur la directive Bolkestein.
-Non, il ne s'agit pas de se prononcer sur l'adhésion de la Turquie.
-Non, il ne s'agit pas de sanctionner les errements du gouvernement Raffarin.
-Non, il ne s'agit pas de sélectionner le futur candidat du Parti socialiste à la présidentielle de 2007.
La directive Bolkestein, nous n'en voulons pas. Nous l'avons dit le 19 mars avec la CES, avec tous les syndicats européens. Le Parlement européen n'en aurait pas voulu non plus. Cette directive a été repoussée, et elle sera réécrite. Alors ne jouons pas à nous faire peur d'autant moins qu'avec la constitution, le parlement sera désormais préalablement saisi. Nous resterons vigilants et nous nous mobiliserons à nouveau s'il le faut le moment venu. Et, à nouveau, nous serons nombreux.
Mais encore une fois ce n'est pas le sujet du jour. On peut être contre cette directive et pour le traité constitutionnel. C'est le cas des syndicats allemands. C'est le cas des syndicats suédois.
C'est le cas de quasiment tous les syndicats à travers l'Europe, qui comme la CFDT, ont choisi la construction de l'avenir et pas la politique de la peur.
L'adhésion de la Turquie n'est pas non plus le sujet du jour. Cette question se posera dans plusieurs années et donnera lieu à de nouveaux débats. Nous y prendrons part et comme toujours, nous ne transigerons pas sur les libertés démocratiques comme nous n'avons pas transigé dans les années noires où nous avons soutenu le syndicalisme turc et ses militants victimes de la dictature militaire. Toute l'histoire de la CFDT témoigne de notre vigilance sur ce terrain.
De la résistance contre le nazisme, de la guerre d'Algérie aux libertés fondamentales partout dans le monde comme en Pologne, au Chili, au Brésil mais aussi en Turquie, la CFDT a toujours choisi le camp de la démocratie.
S'agissant des errements du gouvernement Raffarin, ils sont réels, nous les dénonçons et nous les combattons. Nous étions à l'initiative le 5 février et le 10 mars avec les autres syndicats pour défendre l'emploi et le pouvoir d'achat des salariés, pour dénoncer les offensives idéologiques de la majorité parlementaire contre les 35 heures.
Nous avons durement critiqué sa politique à contre-emploi qui a laissé progresser le chômage, l'exclusion et les inégalités.
Nous n'avons cessé de le mettre en garde et de tirer la sonnette d'alarme sur sa politique à l'égard des fonctionnaires et des services publics.
La CFDT ne laisse rien de côté, ni sa critique, ni ses revendications.
L'emploi, le chômage et la lutte contre l'exclusion ne tolèrent aucune pause pour notre action syndicale. Mais, ne nous trompons pas de bataille. Ne mélangeons pas les difficultés nationales et les questions européennes.
Faisons de notre soutien clair et déterminé à la constitution, de notre cohérence d'action, une force supplémentaire pour affirmer nos propositions face aux politiques menées par le gouvernement. De nombreux syndicats européens sont eux aussi vigoureusement opposés aux politiques menées dans leur pays - je pense notamment à nos camarades italiens -, mais cela ne les conduit pas à s'opposer au traité constitutionnel. Ils ne confondent pas l'Europe et leurs débats nationaux. Ils ne confondent pas l'avenir - notre avenir - et les difficultés avec leur gouvernement. Qui peut accuser nos camarades italiens de soutenir Berlusconi quand ils défendent toutes confédérations réunies, la constitution européenne ?
L'autonomie dont ils font preuve est aussi la nôtre, celle que nous avons chèrement payée pour qu'aucun parti ne puisse décider en notre sein.
Alors oui, le contexte économique et social pèse sur cette échéance. Nous en connaissons les causes : aggravation du chômage, progression de l'exclusion, accroissement des inégalités et fort sentiment d'injustice. Nous comprenons, sans la partager, l'attitude de ceux qui, pour exprimer leur ras le bol ou leur désarroi, sont tentés de dire non.
Nous leur disons que cela ne doit pas les inciter à rejoindre la coalition des " non " :
- Le non des éternels protestataires toujours partisans de l'impasse contre le mouvement.
- Le non des souverainistes de tous bords alimentés au carburant douteux des nostalgies qu'a justement combattu l'Europe depuis 50 ans.
- Le non des opportunistes candidats à la candidature suprême peu soucieux d'amplifier encore le discrédit des politiques.
C'est bien, dans la création d'un rapport de force, d'un rassemblement plus nombreux dans le syndicalisme, y compris européen, que nous continuerons à nous battre pour l'emploi, pour le pouvoir d'achat, pour les services publics et pour les 35 heures. Et pour cela il nous faut aussi une Europe forte.
Il s'agit de donner à l'Europe des bras et des mains politiques. Ce que nous en ferons est une autre question. Mais ce qui est sûr, c'est que sans ces bras, sans ces mains,
- Nous ne construirons pas l'Europe que nous voulons : nous la subirons.
- Nous ne réduirons pas son déficit démocratique : nous le laisserons se creuser.
- Nous ne lutterons pas contre le libéralisme : nous le laisserons prospérer à son aise.
Car le libéralisme s'accommode très bien de l'absence de volonté et de projet politiques. C'est même d'une certaine manière son idéal. L'absence de règles est son meilleur terreau. Il prospère ainsi à l'écart des remises en cause et du débat démocratique, à l'écart des interventions de la puissance publique, à l'écart des régulations sociales. Ne laissons pas les " lois du marché " s'épanouir sans difficulté, à l'ombre d'une Europe désunie et paralysée par le traité de Nice.
Il faut que tous les syndicalistes de ce pays le comprennent et le fassent comprendre aux électeurs : si le " non " l'emporte, c'est le libéralisme qui marque un point de plus, pas l'inverse.
Le " non " ne fait pas peur aux libéraux, d'autant moins peur que ses défenseurs sont incapables de proposer un quelconque scénario de rechange.
-Avec quel mandat feront-ils l'Europe, celui des souverainistes de droite ou de gauche, celui des anti-mondialistes, anti-européens de toujours ?
-Avec qui feront-ils l'Europe de demain ? Avec quelle majorité au parlement européen ?
-Avec les Allemands qui auront probablement ratifié le traité par la voie parlementaire ? Avec les Espagnols qui ont déjà dit oui ? Avec les Italiens ou les Suédois qui s'apprêtent à faire de même ?
Il ne suffit pas de faire de grands gestes du haut des tribunes. Il ne suffit pas de se draper dans l'héroïsme du refus. Il faut préparer l'avenir. Le " non " ne propose aucun avenir. Certains de ses détracteurs brandissent le projet de constitution comme une fin figeant définitivement les politiques de l'Europe. La vérité est que ce projet de constitution confirme et organise des choix auxquels nous avons donné notre accord par référendum ou par la voie parlementaire et qu'il y ajoute des dispositions nouvelles. Ce sont ces dispositions qu'il faut mettre au cur du débat. Et ces dispositions nouvelles sont une avancée sur le chemin d'une Europe politique, un pas supplémentaire en direction d'une Europe capable de se gouverner elle-même et de choisir son destin. C'est un pas, peut-être insuffisant, mais un pas important car sans lui nous ne ferons pas les suivants.
Que fait l'Europe aujourd'hui ? Elle contrôle, plus ou moins bien, l'inflation, les déficits budgétaires et la libre concurrence. C'est indispensable à la consolidation de l'économie européenne mais ce n'est pas suffisant pour construire l'Europe que nous voulons.
Nous voulons une Europe sociale et solidaire
Nous voulons une Europe de la croissance et l'emploi.
Nous voulons une Europe de la régulation et de la protection.
Pour cela, il nous faut une Europe plus politique et mieux gouvernée.
Quoiqu'il arrive le 29 mai, la mondialisation sera toujours là, y compris dans ses effets les plus négatifs. Alors est-on plus fort avec ou sans le Traité pour la réguler ? C'est la question à laquelle nous devons répondre.
-Pour retrouver des prises et des leviers sur le capitalisme que les Etats-nations n'arrivent plus à contrôler et créer de nouvelles protections pour les salariés, nous avons besoin de l'Europe.
-Pour lutter contre le dumping fiscal et social et construire de nouvelles solidarités, nous avons besoin de l'Europe
L'Europe n'est pas le problème, elle est notre solution.
En adoptant la constitution nous nous donnerons des moyens supplémentaires. En la rejetant nous laisserons les problèmes en l'état. Avec elle, je ne vous dis pas que tout ira mieux spontanément demain. Je vous dis que nous aurons de nouveaux outils. Il restera à les utiliser. Ce sera le début de la bataille politique.
Avec la constitution, nous aurons des instruments supplémentaires pour avancer en direction d'une Europe plus sociale. Nous savons ce que nous voulons en plus :
-Nous voulons plus de régulation économique au service de la croissance et de l'emploi
-Nous voulons plus de dialogue social et de négociation au niveau général comme dans les branches
-Nous voulons une affirmation plus nette des services publics
-Nous voulons plus d'harmonisation fiscale.
Ce que nous voulons en plus, nous ne l'obtiendrons que par la confirmation de ce qui est aujourd'hui proposé.
Nous ne l'obtiendrons pas sur les décombres de ce qui a déjà été construit hier.
Dans ce traité, ce qui est en jeu pour nous syndicalistes,
c'est le modèle social européen, c'est l'affirmation de nos valeurs, la reconnaissance des droits fondamentaux et du dialogue social, c'est l'équilibre entre un développement économique et un développement social solidaire. Nous le savons le modèle social européen pour lequel nous nous battons depuis des années est plus qu'une référence. Il est partie intégrante de notre conception du syndicalisme qui mène de front la critique sociale, l'ambition de transformation et la conquête de résultats. Il est un point d'appui central pour construire le Monde que nous voulons.
Alors, je voudrais adresser un message à tous les salariés, à toutes les organisations syndicales, aux responsables politiques comme aux membres du gouvernement. La France a rendez-vous avec l'Europe le 29 mai. Toute l'Europe nous regarde, et avec elle tous ceux qui dans le monde aspirent à une mondialisation régulée, à un nouvel équilibre Nord-Sud, à un renforcement des droits sociaux fondamentaux. Tous les syndicats européens attendent que nous confirmions notre attachement à cette Europe qu'ensemble pas à pas nous avons construite.
Nous ne pouvons pas manquer ce rendez-vous. Nous ne pouvons pas manquer la chance de faire progresser les droits sociaux. Les salariés ont besoin de l'Europe, d'une Europe politique, d'une Europe sociale. Le Monde que nous voulons a besoin de l'Europe, d'une Europe forte, d'une Europe solidaire, d'une Europe qui mette sa puissance au service d'un développement équilibré, durable et qui profite à tous.
C'est à vous militants CFDT que je veux m'adresser en conclusion.
Réformistes et européens, déterminés et impatients, nous avons manifesté ensemble à Luxembourg en 1997, nous avons manifesté ensemble à Porto en 2000, nous étions ensemble à Bruxelles en 2001, à Barcelone en 2002.
Nous avons manifesté ensemble :
- pour une Europe du plein emploi,
- pour une Europe sans discrimination,
- pour une Europe de l'égalité et de la tolérance,
- pour une Europe des droits sociaux.
Ensemble avec nos camarades de la CES, nous nous sommes battus pour que les droits fondamentaux de tous les travailleurs européens soient enfin reconnus au plus haut niveau de nos règles collectives.
Ensemble, nous avons obtenu que la charte des droits fondamentaux soit au cur de la constitution européenne.
Ce résultat est le nôtre, ce résultat est le vôtre.
Ne laissons personne le dilapider.
Ensemble aujourd'hui, et demain dans tous les lieux de travail, allons convaincre les salariés, agissons pour que cet acquis social devienne le bien commun de tous les salariés d'Europe.
(Source http://www.c fdt.fr, le 11 avril 2005)