Déclaration de Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, sur l'information et l'éducation en matière de nutrition et de sécurité de l'alimentation, la recherche et l'éducation pour la santé, Paris le 17 octobre 2000.

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Circonstance : Conférence de presse de lancement des Etats généraux de l'alimentation à Paris le 17 octobre 2000

Texte intégral

Mesdames,
Messieurs,
On peut et on doit pouvoir manger des aliments sains, des aliments de qualité, mais on peut et on doit surtout pouvoir bien manger, manger en aimant ce que l'on mange, en ayant plaisir à manger en prenant plaisir à choisir ses produits, à les cuisiner et à les déguster. Si au plaisir s'ajoute un équilibre alimentaire, c'est parfait parce que là on mange aussi pour sa santé.
Améliorer l'information
A l'aube de ce XXIème siècle, pour les pays occidentaux, la nutrition est devenue un facteur déterminant de la santé. Victimes pendant des siècles des pathologies de carence, nous sommes maintenant de plus en plus confrontés à une inadaptation des apports alimentaires aux besoins de nos organismes.
Nous ne mangeons pas toujours de manière adaptée. Nous absorbons trop de sucres (boissons sucrées, confiseries, pâtisseries), pas assez de féculents et de pain, trop de graisses et probablement pas assez de vitamines et minéraux (fer, calcium).
Or ces pratiques alimentaires ont de nombreuses conséquences sur la santé ; je pense en particulier :
-Aux maladies cardiovasculaires (1ère cause de mortalité en France),
-aux cancers (du colon, de l'estomac, ),
-à l'obésité qui concerne 7 à 10 % des adultes mais surtout 10 à 12 % des enfants de 5 à 12 ans (ce qui nous rapproche dangereusement des Etats-Unis),
-je citerai également l'ostéoporose, cette fragilité des os qui touche 10 % des femmes à 50 ans et 40 % à 75 ans,
-enfin le diabète et l'excès de cholestérol.
Excès donc par rapport aux besoins effectifs d'un développement harmonieux mais aussi carences spécifiques qui peuvent toucher certaines fractions de la population et favoriser le développement de maladies .
Je suis convaincue que la plupart de nos concitoyens désirent mieux construire leur alimentation en étant mieux informés ; ces informations doivent être claires, validées et cohérentes pour être comprises et appliquées avec une chance d'atteindre l'objectif poursuivi.
La nutrition, une priorité de santé publique
Voilà pourquoi, nous avons inscrit la nutrition comme une de nos priorités de santé publique. L'alimentation est un facteur sur lequel les possibilités d'intervention existent tant au niveau individuel qu'en terme de santé publique.
Depuis 1998, un important travail a été réalisé. Nous disposons maintenant du rapport du groupe d'experts que nous avions réuni autour du Directeur Général de la Santé et du rapport du Haut Comité de la Santé Publique.
Ces deux rapports servent de base à l'élaboration d'un programme national qui pourra être présenté d'ici quelques semaines. Cette démarche repose sur un important travail interministériel avec les ministères chargés de l'agriculture et de la pêche, de la consommation et de l'éducation nationale. Il s'appuie sur l'expertise des agences comme l'AFSSA, l'AFSSAPS, l'InVS. Il prend en considération les avis du CNA et fait appel aux résultats des recherches menées dans le cadre des organismes de recherche tels l'INRA, l'INSERM, CNRS.
Il s'agit, en particulier, d'améliorer les informations nutritionnelles disponibles, de mettre en place des références en matière de formation et d'éducation alimentaire, de favoriser la recherche et l'éducation pour la santé.
Les problèmes nutritionnels que nous rencontrons en France, les questions que nous nous posons, sont bien sûr identiques dans toute l'Europe. C'est pourquoi, la France a fait du thème de la nutrition, une priorité de santé publique de sa Présidence.
Depuis deux ans, un groupe de 15 experts nommés par chacun des gouvernements de l'Union s'est régulièrement réuni et a préparé un mémorandum sur " Nutrition Humaine et Santé ". Ce mémorandum est maintenant prêt et a permis la préparation d'une résolution sur la nutrition qui sera adoptée au prochain Conseil santé, en décembre.
Par ailleurs, nous avons mobilisé l'ensemble des sociétés de santé publique et les directions générales de la santé des différents pays de l'Union pour que chaque pays établisse un programme national de nutrition. Les résultats seront également présentés en décembre à l'occasion d'un colloque européen sur ce thème organisé par la présidence française.
Je souhaite que pour la France les conclusions des Etats Généraux de l'Alimentation viennent compléter les avis d'experts pour que ce programme puisse réellement répondre aux besoins et aux attentes que nous avons identifiés.
Education pour la santé
Mais au-delà des actions d'information et de formation, nous devons mener une politique volontariste pour modifier, voire corriger les comportements en matière d'alimentation.
Ces comportements sont souvent profondément ancrés. Ce sont des habitudes, des goûts culturels, familiaux, pour le meilleur comme pour le pire. La France est un grand pays d'art culinaire, gastronomique, où bien manger est à la fois un plaisir et une tradition, voire une obligation parfois en décalage avec les besoins physiologiques réels, en rupture avec l'orthodoxie diététique et parfois liée à une sorte de croyance ancestrale ou régionale.
Seule une véritable éducation, se donnant le temps d'expliquer et de convaincre, peut changer des habitudes, bonnes ou mauvaises quand elles sont ancrées et aider à en acquérir de nouvelles pour lutter contre les maladies évitables, pour éviter les conduites à risques : c'est le but que se fixe l'éducation pour la santé.
Je suis convaincue que son rôle doit devenir central dans le domaine des pratiques alimentaires pour aider nos concitoyens à tirer bénéfice de la qualité et de la quantité des produits qui s'offrent à leur consommation de nos jours.
Cette éducation est nécessaire dès l'école, dès l'école maternelle. De nombreuses expériences existent déjà, je pense à la semaine du goût qui se déroule en ce moment, aux actions menées par des responsables de cantines scolaires pour diversifier les repas.
La nourriture fait toujours parler. Ces Etats Généraux doivent donner la parole aux familles, aux enseignants, cela nous permettra de mieux connaître leurs appréciations, leurs avis, leurs besoins, leurs suggestions.
C'est important pour chacun d'entre nous ; c'est important pour tous.
Nous savons bien qu'il y a des inégalités alimentaires comme il y a des inégalités de santé ; et ces deux inégalités sont souvent corrélées.
Depuis 1789, les Etats Généraux organisent la prise de parole démocratique. Il me plaît de penser que les Etat généraux de l'alimentation, dont nous donnons le départ aujourd'hui, poursuivent cet objectif qui vise l'égalité face à la santé et à la sécurité alimentaire par la connaissance et le développement de pratiques nutritionnelles équilibrées dans le plaisir du bien manger.


(source http://www.sante.gouv.fr, le 24 octobre 2000)