Texte intégral
Q- Vous présenterez tout à l'heure, en Conseil des ministres, l'état du programme de rénovation urbaine que vous avez lancé il y a un peu plus d'un an. Et hier soir, dans votre ministère, en présence de J.-P. Raffarin, vous avez montré un film de Serge Moati, qui permet de mesurer le travail de rénovation déjà engagé dans certaines cités. Qu'est-ce qui change déjà dans le paysage urbain de la France ?
R- D'abord, la situation. Il y a un peu moins de 400 quartiers, 389, qui nécessitent d'être refaits de fond en comble. C'est-à-dire à la fois les écoles, les crèches, l'espace public, des avenues, des jardins, et plus les logements à l'intérieur, à l'extérieur. Bref, en faire des très beaux quartiers.
Q- Et cela concerne six millions de personnes...
R- Ça concerne six millions de personnes, entre cinq et six millions de personnes. On avait lancé, il y a un peu plus d'un an, ce programme de rénovation urbaine avec les partenaires sociaux, avec les villes, avec les HLM. Tout ça, ce n'est pas l'Etat qui le fait : nous, nous avons mis en place un outil pour que ça puisse se faire.
Q- Beaucoup d'acteurs...
R- Beaucoup d'acteurs. C'est monstrueusement élevé comme chiffre, puisqu'on est à plus de 30 milliards d'euros, mais c'est nécessaire pour en faire les quartiers d'avenir de notre pays. Un an après, pendant deux jours, on va débattre avec les maires, en quoi c'est difficile, [faire de] la concertation, bref tout ça avance. Aujourd'hui, en gros, sur un peu moins de 400, il y en a 100 qui sont "bétonnés" si j'ose dire, garantis sur cinq ans, et où les travaux ont largement démarré, comme à Montereau ou à Stains, ce qui a été montré sur le film. D'ici la fin de
l'année, cela aura démarré dans tous les quartiers.
Q- Dans les 400 quartiers ?
R- Oui, dans les 400 quartiers. 380, à 10 ou 15 près. Qu'est-ce qu'on constate ? En gros, il y a un jour où la masse critique de travaux fait que le sourire revient. L'idée qu'on y croit vraiment, qu'on va vraiment nous changer notre cadre de vie, ça y est, ça passe et ça bascule.
Q- Ces quartiers qui nous font peur, ces quartiers dont on parle avec une mine de dégoût, vont peu à peu changer de physionomie ?
R- Oui. C'est vrai qu'à la fois, on en a peur, et en même temps à l'intérieur, ce sont des quartiers pleins de vie, de chaleur, de bouillonnements. C'est là qu'est la grande partie de la jeunesse de ce pays : 32 % de moins de vingt ans, pour 20 % en moyenne nationale. Il y a une très jolie phrase d'un membre du Comité civil, qui disait hier : "Ce programme, c'est non seulement tendre la main, mais c'est annuler la frontière entre la cité et la ville". Je trouve que c'est une très jolie phrase. Et puis une autre phrase d'un des architectes qui disait hier : "Finalement, en démolissant quelques barres - il fallait les démolir- on sauve toutes les autres. Ces barres qu'on a tant adulées il y a trente ans et qu'on hait trop aujourd'hui". Donc on retrouve une forme d'équilibre. Il faudra un accompagnement social par ailleurs en même temps très fort. Il y a des endroits où c'est difficile, il y a des endroits où la gravité du problème est telle qu'il faut des missions d'appui en complément... Mais enfin la machine est lancée !
Q- C'est un chantier extraordinaire. On a l'impression que tout le monde n'en a pas conscience. Est-ce que ce n'est pas un peu frustrant pour vous parfois ?
R- Non, c'est un peu normal, parce que d'abord c'est des centaines de chantiers, dans des endroits finalement très limités, [...] ce sont des points particuliers. Mes frustrations, c'est plutôt le scepticisme ou l'inquiétude, avant, dans le quartier : Qu'est-ce que je vais devenir, qu'est-ce qu'il va se passer ? Est-ce que ça va aller assez vite ? Ça, oui. Mais finalement, le scepticisme des autres m'est égal.
Q- On voit dans le film de Serge Moati qu'il y a des maires de droite, mais des maires de gauche aussi qui profitent de vos travaux. Par exemple F. Rebsamen, maire socialiste de Dijon, dit : "C'est bien le plan Borloo, il faut y aller". En fait, vous faciliterez peut-être, comme ça, sa réélection, son implantation. Ça ne pose pas des problèmes politiques ?
R- Il y a autant de maires de droite - comme vous dites - que de maires de gauche, qui "bénéficient", si j'ose dire, des problèmes de rénovation urbaine. Je vais vous dire, c'est tellement difficile, ce sont eux qui portent les projets. En réalité, j'ai fait quoi ? Simplement, j'ai construit une agence, avec des financements, et j'ai dit : "Allez les gars, on y va" ! J'ai mis la pression mais maintenant, qui va expliquer dans les cages d'escaliers à Mme Dubois que, voilà on va faire comme ça, on va déménager, on va lui faire neuf mois de travaux. Enfin, je veux dire, qui porte ces dossiers difficiles ? Ce sont les maires. Alors si ceux-là sont réélus, très franchement...
Q- C'est oecuménique comme travail ! Parfois la rénovation urbaine a des conséquences inattendues : on a vu que le maire du Mureaux, notamment, essaie de profiter de ces reclassements de population pour mettre un terme à la polygamie. Quel est votre point de vue là-dessus ?
R- La polygamie n'a pas cours sur le territoire de la République...
Q- Bien sûr, mais c'est une réalité à laquelle parfois les élus sont confrontés...
R- C'est une réalité. Le plus dur, qui est un problème moral pour nous, c'est qu'évidemment il faut mettre un terme à la polygamie, et en même temps, ne pas donner à ce moment-là le prétexte de scandaleuses répudiations, lamentables en termes de responsabilité.
Q- Il faut gérer tout ça avec prudence, c'est fragile ?
R- Il faut gérer tout ça avec doigté, et avec un esprit républicain inébranlable mais avec beaucoup de tendresse.
Q- Vous le dites, ce matin, dans Le Parisien : bientôt des gens pourront acheter pour 100.000 euros un pavillon, c'est vrai ?
R- Non, ce qu'on dit c'est qu'on travaille sur ce programme-là...
Q- C'est un peu tôt encore, pour le dire comme ça ?
R- Je dis précisément qu'on y travaille, rendez-vous dans deux mois. Une espèce de paquet général avec le Crédit Foncier - d'autres financeurs seront là -, une assurance vie, une assurance chômage, le tout sur trente ans. On a un retard en matière d'accession à la propriété en France, avec en gros un Français sur deux. En Espagne, on en est à 90 %. On a déjà mis au point, avec Daubresse, un prêt sans intérêts. Le premier a été signé il y a quatre semaines. Il faut dire aux Français qu'ils peuvent aujourd'hui acquérir sans intérêts. Et puis on essaie d'améliorer encore le score...
Q- La politique est faite de mille choses, mais c'est toujours du logement : c'est celui d'Hervé Gaymard qui est toujours dans l'actualité, ces 600 m2 dans le 8ème arrondissement de Paris, 14.000 euros de loyer mensuel. Et, nous apprend Le Canard Enchaîné aujourd'hui : 150.000 euros d'aménagements. Avez-vous été choqué par cette histoire ?
R- Vous savez, H. Gaymard, pour moi, c'est toujours l'image du Savoyard. Un Savoyard, c'est un montagnard, et un montagnard c'est quelqu'un qui marche pas à pas, doucement, avec prudence. En général, en cordée et en équipe...
Q- Et le Savoyard, c'est le petit chalet au fond de la montagne, et ce n'est pas les 600 m2 dans le 8ème arrondissement...
R- Oui, absolument...
Q- Il a fait une erreur ?
R- En tous les cas, lui doit être terriblement blessé. C'est tout ce que je peux en dire, et que je souhaite en dire. Je suis sûr qu'il est blessé, parce que ce n'est pas l'image qu'il a de lui-même, et en tout cas que moi j'ai de lui !
Q- Vous avez un logement de fonction ?
R- Non, je n'ai pas de logement de fonction... Enfin, exactement, j'en ai un, mais pour tout vous dire, je vis en famille, et j'ai gardé l'appartement que j'avais, maire de Valenciennes.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 février 2005)
R- D'abord, la situation. Il y a un peu moins de 400 quartiers, 389, qui nécessitent d'être refaits de fond en comble. C'est-à-dire à la fois les écoles, les crèches, l'espace public, des avenues, des jardins, et plus les logements à l'intérieur, à l'extérieur. Bref, en faire des très beaux quartiers.
Q- Et cela concerne six millions de personnes...
R- Ça concerne six millions de personnes, entre cinq et six millions de personnes. On avait lancé, il y a un peu plus d'un an, ce programme de rénovation urbaine avec les partenaires sociaux, avec les villes, avec les HLM. Tout ça, ce n'est pas l'Etat qui le fait : nous, nous avons mis en place un outil pour que ça puisse se faire.
Q- Beaucoup d'acteurs...
R- Beaucoup d'acteurs. C'est monstrueusement élevé comme chiffre, puisqu'on est à plus de 30 milliards d'euros, mais c'est nécessaire pour en faire les quartiers d'avenir de notre pays. Un an après, pendant deux jours, on va débattre avec les maires, en quoi c'est difficile, [faire de] la concertation, bref tout ça avance. Aujourd'hui, en gros, sur un peu moins de 400, il y en a 100 qui sont "bétonnés" si j'ose dire, garantis sur cinq ans, et où les travaux ont largement démarré, comme à Montereau ou à Stains, ce qui a été montré sur le film. D'ici la fin de
l'année, cela aura démarré dans tous les quartiers.
Q- Dans les 400 quartiers ?
R- Oui, dans les 400 quartiers. 380, à 10 ou 15 près. Qu'est-ce qu'on constate ? En gros, il y a un jour où la masse critique de travaux fait que le sourire revient. L'idée qu'on y croit vraiment, qu'on va vraiment nous changer notre cadre de vie, ça y est, ça passe et ça bascule.
Q- Ces quartiers qui nous font peur, ces quartiers dont on parle avec une mine de dégoût, vont peu à peu changer de physionomie ?
R- Oui. C'est vrai qu'à la fois, on en a peur, et en même temps à l'intérieur, ce sont des quartiers pleins de vie, de chaleur, de bouillonnements. C'est là qu'est la grande partie de la jeunesse de ce pays : 32 % de moins de vingt ans, pour 20 % en moyenne nationale. Il y a une très jolie phrase d'un membre du Comité civil, qui disait hier : "Ce programme, c'est non seulement tendre la main, mais c'est annuler la frontière entre la cité et la ville". Je trouve que c'est une très jolie phrase. Et puis une autre phrase d'un des architectes qui disait hier : "Finalement, en démolissant quelques barres - il fallait les démolir- on sauve toutes les autres. Ces barres qu'on a tant adulées il y a trente ans et qu'on hait trop aujourd'hui". Donc on retrouve une forme d'équilibre. Il faudra un accompagnement social par ailleurs en même temps très fort. Il y a des endroits où c'est difficile, il y a des endroits où la gravité du problème est telle qu'il faut des missions d'appui en complément... Mais enfin la machine est lancée !
Q- C'est un chantier extraordinaire. On a l'impression que tout le monde n'en a pas conscience. Est-ce que ce n'est pas un peu frustrant pour vous parfois ?
R- Non, c'est un peu normal, parce que d'abord c'est des centaines de chantiers, dans des endroits finalement très limités, [...] ce sont des points particuliers. Mes frustrations, c'est plutôt le scepticisme ou l'inquiétude, avant, dans le quartier : Qu'est-ce que je vais devenir, qu'est-ce qu'il va se passer ? Est-ce que ça va aller assez vite ? Ça, oui. Mais finalement, le scepticisme des autres m'est égal.
Q- On voit dans le film de Serge Moati qu'il y a des maires de droite, mais des maires de gauche aussi qui profitent de vos travaux. Par exemple F. Rebsamen, maire socialiste de Dijon, dit : "C'est bien le plan Borloo, il faut y aller". En fait, vous faciliterez peut-être, comme ça, sa réélection, son implantation. Ça ne pose pas des problèmes politiques ?
R- Il y a autant de maires de droite - comme vous dites - que de maires de gauche, qui "bénéficient", si j'ose dire, des problèmes de rénovation urbaine. Je vais vous dire, c'est tellement difficile, ce sont eux qui portent les projets. En réalité, j'ai fait quoi ? Simplement, j'ai construit une agence, avec des financements, et j'ai dit : "Allez les gars, on y va" ! J'ai mis la pression mais maintenant, qui va expliquer dans les cages d'escaliers à Mme Dubois que, voilà on va faire comme ça, on va déménager, on va lui faire neuf mois de travaux. Enfin, je veux dire, qui porte ces dossiers difficiles ? Ce sont les maires. Alors si ceux-là sont réélus, très franchement...
Q- C'est oecuménique comme travail ! Parfois la rénovation urbaine a des conséquences inattendues : on a vu que le maire du Mureaux, notamment, essaie de profiter de ces reclassements de population pour mettre un terme à la polygamie. Quel est votre point de vue là-dessus ?
R- La polygamie n'a pas cours sur le territoire de la République...
Q- Bien sûr, mais c'est une réalité à laquelle parfois les élus sont confrontés...
R- C'est une réalité. Le plus dur, qui est un problème moral pour nous, c'est qu'évidemment il faut mettre un terme à la polygamie, et en même temps, ne pas donner à ce moment-là le prétexte de scandaleuses répudiations, lamentables en termes de responsabilité.
Q- Il faut gérer tout ça avec prudence, c'est fragile ?
R- Il faut gérer tout ça avec doigté, et avec un esprit républicain inébranlable mais avec beaucoup de tendresse.
Q- Vous le dites, ce matin, dans Le Parisien : bientôt des gens pourront acheter pour 100.000 euros un pavillon, c'est vrai ?
R- Non, ce qu'on dit c'est qu'on travaille sur ce programme-là...
Q- C'est un peu tôt encore, pour le dire comme ça ?
R- Je dis précisément qu'on y travaille, rendez-vous dans deux mois. Une espèce de paquet général avec le Crédit Foncier - d'autres financeurs seront là -, une assurance vie, une assurance chômage, le tout sur trente ans. On a un retard en matière d'accession à la propriété en France, avec en gros un Français sur deux. En Espagne, on en est à 90 %. On a déjà mis au point, avec Daubresse, un prêt sans intérêts. Le premier a été signé il y a quatre semaines. Il faut dire aux Français qu'ils peuvent aujourd'hui acquérir sans intérêts. Et puis on essaie d'améliorer encore le score...
Q- La politique est faite de mille choses, mais c'est toujours du logement : c'est celui d'Hervé Gaymard qui est toujours dans l'actualité, ces 600 m2 dans le 8ème arrondissement de Paris, 14.000 euros de loyer mensuel. Et, nous apprend Le Canard Enchaîné aujourd'hui : 150.000 euros d'aménagements. Avez-vous été choqué par cette histoire ?
R- Vous savez, H. Gaymard, pour moi, c'est toujours l'image du Savoyard. Un Savoyard, c'est un montagnard, et un montagnard c'est quelqu'un qui marche pas à pas, doucement, avec prudence. En général, en cordée et en équipe...
Q- Et le Savoyard, c'est le petit chalet au fond de la montagne, et ce n'est pas les 600 m2 dans le 8ème arrondissement...
R- Oui, absolument...
Q- Il a fait une erreur ?
R- En tous les cas, lui doit être terriblement blessé. C'est tout ce que je peux en dire, et que je souhaite en dire. Je suis sûr qu'il est blessé, parce que ce n'est pas l'image qu'il a de lui-même, et en tout cas que moi j'ai de lui !
Q- Vous avez un logement de fonction ?
R- Non, je n'ai pas de logement de fonction... Enfin, exactement, j'en ai un, mais pour tout vous dire, je vis en famille, et j'ai gardé l'appartement que j'avais, maire de Valenciennes.
(Source : premier-ministre, Service d'information du gouvernement, le 23 février 2005)