Interview de M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire, porte-parole du gouvernement, à "France Info" le 4 mai 2005, sur l'engagement de Jacques Chirac dans la campagne pour le "oui" à la Constitution européenne.

Prononcé le

Média : France Info

Texte intégral

Q- On va revenir à la campagne de J. Chirac pour le "oui". Mais d'abord, cette information qui est ce matin à la une du Figaro : Bruxelles pourrait finalement donner son feu vert pour la fameuse baisse de la TVA dans la restauration. C'est une vieille promesse de J. Chirac, mais enfin, du côté du "non", on va vous dire que la ficelle est un peu grosse. Est-ce que par hasard, l'Europe serait tentée d'acheter les voix pour le "oui" ?
R- Non, je crois d'abord qu'il faut bien savoir de quoi on parle. Il s'agit là d'une proposition de la présidence luxembourgeoise. Cette proposition est évidemment une bonne chose, puisqu'elle va tout à fait dans le sens sur quoi le Gouvernement travaille depuis trois ans avec beaucoup de détermination, à savoir d'obtenir cette baisse de TVA sur la restauration. C'est donc de ce point de vue effectivement une très bonne chose. Cela conforte la position française. Je rappelle d'ailleurs que cette position française est de bon sens, puisque l'idée elle est de baisser le taux de TVA sur la restauration, cela veut dire que sur ce secteur qui est absolument essentiel et qui est très créateur d'emplois, c'est bon pour l'emploi, c'est bon pour le pouvoir d'achat - parce que ça se répercute à la baisse sur les prix - et puis naturellement c'est bon aussi
our les salariés du secteur, dont vous savez qu'ils ont des conditions de
travail qui sont dures.
Q- De "bon sens", mais apparemment ce n'était pas évidemment, parce que c'est un bras de fer qui dure depuis un certain temps. Et là, vraiment, ça tombe à pic !
R- Comme tous les grands chantiers européens sur lesquels on travaille, ça exige beaucoup de discussions, avec les uns et les autres. Il reste à convaincre naturellement l'ensemble de nos amis et partenaires de l'Union européenne, que c'est là évidemment un enjeu économique majeur pour la France, mais je crois aussi pour l'ensemble de l'Europe.
Q- On va revenir sur ce que disait J. Chirac hier soir. Un message qu'il a tenté de faire passer : "Je suis Européen, je vote "non" : c'est impossible !". C'est une phrase qui "raye d'un trait de plume des millions de Français", disait le socialiste J.-M. Mélenchon ce matin sur notre antenne. Est-ce que personne n'a dit au Président que beaucoup de Français risquent de voter "non" simplement pour un vote coup de gueule, pas contre l'Europe, mais contre le Gouvernement ?
R- Justement, c'est l'un des messages essentiels que le président de la République a adressés hier aux Français. Chaque rendez-vous électoral a son contenu et son enjeu. Celui du référendum, et nous le disons les uns et les autres sur tous les tons, dépasse les clivages partisans traditionnels et surtout dépasse les seules questions de politique intérieure. Il faut vraiment que les Français aient à l'esprit que ce rendez-vous européen, quel que soit le parti politique auquel on appartient, vise à choisir si oui ou non, on accepte qu'il y ait ce fameux règlement intérieur, cette Constitution européenne, dont on a absolument besoin pour fonctionner à 25. Et donc il y a quelque part dans le raisonnement du Président un message qui est très simple : si l'on est pour l'Europe, alors effectivement il y a du sens à adopter cette Constitution, puisqu'elle fixe le règlement intérieur dont on a besoin pour fonctionner à 25. Si nous ne l'avons pas, c'est d'abord la France qui sera handicapée. Et chaque français doit l'avoir à l'esprit.
Q- Mais cela dépasse tellement les clivages, qu'on a l'impression d'assister à un gigantesque bazar. Est-ce que les Français ne sont tout simplement pas complètement perdus, en voyant que les gens du "non", ou les gens du "oui" d'ailleurs, sont totalement différents ? On voit des nouvelles lignes politiques se dessiner avec, par exemple hier soir, un meeting qui réunissait à la fois D. Cohn- Bendit et F. Bayrou ensemble. On n'y comprend plus rien !
R- Chacun doit bien le comprendre : la Constitution européenne n'est pas de gauche ou de droite, comme d'ailleurs la constitution de la Vème République n'est pas de gauche ou de droite. La constitution de la Vème République a permis à la France d'être gouvernée aussi bien par des gouvernements de droite que par des gouvernements de gauche. Elle a permis, de la même manière, qu'il y ait des ministres communistes et socialistes, alors qu'on sait que ces deux partis là n'avaient pas voté la constitution en 1958. Donc en réalité ce qui compte, c'est que l'on ait ce règlement intérieur pour faire fonctionner l'Europe. Je voudrais ajouter par rapport à ça un argument, qui me paraît absolument essentiel. Le renforcement des pouvoirs de la France au sein du Conseil européen, le fait que sur l'ensemble des grands sujets, ce soit l'inspiration française que l'on retrouve dans cette Constitution - le volet social dont a parlé le Président, mais pas seulement, aussi tout le volet institutionnel. L'idée qu'on ne peut pas accepter que le destin de son pays, en l'occurrence la France, se fasse soit à Wall Street, soit se défasse à Pékin ? On a besoin de l'Europe pour ça. vous savez, ce sont des messages simples. Et pourquoi cela dépasse-t-il les clivages traditionnels entre la gauche et la droite ? C'est tout simplement parce que le vrai sujet, c'est est-ce qu'on a envie que l'Europe connaisse un coup d'accélérateur avec cette Constitution, ou bien au contraire est-ce qu'on veut que ce soit au détriment de la France ? Pour résumer, cette Constitution n'a que des plus pour la France et les Français, que des avantages...
Q- Dix ans à l'Elysée, l'anniversaire tombe cette semaine, le 7 mai, pour J. Chirac. Hier soir, il avait l'air plutôt content. Mais avec le chômage qui monte, toutes les inquiétudes pour le pouvoir d'achat, autour des délocalisations, l'euro scepticisme aussi, est-ce qu'il n'a pas plutôt des raisons de s'inquiéter pour la suite, jusqu'en 2007 ?
R- Le raisonnement n'est pas celui-là. D'abord, il y a une chose, le président de la République l'a dit lui-même : ce n'est pas un amateur de bilans.
Q- Il ne veut peut-être pas qu'on fasse le bilan ?
Je ne crois pas non. Chacun est tout à fait en situation de pouvoir le faire, ça va de soi, et de rappeler en particulier tout ce qui a été accompli : par exemple le retour du rôle de l'Etat dans sa vocation de protéger les citoyens, de veiller à ce qu'on garantisse les droits et les devoirs des citoyens. Le rappel de quelques valeurs essentielles, la laïcité, dont en a beaucoup parlé, mais aussi la valeur du travail, à travers des mesures absolument essentielles qui ont été prises, pour rappeler que aujourd'hui ce qui fait la force d'une nation, c'est sa capacité à créer, à produire, à inventer, et aussi à partager. C'est-à-dire, et c'est aussi un élément majeur, être capable de proposer un modèle social, où on ne laisse personne sur le bord du chemin, à condition que ce soit dans un esprit de responsabilité, et pas d'assistanat. Tous ces messages-là se diffusent semaines après semaines, mois après mois, sans oublier ces réformes que les autres ne voulaient pas faire avant, et qu'on a fait nous, parce que ça fait partie aussi de l'intérêt général. Je pense aux retraites bien sûr...
Q- L'après-29 mai, J. Chirac n'a pas voulu y répondre directement hier soir : est-ce que J.-P. Raffarin sera toujours Premier ministre ?
R- On ne peut pas d'un côté dire qu'on est dans une campagne référendaire où on dépasse les clivages partisans de la politique intérieure et de la politique politicienne, et de l'autre faire des commentaires sur l'après- 29 mai. Reconnaissez avec moi qu'aujourd'hui, nous sommes les uns et les autres le nez sur le guidon, avec un seul objectif : faire en sorte que chaque Français et chaque Française puisse voter en connaissance de cause, sur ce rendez-vous historique qu'est celui de l'Europe.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 4 mai 2005)