Texte intégral
Q- En plein débat parlementaire sur l'assouplissement des 35 heures, des centaines de milliers de personnes ont manifesté samedi dans toute la France contre la politique sociale du gouvernement Raffarin. Alors maintenant, quelle suite ? Les députés vont poursuivre l'examen du texte sur l'assouplissement des 35 heures aujourd'hui avec le vote prévu normalement demain, et J.-P. Raffarin affirme effectivement que le texte sera maintenu contrairement à ce que demandait entre autres F. Hollande, le premier secrétaire du Parti socialiste, à savoir son retrait. A. Olive, bonjour.
R- Bonjour.
Q- Vous êtes le secrétaire général de l'UNSA, vous avez manifesté avec la plupart des grandes centrales syndicales samedi dans la France, dans toute la France. Justement, ce matin sur Radio France, J.-P. Raffarin, qu'est-ce qu'il dit ? Il dit : le débat au Parlement sur l'assouplissement va se poursuivre selon le calendrier prévu. Je ne méprise pas les manifestations, mais je demande aux leaders syndicaux de ne pas mépriser le Parlement. Alors, A. Olive, vous méprisez le Parlement ou pas ?
R- Je crois que le Premier ministre méprise, lui, les partenaires sociaux et notamment les organisations syndicales. Ecoutez, il y a quelque chose qui est très simple. Dans la loi du 4 mai 2004 sur la négociation collective, il était explicitement indiqué dans l'exposé des motifs que toute modification du droit du travail serait examinée, négociée avec les partenaires sociaux. Or, que fait ce Gouvernement ? Que fait le Premier ministre ? Il y a une proposition de loi sur les 35 heures, qui n'a pas été négociée, qui n'a pas été discutée avec les partenaires sociaux.
Q- Oui, mais dont l'application dépendra justement d'accords de branches ou d'accords d'entreprises.
R- Mais il fallait déjà, monsieur, négocier le principe de cette modification, c'était indiqué dans le texte que nous avons signé, dans la négociation que nous avons eue avec F. Fillon, et ça, on passe ça par pertes et profits. Donc je crois que c'est une faute politique. Ensuite, dire que ce sont les partenaires sociaux, notamment dans les PME, qui vont négocier, quand on sait qu'il n'y a pas d'organisations syndicales dans ces petites et moyennes entreprises, là aussi c'est un mensonge. Donc je crois que tout ça n'est pas très sérieux de la part du Premier ministre.
Q- Alors, A. Olive, est-ce que vraiment les 35 heures étaient au cur partout, de toutes les manifestations dans toute la France ? Parce qu'en fait, on a manifesté à la fois contre la baisse des salaires, contre les réformes Fillon sur l'école et la recherche, contre la réforme des retraites de 2003, contre l'assouplissement du code du travail, contre l'axe Raffarin/Medef, contre également... pour le "non" à la Constitution. Finalement, est-ce que ce n'était pas une sorte d'auberge espagnole et puis finalement chacun est venu manifester quelque part contre quelque chose ?
R- Vous avez raison de dire qu'il n'y avait pas que les 35 heures au cur de ces manifestations. Moi j'y ai vu deux objectifs essentiels : la question des 35 heures et la question du pouvoir d'achat. Je crois que le reste était périphérique et accessoire, mais par contre ce qui était posé dans ces manifestations, effectivement, c'était la question du pouvoir d'achat. Or je crois que le Gouvernement veut régler la question du pouvoir d'achat par les heures supplémentaires et par une modification des 35 heures. Là aussi je crois que c'est une erreur. Quand on observe ce qui se passe dans les entreprises, aujourd'hui les entreprises, et c'est bien, font des profits, ce qui pose question c'est la répartition de ces profits. On s'aperçoit qu'une partie va vers le désendettement, c'est une bonne chose, et que la grande partie va vers les actionnaires. Mais pour les salariés, quasiment rien. Et c'est la question qui est posée aux entreprises aujourd'hui : dans la répartition de la valeur ajoutée, les salariés ne sont pas gagnants et donc la question du pouvoir d'achat effectivement était posée dans les manifestations d'hier.
Q- A. Olive, quelle va être la réplique des syndicats qui finalement se sont retrouvés, c'est une chose assez peu banale, à part la CGC. Est-ce qu'il va y avoir des répliques communes ? Est-ce que vous allez appeler à des arrêts de travail communs au privé, au public ? Est-ce qu'il va y avoir des discussions dans les grandes entreprises dès aujourd'hui, comme l'expliquait B. Thibault ?
R- Je crois que c'est une possibilité. La nécessité aujourd'hui, c'est que l'ensemble des organisations syndicales puisse discuter tranquillement sur les perspectives. Je crois qu'il ne faut pas en rester là. On a vu hier que le secteur privé s'était mobilisé, et qu'il ait dans les entreprises des discussions entre les organisations syndicales pour poursuivre le mouvement.
Q- Est-ce que le privé vraiment s'est mobilisé, j'allais dire même les petites entreprises, les PME ? Parce que quand même, quelques centaines de milliers sur 14 millions de salariés dans le privé.
R- Vous savez que mobiliser le privé est très difficile, on le sait tous. Hier on a assisté non pas à une grande mobilisation du privé, ce n'est pas vrai - vous avez raison de dire que les salariés des PME n'étaient peut-être pas là -, mais on a assisté au début d'une prise de conscience des salariés du privé parce qu'ils sont touchés directement notamment à travers leur pouvoir d'achat.
Q- Un dernier mot, A. Olive. Il y a crise à la CGT autour du référendum sur la Constitution européenne. B. Thibault a été mis en minorité par les tenants du non. A l'UNSA, vous êtes déterminés vers quoi ?
R- Nous avons un congrès à l'UNSA à la mi-mars, du 15 au 19 mars, et je sais que l'UNSA s'est prononcée favorablement au Traité constitutionnel. Ça ne veut pas dire que bien sûr nous nous engageons sur... Nous appelons à voter oui au traité, mais pour nous, nous pensons que ce traité est meilleur que les traités précédents. Je sais qu'il y aura un débat à l'UNSA, il y en a eu un à la CGT, il y en aura un à l'UNSA et c'est une question aujourd'hui qui taraude beaucoup de salariés, c'est-à-dire la nature de l'Europe qu'on est en train de construire.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 9 février 2005)